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pas craint de le dire ; mais c’eft un trait de lumière
-dont l’importance échappe à ceux de qui la curiofité
ne va pas au-delà du point hiftorique. Pour en fen-
tir toute futilité, il'fautdefcendrê dans des détails ,
ÔC faire des applications; alors, ons’apperçoitai-
fe'ment que lès écrivains fîfcau-x font bien loin d’avoir
travaillé pour l’avantage du domaine de la couronne,
ôc qu’il faudroit renoncer à tous les fecours qu’on en
peut retirer pour l’augmentation des revenus du
roi j ôc pour le foulageiüent de fes fujets, fi leurs
principes étoient adoptés. ’ ;
Toutes les révolutions que 1 e domaine a éprouvées
, les aliénations qui en ont été faites , les
révocations de ces. aliénations., ont eu fucceflï-
Vemçnt le même but ,■ c’eft-à-Uire , un fecours
aéluêl pour un befoin pÿefîant, &• le defir de fou-
lager les, peuples ; defir, -.que Louis X IV a formellement
exprimé dan? Je préambule de fon édit du
ynois d’avril 16 6 7 , 5ç qui certainement n’eft pas
moins v if dans le coeur paternel de fes fucçeffeurs,
mais qui ne feroit jamais pleinement effectué , fi
l ’inaliénabilité abfolue des grands ôc des petits domaines
pou voit être regardée comme une loi immuable
de l ’Etat,
Les auteurs qui là foutiennent., fo n t réduits à la
n é ç e flit é de fu p p p fe r -contre l ’ é v id e n c e des faits ,
q u e c ç t t e loi née avec la monarchie e ft indépendante
de la volonté de nos rois , ôc par une confér
e n c e inévitable, de rejeter la difpofitiôn t e x tu
e l l e de leurs ordonnances par-tout où elles contrarient
leur fa u f îg id é e . Au lieu qu’en reconnoiflant
de bonne fo i, que le projet de conferver le domaine
de la couronne n’a été conçu que fous P h i l ip p e -
le -B e l, ôc exécuté que fo u s les règnes fuivans ,
par une politique également prudente & n é c e f îa ir e ,
tout devient facile à expliquer & à entendre dans
les f o i x domaniales , & qu ’ on garde pour elles le
f e fp e é i qui leur eft d û .
Mais de ce que nos rois ne font plus , comme
autrefois, bornés à n’ayoir d’autres fonds-, d’autre
tréfor que leurs domaines , pour fubvenir à leurs
dépenfes ; de ce qu’aujourd’hui , & par fucceffion
de tems , les aides , fubfides ôc impôts fe trouvent
perpétuels, ôc portés plus haut qu’ils ne le furent
jamais; de ce qu’au lieu du fervice militaire féodal,
unique ôç foible reflource de nos rois dans les
guerres qu’ils étoient obligés de foutenir ou d’ entreprendre
, ils font fervis par des troupes payées
du produit des impôts, en tems de paix comme
en tems de guerre ; de cè qu’enfin , les revenus du
domaine ne font plus qu?une très-foible portion des
deniers ordinaires ôc extraordinaires qui entrent
dans le trçfpr royal ; conclurart-on que les loix
qui rendent inaliénable 11 domaine de la couronne,
doivent |tr.e révoquées ? Non fans doute. Il n’y
auroit pas moins de danger à poufler trop loin lès
(çonféquenjees d’une vérité reconnue , qu’à s’obfti-
ner à la méconnaître ; mais n’a-t-on pas à confulter
îa fuprême loi du falut du peuple? Elle ne fauroit
■ iaiffep d’incertitude fur la route qu’il faut fuiyre,
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À in fî, ce qu’on doit légitimement conclure deS
grands changemens arrivés dans l’adminiftration
de la juftice , des armes ôc des finances ; c’eft qu’il
convient d’apporter auffi aux loix domaniales ,
tous les changemens dont elles font fufceptibles
pour le plus grand bien de l’Etat. En un mot, le
roi eft l’adminiftrateur foüverain du patrimoine de
fa couronne. Or , la règle Ôc le but de toute admi-
niftration , eft de la rendre la meilleure poflible *
ôc d’en tirer le parti le plus utile.
Il ne s’agiroit donc plus maintenant que d’examiner
par quels moyens il feroit poflible d’y parvenir.
Tout projet pour lequel on fent l’infuffi-
fance de fés forces, eft fans doute un projet téméraire;
mais.on peut, ce me femble , fans témérité,
expo fer quelques idées générales , qu’on croit n’être
pas totalement- inutiles , en les Joumettant avec ref
pttt y & fans réfervç 3 aux puijfances: établies pour
décider de leur valeur. Telles font les bornes qu’on
doit fe prefcrjre, ôç dans lçfquelles on va fe renfermer.
Dans l’état préfept, fi l’on s’en tient aux ordonnances
intervenues depuis la fin du X IV e fièele ,
jufqu’à nos jours, fans aller plus loin qu’elles n’ont
été , Ôc fans y fuppléer ce qu’elles n’ont pas dit ni
voulu dire , les règles concernant l’adminiftration
des domaines , autres que les bois , peuvent être
réduites à trois feulement.
Première réglé. Les domaines peuvent être aliénés
pour apanages des puînés de la maifon de F rance,
fous la condition de retour à défaut d’hoirs mâles ,
ôc de ne pouvoir difpofer par aucun titre des
chofcs concédées , ni en changer l’état directement
ni-indirectement.
Seconde régie. Les grands domaines peuvent être
aliénés à deniers comptans pour la néçeflité de la
guerre , mais l’aliénation ne peut être faite que
par lettres-patentes enregistrées au parlement,
ôc avec faculté de rachat perpétuel.
Troifieme régie. Non-feulement les petits domaines
peuvent , 'mais même doivent être aliénés à perpétuité,
à cens, rentes ÔC redevances foncières ôc
nonrrachetables.
Tout eft prévu par rapport aux apanages , ÔC
cet article ne demande aucune obfervation.
Quant aux grands ôc aux petits domaines, quoique
les régies par lefqueïles ils doivent être régis ,
foient l ’oppofé l’ une de l’autre, on a vu que les
infpeCteurs du domaine n’en faifoient qu’une feule.
Ils veulent que les inféodations perpétuelles des
petits domaines ne foient que de Amples engage-
mens femblables à ceux des grands domaines»
Quelque parti que »l’on puifle prendre, quelques
moyens qu?on puifle employer pour augmenter le
produit des domaines y on ofe dire qu’ il n’ y auroit
aucun fuccès à s’en promettre , fi l’on ne comnien-
ço-xt pas par détruire une erreur qui détruit elle-
même l’ entière confiance que doit avoir la nation ,
dans des lois revêtues de toutes les folemnités ,
ufitées
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ufitées pour affûter leur exécution 3c leur permanence.
Cette erreur eft d’autant plus dangereufe, qu’elle
eft avancée du ton le plus affirmatif par des écrivains
d’ailleurs habiles , éclairés, chargés par le
gouvernement de la défenfe des droits facrés du
patrimoine royal, ôc de veiller à fa confervation.
Dans les engagemens des grands domaines ,
dont les conditions font manifeftement connues,
les engagiftes du moins ne font déçus ni par de
vaines proméfies , ni par de vaines efpérances ;
leur titre n’eft pas équivoque. Ils ne peuvent, fans
illufion , fe croire propriétaires incommutables ;
ils fa vent qu’on peut à chaque inftantles dépoffeder
en leur rendant le prix de leur acquifition : mais
cette reftitution de prix , les formes dont elle doit
être accompagnées, la reflource d’être admis à de
nouvelles offres ou à de nouvelles enchères, font
pour les engagiftes des moyens de difputer le terrain
, ôc de fe maintenir dans leur' pofleflïon.
L a différence eft extrême à l ’égard des petits
domaines q u i, par eux-mêmes , font fans valeur ,
ou qui n’en ont qu’une très-foible. Si le roi pouvoir
y rentrer à volonté, comme dans un domaine
fimplement engagé , il n’y auroit point de prix à
rendre, puifqu’ii n’y auroit point eu de prix reçu.
De forte que des fonds dont toute la valeur ne feroit
due qu’aux foins du pofîeffcur , à fon induftrie ,
aux dépenfes qu’il y auroit faites , pourroient lui
être ravis , fans qu’il eût le moindre dédommagement
à efpérer , puifqu’il n’auroit point de titre
pour en former la demande-.
V o ilà pourtant, félon quelques perfonnes ,ce que
le roi peut toujours faire avec jultiee. Mais quelle
inconféquence dans leur raifonnement ! C ’étoitpré-
cifément parce que les ordonnances n’avoient pas
imprimé aux inféodations des petits domaines 3 le
caractère d’une parfaite expropriation, qu’il falloit
conclure pour leur validité ; car, fuivant les principes
des domaniftes , les loix domaniales ne défendent
que la diftraeftion réelle du patrimoine de
la' couronne.
On ne doit ni confondre les titres de pofleflïon
qui different par leur nature ôc par leurs effets , ni
penfer qu’il n’y en ait qu’une feule efpèce légale,
en ce qui concerne les domaines.
Pour opérer la vraie ôc pleine propriété, il faut
la réunion du domaine direCt avec le domaine utile,
ou tenir fon héritage en franc-aleu , foit noble
ou roturier.
L ’ emphytéofe eft un genre de pofleflïon où le
domaine utile eft tenu féparément du domaine direCt :
lemphytéote n’ eft pas propriétaire incommutable
dans l’étroite lignification de ce terme ; il n’ eft que
pôflefleur à titre perpétuel.
Le Ample engagement ne transféré qu’une jouif-
fanee précaire qui peut eefîer d’uninftantà l’autre.
Les inféodations des petits domaines aux condi-
Fiaatices, Tome I •
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tïons preferîtes par les ordonnances, font d’une
efpèce fîngulière ; elles n’ont de commun avec l’em-
phytéofe ordinaire que la perpétuité du. t itre , ÔC
dans la réalité , ce font moins des emphytéofes
que des baux à ferme-perpétuels. La rente annuelle
Ôc non-rachetable qui les caradérife eflentielle-
ment, remplace, ôc beaucoup au-delà, les revenus
que produiroit la chofe dans les fermes du roi*
Traiter ces fortes d’inféodations de fimples engagemens
, Ôc ne leur accorder que le même effet,
c ’eft renverfer toutes celles qui font faites, ôc rendre
impraticables toutes celles qui font à faire ,
quoique reconnuesnéceffaires pourlebiende l’Etat.
C ’eft éteindre l’émulation ôc le zèle qu’il importe
fi; fort de ranimer, pour favorifer la population
ôc l’agriculture.
Le domaine de la couronne a , fans doute , des
droits ÔC des privilèges qui le diftinguent éminemment
de tous les autres. Quel François n’eft pas
p rêta défendre de toutes fes forces cette vérité
qu’il regarde comme facrée ? Mais s’enfuit-il delà
qu’il n’y ait qu’une feule façon de difpofer du domaine
royal ? S’enfuit-il delà qu’on ne puifle l’aliénée
que par engagement, de telle forte que toute autre
aliénation , quelque-qualification qu’on lui donne,
quelques claufes qu’on y ftipule, îoit toujours réductible
à l’engagement fimple , fans qu’il foit pof-
fible de lui communiquer plus de force ni plus
d’effet ?
Encore une fois , fi c’eft-Ià un principe indef*
truCtible dans l’adminiftration domaniale, on per-
droit fon tems ôc fa peine à chercher des moyens
de la perfectionner , Ôc d’en augmenter les produits.
Mais fi l ’on doit avouer que l’idée feule de
mettre de pareilles entraves à la bonté du ro i, ôc
d’oppofer de pareils obftacles au foulagement de
fes fujets , feroit auflï odieüfe qu’injufté , elle ne
fauroit être ni trop promptement, ni trop iblem-
nellement condamnée par l’autorité royale, afin
de diflïper jufqu’à la plus légère inquiétude fur la
folidité des opérations qui pourroient être ordonnées.
O r , rien n’eft plus capable d’infpirer de la confiance
pour l ’avenir , que la confirmation pure ôc
fimple des chofes de la même nature, qui ont été
ci-devant faites dans les mêmes vues , ôc par les
mêmes motifs..
Il paroît donc que toutes les aliénations ou inféodations
des petits domaines y qui ont été confom-
mées depuis i f66 jufqu’à préfent, fans deniers
d’entrée, à rentes perpétuelles ôc non-rachetables
en conféquence des édits de Charles IX Ôc de
Louis X I V , doivent non-feulement fubfifter fans
atteinte , mais encore qu’il fera fort utile de les
confirmer expreffément, en déclarant que ces inféodations
ne pourront à l’avenir, pour quelque
prétexte que ce fo i t , être aflujetties à des droits,
preftations ou taxes , autres que celles qui ont été
établies par les aCtes conftitutifs.
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