
tics dont l ’ouvrage d’une grande route eft
corapofe, ainfi qu’on le pratique depuis long-tems
lu t k route de Tours au Château-du-Loir : on
Y ~?nne fucceiiîvement des ordonnances pour les
folies , pour les déblais, pour les remblais,-pour
le. tirage de la pierre , pour fa voiture, ôc enfin
pour le tirage & l’emploi du jard. Ou je me
trompe , ou quand on multiplie ainfi aux yeux
des peuples que l ’on fait travailler, fans falaire, tous
les différens objets de la corvée , on-doit encore
par-là la leur rendre plus à charge ôc plus-insupportable.
Et comment ne. leur feroit-elle pas
à charge , puifque pour ceux mêmes qui les con-
duifent, ces détails ne peuvent être que pénibles
& laborieux ? ces ordonnances mènent néceffai-
rement à un détail infini ; elles deviennent une
pépinière immenfe d’états , de rôles , ôc de bien
d autres ordonnances qui en réfultent. Autant
d ordonnances , autant enfuite de diverfes branches
de réfraétaires qui pullulent de jour en jour.
Une ordonnance pour cent toifes de pierre, n’en
produit que quatre - vingt ; une ordonnance pour
deux cents toifes de fofîes, n’en produit que cent
foixante , autant il en arrivé pour les déblais
& pour les remblais : on eft enfuite obligé de
recourir à des fupplémens & à de -nouvelles im-
pofîtions qu’il faut encore faire ôc répartir fur
le général : & tout ceci eft inévitable, non-feulement
parce qu’il y a autant de petites fraudes
qu’il y a de particuliers ôc de différens objets
dans leurs tâches , mais encore parce que cette
méthode ne pouvant manquer d’entraîner des
longueurs , & demandant un nombre d’années
confîdérable pour une entière exécution , il y a
lans ceffè des abfens dans les communautés ; il y
arr ive un grand nombre de morts, & il fe fait
de nouveaux privilégiés & des infolvables.
D e l’expérience de tant d’inconvénieiis, il en'
réfulte, ce me fembîe, que les ordonnances pour
les corvées doivent fe borner à demander des jours,
& que l’emploi de ces jours doit être laide à la
direction des infpeéleurs qui conduifent les ouvrages
, pour qu’ils les appliquent fuivant le
tems ôc le lieu qui varient fuivant le progrès
des travaux. Si les détachemens font au nombre
de cinquante , il ne faut le premier jour de la
femaine*, qu’une demi-matinée au plus, pour leur
donner à chacun une tâche convenable. Les appels
fe font par brigade le foir ôc le matin ; on commence
à cinq heures le matin , on finit à fept i le foir ; l ’heure des repas ôc du repos eft réglée
comme fur les ouvrages à prix d’argent. Dans
tout ce qui peut intervenir chaque jour ôc chaque
ïnftant, l ’infpeéteur né doit vifer qu’au grand
dans le d é ta il, Ôc éviter toutes les Janguiffantes
minuties. Sa principale attention e ft, comme j ’ai
d i t , de mettre ôc de maintenir l ’harmonie dans
tou’s les mouvemens de ces bras réunis.
Les différens condudeurs dont il fe fe r t , peuvent
eux-mêmes y devenir irès-iatelligen$ \ ees
ouvrages feuls font capables d’en former d’exceï«*
lens pour la conduite de; travaux de moindre
importance»'Il n’en eft pas de même. des . corvées
tariféesy les conducteurs qu’on y trouve , n’ont
pas même l’idée d’un ouvrage public ; ils ne font
que marcher du matin au foir ; ils courent quatre
lieues pour enregiftrer une demi-toife de pierre,
qui fera, peut-être volée le lendemain comme il
arrive fouvent, ÔC ils font enfuite deux ou' trois
autres lieues pour trois ou quatre toifes de foffés
ou quelques quarts de remblais ; ils font devenus
excellens piétons ôc grands marcheurs , mais ils
feroient incapables , quoiqu’ils foient employés
depuis bien du tems, de conduire un atelier de
vingt hommes réunis, ÔC de leur tracer de l’ouvrage.
La fimpliciré de l’autre méthode n’a pas befoin
d’être plus développée, quant à préfent, pour
être conçue ; paffons à la maniéré d’adminiftrer
la police fur les corvoyeurs de ces.grands ateliers
, pour les contraindre quand ils refufent
de venir fur les travaux, pour les maintenir dans
le bon ordre quand ils y font , ôc pour punir
les querelleurs, les déferteurs , ôcc.
C ’eft une queftion qui a fouvent été difeutée ,
fi cette police devoit être exercée par les inf-
peéïeurs , ou fi l’autorité publique devoit toujours
s’en réferver le foin. Pour définir ôc limiter l’étendue
de leur reffort, il paroît que c’eft la
nature même de la chofe fur laquelle réfîde la
portion d’autorité qui leur eft confiée, qui en doit
déterminer ôc régler l’étendue ; ainfi on n’a qu’à
appliquer ce principe à la police particuliere que
les corvées demandent, pour favoir jufqu’à quel
point l’autorité publique doit en prendre elle-
même le détail , ôc où elle peut enfuite s’en
rapporter aux infpeéteurs qu’elle a cru capables
de les conduire, ôc qu’elle n’a cHoifî qu’à cette
fin.
Les travailleurs dont on fe fert dans les travaux
publics, font ou volontaires ou forcés ; s’ils font
volontaires, comme dans les travaux à prix d’argent
, le foin de leur conduite femble devoir appartenir
à ceux qui préfident directement fur l ’ouvrage
; ces travailleurs font venus , de gré , fe
ranger fous leur police Ôc fous leurs ordres, ôc
ceux qui les commandent connoiffent feuls parfaitement
la nature ôc la conféquence des défordres
qui peuvent y arriver.
S’ils font forcés , comme dans les corvées , alors
il eft très-fenfible que l ’autorité publique , qui
veille fur les peuples où les travailleurs forcés font
pris , doit entrer néceffàirement pour cette partie
qui intéreffe tout l’éta t, dans le détail du fervice
des corvées. C ’eft parce que ces travailleurs fonc
peuples, qu’il ne doit y avoir que les intendances
ôc les fubdélégations qui puiflent décider du choix
des paroiffes, en régler la quantité, étendre ou
modérer la durée de l’ouvrage , Ôc eu donner le
premier fignal ; il n’y a que dans ces bureaux où ■
l ’on foit parfaitement inftruit de la bonté ou de
la mifere du tems;, des facultés des communautés ,
ôc des vues générales de l ’état. Mais lorfque ces
peuples font enfuite; devenus travailleurs , par le
choix de la puiffance p u b liq u e ils , deviennent en
même tems , -ôc par cette même raifon , fournis a
l’autorité particulière qui préfide fur le travail ;
il conviendra donc que pendant tout le tems qui
aura été défigné , ils foient directement -alors tous
la police des' ingénieurs Ôc des infpe&eurs , fur
qui roule particulièrement le détail de 1 puvrage ,
qui doivent faire l’emploi convenable , fuivant le
rems ôc fuivant de tous, les. bras qu’on ne
leur donne que parce que leur talent ôc leur état
eft d’en régler, l’ufage ôc tous les mouvemens.
Par la nature de la chofe même, il paroîtroit
ainfi décidé que les corvoyeurs , comme peuples,
feroient appelles ôc rappellés des travaux, pàr le
canal direét de l’autorité fupérieure , ôc qu’en qualité
de travailleurs, ils feront enfuite fous la police
des ingénieurs ôc infpeéieurs ; que ce doivent être
ces derniers qui donneront à chacun fa p art, fa
tâche ôc fa portion , de la façon que la difpofition
Ôc la nature de l’ouvrage indiqueront être néçef-
faires polir le bien commun de l’ouvrage ÔC de
l ’aiivrier ; que ce feront eux qui feront yenir les
abfens , qui puniront les réfraâaires , les paref-
feux , les querelleurs, ôcc. ôc qui exerceront une
police réglée ôc journalière, fur tous ceux qui
leur auront été confiés comme travailleurs. Eux
feuls, en effet, peuvent Connoître la nature ôc la
conféquence des délits , eux feuls peuvent donc
rendre , à tous , la juftice convenable & néceflaire.
Bien entendu néanmoins, que ces infpeâeurs feront
indifpenfablement tenus, vis-à-vis de l’autorité
publique , (qui ne peut perdre de vue les travailleurs,
parce qu’ils font peuples , ) à lui rendre
un compte fidele ôc fréquent de tout ce qui fe
paffe parmi les travailleurs, ainfi que du progrès
de l’ouvrage.
Ce qui m’ a prefque toujours porté, dit l’auteur,
à regarder ces maximes comme les meilleures , ce
b ’eft pas uniquement parce qu’elles font tirées de
la nature des chofes , c’ eft auiïi parce que j ’en ai
toujours vu Inapplication heureufe , & que je n’ai
reconnu que des inconvéniens fort à charge aux
peuples, ôc très-contraires aux ouvrages , quand
on s’eft écarté de ce genre de police.
Comment, en effet, les bureaux d’une intendance,
ou un fubdélégué dans fon cabinet, peuvent-
ils pourvoir au bon ordre des travaux dont ils
font toujours éloignés ? Les délits qui s’y commettent
font des délits de chaque jo u r , qu’il, faut
punir chaque jour ; ce font des délits de chaque
inftant, qu’il faut réprimer à chaque inftant ; l’impunité
d’une feule journée fait en peu de tems,
d un ouvrage public, une folitude, ainfi qu’il eft
A rriv é, fur la route de Tours, au Château-du-
L o i r , à caufe de la police compofée .ôc nécefiai-
rement languiflante , qui y a toujours été exercée :
on y, punit à la vérité , mais c’eft par crife ÔC par
accès ; il n’y a point une police journalière ; ôc
elle ne peut y être-, parce qu’i l faut recourir ,
fuivant la position des éle(fiions*, à des autorités
difperfées. Les fubdélégués ou autres perfonnes
fur qui l’autorité fupérieure fe décharge de ce
fo in , trouvent fouvent , dans la( bonté de leur
coeur, des raifons ôc des moyens d’éluder ou de
fufpendre les, atfles d’une police qui ne doit jamais
être interrompue. On penfe même qu’une police
eft rigoureufe , lorfqu’elle n’eft cependant
qu’ exaéle.; elle ne devient véritablement rigou-
r.eiife, que par faute d’exaélitude dans fon exercice
journalier, Quand on a une fois imprimé
l’efprit de fubordination ôc de difeipline , lo r l-
qu’on a réglé , dès le commencement, la régie des
travaux publics, comme le font les convois militaires
ôc les pionniers dans les armées, les grands
exemples de - févérité n’ont prefque plus lieu ,
parce qu’il ne fe trouve que point, ou peu de ré -
fraéiaires. J’ai bien plus fouvent fait mettre, fur
mes travaux, des corvoyeurs en prifon,parce qu’ils
étoient venus tard, ou qu’ils s’étoienc retirés le
foir avant l’heure, que parce qu’ils n’étoient point
venus du tout. C ’eft un des plus grands avantages
de la méthode que je propofe , ôc qui lui
eft unique , d’être ainfi peu fujette aux réfractaires,
parce que le brigadier de chaque détachement
apportant au commencement de la femaine
le rôle de fa brigade arrêté par le fyndic, il ne
peut s’abfenter un fcul homme, qui ne fo i t , en
arrivant, dénoncé par tous les autres ; ce qui
ne peut jamais : arriver dans la corvée divifée ,
parce que chacun travaillant féparément l’un de
l’autre , ôc ayant des tâchés diftinéles, l’intérêt
commun en eft ôté , ôc qu’i l importe peu à chaque
corvoyeur en particulier, que les autres travaillent
ou ne travaillent pas : on peut, juger par cela
feul , combien il eft effentiel de ne jamais déchirer
les travaux publics.
Il n’ eft pas étonnant, au refte, que des bureau»
aient rarement réuffî , quand ils ont été chargés
du détail de cette police ; le fervice des travaux
publics demande une expérience particulière ,
que les perfonnes qui compofent ces bureaux n’ont
point été à portée d’acquérir , parce qu’elles n’ ont
jamais vu de près le détail ôc la nature de ces
Ouvrages. I l faut, pour les conduire, un art qui
leur eft propre, auquel il eft difficile que l’efprit
ôc le génie même puiffe fuppléer, puifqu’il ne
s’acquiert que fur le lieu , par la pratique ôc par
l’expérience.
J’ai eu pardevers moi pluficurs exemples des
finguliers écarts où l’on a donné dans ces bureaux
, quand on y a voulu , la plume à la main ,
Ôc le coeur plein de fentimens équitables, régler
les punitions ôc les frais de garnifon que l ’on
aypit envoyée dans les paroiffes. On y demande,