
» niftre, par un état dans lequel l’argent
» & le papier étoient diftingués.
x Les dix adminiflrateurs firent au greffe
» du :confeil leur foumiffion , par laquelle
x ils s’obligèrent folidairement à l’exécu-
x cution du réfultat, & le miniftre exigea
» de plus qu’ils fiffenc l’avance d’un mil-
x lion par mois , à commencer en juillet.
x Mais le fuccès de cette, adminiftration
x fut fi grand , que les adminiflrateurs
» furent bientôt libérés de cet engage-
» ment.
» Au premier juillet, il reftoit à payer
» du contingent de quinze millions , fix
» millions cinq cents mille livres. Malgré
x la difficulté des tems ., la recette effec-
x tive des impofitions des vingt généra-
.» lités , monta, pendant les fix derniers
» mois de la même année 1716 , à vingt-
x cinq millions fix cents mille livres. »
Ainfi , en fuppofant égale celle des fix
premiers mois, il'enréfultoit que lesxece-
veurs-généraux , fi l’arrangement de 1715
eût eu fon exécution , auroient gagné
vingt-un millions trois cents mille livres
dans une année.
» Si le crédit confifte dans l ’affurance du
» paiement , ajoute l’eftimable écrivain
x que nous venons d’analyfer , voilà de
» ces opérations qui y conduifent fûre-
x ment un Etat, dans quelque délabrement
x que les affaires paroiffent tombées.
.' x Trop de gens étoient intéreffés cepen-
» dant à décrier l ’ordre , pour que cet
x établiffement n’effuyât pas des contra-
x dictions.. En pareil cas , c’eft une chofe
x furprenante que la facilité avec laquelle
x chacun le prête aux plaintes d’autrui,
x & les répète fans en examiner le fonds.
» Le tems diflipe en fuite ces clameurs in-
x confidéréés, Sz l ’on vient à s’étonner
x que la perfeétion même-d’un projet ait
x contribué à le renverfer.
x Parmi les objedions frivoles qui fu-
» rent faites alors contre l’adminiftration
x des recettes générales, nous n’en remar-
x querons qu’une feule , non que fa foli-.
x dité mérite cette diftinâion, mais parce
x que l ’efprit d’intérêt qui lui donna
x nailîance , l’a protégée jufqu’ici. On dit
» que cette adminiftration nuifoit au com-
x merce, en ce qu’elle faifoit fortir l’ar-
x gent des provinces , beaucoup plus tôt
x qu’il n’auroit fait. La réponfe eft bien
x firnple ; il y rentroit plus vite , ce qui
x revient abfolument au même pour la
x circulation. »
Les années fuivantes virent éclore également
des opérations aufli propres à procurer
du fouîagement aux peuples , qu’à
faire refleurir le commerce , & rétablir
l’ordre dans les finances. Le dixième, fur
les fonds & l’induftrie, fut fupprimé, à
commencer en 1718. On-révoqua tous les
privilèges de franc-falé, & d’exenjption de
droits d’aides, en forte que cdr impôts
furent ramenés à leur inftitutionprimitive.
Toutes les penfions furent réduites dans
une proportion'mefurée fur leur quotité,
& celles des princes du fang même ne
furent point épargnées.
Le commerce des illes de l’Amérique
fut affujetti à de nouvelles règles plus favorables
à fes fuccès , & déchargé de plu-
fieurs droits & formalités que l’obfcurité
dclaconfufion des règlemens contribuoient
à aggraver.
Nous touchons à l’époque de cet établiffement
, qui , d’abord produit fous la
forme d’une banque particulière, devint
enfuite en peu d’années une forte de gouffre
qui engloutit à la fois les finances-, le
crédit de l’Etat, & les fortunes de la pj^is
grande partie des fujets. En avril 1717,
il fut ordonné que les billets de la banque
générale pourroient être reçus en paiement
des impofitions, & même échangés
contre l ’or & l’argent qui fe trouveroient
dans les caiffes du roi. Dès-lors elle prit
le titre de banque royale-, & chacun vit
avec plaifir s’élever un édifice qu’on regar-
doit en ce moment, comme le temple de la
confiance & de la profpérité.
11 feroit inutile de fuivre ici le détail de
toutes les opérations de finances , dont cette
banque devint le centre & le mobile. On
trouvera au mot billet de banque, l ’hifi-
torique de tout ce qui fe paffa depuis l’origine
de ce fyltême de crédit, jufqu’à fon
anéantiffement en 1729. Mais nous avons
à le confidérer dans les révolutions qu il.
a opérées, foit à l ’égard des particuliers,
foit à l’égard des finances de l’Etat.
Un très-grand nombre de familles , fans
doute , fut écrafé fous les ruines du;fyf-
tême ; mais un grand nombre d’autres fe
-releva de l’abailfement , en trouvant le
moyen de libérer fes dettes. C’eft principalement
aux^propriétaires des terres qu’il
fut favorable. Les uns profitèrent du haut
prix où elles étoient portées , pour liquider
de gros emprunts, par la vente d’une
petite partie de leurs fonds ; d'autres empruntèrent
à bas intérêt , pour rembour-
fer ce qu’ils dévoient fur le pied de cinq
à fix pour cent, & diminuèrent ainfi leurs
charges.
Plufieurs profitèrent du difcredit des
billets pour les acheter à vil prix & rem-
bourfer leurs créanciers. En général tous
les débiteurs gagnoient ce que perdoient
les créanciers. Mais il fe trouva une perte
qui ne fut au profit de perfonne, fur la ,
baiffe des effets qui avoient circulé Comme
monnoie, & qui avoient été employés 1
dans les rembourfemens.
Quand même on fuppoferoit que la
même, fomme d’argent exiftoit dans l’Etat,
ce qui n’eft pas yraffemblable , il faudroit
toujours convenir que l ’inégalité étoit devenue
plus grande dans la répartition ;
que quantité de familles bien établies, en
état de fecourir la chofe publique , furent
renverfées, fans que leur malheur tournât
au profit d’un nombre égal de familles
enrichies ; que dès-lors la population dut
perdre beaucoup , ainfi que les finances.
' D’un autre côté , les cultivateurs & les
gens de campagne gagnèrent au fyltême
dans les environs des grandes villes , parce
que la.confommation fut très-vive, & que
leurs fermages continuant fur le pied où
ils étoient avant le tourbillon , ils s’acquittèrent
des arrérages de leurs impoli-
tions. Mais ce bénéfice ne fut pas de longue
durée, parce que les non-valeurs qui
fuiyirent la chute du fyltême, le défaut
de circulation & l ’augmentation des imT
pots les replongèrent dans la pauvreté
d’où ils venoient de fortir.
Les manufactures travaillèrent affez vivement
pendant quelque tems, pour répondre
à l’accroiffement de la confommation,
& des demandes de ceux qui réalifoient
en marchandifes ; mais le commerce perdit
confidérablement par le décri des billets
de banque, par l’anéantiffement où le défaut
de circulation le retint-, après leur
aviliffement pendant plufieurs années.
Cependant le luxe qui commença à s’introduire
, foit parmi la noWeffe , qui s’é^
toit libérée de fes dettes, foit parmi les
particuliers enrichis par l ’agiotage, anima
l’induftrie dans quelques branches. L ’im-
poflibilité de garder desefpèces qui avoient
été prohibées par plufieurs arrêts du con-
feil , avoient porté nombre de perfonnes à
les convertir en vaiffelie & en bijoux précieux.
L eur éclat une fois étalé , n’ofa
plus difparoître, & ne fit qu’augmenter
chaque jour. Des agioteurs, fpéculant fur
les apparences d’une fortune éblouiffante ,
afin de la faire réellement, s’étoient montrés
fous le marque d’un fafte opulent,
pour étayer les débris d’un crédit chancelant
, & par une chaîne, fatale d’impoftu-
res , toutes les conditions excitées par le
même intérêt , avoient ufé de la même
reffource. Chacun avoit emprunté les marques
d’un état fupérieur au lien ; & la vanité
de paroître l ’emportoit fur la crainte
de fe ruiner. La première opulence ne con-
noiffoit plus de bornes , & toutes les
claffes aifées vouloient s’en rapprocher.
Ces diverfes caufes donnèrent, il eft vrai ,
de l’émulation .& de l’eflor au génie des
artifans , abattu par une longue-inaétion,
de peut-être eft-ce en cela feul que le fyf-
tême fit quelque bien. Il introduifit aufli
l ’efprit de calcul, d’examen & de difeuf-
fion en affaires d’argent, de change & de
commerce. Mais il eft à préfumer que
tous-ces bons effets-euffent pu . être produits
par un plan d’adminiftration moins
orageux & moins funefte au commerce
comme aux finances.
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