
Il femble convenable d’en ufer de même par rapport
aux petits domaines qui font reliés au roi ,
6c qui ne peuvent manifellement que dépérir entre
les mains de fes fermiers ; mais comme cette quali-'
fication de petits domaines , malgré l’énumération
que contient l’édit du mois d’août 1708 , pourroit
être jugée trop vague T & trop indéterminée, ne
fe rb it-il pas à propos d’en fixer irrévocablement
le fens , par le montant de la rente annuelle ; c’efl-
à -d ir e , en ordonnant que, ne feront réputés petits
domaines que ceux qui ne rendront qu’une certaine
fomme, & au-deffous, & que tous domaines, quoique
fans fiefs & fans jultice , qui rendront par an plus
que cette fomme , feront réputés grands domaines ?
Cette fixation des limites qui fépareront les
petits domaines des grands, annonce qu’on ne croit
pas devoir propofer des inféodations perpétuelles
pour les grands domaines , de même que pour les
petits. Ce n’ellpas qu’elles fuffentmoins conformes,
pour les uns que pour les autres, aux vrais principes
de l’inaliénabilité du patrimoine de la couronne.
S’il falloit a'bfolumenc opter entre les inféodations
perpétuelles des grands domaines , 6c les
engagemens, tels qu’ils ont eu lieu jufques ic i , on
ne penfe pas qu’il y eût à balancer fur la préférence.
Des rentes perpétuelles & non-rachetables,
proportionnées aux produits effeéiifs dont la jouif-
fance feroit abandonnée aux.aliénataires, appor-
teroient-dans les revenus du roi une augmentation
confidérable, exempte de toute diminution pour
l’avenir , & par conféquent , feroient beaucoup
plus avantageufes à l ’Etat que les fîmples enga-
gemens.
Mais la différence établie par les loix entre les
grands & les petits domaines , conduit, ce femble ,
naturellement à mettre auffi de la différence -dans
la manière de les régir.
Parmi les petits domaines , il y a des articles de
fi mince valeur , qu’il ne fauroit jamais devenir
intérefiant de les faire rentrer dans les mains du
x a i , lorfqu’ils en feront une fois fortis. D ’autres
articles, tels que les terres vaines & vagues, communes
, landes, bruyères, pâtis, marais, &c. ne
font abfolument d’aucun rapport. Ils ne peuvent
être mis en culture qu’à force de rems, de travaux,
de conftruétions 8c de dépenfes. Qui fe livreroit à
de telles entreprifes, dont la réuffite n’eft pas toujours
certaine, s’il n’ y étoit engagé par le double
appas d’une rente très-modique, & d’une poflèffion
à titre perpétuel ? Mais n’y a-t-il pas auffi com-
penfation pour l’E ta t , par le double avantage d’y
créer de nouvelles richeffes, & de faire agir utilement
une infinité de bras q u i, peut-être 9 de-
meureroient fans emploi ? Le bien que feront les
inféodations des petits domaines, fe répandra fur
toutes les claffes du peuple , 8c devient par-là
incomparablement plus defirable & plus précieux.
Les grands domaines , dont la poffeffion ne peut
toucher que la nobleffe-& les citoyens riches , font
compofés de corps , tous plus ou, moins cortfidé-
rables , tous en valeur , mais tous fufceptibles de
grandes améliorations , par conféquent de fortes
augmentations dans les produits; 8c c’ efl ce qu’on
ne peut attendre de fîmples engagifles : le pané eft
un sûr garant de l’avenir.
D e Toutes les manières de régir les grands domaines
, 8c de les faire fervir aux befoins de l’E ta t,
la plus défavantageufe eft le fîmple engagement. Il
ne faut, pour s’en convaincre, qu’un coup d’oeil
fur cette alternative continuelle d’aliénations & de
réunions, dont les dates font rapportées au dictionnaire
des domaines.
Une adminillration fujette à de fi fréquentes
variations , pèche néceffairement dans le principe,
8c ne doit point fubfifter fous un gouvernement
éclairé.
La faculté de rachat perpétuel eft la condition
effentielle de l ’engagement ; l’incertitude de fa
durée eft fon plus fâcheux inconvénient. Si le fëi-
gneur d’une terre la propofoit en ferme pour un
tems illimité , avec réferve de la faculté de rompre
le bail à volonté, il eft clair , ou qu’il ne fe pré-
fenteroit point de fermier, ou que s’il s’en préïen-
toit un, ce feroit aux conditions les plus défavorables
pour le propriétaire.
Il n’elt pas moins évident que ce fermier ne
fongeroit qu’à précipiter fes jouiffances , 8c qu’à
retirer de la terre tous les fruits qu’il pourroit lui
faire promptement produire, mais qu’il fe garde-
roit bien de la ménager, &c de préparer de loin
des moyens pour un accroiffement de productions
qu’il n’efpérçroit pas de recueillir.
N ’eft-ce pas la même chofe lorfqu’on prend un
domaine du roi par engagement ? L ’engagifte calcule
le bénéfice qu’il pourra faire fur l’intérêt de
la finance qu’il paie , ou fur la ' rente annuelle à
laquelle il fe foumet. Ses vues ne s’ étendent pas
plus loin ; il jouit des revenus de la terre engagée ,
tels qu’ils fe trouvent au moment de l’engagement;
mais s’il y a des frais à faire pour les augmenter ,
il nerifquera pas de les avancer à pure perte, ou
pour irriter la jaloufie de quelque voifinambitieux,
qui le dépoffédera par de nouvelles enchères , qu
du moins le forcera à des. fupplémens , par cette
voie qui eft toujours ouvertes® Ce fera beaucoup
s’il fait la dépenfe des réparations les plus urgentes
8c les plus indifpenfables que les bâtimens demanderont.
Le fait eft prouvé par une multitude d’exemples.
Un père de famille n’ épuifera pas fa bourfe pour
des améliorations , s’il n’ eft p^s sûr de travailler
pour lui-même & pour fes héritiers : ce fendaient
eft dans la nature.
Il faut donc , fi l’on veut faire entrer la régie
des grands domaines dans le projet d’augmenter les
revenus de la couronne , & de foulager les peuples,
ou renoncer à la pratique des engagemens , ou du
moins y apporter de très-grands changemens.
D o M D O M
Deux auteurs cju’on a déjà cités, fe font pro-
pofés là queftion , 8c en ont donné deux folurions
fort différentes.
L ’un de ces écrivains ( Traité de la fouleraineté
du roi , pag. 433 , & fuiv. ) obferve d’abord qu’en
1666, les domaines n’étoient employés dans le bail
général des fermes que pour onze cents îoixante-
mille livres ; qu’en 1669 , ils le furent pour quatre
millions, à caufe des réunions faites parM. Colbert;
en 167$, pour quatre millions cent dix mille livres ;
en 1681 , pour cinq millions ; en 1687 > pour fix
millions , 8c que le bail du 16 feptembre-1738 fut
porté à quatorze millions cinq cents quatre-vingt-
trois mille livres ; mais que l’augmentation réelle
fur celui de 1687, ne fut que de quatre-vingt-trois
mille livres , en faifant déduélion de huit millions
& demi au moins , pour plufieurs articles très-
confidérables, ( étrangers au domaine ) qui furent
compris dans le bail de 173 8 ,6c qui n’avoient point
fait partie du bail de 1687.
L ’auteur fai t enfuite mention d e l’arrêt du confeil
du 13 mai 1724 ,. qui ordonne que les offres , enchères
6c fur-enchères, qui feront faites à l’avenir
pour la revente des domaines engagés, né feront
reçues qu’en rentes payables au domaine par les
nouveaux engagiftes , 6c à la charge par eux dé
rembourfer en argent comprant les finances des
anciens engagiftes.
Il eft , d i t - i l , plus avantageux au r o i , de faire
les reventes en rentes , qu’ en deniers comptans,
qui fe confomment à mefure de la recette..........
Cependant , il n’y a point de comparaifon de. cet
avantage, à celui que proCureroit une réunion'
effective des parties diftraites au tout. Si l’on veut,
par confidération pour les perfonnes de crédit, ne
pas réunir leurs poffeffions domaniales, il paroît
jufte de leur faire payer un fupplément de finance..., •
il eft même de leur intérêt d’y fouferire , afin que
leurs fucceffeurs ne foient pas recherchés par la
fuite pour les réunions.
Enfin , en ce qui concerne les petites portions
de domaines- délaiffées, à titre de propriété ou
d’inféodation, moyennantdes redevances annuelles,
il penfe non-feulement qu’il ne doit pas être queftion
de les réunir , foit que les- poffeffeurs aient
p ayé , ou non, des deniers d’entrée , mais qu’au-
contraire il eft à propos. de faire des baux à
cens 3c rentes de tous les autres biens de cette
nature, qui relient entre les mains du r o i , par
la raifon qu’ils ne peuvent être mis dans leur véritable
valeur , que par des colons qui foient en
état de les exploiter par eux-mêmes.
On a ci-devant rapporté l ’opinion de l ’autre
auteur fur les domaines en fonds ; elle eft tirée des
Recherches & confidératioûs fur les finances, Koye^
page 57p de ce volume.
Le premier dé ces écrivains ne développe pas
fa penfée , fur ce qui touche les grands domaines.
Il croit qu’on ne doit pas réunir ceux mêmes
f l j
des petits domaines , dont les poffeffeurs ont paye
des deniers d’entrée -; mais. il n’explique pas les
motifs qui le déterminent. Peut-être n’en a - t - i l
point eu d’autre que là"modicité de l ’objet ; il
faut avouer cependant que l’indulgence qu’il témoigne
à cet égard , ne fe concilie pas avec l’a rrêt
du parlement de Paris , du 27 mai 1 $66 , portant
enregiftrement du fécond édit du mois de février
précédent.
Quand on envifageroit comme purement comminatoire
, la peine que prononce cet arrêt', de
payer le quadruple des deniers d’entrée qui auraient
été délivrés par les aliénataires , avec réunion
de plein droit à la couronne de la chofe aliénée
, ne refteroic - il pas encore à examiner fi
l’aliénation fe trouvant irréguliere , elle devroic
néanmoins avoir fon effet à perpétuité ? Il femble-
roit jufte de ne pas-accorder aux inféodations de
petits domaines , faites avec deniers d’entrée , la
même faveur qu’à celles qui n’ ont point eu d’autre
prix, qu’une redevance foncière , perpétuelle ÔC
non racfietable.
Quoi qu’il en f o i t , l’auteur n’ouvre aucune voie
nouvelle pour rendre plus utile la régie des grands
domaines. Il eft certain , comme il le remarque ,
qu’ il eft plus avantageux au roi de faire les reventes
en rentes, qu’ en deniers comptans , qui fe
confomment à mefure de la recette. Mais a - t - i l
raifon d’ajouter qu’il , n’y a point de comparaifon
de cet avantage , à celui que próeureroit une
réunion effective des parties diftraites au tout ?
S’il entend par ces termes , que la maniéré la
plus avantageuse d’adininiftrer les grands domaines ,
eft de les. faire tous rentrer dans les mains du
ro i, pour les comprendre dans le bail général des
fermes de fa m-ajellé , on ne fauroit croire qu’il
trouve beaucoup de fedlateurs. Laiffantà part la difficulté
de faire des fonds , pour le rembourfement
des finances payées par les engagiftes, fans quoi,
néanmoins , la réunion des parties diftraites au
tout, ne peut être exécutée, l’avantage que l’auteur
vante comme incomparable , feroit nul , ou
fe borner oit à bien peu de chofe.
Les mêmes confédérations, par lefquelles on eft
généralement d’accord fur l’unique moyen de mettra
les petits domaines en valeur , font applicables
aux grands 'domaines. Le produit des- terres
domaniales fera toujours fort au-deffous de ce qu’il
pourroit être , lorsqu'elles feront gouvernées par
des fermiers , dont lès baux n’excéderont pas le
terme de fix années.
Si l’on s’en rapporte à la plupart des écrivain#
qui , dans cés derniers tems , ont traité de l’agriculture
, la durée des baux de neuf ans n’ eft pas
même affez longue pour qü’ un fermier entreprenne
diverfes améliorations , dont l’ effet ne corn-
menceroit à fe faire fentir qu’à l’expiration de fa
jouiffimee. De plus', ne fait-on pas que la meilleure
exploitation a befoin d’être furveillée par
F f f f i j -