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M. de Ligny fe fouviendra de dreffer un état
» général, mais diftingué néanmoins par année
33 s’il eft poflible , de toutes les rentes rachetées
y> par le roi , tant fur les domaines, recettes
» générales 8c particulières , que fur le parifîs
» de les grelfes ; & eflaiera. de rendre ledit état
» fi exaéi, qu’il n’y foit omis aucune des rentes
» rachetées.
» Le fieur Lichany fe fouviendra , tous les
» mercredis 8c famedis à midi, de venir rendre
» compte à monfeigneur le duc de Sully , pour
c» les pavés de Paris ; 8c à mefure qne les ate-
» liers changeront, il drefleya un autre état pour
39 la diftribution defdits ateliers , lequel il pré-
33 fentera à monfeigneur le grand-y oyer , pour
33 être ligné, portant contrainte, & le fera exé-
» cuter avec toute rigueur 8c févérité.
33 Et au cas que l’entrepreneur faflè travailler
>9 trop négligemment aux endroits ordonnés par
33 ledit état, à l’inftant il fera employé des pa-
33 veurs de Paris , autres que fes affociés ; lef-
33 quels feront rembourfés du fonds dudit entre-
» preneur, fans aucun retardement. »
L ’exécution d’un règlement aulfi fage ne fut fans
doute guere maintenu après la retraite de Sully,
8c le défordre recommença parmi les comptables.
Des écrits publics, autorifés par l’indication d’une
aflemblée des notables, au a feptembre i 6i 69 reprochoient
l’excès des taxations & des droits accordés
aux comptables. D es par tifans fe faifoient adju'
ger pour un léger feCours d’argent, obferve*t-on,
le revenu des recettes 8c le prix des fermes , avant
l’échéance des termes ; que prefque toujours ces
marchés fe faifoient avec l’argent même du roi ,
par la connivence des tréforiers, qui , non contens
de leurs gains extraordinaires, favent encore pré-
fenter de faux états , fur lefquels le crédit des
proteéieurs leur fait adjuger des dédommagement.
Le tableau de la fîtuation des financés , fait à
Taffemblée par le marquis d’Effiat, nouvellement
furintendant des finances , peint tout le défordre
qui régnoit dans les caifles. « Il s’eft auflï ren-
33 contré, dit- ce minière, que tous les tréforiers
33 de l’épargne, qui ont levé fur les receveurs-
33 généraux des fommes d’argent avant le terme
33 échu , n’étoient point ceux auxquels ils de-
33 voient répondre en l’année de leur exercice.
39 L ’épargne , formant ainfî fes recettes cohfufé-
33 ment, s’eft trouvée tellement ëmbarraffée , qu’il
33 n’y a plus eu lieu de voir clair dans fes
33 comptes.
33 Les naturaliftes difent que la feiche a cette
33 induftrie de troubler l’eau , pour tromper les
33 yeux des pêcheurs qui l’épient ; de même les
33 tréforiers ont perverti tout l’ordre, 8c obfcurci
33 leur maniement, afin qu’on ne pût apprendre ,
33 par l’épargne -, les recettes qui s’étoient: faites
» dans les généralités, ni pareillement juger des
» dépènfcs ; quoique l’épargne foit la fource d’où
33 doivent fortir les moyens de les faire.
»i De-là vient que quand ce compte de l ’épargne
33 èft^démeuré, ceux des généralités reftent aulfi
* accroches ; femblables à un peloton de fil mêlé ,
» dont vous ne pouvez tirer un bout que vous
33 ne ferriez davantage les autres ; 8c ce , d’au-
» tant plus, que les tréforiers de l’épargne ont
33 pouvoir de faire rècette 8c dépenfe de leur
» autorité, jufqu’à la clôture de leur compte ,
33 qui ne peut être fini que quand il leur plaît.
39 Le moyen d’éviter ce défordre , eft que le
33 furintendant compte avec eux de jour à autre,
33 du moins toutes les femaines , 8c pourtant fe
39 trouvera bien empêché , avec cette vigilance ,
33 de pénétrer dans le fond de leur maniement.
\ Je n’aurai pas peu d’affaires , étant à préfent
33 en charge, de voir les comptes de dix tré-
39 foriers de l’épargne , ayant tous la même auto-
33 rité que celui qui eft en exercice , 8c en même
33 tems compter avec cent 8c tant de receveurs-
63 généraux, plus de cent vingt fermiers 8c au-
33 tant de traitans, qui ont dû porter leur recette
33 à l’épargne pendant les cinq années dont ils
33 n’ont encore entièrement compté.
33 Combien de comptes de diverfes natures de
33 deniers , doivent rendre lés tréforiers des par-
33 ties cafuelles ! Tous ceux qui ont agi par com- 39 million aux reventes du domaine, qui en ont
33 reçu les deniers par les quittances de l’épargne ,
33 desquelles ils n’ont point encore rapporté des
33 ampliations ; ce qui empêché l’épargne d’en
39 faire fa recette affurée. r
33 O r , s’il y a tant de difficulté à reconnoître
» la vérité en la plus facile fondion des finances ,
33 qui eft la recette , comment pourra-t-on péné-
33 trer jufqu’au fond de la recette, pour voir fi
33 elle eft vraie ou fauffe, après qu’elle a paffé
39 par tant de mains différentes, tant de divers
» fujets, 8c fous l’autorité de plufîeurs ordonna-
33 teurs, defquels aucuns ne font aduellement en
33 charge , 8c les autres difent qu’ils ne font
>9 obligés de rendre compte de leur geftion qu’au
33 roi.
33 Le fur-intendant dès finances,eft feul contre
33 tous venans qui s’accordent pour l’attaquer. 33 En vain il fait ce qu’il peut pour les cônten-
>3 ter : rie pouvant donner fatisfadion qu’ai- quel-
33 ques-uns , il ne peut que plaindre les autres ;
33 ainfî , n’y ayant point de règle dans l’épargne,
3» toutes chofes qui en dépendent tombent en 33 confufion.
33 J’appélïe à témoin de mon dire , la chambre 3> dés comptes , s’il n’eft pas véritable qu’elle
33 s’eft trouvée en ce point de ne pouvoir exa-
33 miner 8c clorre les comptes , faute que ceux
33' de l’épargne n’ayoient point été arrêtés. 1
y* M. le procureur-général en ladite chambre,
ffif
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33 ci préfent, vous affurera qu’il m-eft venu dire
» de leur part, qu’ils ne pouvoient faire leurs
33 fondions , que les comptes de l’épargne ne
33 fuffent rendus entièrement , 8c que les comp-
3> tables qui y portent les deniers de leurs charges,
33 ou y prennent les affignations , n’euffent fait
33 de même ; d’autant que les recettes de tant
3> d’années accumulées formoient de fî grandes
33 confufîons , 8c favorifoient fî fort les diver-'
33 tiffemens, qu’il n’étoit pas poflible de difeerner
33 les vraies recettes 8c dépenlès, d’avec les vrai«
33 femblables. 33 .v.:
Il eft à préfumer que les règles preferîtés aux
comptables, par M. de Sully , ne furent jamais
remifes en vigueur , puifque M . de Colbert, à
fon avènement au miniftere , trouva les • caifles
dans cet état de défordre 8c de déprédation dont
le fur-intendant d’Effiat fe plaint fî vivement.
En 1662 , les pertes de l’état étoient énormes.
Toutes venoient principalement de la confufion
des recettes. Chaque receveur déguifoit à fon
gré l’état de fa caiffe. Le miniftré preffé avoit
recours aux emprunts , aux traités ruineux, 8c
ces mêmes receveurs prêtoïent au roi fes propres
deniers , à un quart 8c un tiers de profit.
Souvent c’étoit fur les porteurs d’affignations que
tomboient leurs ufures ; ils les faifoient languir
jufqu’à ce que le befoin en arrachât un efcoinpte.
La licence des tems avoit reproduit tous les abus
qu’on a vus en 1608.
M. de Colbert rappella les anciennes ordonnances
par lefquelles tout comptable étoit aftreint
à fournir au confeil, des états au vrai de la recette
8c de la dépenfe, trois .mois après fon exercice ,
& à faire recevoir fon compte à la chambre du
r effort , dans l’année d’après fon exercice ; méthode
excellente, qui faifoit jouir l’état des fonds
considérables qui reftent entre les mains des receveurs
généraux , jufqü’à la reddition de leurs
comptes , 8c dont le roi payoit cependant l ’intérêt
, puifqu’ils fervoient aux avances dont il
avait befoin.
En réformant cet abus , qui fera toujours plus
grand, à mefure que les comptes feront plus retardés
, il obligea les receveurs à ligner des
xéfultats, pour fixer le paiement des tailles dans
dix-huit mois, 8c depuis , dans quinze, lorfque
les campagnes furent un peu rétablies. En 1669 >
M. de Colbert ajouta à ces précautions , celle de
preferire auyl' comptables de tenir un journal très-
détaillé de leur recette 8c dépenfe.
Mais la pente, qui dans cette condition conduit à
la négligence de toute règle , eft fi douce ; l’intérêt
des comptables fe trouvé fi bien de l’obfcurité 8c
de la confufion, que les foins de M. Colbert furent
bientôt anéantis. En 16511 , tous les abus
s’étoient renouvellés.- Parmi les défordres qui
s’étoient gliffés dans les finances , celui de la te-
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nue des livres des comptables devint un des plus
ruineux pour le prince 8c pour l’état. La forme
des journaux, fifoigneufement établie par M. Colbert
, fut négligée ; l’obfcurité s’y mit. Les receveurs
firent valoir à gros intérêt l’argertt de
leur caiffe, 8c ce fut le prince même qui les paya,
parce que la rentrée des parties du tréfor rèjyal
ne - fe faifoit plus, avec exactitude. La circonftance
de la guerre aida le miniftré à croire ce que les
receveurs avoient intérêt qu’il c rût, c’eft-à-dire,
que les recouvremens languiffoient à caûfe de la
mifere.
La même inatttention accumula .les. débets à
un point exceflîf. On parvint à les regarder indécemment
dans Je commerce, comme un droit attaché
à la'charge. Les fuites dé cette' faute effentielle,
obferve Teftimàblej auteur des Recherches fur les
finances, dont nous empruntons ces réflexions , ont
peut-être coûté trois cents millions à l’état, pendant
le refte du régne de Loiiis X IV .
Ce ne fut qu’après la mort.de; çe monarque ,
en 1716 , que l’on s’avifa de faire une loi fio-
lemnelle , pour établir Tordre 8c la clarté dans
la comptabilité de toutes les caiffes.
On prit d’abord le parti d’adminiftrer les recettes
générales ; pour y parvenir , il falloir commencer
par établir un ordre très-exad dans les
journaux j foit des receveurs particuliers, foit des
receveurs-généraux , afin que les uns fuffent le
contrôle des autres. Un fecret profond 8c une
précilîon finguliere , foit dans les ordres , foit
dans les mefures prifes pour l’exécution , pouvoient
feuls en affurer le fruit qu’on fe pro-
mettoit 's tout fut combiné de maniéré, que dans
le même jour les procès-verbaux de la fîtuation
des;caiffes , le paraphe des regiftres , 8c l’inventaire
de toutes les pièces furent faits chez tous les receveurs
généraux 8c particuliers des impofîtions.
Ce fut dès le 4 juin que M. le duc de Noailles,
préfident du confeil royal des finances , écrivit
aux intendans de faire parapher 5c vifer , par
leurs fubdëlégués, tous les regiftres des receveurs
des tailles, 8c des commis à la recette générale,
'dans l’état où ils fe trouveroient ; tant regiftres-
journaux , que livrés de dépouillement , pour
toute efpece d’impofîtion , foit de Tannée courante^,
foit des années antérieures.
Les quittances comptables ou finales , les récé-
piffés à compte , les referiptions ou traites qui
fe trouvèrent, furent vifés , 8c il en fut dreffé
des états Jcertifiés année par année.
en ufa de même pour les quittances , ou
récépiffés à compte des parties prenantes.
Par ce moyen, le confeil fut en état de faire
compter tous les receveurs de ce qui avoit précédé
, fans qu’il fût poflible, foie de déguifer les
faits , foit de détourner les fonds.
En meme tems parut l’édit du mois de juin