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» Les familles , foit des condamnés foie des
» accufés , fe réunirent pour adreffer des fuppli-
» cations.au roi ; quoiqu’appuyés de l’alliance de
» tout ce qu’il y avoit de plus diftingué a la cour ,
33 elles eurent peine à les faire agréer.
33 Les parens de ces financiers repréfentèrent
33 que la peine dey oit être perfonnelle, que ce-
33 pendant la honte attachée aux formes de prô-
33 céder par emprifonnemens & par punitions
33 corporelles, s’étendoit fur des ' perfonnes iiti-
33 lement employées dans des charges civiles ôc
33 militaires , ôc qui n’avoient d’autre crime que
33 d’avoir cherché à agrandir leur fortune par
>» des alliances avec des gens d’un état que le
33 roi avoit comblé de diftinétions.
33 Les financiers de leur côté remontrèrent qu’ oii
33 s’étoit contenté jufqu’aiors de les taxer , hors les
33 cas où il y avoit quelque crime de fauflete com-
33 mife j comme fi de grands biens acquis par des
33 vexations, pâr l’extenfion d’une loi fifcale , par
33 des réticencés combinées , Ôc enfin par toute
33 forte de voies également o'ppofées à la raifon
33 & à l ’humanité, ne rendoient pas leur poffef-
33 feur criminel envers la fociété ; & comme fi
» dès-lors l ’intérêt public n’exigeoit pas que
33 des gens , coupables de ces abus, fullént fu-
33 jets aux peines les plus graves, en mênie-
33 tems les plus propres à faire un exemple im-
33 pofant.
Le roi, touché de la défolation de tant de familles,
révoqua la chambre de jufiiee , ôc accorda
aux financiers une abolition très-déraillée, à la
charge que, dans les comptes qui feroient rendus
pour l ’année 1624 , il ne leur feroit alloué aucune
fomme qui ne fe trouvât fur l’état figné de
la main de fa majefté , de façon qu’il ne pût
être leur redevable, 8c à condition en outre qu’ils
payeroient les taxes qui feroient reparties fur
eux par le confeil.
Sa majefté déclaroit en même-tems que de dix en
dix ans il feroit créé une pareille chambre de juf-
tïce. Cette déclaration fut vérifiée à la cour des
aides, fans approbation cependant de la dernière
claufe.
33 Le produit des taxes fut de dix millions huit
3> cents milleJivres. Le confeil les avoit fixées;
33 au lieu que fous M. de Sully on avoit laiffé les
33 plus gros financiers en faire la répartition ;
33 moyennant quoi, les plus foibles ôc les moins
33 coupables avoient payé pour les riches. Cette
33 répartition ne paftà point pour être propor-
33 tionnelle, ôc les gens de la cour s’y enrichi-
3» rent plus que le roi.
On ne voit plus de chambre de juflice que fous
le miniftere de M. Colbert ; mais on trouve
néanmoins que le miniftre des finances en exer-
ço it de tems en tems la jurifdiélion , en taxant
les financiers de fon autorité", ôc d’après les con-
noiflances qu’il avoit de leur fortune, ainfî que
des moyens dont ils l ’avoient acquife.
M. Emery, furintendant des finances, en retira
plufîeurs contributions en 1645* , fous la
minorité de Louis X IV , ÔC M. le maréchal
de la Meilleraye fuivit cet exemple en .1648.
Le cardinal Mazarin qui tenoit alors les rênes du
gouvernement, alla même plus loin, en exécutant
les -confeils qui lui furent donnés , de révoquer
les affignations données aux financiers qui avoient
avancé de l’argent au roi , attendu , difoit-on ,
que c étoit prefque tous dés gens de rien, ou trop
riches. Comme fi jamais ces deux circonftances
avoient pu être des titres pour libérer un débiteur
envers un créancier légitime : les befoins
preliaient ; on ne prenoit pas le tems de rai-
l'onner, & on ne gagnoit rien à être jufte.
L a plupart des financiers firent banqueroute
en conféquence de celle qu’ils éprouvoient de
la part du roi , 8c les riches, particuliers dont
ils avoient emprunté les fonds payèrent ainfî ,
fans profit pour l’é ta t , la plus forte taxe qui
eut encore été impofée fur eux.
La mort du cardinal Mazarin ayant placé Colbert
à la tête de l’adminiftration des. finances ,
fon avènement au miniftere fut fignalé par une
chambre ae jufiiee. L ’eftimable écrivain à qui nous
devons, un des meilleurs ouvrages qui ait été fait
fur les finances, nous explique ainfî les raifons
de cet établiffement, cornez, page édit, in-12.
ÔC y joint fes obfervations.
33 Après avoir procuré un grand foulagement
33 aux peuples, par une diminution fur les tailles,
33 le grand ouvrage était de liquider les dettes
33 dont l’état étoit obéré. La plus grande partie
33 étoit contractée frauduleufement , ôc les gens
>3 d’affaires enrichis extraordinairement par les
» gains ufuraires que l ’état leur avoit accordés
33 fur les divers traités, ne laiffoient pas de ré»
33 péter des fommes immenfes à la faveur des
33 doubles emplois, ôc de la confufion des compas
tes , des intérêts de l ’intérê t, des remboursa
femens fuppofés , enfin des avances faites au
33 roi de fes propres fonds.
' 33 II y avoit deux opérations à faire ; l ’une
33 d’apurer les comptes , de retrancher les de-
33 mandes fuperftues , ôc de faire rentrer même
33 ce qui avoit été payé abufivemeot ; l’autre de
33 punir les malverfations ôc les concufîïons aux-
33 quelles la confufion des affaires avoit donné
33 naifîance.
33 Soit qu’il parût plus jufte d’ y procéder avec
33 des formalités , foit que l’on voulût confoler
33 le peuple dans fa mifere, en féviffant contre
33 ceux qui l’y avoient réduit ; il fut réfolu de
33 remettre ce *double travail à une chambre de
33- jufiiee , en 1661. 33 On conviendra fans peine que toute recher-
33 che eft odieufe, que les moyens violens font tou-
33 jours fâcheux à employer ; mais enfin il faut pou-
33 voir s’en difpenfer. Lorfque les dettes d un état,.
33 comme celles des particuliers, font montées
33 à leur dernier période , c’eft une loi forcée
33 que .de compofer avec les créanciers ; un état
33 n’arrive jamais à ce comble de défaftre que
33 par les ufures des traitans. Ge font eux ordi-
33 nairement qui fe trouvent chargés des créan-
» ces les plus fortes comme les plus preffées. 3» Dans ces circonftances malheureufes, feroit-il
33 jufte de les traiter comme le peuple innocent,
33 ôc le prince a - t - il moins de privilèges que
» les fimples citoyens , auxquels il eft permis
33 de fe pourvoir contre la dureté des conditions
33 qui leur ont été impofées dans leurs néceffité^
39 prenantes ? Beaucoup diront que l’état, pour
p?; foutenir fon créd it, ne doit donner aucune
» atteinte à fes conventions.
33 La maxime eft vraie en foi ôc à l’égard
3» d’ un traité particulier ; mais ici l’application
33 eft fauffe. Il s’ agit d’ un crédit perdu par la
33 multiplicité des engagemens ruineux, ou par
33 les gains exceffifs d’un petit nombre de parti-
3» culiers dans le maniement des revenus publics.
» Si ceux qui gouvernent fermoient l ’oreille
33 aux importunités ôc à la faveur , la queftion
33 feroit bientôt terminée. En effet, ce n’a ja -
33 mais été que d’après cette réfolution qu’on eut
33 recours aux chambres de jufiiee, ôc l’expérience
33 eft bien plus contre elles que la raifon.
33 Pendant que cette chambre , occupée de la
33 double opération qui a été expofée, travail-
» loit à faire rentrer dans les coffres du roi ce
33 qui en étoit forti mal-à-propos ; M. C ol-
33 bert préparoit les moyens d’y faire entrer fu-
33 rement les revenus.
33 En 1 <56$ , la chambre de jufiiee avoit coin-
33 mencé à liquider plufieurs parties des engage-
» mens de l’état ôc de fes aliénations. En con-
3) Jféquence de fes arrêts, toutes les rentes créées
33 depuis 16$6 furent fupprimées, fauf à pourvoir
39 au rembourfement de ceux qui les avoient ache- '
33 téês de bonne foi , en argent, fur le pied de
33 l ’acquifition portée par le contrat ce. Ces rentes
montoient à huit millions deux cenrs quarante
mille livres ; prefque toutes étoient entre les
mains des gens d’affaire -, ôc le rembourfement
de e'e qui avoit été négocié n’étoit pas onéreux,
puifque le cours de ces années étoit le denier
deux ÔC trois pour les financiers.
A mefure que la chambre de jufiiee avançoit
dans la vérification des malverfations commifes
au fujet des traités faits avec le roi ; on prenoit
de nouvelles précautions, foit pour éteindre les
fauffes dettes, foit pour faire rentrer les fommes
détournées.
Il avoit été ordonné, en i<5y z , à tous lès particuliers
qui , depuis 1630 jufqu’aiors , avoient
reçu quelque rembourfement de rentes d’offices
Ôc d’aliénations, autre que fur les onze millions
de rentes créées en 1634, de rapporter leurs
titres, Ôc de payer un fupplément d’un feptieme
avec les deux fols pour liv re , pour les rembourfemens
ÔC rachats faits au denier quatorze, ôc le tiers
avec les deux fols pour liv r e , fur tous les rem»
bourfemens faits au denier dix-huit.
Les rentesfurprifes créées, fans enregiftrement,
furent auffi annullées en 1664, les porteurs condamnés
à payer deux mille livres par chaque
mille livres de capital. La même peine étoit ordonnée
contre les traitans, qui s’étoient obligés
d’amortir des rentes ou aliénations au profit du
r o i , ôc qui s’en étoient fait décharger pour des
fommes modiques, ou dédommager par des ordonnances
de comptant. Cette chambre de jufiiee
n’eut que trois années d’exiftence, ôc coûta près
de quinze millions.
Il n’eft plus queftion de chambre de jufiiee, depuis
1 66$ jufqu’en 17 16 . Mais le confeil en exerça,
la jurifdiétion en 1701 , en taxant les gens d’a ffaires
ôc financiers qui avoient fait des traite*
extraordinaires, depuis 1689 > à vingt - quatre
millions.
» Les traitans, ( dit le fameux L aw , ) dans
3» le mémoire qu’il piréfenta, en 1 7 1 7 , à M. le
33 régent fur Y état des finances y furent taxés , en
39 1701 , environ à la moitié de ce qu’ils avoient
33 gagné ; pour fixer cette moitié, on fuivit les
33 réfultats qu’ils avoient fignés au confeil.
33 On trouva que tous les traités faits pendant
, 33 la précédente guerre avoient rapporté trois
33 cents cinquante millions fix cents yingt-fept
33 mille neuf cents quatre-vingt-onze livre s , dont
33 deux cents quatre-vingt-feize millions pour le
3i r o i , Ôc le fixieme en dedans , qui faifoit la
33 partie des traitans, avoit confumé l’excédent,
33 le furplus en dehors .ne leur ayant point été
33 imputé.
33 Les vingt-quatre millions, auxquels ils fusa
rent taxés , faifoient à-peu-près la moitié de
33 ce qui leur avoit été accordé , ôc i l ne
33 leur devoit par conféquent refter à tous en-
33 femble qu’une pareille fomme de vingt-quatre
>3 millions , en fuppofant même qu’ils n’euftent
33 rien donné , dépenfé , ni diflîpé.
33 II parut évidemment aux yeux du public
qu’il leur reftoit à tous enfemble, après leur
33 taxe payée, dès richeffes infinement plus con-
33 fidérables.
3* On efiime en effet que leurs bénéfices furent
33 de cent fepe millions cinq cents treize mille.
>3 huit cents foixante-une livres. Voyez Le tome
■ n I V des Recherchesfur Us finances, page 182.
V o ic i comment M . de Forbonnais rapporte l ’origine
de la chambre de jufiiee, en 1 7 1 6 , Recherches d>
Considérations fur Les finances, t. 2 85* éd. in- 12
33 Les gens d’affaires comprirent, à l ’indiffé-
» rence dont on ufoit envers e u x , qu’en fuiyant
33 l’origine des divers effets préfentés au vifa
39 on voulait difeuter les titres des propriétés *
33 ôc peut-être partager fur les effets négociés le
33 bénéfice de l’agiotage.
» L ’argent du royaume étoit en grande parti«