
1663 , le roi ayant rembourfé les deux charges
de controleurs-généraux qui fubfîfloient alors, pour
laiffer M.~ Colbert feul 5c par Commiffion , il
joignit à. ce titre une place de confeiller au con-
feil royal des finances.
L e controleur-général eft , comme on voit par
ces détails , ce qu’étoient 9 f du tems de la république
Romaine- & ' fous les empereurs, les quef-
teurs , le$ préfets, les comtes du tréfor. Il rient
auffi la place des fouverains des tréforiers, des
généraux 5c furintendans , qui ont eu autrefois
en France la direction générale. Il réunit en fa
perfonne leurs fondions ÔC celles de leurs con-
trôleurs.
Il feroit fuperflu de palier en revue tous les
fuccelfeurs de M. Colbert , au titre de contrôleur
général des finances. C ’ell à l ’hiftoire à donner
cette chronologie ; mais nous devons remarquer
qu’en 1 7 6 1 , fous M. de Chamillard, i l fut
créé deux diredeurs-généraux des finances , avec
le droit d’entrer 5c de rapporter au confeil
r o y a l, 5c néanmoins fubordonnés au contrôleur-
général , auquel ils étoient obligés de rendre préalablement
compte des affaires.
Un de ces diredeurs généraux relia feul chargé
de l ’adminillration des finances , depuis 1715*
jufqu’en 1718 , que recommença la -fuccelïïon des
contrôleurs - généraux. Elle ne fut plus interrompue.
qu’en 1 7 7 7 , que l’on v it rétablir la place
de diredeur - général des finances. Au mois de
mai 1781 , elle fut de no'uveau fupprimée pour
y fubllituer le titre de minillre des finances, qui
a enfin été remplacé en 1783 par celui de contrôleur-
général ; en forte que les chofes font rentrées dans
l ’ancien ordre établi en 16 6 1 , un peu plus d’un
fiécle auparavant. Cette.fuccelïïon de minillres des
finances n’a jamais été fi .rapide que depuis
dix ans, puifqu’on en compte huit à commencer en
1774. M. de Calonne vient d’être nommé à cette
place au mois de novembre 1785. Nous allons
faire connoîtrè ce nouveau contrôleur - général des
finances, par le difeours que lui a adrelfé le premier
préfident de la chambre des comptes, le jour
qu’il y a pris féànce , 5c par la réponfe qu’a
faite ce miniftre»
» Depuis Iong-téms , Monfîeur, l ’opinion pu-
» blique vous élevoit au miniflere des finances ;
» fon adoption toujours fiatteufe fe confirme au-
33 jôurd’hui 1 fans doute vous chercherez à la
» juflifier. Vous connoiffez déjà l ’étendue de vos
» obligations ; 5c je ne faurois vous diffimuler
» ce qu’où demande au fucceffeur d’un magiUrat
33 vertueux 5c bien intentionné.
» Le contrôleur-gêner al eft en France la provi-
» dence de l’état : il foutient la guerre ; il ra-'
» me ne la paix, i l anime le commerce, l’agricul-
» ture j ÔC refpeéle les engagemens du fouverain ,
» envers fes fujets; il embrafle tous ces grands in-
» térêts : leux fiabilité repofe fur lui ; fa pré-
» voyance doitetre univerfelle ; fa marche , tantôt
» précipitée, quelquefois lente, toujours réfléchie,
» eft dirigée vers le bonheur commun. Il eft des
33 illufions bien douces dont il faut fe défendre ; il 3> a même à fe précautionner contre l’amour de
33 la célébrité , pour n’être animé que de la feule
33 paffion du bien public. Il doit fe perfuader que
33 la poftérité ne confacre que le nom des minif-
33 très , qui fe préfentent devant elle avec le
» fuffrage de leur fiécle* 5c les bénédidions de
33 leurs contemporains.. Enfin , Moniteur , foit
33 qu’il calcule les charges de’ l’état , foit qu’il
33 ait befoin de reffources , foit qu’il enVifage
3> l’objet de l’adminiftration ; fon devoir , c’ell
33 la fidélité : il n’eft pour fui de moyens per-
33 mis que les moyens légitimes ; le terme, la
33 récompenfe de fes travaux , c’eft d’avoir été
33 utile. — Nous ne nous bornerons pas à des
33 voeux ; nous venons , Monfîeur , offrir à la
'33 nation des efpérances fur votre miniflere.
33 L ’éloge 5c la cenfure nous font également dé-
>3 fendus ; nous fommes les organes de la vérité ,
33 5c nous parlons dans fon fanduaire. — Vous.
33 avez déliré les grandes places , mais depuis long-
33 tems vous vous prépariez à les remplir ; vous
33 avez perfectionné, embelli les heureux dons de
33 la nature : votre e fp r it, vous l’ayez cultivé ,
33 étendu par l ’étude 5c par l’obfervation dans
33 les fociétés du grand monde, comme dans les
» provinces que vous avez adminiftrées. On vous
>3 accordoit avec raifon de penfer 5c de peindre;
33 on ne s’entretenoit que de votre-aménité , de
33 votre pénétration,, de votre adrefle à manier
33 les. efprits ôc les affaires ; vous Iaiffiez échapper
33 des étincelles de génie. Vos talèns deviennent
33 donc aujourd’hui , Monfîeur ., les garans de
33 yotre adminiftration ; ils vous foutiendront dans
33 la carrière, ils enflammeront votre zèle ; mais
. 33 ils ne feront votre bonheur ôc votre gloire ,
33 que lorfqu’ils auront tourné à l ’avantage de
» vos concitoyens.
Réponfe de M. de Calonne.
33 Monfîeur, je ne cacherai pas fous le voile
33 d’une modeftie affeéiée, le plaifîr que me cau-
>3 fent les témoignages de bonne opinion 5c d’e£
30 time dont vous venez de m’honorer , au nom
33 de l ’augufte compagnie que vous préfidez fi
33 dignement ; en même tems qu’ils excitent toute
33 ma fenfîbiliré , ils me retracent toutes mes
33 obligations : votre éloquence a jeté des fleurs 33 fur l ’entrée de la carrière épineufe ou je fuis
33 appéllé, ôc votre fagelfe m’ en a découvert l’im- 33 menfe étendue. Si le premier de mes devoirs
33 eft .de le bien connoîtrè, le fécond eft de n’en
33 être pas trop effrayé. Ce n’eft plus, le moment
3> de calculer mes forces., lorlque c ’eft celui de
as les employer toutes à l’importante fonttion dont
7> je luis chargé. Je viens, Monfîeur , d’en1 faire
39 le ferment entre vos. mains , & ce n eft point
39 une vaine formalité................Je dépofé dans le .9 fein d’un tribunal refpedlable, aflocié à mes tra- 3> vaux , l’engagement folemnel de me dévouer
39 tout entier à la chofe publique , de n’avoir
33 qu’elle en vue , de n’épargner ni peine n i ,
sa facrifice quelconque pour la fervir. Je pro-
99 telle aux yeux de toute la nation , qu’aucun
99 genre de diftraûion ne m’en détournera, qu’au-
99 cune efpèce de difficulté ne me rebutera , ;
99 qu’aucun ménagement pufillanime ne.m’arrêtera,
99 qu’aucune confidération. particulière ne m’em-
99 pêchera d’aller droit au bien , par les moyens .
-.33 que je croirai les plus efficaces. On a fans ‘
93 doute à delirer en moi plus de talens & de lu-
33 mieres ; mais certes , on n’aura jamais a me
3» reprocher de manquer de volonté, d’aélivité 5c de
33 nerf : j’arrive dans un moment difficile , on ne
33 peutfe le diffimuler ; mais que les reffources font
33 grandes dans ce fuperbe empire ! la plus pré-
33 cieufe de toutes , la plus chere à la nation ,
33 5c la plus capable de m’infpirer la confiance ,
33 eft dans le coeur d’un monarque vertueux,
» avec qui l’on peut tout le bien que l’ on
33 doit vouloir , 5c à qui l’on eft toujours fur
33 de plaire , en lui présentant les moyens de
» l’effeduer. I l aime la vérité , je ne la lui dé-
33 guiferai jamais ; il. eft eûentiellement jufte :
33 on ne me verra point violer la fainte obliga-
33 tion que cette qualité vraiment royale preferit
33 à tous ceux qui approchent du trône. Il veut
33 l’ordre ôc l ’économie; la fituation des affaires
33 m’en fait une loi trop impérieufe, pour qu’elle
33 ne foit pas la bafe de ma conduite. Il eft
33 fcrupuleufement fidele à fa parole ; j ’ai déjà
33 eu occafion de lui dire , ôc je lui dirai dans
33 toutes , que rien ne peut le mettre dans le cas
33 d’y manquer , ÔC qu’il n’y auroit qu’une igno-
33 rance coupable qui pût en fuppofer la nécef-
33 fité : il chérit tendrement fes peuples, 5c n’a f
pire qu’à leur foulagement. Comment ne fe-
33 rois-je pas enflammé du defir de faire tout ce
33 qui fera en mon pouvoir , pour qu’enfin fes
33 vues bienfaifantes foient remplies ? Il eft im-
33 poffible d’avoir une autre intention dans la
33 place que j ’occupe ; 5c ce n’ell pas un mérite,
33 mais ce fera pour moi le plus parfait bonheur.
33 Je le fens vivement. Auffitôt , après avoir
39 franchi l ’efpace laborieux qu’il faut employer
» à l’acquittement des dettes de la guerre, fi je
» puis parvenir à l’exécution d’un plan d’amé-
33 lioration générale, q u i, fondée fur la confti-
» tion même de la monarchie, en embrafle toutes
» les parties , fans en ébranler aucunes , régé-
33 nere les reffources plutôt que de les preffurer,
33 éloigne à jamais l’idée de ces remedes empiri-
33 ques 5c violens , dont il ne faut pas même
33 rappeller le fouyenir, ôc fafle trouver le vrai
y> fecret d’alléger les impôts dans l’égalité pro-
33 portionnelle de leurs répartitions , ainfi que
33 dans la Amplification de leurs recouvremens.
33 Ce font là mes efpérances , mes réfolufions ,
» mes defirs les plus ardens : ils foïlicitent , ils
. 33 exigent même , j ’ofe le dire , le concours una-
33 nime , non-feulement de la magiflrature, dont
33 la bienveillance eft acquife à quiconque tra-
» vaille à la félicité publique ; mais auffi de tout
33 citoyen , fur qui le fentiment patriotique a
-33 quelque empire. Oui , j ’ai .droit de l ’invoquer
33 aujourd’hui pour moi-même , ce fentiment fi
?* puiflant fur! les François : je demande qu’on
33 ne confidere en moi qu’une perfonne liée in-
33 divifiblement au bien de l’état , auffi long-
33 tems que le roi daignera m’honorer de fa con-
33 fiance , 5c qu’à ce titre je puiffe attendre de
33 l ’intérêt commun, qu’on favorife mes efforts ,
,33 qu’on encourage mon zèle , qu’on ait con-
33 fiance dans mes paroles ; en un mot , que
33 tout confpire au fuccès de mon travail :
33 vous en donnez en ce moment, Monfîeur, un
33 exemple qui me flatte autant qu’il m’anime ;
33 5c je vois avec une fatisfaélion inexprimable ,
33 qu’il ne m’ell pas plus permis de douter des
33 voeux de la chambre , que de négliger rien
33 pour mériter fes fuffrages. »
Il e ft. difficile de ne pas concevoir les plus
grandes efpérances d’un homme d’état qui con-
noît auffî-bien fes devoirs , ÔC qui montre tant
de zèle pour les remplir.
Parmi tous ces minillres depuis près de deux
liécles, dont la nomenclature chronologique ne peut
intéreffèr que leur famille, i l en eft quelques-uns
qui o n t , par leurs opérations, mérité l’attention 5c la reconnoiffance de la poftérité. Le fceau de
la gloire eft tellement imprimé à leurs noms 9
qu’on ne peut les prononcer qu’avec admiration
& les citer avec enthoufîafme , à ceux de leurs
fuccelfeurs qui voudront bien mériter des générations
préfentes Ôc futures.
Tels furent Sully 5c Colbert. Quels noms î
C ’ell un fpeétacle inîéreffant de rapprocher ces
deux hommes célébrés , qui font époque dans
notre hiftoire , 5c peut-être dans le gouvernement
des nations. Nous empruntons ici le langage
d’un écrivain très - eitimable , q u i, dans
! l ’éloge couronné de Sully , a fu apprécier , avec
autant de fagacité que de jufteffe, les travaux 5c
les projets de Colbert. C ’ell s’embellir, que de le
citer ; ce feroit une témérité que de toucher ou
retrancher au portrait qu’un auffi grand maître
fait de ces deux minillres.
« Deftînés tous deux à de grandes chofes , ils
» lurent élevés au miniflere à-peu-près dans les
33 mêmes circonftances. Sully parut après les hor-
3» ribles déprédations des favoris 5c les défordres