
plus la puiffànce des^ empires , mais le nombre
des hommes, & celui-là en auroit le plus, qui
auroic un plus grand efpace à cultiver. S’il arri-
voit en outre qu’après les avoir fabriquées, il
réexportât une partie des matières étrangères
qu il auroit reçues , ou qu’il envoyât une plus
grande quantité des fiennes, il fe trouveroit encore
plus riche de tout le profit de cette réexportation
, ou de toute la valeur de ce qu’il
auroit^ transporté dé fes denrées , au-delà de ce
qui lui auroic été apporté de celles des autres. -
Si , méconnoiffànt ces avantages, dont j ’abrege
la^ plus grande partie, on jjrétendoit qu’en «prel-
crivant la nature des échanges , j ’impofe au
commerce une gêne contraire à fes progrès, &
qui même en pourroit caufer’ l ’interruption ; je
réponds d’avance deux chofes :
X,a première, que je ne propofe ces échanges
que pour les iparçhandifes de fuperfluité, qui né
iont d’aucune utilité réelle, que ne confomment
point les befoins naturels , mais que prodiguent
H vanité 8c les fantaifies ; pour celles enfin dont
.1 état pourroit fe palier fans éprouver aucun préjudice
, quand on cefferoit de lui en apporter , &
qui n’ont de valeur, malgré leurs prix énormes ,
gué le caprice de ceux qui en font ufage.
Secondement, l ’intérêt de ceux qui pofledent
çes marchandifes, n’eft pas de les garder. Il y
àuroit toujours beaucoup d’avantage pour eux à
Ips troquer contre des denrées de néceffité, dont
la vente çlt bien plus allurée : ainlî , loin de
çrainçire d en manquer, l ’importation en pourroit
ctrç lï abondante , que le fuperflu n’y fuffiroit pas,
Qc qu’il y auroit au contraire, des précautions
a prendre pour que les échanges nç fuffent jamais
Sue? conhdérables pour l’excéder.
On fent bien que ces difpolîtions ne convien-
droient pas en entier à toutes les nations ; pour
plufieurs , elles ne font praticables qu’en partie,
fui van t^ ce qu’elles- ont 8c ce qui leur manque:
pour d autres, elles ne le font points du tout.
Celles-ci ont des loix trèsrféveres contre Füfage
des marchandifes de luxe ; i l vaudroit mieux pré»*
Venir le mal, que d’avoir à le punir. Les loix
yieilliflent & deviennent caduques. L e commerce
produit Populence qui introduit le luxe , & les
patieres font employées malgré les défenfes.
Je croirois plus fûr pour ces nations , de
preferire- une proportion rigoureufe entre l ’importation
& l’exportation de ces matières, de
n’en fouffrir l-’entrée que pour des quantités
égales à celles qui en fortent ; de maniéré qü’i f
fut certain qu’il n’en feroit point relié dans le
pays.^ Le corps politique doit fe coniîdérer , à
cet égard, comme un négociant particulier qui
n’achete qu’autant qu?il vend. S’il confomnae lui-
même, il eft perdu; & tout ce qui eft reçu 8c non
feexporte , eli confommé, ou le fera.
/ e s ’empêche pas qu’ôn ne regarde ce que je
vais dire comme une rêverie. II n’y aura que
I humanité qui y perdra. Si la juilice , la bien-
tailance & la concorde fubfiftoienc parmi les
hommes, ce 'ferait à ces peuples, que la force &
i amour de la liberté ont rélégués dans ces contrées
arides dont le fol ne produit rien, qu’il
faudrait laifler l ’emploi de diftribuer entre les
nations le fuperflu réciproque de celles qui en
ont. Hiles le borneroient à l ’enlever & à le
vendre aux autres qui viendroient le chercher,
7e , des échanges feroit de procurer à toutes
le neceliaire dont elles font dépourvues.
Mais un traité en faveur du genre humain ,
irtit pas le premier qui fe fera. Les opinions qui
divifent la terre, en ont chaflTé l ’équité générale,
pour y fubftituer l’mtérét particulier. Les hommes
tont bien plus près de s’entr’égorger pour des
chimères, que de s’entendre pour en partager
les ri ch eh es ; auffi a i - je bien compté propofer
^ ti Cha fe ridicuIe Pour Ie Plus grand nombre.
/ I tefns de retourner à mon fujèt. Je ne
m en fuis peut - être que trop écarté : mais lî
ces réflexions fur une matière auflî importante que
le luxe , & tout ce qu’il produit , font utiles ; fl
elles peuvent enfin déterminer une bonne fois fes
effets , elles nç feront ni déplacées , ni trop
étendues. - r
J’ai promis de démontrer d’une maniéré plus
generale & plus pofîtive que je ne l’ai fait encore
, que tout impôt retourne fur la terre, quel-
^ e.Paf t J! ceux même auxquels on
aflujettiroit les marchandifes de luxe, quoiqu’elles
foient étrangères , auraient cet effe t ; & on fe
tromperoit fi de ce que je vieiis de dire on en
çoncluoit le contraire.
L ’étranger qui apportera ces marchandifes , en
augmentera le prix à proportion de' l’impôt ; ce
ne fçra donc point lui qui le fupportera, mais
le citoyen qui les confommé, qui les paiera
plus cher de toute la quotité du droit.
Or , fi j ’ai prouvé que la dépenfe du luxe pré-
judicioit à la confommation du néceflàire que le
fol produit , il eft évident que plus cette dépenfe
fera confidérable , moins on confommera de
ces productions ; il s’enfuivra une diminution
proportionnée dans la culture des terres, confe-
quemment dans leur revenu ; ce fera donc fur
elle que ces impôts retourneront : il en fera ainfi
' de tous les autres. Donnons-en quelques exemples
encore.
Le cuir & toutes les marchandifes de peauflerie,
de mégifferie , de pelleterie & de ganterie , qui
proviennent de la dépouille des animaux, lorf-
qu elles font dans leur denier état de confommation,
paroiffent les moins relatives au fol. Per-
fonne ne penfe qu’il puiffe exifler aucune relation
entre lui & une paire de gants. Cependant, quç
comprend le prix que la paie le confommateur ?
Celui de toutes les productions de la te r re ,
employées pour la nourriture & l’entretien de
tous les ouvriers qui les ont travaillées,., dans
toutes les formés où elles opt paffe j toutes les
taxes que ces ouvriers ont fupportées perfonnel-
lement, 8c encore celles, qui ont été levées fur
leurs fùbfiftances de plus , les droits perçus fur
les peaux à chacune des modifications qu’elles ont
reçues.
En mettant un nouvel impôt fur la derniere,
ce ne fera , dit-on, que la confommation qui le '
fupportera. Point du tout ; il retourne fur le
produit de la terre directement ou indirectement.
Directement, èn affectant les pâturages où font
élevés les .beftiaux qui fourniflent ces marchandifes
, & qui deviendront d’un moindre produit ,
fi l’impôt , en diminuant la confommation des
peaux dans leur dernier apprêt , diminue le
nombre des nourritures qui fait la valeur de ces
fonds.
Indirectement, en affe«fiant la main-d’oeuvre ,
qui n’elt autre chofe que le prix des denrées
employées par les fabricans.; & ces denrées, d’où
viennent-elles ?
On en peut dire autant des dentelles , & de
toutes les marchandifes qui exigent ie plus de
préparation , en qui la multiplicité dés façons a
fa it, pour ainfi dire, difparoître les matières dont
elles font compofées , 8c ne rappellent rien de
leûr origine."
Il eft donc vrai , 8c ces exemples le'prouvent
invinciblement., que quelque détournée qu’en paroi
fie la perception , les droits remontent toujours
à la fource de toutes les matières de confommation
, qui eft la terre. Il F eft auffi * que ceux
fur la terre font à la charge de tous les citpyens ;
mais la répartition 8c la perception s’en forment
d’une maniéré finvple & naturelle , au lieu que
celles des autres fc font avec des incommodités.,
des dépenfes , des embarras, 8c une foule ,de répétitions
étonnantes.
Par exemple“, quelle immenfe diverfité d’impê .s
pour les marchandifes dont je viens de parler;?
.. i° . Ceux que paie le propriétaire du fonds
qui fert à la nourriture des beftiaux , tant pour
lui perfonnellemerit, que pour ces fonds.
20. Ceux qui fe lèvent fur les beftiaux menés
en divers endroits 8c en divers tems.
$°. Les droits fur les peaux, dans les differentes
formes qu’elles ont prifes.
40. Les taxes perfonnelles de tous les ouvriers
qui les ont travaillées.
y0. Celles des differens fabricans qui les ont
vendues, à mefure qu’elles ont été manufacturées.
6°. Celles que fupportent les derniers artifans
qui les mettent en oeuvre.
7°. Le droit du privilège excïufîf de les fabriquer.
8°. Tous les droits qui fe font perçus, fur les
denrées dont toutes ces perfonnes ont fait ufage
pour leur fubfiftance & leur entretien , 8c qui
font infinis.
pô. Et enfin , une portion de ceux qu’ont fup-
portés les gens qui ont fourni des denrées, ôc
qui ne le font pas moins.
Cette férié eft effrayante : on ne conçoit pas
comment uée machine fi Compliquée, & dont les
refforts font multipliés à ce"point, peut exifter.
Que de chaînes pour le commerce, dans cette
quantité de perceptions ! Combien, une denrée
a-t-elle été arrêtée , vifîtée , contrôlée, évaluée ,
taxée, avant que d’être confommée'!
Que de faux calculs , de doubles emplois, de
mécomptes, d’ erreurs 8c d’ abus de toute efpèce ,
■ ,l’avarice du traitant, ôc l’infidélité ou l’ineptie
de fes fubalternes, ne font-elles point fupporter
aux citoyens î
Il faut que tous co’ntribuent aux charges publiques
, çela eft vrai ; mais ce qui ne l’elt pas ?
c’eft que tous doivent' les payer : celui* qui ne
poffede rien né petit rîén payer '; c’ eft toujours
un autre qui paie pour lui.
Les taxes fur les pauvres :fqnt les ^doubles emplois
de celles fur. les riches. Pour bien en-
tendre ceci , il faut définir plus Cofreéfement qu’on
ne l’a fait jufqu’à prefent, ce que c’eft que les
charges publiques\ elles '' font .de deux èfpèces :
le travail , & lès ri ch elfes qu’il produit.
Cette définition eft complette ; fans travail ,
point de richeffes ; fans richeffes , point de. tributs.
Il fuit, que la contribution du manOuvrier aux
charges de la fociéte , c’eft le travail ; celle des
richeffes, c’ell une portion des richeffes qui en
réfultent, & qu’elles donnent.à l’état, pour jouir
• paifiblement du tout , moins cette portion.
On voit p a r - là ,. que les taxes fur le ma-
nouvrier , dans la fuppofition qu’il dut les acquitter.,
feroient d’une injuftice énorme ; car ce
feroit un double emploi de tout leur travail
qu’ils 'ont déjà fourni à l’état.
Mais la capitation de mon domeftique eft levée
fur moi ; il faut que je l ’acquitte pour lui , ou
que j ’aiigmente fès gages.
L ’artifan, l’ouvrier ou le journalier que j'emplo
ie, ajouté, au prix de fa peine ou de fora
indùftrie , tout cé quron exige de lu i, 8c même
au-delà ; l’une & l’autre fera plus chère , fi fa
fubftance. & fon entretien l e deviennent par les
droits' qui auront été mis fur les chofes qui y
fervent.
C ’eft que dans le fa it , i l ne peut y avoir que
trois fortes de perfonnes qui fupportent. les im-
pôts ; les propriétaires, les confommateurs oififs. '
8c les étrangers q u i, par le commerce, acquittent *
avec la valeur principale de vos .denrées .' les
droits dont elles font chargées'; encore Voûs vendra.
t-il les fiennes dans le rapport de ce qu’il
aura acheté les Vôtres ; ce qui remet,-à votre
charge ? les droits qu’il aura acquittés ; ainfi, à