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les droits ou les douanes de l'intérieur du royaume.
Leurs effets pernicieux font fi frappans, que tous
les miniftres zélés pour le bonheur de la nation ,
ont cherché les moyens de les faire celfer.
En 1688 j M. le Pelletier , contrôleur-général,
fentant combien il importoit au commerce de
mettre de l’prdre St de la régularité dans la perception
des droits des provinces réputées étrangères
, y fit envoyer des membres du confeil pour
entendre les plaintes des négocians & des prépofés
des fermes', fur les abus & fur les moyens de les
réformer.
C ’eft à cette commiflion qu’ell dû l’excellent
procès-verbal de M. d’Aguelfeau , pere du célébré
chancelier de ce nom, fur tous les droits qui
fe perçoivent en Dauphiné , Languedoc , Provence
. Lyonnois & Bugey, & dont on a donné
un extrait aux mots D ouane d e L yon , Fo-
n a in e , D ouane d e V a l e n c e . Voyt[ ces
articles-.
Au commencement de ce fiècle, il fut encore
queftion de rectifier les tarifs. Le préambule de
l ’arrêt du confeil du z avril 170a , annonce que
le roi faifoit travailler depuis quelques années"à
leur révifion , pour faire un règlement général
fur les droits d’entrée ôc de fortie.
Le gouvernement manifeila les mêmes vues
dans les articles 18 Ôc ip de l’édit du mois d’août
I7 I7 > révoque ou fufpend tous les privilèges,
afin , y eft-il dit, de fimpLifier les droits des fermes ,
d'en diminuer les frais de régie, & de rendre la vie
& le mouvement au commerce.
En 1731 , on reprit l’affaire d’un tarif général,
portant un droit unique, jugé néceffaire pour remédier
aux vices des tarifs locaux- Depuis 1735
. jufqu’en 1740 , il fe tint chez M. Fagon , intendant
des finances , des affemblées qui avoient pour
objet l’impofîtion d’un droit unique , tant à l ’entrée
qu’à la fortie du royaume , & la fuppreffion
des droits intérieurs.
Ces bonnes intentions repèrent fans eflèt, par
rapport à la guerre de 1740 ; elles fe ranimèrent
plus utilement en I7f8 ; elles donnèrent naiffance
à un tarif uniforme, qu’on dit avoir été achevé
en huit ans , & qui compofe deux gros volumes
in - fo l. Mais les.oppofitions de quelques
provinces, peut-être même les craintes du gouvernement
, effrayé par les clameurs des partifans
de la perception établie, lefquels publîoient malignement
que l’Etat perdoit au moins quatre millions
de revenus, firent féqueftrer ce tarif, qui n’a
pas vu le jour depuis cette époque.
En eft-il une plus favorable à l’ efpérance de <
Voir établir ce droit unique & ce tarif bienfaifant,
qui doit renverfer ces funeftes barrières placées
entre nos provinces , qu’un règne où l’on voit la
félicité du peuple être Tunique paffion du fouve-
yerain.
D R o
Afin de juger avec une précifion rîgûuftufe <ïê'
l’effet qu’une réforme peut produire fur les droits
du roi , & d’apprécier , autant qu’il eft poffible,
la diminution qu’ils éprouveront ; n’eft-il pas né-
ceflaire d’avoir une connoiffance exaéïe du montant
de la recette de tous les bureaux aéluels ,
principalement de ceux qui font intérieurs, ÔC
des frais de la manutention de ces deniers?
Pour acquérir cette connoiflance qui doit décider
de cet établiffement , il eft effentiel de choifît
une voie fûre. Il s’en préfente trois.
La première feroit de créer deux infpeéleurs-
généraux des douanes, qui auroient chacun un
département compofé de dix - huit diredtions des.
fermes dans lefquelles fe lèvent les droits de traites.
La première opération de Sully , après fon avènement
à la furintendance des finances, fut de fe
procurer une connoiflance fûre des revenus 6c des
dettes de l’Etat , par le moyen des commiffaires
qu’il fit voyager dans les provinces. Recherches &
confidérations fur les finances , tome Ier. in- 1 1*
page 40.
Leurs fondions confifteroient à parcourir ces diredtions
, pour y recueillir des renfeignemens fur
les droits, 6c s’aflurer du nombre des bureaux qui
les perçoivent, en diftinguant ceux de la frontière
du pays étranger, des bureaux placés fur les
limites de deux provinces.
L ’uniformité 6c la précifion étant à defirer dans
leur travail, on pourroit les affujettir à un plan
commun, dont le réfultat préfenteroit le tableau
des douanes à fiipprimcr , avec la totalité de leur
recette , rapprochée de la totalité de leur dépenfe.
Ce tableau embrafleroit tout le royaume confî-
déré par diredtions des fermes , 6c feroit divifé en
trente fedtiens fous les titres renfermés dans .l’état
qu’on trouvera ci-après. Ces articles étant remplis
par le dépouillement des regiftres , donneroient
non-feulement la fomme des droits des fermes, levés
fur le commerce intérieur, mais encore celle des
droits de péages , qui font, quoique minutieux y
un objet très - conndérable par leur multitude ,
6c par leur répétition à chaque ville ou chaque
feigneurie.
Tout bon patriote eft affligé de voir que ltt
Saône 6c le Rhône , ces deux voies naturelles de
communication entre dix grandes provinces , ne
foient. pas auflï fréquentées qu’elles pourroient
l’être , à caufe des droits exccffifs dont leur navigation
eft chargée. Une foule de bureaux hérifle
leurs bords 6c défend leurs eaux. De Grafy ,.en
Franche-Comté, ou la Saône commence à porter
bareau , jufqu’à Arles en Provence, il faut s’arrêter
trente fois pour payer trente droits diffé-
rens, qui montent en générai à vingt-cinq ©u trente
pour cent.
Voici l’énumération des lieux où ils fe per- j
çoivent, 6c la quotité du droit par quintal. A Gray, I
cinq fols ; Pontarlier , dix fols ; Auxonne , vingt-
cinq fols; Saint-Jean-de-Laune , dix fols; Seurre,
cinq fols; Verdun, trois livres; Châlons , une
livre un fol trois deniers ; Tournus, fept fols fix
deniers ; Mâcon, onze fols trois deniers; Trévoux,
onze fols; Lyon, quinze fols ; Viennne,
trois livres neuf fols ; Auberive , fix fols; Saint-
Rambert, cinq fols ; Serrieres , douze fols ; Saint-
Vallier, fix fols.; Tournon , dix-huit fols ; Valence
, une livre fix fols ; La Voulte, une livre
fix fols ; Buix, neuf fols ; Viviers , quinze fols ;
Saint - Efprk, dix fols ; Montelimart, une livre
deux fols ; Roque-maure , une livre dix fols ; le
Paty, une livre dix fols ; Beaucaire, douze fols ;
Tarafcon , neuf fols; Arles , une livre cinq fols.
Ces péages font ceux qui fe lèvent fur les fers ,
indépendamment des droits des fermes, qui font
au nombre de fix ; en forte que trois pouds de
fer de Ruflic , apportés à Marfeille , ne paient
que dix-huit ou vingt pour cent, tandis que ceux
de Franche - Comté acquittent près de trente-
cinq pour cent, en y Comprenant les droits des
fermes.
Le poud eft un poids de quarante livres , poids
d’Archangel, qui eft le même que celui de table en
ufage à Marfeille. Trois pouds font cent quatre
livres poids dé marc , 6c ne coûtent, en Sibérie ,
que onze livres neuf fols , y compris les droits de
douane , d’un fol trois deniers par poud.
Si les fermiers de ces péages n’en faifoient pas
eompofîtion fur les bois , ces droits en excéderoient
la valeur.
Le roi a acquis de M. feu le prince de Conty,
& de M. le prince de Soubife, la propriété de
différens droits de péage fur le Rhône, qui font
un objet de cent cinquante à. cent fofoanîe iffille
livres par an; ils n’ont pas été fupprimés, 6c font
compris dans le bail des fermes.
Si les bords de ces fleuves exigent un entretien
néceffaire à la navigation , c’eft: à l’Etat à en
faire la dépenfe, fauf à convertir ces trente droits
■ de péage en trois , dont le paiement économife-
roit au moins dix-huit heures, épargneroit beaucoup
de peine aux navigateurs , 6c ferviroit au
rembourfement des propriétaires de ces droits. Au
jrefte , voyc% ce qui a été dit de leur fuppreflion
Ôc. de leur remplacement, au mot C o r v é e .
Il y a lieu de croire que la communication par
terre 6c par eau , une fois dégagée de toutes les
entraves qui l’embarraffent , l’adtivité du commerce
s’accroîtroit avec fa liberté.
Cependant s’il n’eft paspoffible de donner à cette
liberté toute l’extenfion qu’elle recevroit de la
double fuppreflion des péages 6c des droits de l’intérieur
, le tableau exadt de leur produit n’en
feroit pas moins utile. Il mettront le gouvernement
en état de procurer au commerce , fuivant
les circanftances , le foulagement 6c la faveur qui
peuvent fervir à fes progrès , fur-tout en prenant
le parti de mettre les droits de traites en régie ,
ÔC il feroit voir fur lefquels de ces droits , ou de
ceux de péage, doit tomber la première réformation.
Si c’eft: fur les péages, on ne pourroit, ce fem-
ble, mieux faire que d’adopter le plan dont il a été
parlé au mot C O R V É E , qui a pour objet d’abolif
ce refte de fervitude , ainfi que tous les péages ,
ôc de les remplacer par un droit général, perceptible
fur toutes les routes , ainfi qu’il en eft:
perçu dans les Pays-Bas, en Allemagne ÔC en Angleterre.
Si c’eft: fur les droits intérieurs, le tarif uniforme
pourvoira vraifemblablement à tout. Du moins il
eft: à defirer que fa derniere claffe ne foit que d’ua
demi pour cent ; elle fera connoître bien plus
fûrement que le fyfcême adtuei , la balance dt»
commerce d’importations 6c d’exportations : objet
intéreffant qui femblerôit devoir être , comme en
Angleterre , mis chaque année fous les yeux de
la nation, afin que les gens éclairés fuffent à portée
de donner leur avis fur les moyens de la faire
pencher en fa faveur. Voye3; BALANCE DU COM-1
MERCE.
Dans ce nouvel état des chofes , le commerce
de tout le royaume fe préfente fous le même point
de vue que celui de la ville de Paris , où toutes
les marchandifes n’obtiennent la liberté de#circuler
, qu’après avoir acquitté à la barrière d’entrée,
le droit auquel elles font fujettes.
E t , comme parmi ces barrières, il en eft plu-
fieurs qui font fermées à certaines marchandifes ,
aux vins , par exemple, lefquels ne peuvent entrer
que par des paffages indiqués ; de même auflï,
quelques efpeces de marchandifes apportées du
pays étranger , ne pourroient être admifes dans le
royaume que par des bureaux défignés.
Cette reftridtion eft néceffaire pour réprimer la
facilité des abus ; car dans la chaîne des bureaux
qui inveftiront tou* le royaume , il s’en trouvera
nombre de peu importans, foit par la difficulté de
leur accès , foit par leur pofîtion ifolée, ou loin
de toute voie de communication. Il ne feroit pas
raifonnable de compofer ceux- ci , malgré leurs
défavantages naturels, de la même maniéré que
des bureaux fitués dans des ports commerçans ,
ou placés fur des routes très-fréquentées.
Conféquemment ces petits bureaux , qui ne fon t
que de conferve , ôc deftinés feulement à perc ev
o ir des,droits fur les objets d’un commerce lo c a l ,
doivent ê tre fermés à l’importation étrangè re. La
préférence qui leur fe ro it ac cord ée , ne pou rroit
être fondée que fur la fa c ilité d’éluder le paiement
des droits, ou fu r la certitude d’en obtenir
I une benne çompofition , auprès d’un commis q u i.