
C IN Q GROSSES FERME S.(P rovincesd es)
L a France, dans le fyftême des droits de traites,
reçoit trois divifîons.
L a première eft compofée des provinces des cinq
grojfes fermes.
L a fécondé , des provinces réputées étrangères.
L a troifîeme , des pays & provinces traités comme
pays étrangers.
Les provinces des cinq grojfes fermes, c’eft-à-
dire celles qui, fuivant l’article 3 du titre premier
de l’ordonnance de 178 7 , font comprifes dans
l’étendue du tarif de 1664, à l’ entrée ôc à la
fortie defquelles fe perçoivent les droits qu’il
impofe , font la Normandie , la Picardie , la
Champagne, la Bourgogne, dont il faut aujourd’hui
diftraire le petit pays de G e x , le Bour-
bonnois, le B e r r y , le Poitou , l’Aunis , l’Anjou,
le M aine, ôc toutes celles qui font renfermées
dans le cercle intérieur que forment ces provinces,
comme l’Orléanois , le Nivernois , la Tourraine,
l’ ifle de France ôc autres.
Le Beaujolois a été ajouté aux provinces des
cinq grojfes fermes, par arrêt du confeil du 10
a v r il 17 17 .
L e même article 3 , qu’on vient de c ite r , porte
que les autres provinces du royaume feront réputées
étrangères , en ce qui concerne les droits
d’entrée ôc de fo r tie , jufqu’à ce qu’il en foit autrement
ordonné.
C ’eft ici le lieu d’obferver que cette ordonnance
de 1687 9 préparée par M. de Colb ert,
pour les provinces des cinq grojfes fermes , ne' fut
publiée que quatre ans après fa mort. Ce grand
miniftre, à qui la France devoit des finances mieux
ordonnées ; qui avoit créé fes manufactures ôc
fon commerce, n’étoit plus dès 1683 , ôc cependant
fon génie préfidoit encore à l’adminiftration
des finances. Ainfi l’influence d’un grand homme
fur fon fiècle eft telle , que fes vues, fes idées
deviennent celles de fes contemporains. Tous les
efprits mis en mouvement par l’impulfîon de fon
génie , fe tournent, vers le but qu’il a indiqué, _
& dirigent leur marche fur. les principes qu’ils
puifent dans fes opérations.
Cette dénomination de provinces des cinq grojfes
fermes, étoit adoptée dès 1 798 , parce que les
^droits qui s’y levoient, compofoient alors cinq
fermes particulières.
L a première comprenait les droits de haut
paflage , domaine forain , impofîtion foraine ,, d’abord
affermée par bailliage , enfuite par diocèfe
de par province, ôc en dernier lieu à un feul
adjudicataire.
. Les anciens droits d’entrée fur les drogueries
ÔC épiceries , faifoient une ferme féparée.
L a traite domaniale , après fon établiflement
en 17 77 j ^ut donnée à ferme par un bail particulier.
Les droits d’entrée créés en 1 7 8 1 , fur toutes
les marchandifes , formoient la quatrième ferme.
La cinquième étoit compofée de tous ces droits
dans la ville de Calais , parce qu’après fa réunion
à la France , la perception en avoit été affermée
à un adjudicataire particulier.
En 1798, ces cinq fermes ayant été adjugées
à Brunet , on donna le nom de droits des cinq
grojfes fermes à ceux qui entroient dans fon b a il,
& probablement la qualification de provinces des
cinq grojfes fermes , à celles où fe perce voient les
droits de ces cinq fermes.
Un réglement du 31 mai 1607, en donnant à
la perception des droits de traites une forme
fiable , qui devînt la bafe de l’ordonnance de
1687, confirma cette divifion de provinces des
cinq grojfes fermes , ôc provinces réputées étrangères.
L ’article 13 porte : « Voulons que, comme de
» tout tems , la Bretagne, la Guyenne , le Lan-
» guedoc, la Provence, le Dauphiné , les Trois-
33 Evêchés , le Limofin , l’Auvergne, la Marche,
33 l’Angoumois, le Périgord, le Quercy , le Forez,
33 le Beaujolois, & autres où ne fe lèvent lesdroits
33 des fermes, foient ôc demeurent cenfés comme
33 étrangers, ou que les bureaux y foient établis
33 dans fix mois , pafle lequel tems , tout ce
33 qui fera tranfporté des provinces qui ont reçu
33 les bureaux , ou qui en viendra en icelles ,
33 paiera les fufdits droits d’ entrée ôc ceux de
33 fortie , comme fi les marchandifes ôc denrées
33 alloient en pays étranger ou en venoient. 33 -
On reconnut, en 162.0, que les difpofitions de
cet édit n’avoient pas eu leur entière exécution
ôc qu’ il n’exiftoit aucun bureau dans quelques
provinces frontières, ni du côté du pays étranger,
ni du côté de l’intérieur du royaume ; il fut or donné1,
en 1621 , qu’il en feroit établi de l ’ un des
deux côtés , au choix de la province.
La Bourgogne préféra la liberté de commerce
avec fes concitoyens. On établit des bureaux fur
les frontières de la Franche-Comté , qui appartenait
alors à l’Efpagne.
Le Dauphiné , au contraire , la Saintonge, l’Angoumois
, la Guyenne ôc la Bretagne préférèrent
une barrière fur leurs limites vers le Languedoc ,
le Poitou Ôc la Normandie.
La Provence en laiffa établir de tous côtés
le Languedoc, dont le gouvernement confprenoit
le Q uercy, le Rouergue ÔC le V ivà rais , fut également
féparé des provinces voifines par des bureaux
; mais le Lyonnois conferva des communications
privilégiées avec les cinq grojfes fermes,
Ôc avec le Languedoc ôc la Provence.
Au moyen de cet arrangement , les bureaux
exiftans dans la Normandie , la Picardie , la
Champagne , la Bourgogne, le Bourbonnois , le
Berry , le Poitou , le pays d’Aunis , l’Anjou Ôc
le Maine formèrent une chaîne continue ôc circulaire
; l’enceinte qu’elle renfermoit compofa l’étendue
des cinq grojfes fermes.
f
La déclaration du 20 février 1622 , s’explique
pofitivement fur la condition des autres provinces.
33 Nos fujets, y eft—il d it, de nos pays de Bre-
>3 tagne , Saintonge, Guyenne, Languedoc , Dau-
33 phiné , Metz , T ou l, Verdun ôc Limoges, ont
33 réfufé l’établiflèment des bureaux, à quoi nos
33 prédécefleurs ôc nous n’ayant voulu les con-
33 traindre , efpérant que le tems les ameneroit
33 d’eux-mêmes à defirer ces bureaux , ainfi qu’ont
33 fait les habitans de notre province de Bour-
» gogne, qui , après avoir refufe ledit etablif-
» fement , l’ont eux-mêmes demandé , nous nous
33 fournies contentés d’ordonner que nos droits
33 . d’entrée ôc de fortie feront payés ôc levés fur
» les_^denrées ÔC marchandifes qui entreront ÔC
» fortiront defdites provinces, villes ôc lieux ,
» de même que fi c ’étoit pays étranger. 33
Les provinces des cinq grojfes fermes étoient
alors accablées d’une multitude de droits particuliers
, indépendamment des droits généraux, tels
que ceux de r ê v e , de haut paffage, de domaine
forain, tous percevables à la fortie, fans parler
de ceux d’entrée qui avoient été impofés en 1781,
ôc fucccfiïvement augmentés en 162,1 , 1629 ôc
1632 , au moyen d’une nouvelle évaluation des
marchandifes..
La plus grande partie de ces droits a été fup-
primée par l ’édit du mois de feptembre 1664 , qui
a établi le tarif de cette même année. C ’eft ici
le lieu de les faire connoître on en fera plus à
portée d’apprécier tout ce que M. de Colbert fît
alors pour la profpérité de l ’état, en déchargeant
le commerce des entraves qu’il recevoit de cette
multiplicité de droits, ÔC de reconnoître dans les
faveurs qu’il lui accorda , qu’il le regardoit
comme la véritable fource des finances.
En Normandie, les droits particuliers qui s’y
levoient, confiftoient en cinq fols par muid de
vin , c ré é , en 16$$ , à titre d’odlroi , au profit
de la ville de Rouen, Ôc ces cinq fols étoient
entrés dans le bail des fermes en 1660.
En un écu par tonneau de mer , établi le 23
janvier 1798 , à la requifition des négocians, ôc
dont le produit étoit deftiné à équiper de$ vaif-
feaux qui dévoient protéger le commerce.
En Anjou , les droits qui s’y levoient étoient
de vingt fols par pipe de vin fortant de cette
province pour la Bretagne ; c e lui-c i portoit le
nom d’impofition foraine d’Anjou. Au bureau
d’ingrande, il s’en levoit un autre qui avoit été
créé en 1781 , pour être le v é , fous le nom de
traite domaniale d’Anjou, fur les- vieux drapeaux,
les papiers, les cartes, ôc fur les pruneaux qui
étoient exportés de cette province.
Le trépas de Loire ôc la nouvelle impofîtion,
etoient encore des droits locaux dûs dans l’Anjou.
Comme le premier fubfifte encore, il en fera
queftion à fon rang alphabétique.
Quant au fécond, il avoit été créé par Henri IV ,
en 1 £9$ > pour fu b venir aux dépenfes du fiège
de Rochefort ôc de celyi de Craon. I l ne portoit
que fur les vins qui defeendoient la Lo ire , ôc
ne devoit durer que pendant la guerre ; mais
loin d’être fupprimé à la paix , il fu t , au contraire
, étendu à beaucoup d’autres marchandifes,
par la déclaration du 20 décembre 1799, qui le
rendit perpétuel , fous la dénomination de nouvelle
impofîtion d’Anjou.
Ce dro it%fut modéré dans la première année
du règne de Louis X I I I , par arrêt du confeil
du 16 feptembre 1610 , ôc définitivement éteint
par le tarif de 1664, ainfi qu’un autre droit de
quinze fols par pipe de vin entrant dans la fé -
néchauflee de Saumur, ou en fortant, Ôc dont on
ne connoît l ’origine que par le bail qui en fut
pafle le 27 novembre 16 2 7 , à Simon Prévoit.
La Bourgogne, la Champagne , la Picardie, la
Normandie ôc lés autres provinces étoient également
affùjetties à des droits locaux , les uns
aliénés, les autres réunis à ceux de la ferme.
Tels étoient le droit de maflicault , créé dans
le mois de juin 1638, pour avoir lieu en N o r mandie
, Poitou , pays d’Aunis ôc Anjou ; le fol
pour livre impofé fur la draperie en 1466 ,
ôc renouvellé en 1782 ; le droit de cinq pour
cent fur les étoffes, fur les dentelles de fil ôc pelleteries
étrangères , créé en 1678 ; le droit de
deux fols par livre de tabac, de fix deniers par
livre de cire , accordé à la ville de Rouen en
16 37, ÔC rentré fous la main du roi en 1676 ;
le parifîs, douze Ôc fix deniers pour livre , établis
en differens tems ; enfin, le droit de cinq pour
cent de la valeur des cires , étain , cuivre , favon,
fil de laiton, fil d’archal ôc de fer, du fucre raffiné,
en pain Ôc en poudre , du charbon de terre , du
blanc de plomb , de la cérufe,ôc la toile de coton ;
droits compris dans le bail des fermes fait en 1662
à Jean Bourgoing,ôc qui dévoient avoir lieu dans
toute l’étendue des cinq grojfes fermes , mais qu’ on
ne perçut jamais , parce qu’ils furent compris dans
le tarif de 1664.
Comme tous, les anciens droits fe levoient en
raifon de la valeur des marchandifes, on en avoit
fait une évaluation nouvelle en 1742 , 1781 Ôc
1782. L ’accroiffement annuel du numéraire en
Europe , depuis qu’elle recevoit les tréfors de
l ’Amérique, faifoit naturellement hauffer le prix
des denrées ôc des marchandifes ; on en fit en
1632 une quatrième cftimation , Ôc ce fut la
derniere.
L ’année fuivante amena la création des offices
de contrôleurs-confervateurs des droits des fermes,
avec attribution d’un fol pour livre fur ces droits.
Cette heureufe invention f i t , depuis cette époque,
oublier l’ancienne méthode de renouveller l ’appréciation
des marchandifes , Ôc on en fit l’ eflai
en 1643 , en ajoutant un nouveau fol pour livre ’
à celui qui avoit été accordé dix ans auparavant
P p i j