
les droifs qui en dépendent ; les droits acquis au
r o i , au titre de fa fouveraineté, à quoi on peut
ajouter, les pierreries les meubles précieux "de
la couronne , .parce qu’ ils font réputés immeubles.
L e domaine cafuel comprend ce qui appartient
au roi , par conquête , acquifition , donation ,
fucceffion ; ce qui lui eft échu par droit d’aubaine
, bâtardife , déshérence , confiscation , Ôcc.
I l devient fixe quand les officiers du roi en ont
paifiblement joui pendant dix ans, ou qu’ils en
ont compté à la chambre pendant le même tems,
ou lorfqu’il a été réuni au domaine fixe, par déclaration
ou édit exprès.
Mais avant que ce domaine cafuel ait été déclaré
, ou qu’il foit devenu fixe par le laps de
*ems preferit ou par les règlemens, les rois peuvent
en difpofer par donation , vente ou autrement.
Il eft nombre d’exemples qu’ils ont fréquemment
donné ce qui leur étoit échu par donation
, bâtardife , déshérence, Ôcc.
I l en eft de même des biens que pofsède un
prince , à titre particulier, lorfqu’il devient roi ;
car fon domaine n’étant point royal , il peut
l ’aliéner irrévocablement après fon avènement à 3a couronne, pourvu qu’il n’y ait point été réuni
par les formalités que nous venons d’indiquçr,
Henri I V rendit une déclaration au camp de
ïtfangis, le i j avril i ypo , portant que le do-
maine qu’il poffedoit avant fon avènement à la
Couronne , feroit défuni ôc fép'aré du domaine
de la couronne de France. Mais il révoqua cette
déclaration , par édit devant Paris , au mois de
juillet 1607. Cette derniere difpofîtion fut confirmée
par d’autrps édits d.ç Louis X I I I , l ’un
donné à Pau au mois d’oétobre 1620 , ôc l’autre
à Compiegne au mois de juin 1624.
François I çf. publia , à-Pau, une déclaration,
le 30 juin 13*39 , portant que le domaine de la
couronne eft inaliénable & impreferiptible ; ce
prince ordonne , en çonféquence , que toutes aliénations
6c ufurpatjons faites fur ce domaine, pour
quelque tems quç ce fo i t , même de cent ans ôc
plus , font fujettes à réunion, avec injonction à
fous les juges , de décider tous procès mus ôc à
mouvoir , fuivant ces maximes ; & pour faire
exécuter d’autant mieux cette déclaration , ce
prince établit à Paris la chambre du domaine,
par édit du mois de mai 13*43.
L e domaine étant ainfi déclaré inaliénable $C
Impreferiptible , il doit être confîdéré comme un
dépôt facré que les rois fe tranfmettent fuccèffi-?
vement fans pouvoir aucunement en difpofer.
Cependant deux exceptions fe présentent à cette
loi.
L a première , que le domaine peut être vendu
& aliéné dans le cas d’ unç néceflïté preflante , ÔC
fur-rtout à caufe des guerres ; mais cette vente
doit toujours être , avec faculté perpétuejlç de
fâchât , en rembourfant aux * acquéreurs ïc prix
qu’ils ont réellement fourni ; faculté qui "tft iin-
prefcriptible à l ’égard du ro i, mais non à l’égard
d’un particulier; car ce dernier, q ui, après avoir
acquis une portion de ce domaine, la revendroit
avec ftipulation de rachat perpétuel, n’y feroit'
pas reçu après trente ans.
Outre la faculté perpétuelle du rachat, on ré-
ferve encore dans les aliénations, la foi & hommage
des évêques ÔC autres prélats , comtes ,
vicomtes ôc barons, qui tiennent des fiefs du r o i,
la garde des églifes , les bois de haute-futaie,
les gardes - nobles , lès patronages & collations
des bénéfices, le droit d’aubaine, légitimation-,
déshérence , ôcc.
L a fécondé exception eft pour les apanages
qui font donnés aux enfans de France, mâles
feulement; car , aux termes des anciennes ordonnances
, les filles doivent être dotées en argent.
Les terres & droits ainfi donnés , pafîcnt aux
enfans mâles des apanagiftes, & aux enfans mâles
de leurs enfans mâles, graduellement en ligne
directe.
Si les enfans mâles manquent , l’apanage retourne
de plein droit à la couronne , fans que les
parens collatéraux , même mâles, puiflent hériter ;
fi ce n’eft que celui qui fe diroît habile à fuccé-
der , fût defcçndu du plus ancien ôc premier
apanagé ; car pour lors on fait paffer en fa per-
fonne , le droit du prejnier donataire, & non
celui du dernier décédé.
Si les apanagés font des acquifitions àu-dedang
de leurs apanages , elles demeurent à leurs héritie
rs, après l’extinélion de l’apanage, quoiqu’il
en ait été compté à la chambre du vivant des
apanagés , parce que ces comptes ne changent
point la nature de la chofc.
L ’ordonnance de François I er. , du 50 juin
, ci-devant c ité e , ôc en conféquence de
laquelle 2e domaine eft cenfé inaliénable & im-
prefcriptible, eft le premier titre authentique
de cette efpècç, qui foit émané de l’aytorité fou»
veraine.
Quelques auteurs foutiennent cependant encore
l’opinion contraire à cette difpofîtion , quant à
la preferiptibilité ; ils difept que l ’çrdonnance
étant fondée fur des principes faux , les confé-
quçnces qui en réfultent ne peuvent avoir force
ôc earatftere de loi , parce qu’une loi ne peut être
établie fpr le faux.
Le préambule de cette ordonnance établit Pim»
preferiptibilité du domaine fur le droit civil 5ç
canonique. O r , il eft certain , difentles auteurs,
que par le droit civil , le domaine public fe preferit
par 40 ans ; Ôc que par le droit canon , la,
prefeription de 40 court contre les églifes particulières
, & même contre l’églife romaine ,
par iqo ans , fuivant le chap. 2 des prefçrij)«
tîons. C ’ eft en effet l’opinion de Chopin , liv. 3 , ’
tit. o , dans fon traité du domaine. I l allure que
l ’ordonnance de 13*39 n’a jamais eu d’autorité à
cet égard, ni parmi les juges, ni parmi les avocats
: neque in judicando , neque iii confulendo. Et
Bacquet eft du même fentiment en fon traité du
droit de déshérence,, chap. 7.
Cependant le domaine fixe eft reconnu pour être
impreferiptible auffi bien qu’inaliénable ; mais
pour le domaine cafuel, nul doute qu’il ne fort
prefcriptible Ôc aliénable. L a queftion a été même
jugée en préfence de Louis X I I I , au fujet de
quelques terres , fituées en Languedoc , provenant
des conquêtes faites anciennement fur Raymond,
comte de Carcaftonne , donc la propriété fut déclarée
prelcrite contre la couronne.
Ce morceau , ainfi que le fuivant, qui paroît
avoir été écrit en 1746 , eft tiré des Economiques
de M. Dupin , fermier-général.
On vient de voir que, fuivant la maxime de
notre gouvernement, le domaine de la couronne
eft inaliénable.
Cette maxime étoit très-fage ; ôc l ’obfervation
en étoit très-néceffaire , lorfque le domaine pou-
Voit fuffire à la dépenfe ordinaire des fouverains ;
il importoit alors de ne pas s’expofer à la né-
ceffité d’avoir recours à des moyens extraordinaires
, toujours onéreux au peuple par le fardeau
aduel qui lui eft impofé, Ôc plus dangereux
encore par les conléquences d’une continuation
au-delà du terme ôc des befoins mais à préfent
que ce domaine a été préfque tout, ou ufurpé pendant
les troubles ou aliéné pour fubvenir aux
dépenfes des guerres , ou donné par récompenfe
à des fujets qui avoient utilement fervi la patrie ;
à préfent qu’il eft réduit à un objet fi modique,
qu’il eft à peine compris au premier rang des revenus
de la couronne ; enfin , à préfent qu’on a
été obligé de faire différentes impofitions fur les
peuples , pour tenir lieu de ce domaine , il femble
que cette maxime d’inaliénabilité devroit changer,
puifque le fondement fur lequel elle étoit établie
n’exifte plus. La prudence diverfifîe fa conduite
fuivant la diverfité des circonftanccs ; le pilote
change les voiles félon la nature des vents.
Les Athéniens avoient décerné la peine de
mort contre quiconque oferoit propofer de toucher
, même dans le plus preffant befoin , aux
mille talens qui avoient été dépofes dans le tré-
for public. Cependant ayant perdu deux batailles
navales , 8c fe voyant affaillis par les Lacédémoniens
jufque dans le port de P y ré c , tous d’un
confentcment unanime, furent d’avis d’abolir cette
lo i. Les Romains changeoient les leurs, fuivant
les tems 6c les circonftanccs, Philippe V , dit le
L o n g , par fon ordonnance du 23 janvier 13 18 ,
détruifit la fervitude auffi ancienne que la monarchie*
,11 ne faut, dit-on, rien changer aux îoix ÔC
aux ufages. Ce principe eft excellent, hors les
cas où l’utilité , Ôc encore plus la néceffité , demandent
que l’on y déroge ; c’eft une réflexion
de M. de Sully , tome 3 , in -iz , page io z .
En partageant les terres du domaine en plu»
fleurs parties, 6c tranfportant à prix d’argent la
propriété de ces terres , à plufieurs chefs de fa«
mille , à la charge de certaines redevances annuelles
6c des droits de relief, fuivant les coutumes
, le roi conferveroit une partie du revenu
aétuel ,■ recevroit une finance confîdérable , 6c
augmenteroit la richefle des particuliers; 6c par
conféquent la fienne , puifqu’il n’eft 6c ne peut
être,riche qu’autant que fes fujets font opulens.
Un héritage divifé 6c donné à plufieurs en
propriété, eft bien mieux cultivé , 6c rapporte
plus que quand" il eft dans une malle , 6c qu’il appartient
à un feul propriétaire, fur-tout fi ce
propriétaire eft le fouverain ; 6c plus ce fouve-
rain eft grand 6c puîflant, moins il tire d’utilité
de cet héritage , parce que n’étant pas poflible
qu’il régifle par lui-même , il eft obligé d’en
charger des perfonnes conftituées dans les dignités
, dont l’élévation eft proportionnée à la puif-
fance ôc à l’étendue d e là monarchie , lefquels de-
leur part en emploient d’autres qui leur font fu-
bordonnées , 6c ainfi par grade d’infériorité ; d’où
en fuppofant dans ces différens agens, la plus
fcrupuleufe fidélité 6c la plusfubtile intelligence,
il en réfultera toujours des lenteurs, des frais, ÔC
des inattentions très-dommageables à cette efpèce
d’adminiftratiôn.
Dans le cas oppofé, les nouveaux acquéreurs ,
certains d’une jouiflance perpétuelle , tirercient
de ces héritages tout ce qu’ils feroïent capables
de produire ; une multitude de familles s’appliqueront
à cette exploitation , 6c le prix provenant
des aliénations libéreroit l’Etat de plufieurs
| charges onéreufès.
Ceux qui pofsèdent le domaine aliéné n’ en recueillent
pas à beaucoup près tout le fruit qu’ ils
feroient dans le cas de lui faire produire , fans
cette tache de rachat 6c de réverfibilité éternelle;
loin de fe'donner les foins 6c les mouvemens que
l’on remarque dans les détenteurs ordinaires ,
ils font toujours en garde contre eux-mêmes;
ils craignent que les améliorations qu’ils pour-
roi en t faire , n’infpirent l’ envie de les dépouiller
par des enchères ; ils négligent les cultures, ÔC
ils étouffent pour ainfi dire les germes de la terre ,
afin d’empêcher que le revenu n’excède trop fen-
fiblement le prix principal de l’aliénation.
En vertu du rachat perpétuel que le roi s’eft
réfervé , lors des aliénations , il eft en droit de
retirer tous les domaines 6c de les revendre; les
acquéreurs ont traité fur ce pied ; nulle difficulté,
nulle' injuftice à cet égard. Mais pour remplir
notre ob jet, ces ventes devroient être faites avec
renonciation folcmnelle a tous droits do réverfion.