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& les hommes abandonneront les autres profeflîons.
ï.a circulation des denrées à l ’ufage du plus grand
nombre, eft interrompue par cette difproportion,
• ôc n’eft point remplacée par l’accrôifïèment du
luxe de quelques citoyens.
6°. Si ces dettes publiques deviennent monnoie ,
c ’eft un abus volontaire ajouté à un abus de né-
ceffîté.^ L ’effet de ces repréfentations multipliées
de l ’efpecç , fera le même que celui d’un accroif-
fement dans fa maffe ; les denrées feront représentées
par' une plus grande quantité de métaux,
ce qui en diminuera la vente aufdehors. Dans des
accès de confiance', ôc avant qiie le fecret de ces
repréfentations fût connu , on en a vu l ’ufage affu-
rer tellement le crédit ge'néral,que les réductions
d’intérêts s’opéroient naturellement : ces réductions
réparoient en partie l’inconvénient du fur-
hauffement des prix , relativement aux autres peuples
, qui payoient les intérêts plus cher. Il feroit
peu fage de Pefpérer aujourd’hui, ôc toute réduction
forcée eft contraire aux principes du crédit'
public.
On a vu un exemple frappant de cette vérité ,
en 1770 8c 1771 , fous le miniftere de l ’abbé
Terra y. Jamais le crédit national ne reçut une
iî forte atteinte, que par la réduction ~a moitié des
capitaux d’une grande partie des effets publics,
8c par la fufpenlïon du rembourfement des billets
des fermes 8c des referiptions. Auffi, lorfque peu
de tems après ces opérations violentes, on ouvrit
un emprunt tant en Hollande qu’en Francé, plu-
fieurs parties coûtèrent jufqu’à quinze pour cent
d’intérêt fur une tête.
Le crédit fut relevé par le nouvel ordre de
chofes qui fuivit la mort de Louis X V .
Le miniftre des finances que nomma-Louis X V I ,
homme vertueux ôc paffionné pour le bien public,
donna une face avantageufe aux affaires , & fit
remonter le crédit 3 au point que l’intérêt de l’argent
tomba à quatre pour cent. Le clergé 8c les pays
d’états empruntèrent à ce taux_^ pour rembourfer
des capitaux dont ils payoient cinq pour cent ;
& furent autorifés par les lettres-patentes des 2,1 octobre
& 1 6 décembre 177^ , les arrêts des ip
février ôc 10 mars 1776.
Nous allons terminer cet article , par rapporter
tout ce qu’on trouve de relatif au • crédit public,
dans le compte des finances mis fous les yeux du
roi en 1781. Perfonne ne pou voit en parler avec
plus de connoiflance, que l’homme d’état qui avoir ;
ïii lui donner une telle étendue, qu’au milieu de la
guerre la plus coûteufe, il étoit parvenu à pourvoir
à des befoins immenfes , par l’effet de la confiance
qu’il avoir infpirée dans fes opérations préfentes
& projetées. On ne pouvoir affurément
préfenter de meilleurs préceptes, qu’ en les donnant
à la fuite de l’exemple.
Après avoir expofé que les revenus ordinaires
lurpaffent les dépenfes ordinaires de vingt-fept
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millions cinq cents mille livres , il femblero.it
au premier coup-d’oe il, eft-il d it, page 14 , « que
» ce tableau confolant fuffiroit pour écarter toute
» idée d’ embarras, 8c pour fe livrer à la plus
» parfaite tranquillité. Mais telle eft l’importance
» & la néceftité du crédit, dans les tems extraor-
33 dinaires , que fi ce crédit n’exiftoit pas, que s’il
33 étoit circonfcrit dans de trop juftes bornes ,
33 les difficultés s’éleveroient de toutes parts , 8c
33 la confufîon pourroit naître à côté du meilleur
33 état des finances.
33 Une caufe du grand crédit de l’Angleterre ,
33 c’e ft, n’en doutons p oint, la notoriété publi-
» que à laquelle eft fournis l’état de fes finances;
33 Chaque année cet état eft préfenté au parle-
33 mention l’imprime enfuite, 8c tous les prêteurs
» connoiffant ainfî régulièrement la proportion
33 qu’on maintient entre les revenus 8c les dé-
33 penfes, ils ne font point troublés par les foup-
33 çons ôc les craintes chimériques., compagnes
x> inféparables de l ’.obfcurité.
33 En France on a fait conftamment un myftère
33 de l’état des finances , ou fi quelquefois on en
» a parlé , c’ eft dans des préambules d’édits, ÔC
33 toujours au moment où l’on vouloir emprunter;
33 mais ces "paroles trop fouvent.les mêmes-pour
33 etre toujours vraies , ont dû néceffairement
33 perdre de leur autorité , Ôc les hommes d’ex-
33 périence n’y croyent plus, que fous la caution,
33 pour ainfî dire , du caractère moral du miniftre
35 des finances. Il eft important de fonder la con-
>3 fiance fur des bafes plus folides : je con-
33 viens que dans quelques circonftances on a
33 pu profiter du voile répandu fur la fituation
» des finances, pour obtenir au milieu du défor-
33 dre, un crédit médiocre qui n’étoit pas mérité;
39 mais cet avantage paflàger , en entraînant une
33 iliufîon trompeufe ., 8c en favorifant l’indiffé-
33 rence de l ’adminiftration , n’a pas tardé d’être
33 fuivi par des opérations malhèureufes dont
33 Pimprefïïon. dure encore, & fera longue à guérir.
33 Ce n’eft donc qu’au premier moment ou un 33 grand état fe dérange, que la lumière répaîn-
33 due fur la fituation des finances, devient em-
33 barraffante ; mais fi cette publicité même eût
33 prévenu ce défordre, quelle fervice n’eut-elle
a» pas rendu ?
. 33 La plus dangereufe, comme la plus i-njufte
33 des reffources , c’eft de chercher dans une con-
33 fiance aveugle quelques fecours paffagers , &
33 de. faire des emprunts fans en avoir affuré Fin-
33 té rê t, ou par des augmentations de revenus, ou
3=* par des économies.
33 Une telle adminiftration qui féduir, parce
» qu’elle éloigne le moment des embarras , ne
33 fait qu’accroître le mal 8c creufer plus avant le
33 précipice , tandis qu’une autre conduite 8c plus
33 fimple ôc plus franche, multiplieroit les moyens
» du fouve-rain, ôc le défendroit à jamais de toute
33 efpèce d’injuftice.
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33 C ’eft donc une grande vue d’adminiftratîon
» de la part de votre majefté , que d’avoir per- 33 mis qu’on rendît un compte public de l ’état de
>3 fes finances , ôc je defire, pour le bonheur du
33 royaume ôc pour fa puiffanee , que cette heu-
>3 reufe inftitution ne foit point paflagerc. Eh !
33 que craindre en effet d’un pareil compte, fi ,
■ 33 pour qu’il foit le fondement Ôc l ’appui du crédit,
33 il ne faut autre chofe que ce qu’exigeroient
33 d’un fouverain les règles les plus (impies de
» la morale , c’eft-à-dire , proportionner les dé-
33 penfes aux "revenus 3 & ajfurer un gage aux prê-
33, - teurs , toutes les fo is que dans les befoins de l’état 33 on a recours a leur confiance ?
: 33 Une exaCte balance entre les revenus ôc les
33 dépenfes , eft tout ce qu’il faut à un royaume
3» qui jouit du bonheur de la paix. Il n’eft point
33 obligé de recourir à des emprunts , puiique fes
33 revenus fuffifent à fes befoins, ôc la confiance
.» publique pourroit en quelque maniéré lui être
33 indifférente. Mais la guerre contraignant à 3» chercher des fecours extraordinaires, il faut
3» trouver des capitaux pour y fuffirq ; ÔC comme
33 les circonftances font impérieufes , fi le crédit
33 manque, les embarras naiffent ; une première
33 opération forcée en entraîne d’autres, les be-
33 foins du moment, luttent contre la juftice du
33 fouverain , l ’adminiltration fe trouble, ôc les
33 effets du diferédit,peuvent quelquefois reffembler
» momentanément au défordre ôc à la fubverfion
33 entière des finances!'
33 Mais fi le maintien du crédit eft intéreffant
33 pour les créanciers de l’état , s’il importe à la
33 puiffanee du fouverain , il eft également pré-
33 ci eux aux contribuables , puifque c’ eft par le
'33 crédit qu’ils font préfervés de ces tributs au-
33 deffus de leurs forces , que la néceflïté com-
33 mander oit peut-être , ôc malheureufement au
» milieu des circonftances où les peuples ont le
V> plus befoin de ménagement , puifque déjà la
33 guerre elle - même eft une forte d’impôt par
33 la ftagnation du commerce, ôc par le ralen-
33 tiffement du débit des productions nationales.
33 Sans doute le royaume de votre majefté,
33 eft de tous ceux de l’Europe, celui qui réunit
3j le plus de facultés pour fubvenir à ces impôts
33 extraordinaires ôc paflagers. Mais, malgré cette
>3 fupériorité , ce n’eft-là qu’une foible reffource
» à côté de celles que peuvent préfenter le crédit
33 Ôc la confiance, quand ces moyens fubfiftent
33 dans leur vigueur.
33 J’obferverai même que lorfque l’état des
33 finances eft un objet d’obfcurité profonde , ôc
» qu’il faut pourvoir à- cent cinquante millions
33 de dépenfes extraordinaires, ce n’ eft pas, je 35 crois , une chofe bien vue, que d’établir vingt
* ou trente millions d’impôts de la nature de
» ceux qui , finiffant avec la guerre , ne font
» pas applicables aux gages des emprunts , car
» ces levées paffageres ne balancent pas le tort
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qu’elles font au crédit. Le p ub lic, faute de
connoiffancc fur la fituation des affaires , en-
vifage alors ces impôts comme un lignai de
détreffe ; ôc au contraire, tant qu’on n’a pas
recours à cette reffource, ôc qu’elle fa it , pour
ainfî d ire , un corps de réferve , la mefure en
eft inconnue ; on l’exagere en idée , ÔC les
efprits font moins agités. Et c’ eft ainfî que
le myftère Ôc l’obfcurité fur l ’état des finances,,
obligent le gouvernement à ménager fans ceffe
l ’imagination , ôc à mettre une partie de fa
force dans les apparences ; au lieu que la clarté
ôc la franchife n’ont befoin que de parler à
la raifon , Ôc donnent à la confiance un fou-
tien plus fidèle ôc plus affuré.
33 C ’eft pour avoir fuivi conftamment de pareilles
maximes , .que l’Angleterre trouve encore
à préfent jufqu’à trois cents millions dans
une année, ôc qu’elle déploie une fomme d’efforts
ôc de puiffanee qui n’eft dans aucune proportion
avec fes rioheffes numéraires ôc fa
population.
33 Jamais donc on n’ a pu connoître d’une maniéré
plus frappante qu’aujourd’hui , de quelle
33
33
33
3?
■ 33
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• 33 -
>3
33'. -33
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v
33,
»,
importance eft le crédit public. L ’introduCtion
de ce moyen de force, n’eft pas très-ancienne,
Ôc il eût été à délirer , peut-être'pour le bien
de l’humanité , qu’on ne l’eût jamais connu.
C ’eft ainfî qu’on a pu raffembler dans un inf-
tant les efforts de plufîeurs générations ; ÔC c ’eft
ainfî qu’en accumulant les dépenfes, on a porté
les armées aux extrémités du monde , ôc qu’on
a fu joindre la dévaluation rapide des Climats
brûlans , à tous les maux anciens Ôc multipliés
de la guerre.
33 Quoi qu’il en foit, ce nouveau genre de riv a lité
, ce nouveau moyen de domination une fois
introduits , il importe à la puiffanee d’un fouverain
de l’obtenir ôc de le ménager , ainfî
qu’il eft obligé d’entretenir de grandes armées
difeiplinées , quand les voifins qui l’entourent
déploient pareillement leurs forces militaires.
33 Ayant donc fenti toute l’importance du crédit
en France , il étoit du devoir de ma place d’y
donner la plus grande attention. Je n’ai pu mé-
connoître qu’on avoit fait depuis la derniere
paix, ( 1763 ) tout ce qu’il falloir pour détruire
la confiance ; tandis que dans ce long efpace
de tranquillité, ileût été fi facile de faire oublier
les opérations fâcheufes de 4a derniere guerre ,
ôc d’établir un ordre ôc une régularité dans les
finances, qui euffent ménagé à votre majefté
des moyens de puiffanee extraordinaires. Mais
ce tems favorable a été perdu , ôc les dépenfes
ayant conftamment excédé le montant des revenus
, il a fallu y fuppléer par des emprunts
ôc des circulations immodérées, dont le poids
a fini par entraîner toutes les fufpenfîons de
paiemens , ôc toutes les réductions d’intérêts
arrivées en 2771 ; auffi le crédit s’en étoit te l-
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