
alliances avec les premières familles de
l ’Erat j engageoient le miniftre à dilîi-
rnuler. Les effets publics créés pour rem-
bourfer des offices & des rentes , étoient
tellement multipliés , qu’ils en étoient
avilis, parce que l’Etat fe trouvoit dans
l ’impuiffance d’y faire honneur.
Les partifans , au lieu de procurer au
foi une partie du bénéfice qu’offroit l’achat
des effets décriés , les lui pafsèrent
en compte, à-peu-près fur le pied de la
conftitution originaire. Pour couvrir ce
manège , ils fe procuroieut des ordonnances
décomptant fur le tréfor royal; &
ils paroiffoîent avoir rempli leurs enga-
gemens, en y remettant les contrats quittancés.
D ’autres plus adroits palfoient les
lembourfemens au roi fur le pied fiétif
où ils les avoient fait, mais ils ohtenoienE
des remifes fi confidérables fur d’autres
traités, que de toutes, manières , l ’Etat
s’obéroit fous leurs ufures ; car on accorda
jufqu’au tiers de la remife, avec
quinze pour cent d’intérêt. Pour rem-
bourfer ces traitans, il falloit de nouveau
créer d’autres rentes & d’autres
charges qui fe mettoient encore eu parti
à une remife confidérable , & fe négo-
cioient dans le public fur le pied du
denier quatre <5c cinq.
En vain tous les droits des. fermes avoient
été augmentés de foixante pour cent,
ou douze fols pour livre, depuis 163 j ■ ;
le produit ert étoit moindre qu’avant
l ’augmentation.
Les tailles, montées, à cinquante - fept
millions quatre cents mille livres , ne
rapportoient pas même autant que lorf-
qu’elles étoient à dix-huit & vingt millions,
comme avant ié zo . Le commerce
furchargé de droits étoit près d’en être
accablé & ruiné. C’efl ce qu’on voit par
les remontrances lies Jix corps des marchands
de Paris t fur le fait de commerce,, faites au. roi
en 1655.
Enfin , fulvant le même écrivain dont
nous venons d’emprunter une partie de
ce tableau , en 1(160 , le peuple payoit
environ quatre-vingt-dix millions d’im- J
pots, & le roi en touchoit à peine trente-
cinq. Le revenu de 1661 & 1662. étoit
confommé d’avance.
Vers le même tems, le défordre s’accrut
au point que prefque toutes les provinces
fe réunirent pour réclamer contre
les extorfions des traitans & contre l’ad-
miniftration des intendans. Le Parlement
demanda qu’on révoquât les intendans ,
& qu’on réformât leur geftion. La cour
réiifla long-tems , mais elle fut obligée
de céder.
M. Fouquet, dernier furintendant des
finances , gouvernoit cette partie fous l'e
cardinal, & trouva le moyen de remettre
au peuple , cette même année , les
arrérages de vingt millions dus fur les
tailles de 1647 à 1656. Ce miniftre, inf-
truit par fon expérience, & par celle de
fon père , des reiïburces que le commerce
fournit aux finances , s’en occupa ef-
fentiellement.
Plufieuts vaiffeaux armés pour fora
compte , fréquentèrent les Antilles , lo
Sénégal , la côte de Guinée, Madagaf-
car, Cayenne & Terre-Neuve; & il eft
probable que e’eft à fon exemple ,■ comme
à fes encouragemens que la France fut
en partie redevable dé: la confervacion de
ces poffefîions qui étoient totalement oubliées
du confeil.
L’année 1660 fut l’époque de- la création
du droit de cinquante fols par chaque
tonneau de mer que contenoient les
navires étrangers, arrivans dans nos. ports.
Ce droit , dont celui que Henri IV avoir
impofé en 1601 (87) , donnoit naturelle*
(87) Les étrangers avoient mis des droits d’ancrage
allez confidérables fur nos vaiffeaux qui
mouiiloient dans leurs ports; âc nous avions tellement
négligé de leur rendre la. pareille , que leurs
navires étoient employés en France préférablement
aux nôtres. Henri , malgré Sully fit malgré'
les oppofitions du Parlement , ordonna habile-
menr, par un éd it, d’ exiger des vaiffeaux étrangers
les mêmes droits auxquels ils avoient aflùjetti
les bâtimens de fes fujets. La rétifiance qu’éprouva
ce bon roi , démontre qu’on étoit encore, lai»
ment l’idée , eft un nouveau bienfait
que le commerce reçut de M. Fouquet
pendant.fon adminiftration.- Ce droit mérité
d’autant mieux d’être remarque ,
qu’il fut le fruit d’une faine politique,
& qu’il eut pour but d’encourager notre
-navigation, en écartant de nos ports les
bâtimens étrangers qui faifoient alors
prefque tout le commerce de province
a province , qu’on appelle cabotage.
■ Indépendamment des défordres produits
par l’excès des impofitions , les abus produits
par la diverfité des droits de perception
, fubfiftoient toujours , & l’augmentation
des fols pour livre, créés en
différens tems , en agravoit encore le
joug fur le commerce.
Ces droits n’étoient pas les mêmes partout.
Les provinces non fujettes aux aides
, étoient moins chargées dans leur
icommerce avec l’étranger , que celles où
les aides avoient cours ; mais auffi elles
11e pou voient commercer . avec ces derniers,
qu’en payant des droits dont celles-
ci étoient exemptes dans leur relation
entre elles.
De ce défaut d’égalité, qui eft un vice
effentiel dans l ’adminiftration d’un Etat,
réfultent plufieurs inconvéniens. Les
moyens de recouvremens doivent être
plus multipliés ; les frais augmentent ; il
s’élève plus fouvent des difficultés entre
le négociant & le prépofé à la levée des
droits , & dès - lors l’obfcurité .& l’incertitude
s’introduifent dans la perception.
C’eft là malheureufement le tableau de
ce qui eft arrivé dans les droits dédouané
ou de traites, de même que dans ceux
des aides. Des befoins fans celfe renaif-
fans fe faifoient fentir. Le moment pref-
foit. On créoit un droit pour y fubvenir.
Une province propofoit un arrangement
pour s’en affranchir. Il étoit accepté, &
d’avoir des principes bien réfléchis à l ’égard du
commerce. Recherches & considérations fur Les
finances.
e’étoit un moyen de fe procurer promptement
des fonds que les conjonétures
rendirent indifpenfables.
Mais il s’enfuivoit qu’une partie du
royaume fupportoit des charges donc
l ’autre partie étoit exempte, ou quelle
n’étoit pas du moins afiujettie dans la
proportion d’égalité qu’un bon gouvernement
doit maintenir entre tous les
citoyens. De-là, plus d’union entre les
fujets d’un-même prince; plus d’unité
dans les formes de leur adminiftration.'
La France étoit un corps monftrueux,
dont chaque membre avoit fes difformités.
Ainfi un même Etat fembloit eompofé
de plufieurs Etats étrangers les uns aux
autres ; chacun s’ifolant dans fes jûuifi
fances particulières , ne vouloir en rien
s’en relâcher , pour concourir au point
d’uniformité qu’exigeoit le bonheur gé--
Ujéral.
Telle étoit la fituation de la plupart de
nos provinces , lorfque Colbert fut ap-
pellé au gouvernement des finances én
16S1 (S8). Son premier foin fut de venir
au fecours du commerce , qui languif-
foit fous l’oppfeflïon des droits. U défi
cendit dans les détails de leur multitude,
de leur variété, de leur produit,
' & de leurs effets. Il prit une connoifîànce
fûre des avantages de leur fupprelfion ,
auprès des négocians les plus confidérables
& les plus éclairés. Rien ne lui
parut petit, parce qu’il étoit grand. Ses
vues fublimes &. bienfaifantes l’ont déve-
(88) On ne peut rien ajouter au magnifique
éloge I qui a été fait de ce miniftre en 17 7 $ , Sc
auquel l’académie françoife a juftemenr décerné
la' palme de l’éloquence. II feroit impoffible da
développer avec plus de fagacité le génie & les
motifs qui ont en tout rems dirigé M . de C o lbert.
Une tâche auffi difficile ne pouvoit être
plus heureufement remplie que par un écrivain
eftimable , qui , par la profondeur dé fes vues,
étoit déjà homme d’E ta t, & que tous les bons
citoyens ont vu avec tranfport remplir la même
place que le miniftre dont il avoit fi bien loué
les opérations. Voye% l’article CONTRÔLEUR*«
ÇÉNÉRAL ORS FINANCES.
M