
» il y âuroic quelque chofe à diminuer fur le
» nombre dés dernieres claffes, n’y auroit-il point,
x dans les étages inférieurs , à augmenter le nora-
33 bre fuffifamment pour faire la compenfatiori ?
» -N’y a-t-il point à reprendre fur ces quatorze
33 millions de perfonnes que l’on a laiffé à l’écart,
» 6c q u i, dans notre fuppofition, ne font point
» taxées ? Enfin , que l ’on dife combien il s’en
» manquera en fomme, il y a certainement de quoi
» réduire fur un revenu total de fept-cents qua-
» rante millions : cette réduction ne pourroit
33 jamais être confîdérable ; 6c quelle qu’on la fup-
33 pofe, elle ne feroit jamais telle, que le roi ne
» trouvât encore une augmentation immenfe de
®3 revenu.
33 II. On objeéle que ce nouvel impôt participe
peroit au vice de la capitation, que quelques-
33 uns regardent comme la plus injufte de toutes
33 les impofîtions, par fon inégalité. Mais elt-il
33 bien vrai que cette inégalité foie particulière à
33 la capitation ? 6c ne fe trouve-t-elle pas de même
33 dans les autres impofîtions ? Celles qui fe règlent
>3 par la confîdération des fonds que l’on poffede,
33 ne laiffent-elles pas une inégalité encore plus
33 révoltante entre l’indigent, qui paie à raifon
33 d’un modique héritage qu’il poffede, 6c le riche,
-33 qui ne paie rien fur les biens immenfesque
3» renferme fon porte-feuille ? N ’en eft-il pas de
33 même des droits qui fe paient fur les confom-
33 mations ? Ce que le riche prend fur fon fuperflu
■ 33 pour acquiter les droits d’une piece de vin , le
p» pauvre le prend fur fon néceffaire ; 6c peut-on
33 dire qu’il y ait entr’eux une véritable égalité
33 de proportion ?
33 La capitation, telle qu’elle fe perçoit âujour-
>3 d’hui , eft un impôt effentiellement inégal, parce
33 qu’il fe règle fur les états 6c dignités qui n’in-
33 diquent pas néceffairement l ’égalité de fortune.
33 On remédie à cette inégalité dans le plan, du
33 nouvel impôt , puifque la cotisation doit s’en
33 faire , non à raifon de la digfùté,mais à raifon
» de I’affance du contribuable..
. 33 L a capitation eft efîentieïîement arbitraire ,
» parce que les rôles en font faits d’office par un
33 intendant, qui ne peut jamais connoître les fa-
33 cultés de ceux qu’il impofe. Au contraire , ainfî
aï qu’on le verra ci-après , les rôles du nouvel
» impôt fçroient taxés par les contribuables eux-
33 memes -, .fîiivant la connoifîance qu’ils aux oient
33 de leur-faculté. V o ilà donc l’inégalité 6c l’arbi-
3> traire fauves autant qu’ ils peuvent l’être ; 6c ce
3> qui refteroit encore d’inégalité inévitable, ne
» peut plus être un fujet dé fe plaindre ou de
33 réfifter à l’opération.
» Un journalier qui paie aujourd’hui par an
y» douze livres de taille „ 6c qui feroit modéré à
33 un écu , indépendamment de ce qu’i l paieroit
» de moins fur le prix des denrées 6c uftenfiles
» à fon ufage, content dans ce premier moment
33 du foulagement qu’il éprouveroit, n’imàgineroit
» certainement pas de refufer cet 'avantage ,
3> fous prétexte qu’un autre, un peu plus aifë que
33 lui , ne paieroit auffi qu’un écu. Celui qui paie
33 aujourd’hui trois vingtièmes , une double ou
33 triple capitation-, 6c des droits fur toutes les
33 confommations , indépendamment de plufîeurs
33 mille livres de taille de fon fermier , qui dimi-
33 nuent d’autant le revenu de fon fonds, feroit-il
33 tenté, de critiquer une opération qui lui impofe
33 pour toute cliofe fept cents trente livres , ôc à
33 fon fermier une fomme modique , par la feule
33 raifon qu’un autre , qui eft trois fois plus riche
33 que lui , ne paieroit de même que fept cents
33 trente livres-; enfin, le remederie plus certain
>3 à une inégalité qui fe trouve p a r to u t , eft de
33 rendre l’impôt fî léger , qu’il ne .foit pas au-
33 deffus des facultés du plus indigent ; 6c il eft
33 évident qu’ici ce remede , joint aux autres dont
» on vient de parler , rendra toute inégalité in-
33 fenfîble. . .
33 III. On objeéle encore l’inconvénient de
33 fupprimer tout-à-coup une multitude de gens
33 de finances, que la fuppreffion des impôts ren-
33 droit inutiles. I l s’agit d’apprécier le plus où
33 le moins de cette objedion. 1
33 II faut obferver d’abord, que cet arrangement
33 ne Touche à aucune des charges de finance.
» Les tréforiers , Tes receveurs généraux , les re-
33 ceveurs des tailles, loin d’y perdre y y gagne-
33 roien t confîdérablement , puifque leur manie-
33 ment augmenteroit à proportion de l’augmen-
» . ration des revenus du roi-, qui pafferoient tous
30 par leurs mains.
3> A l’égard des fermes-générales, une grand«
33 partie des droits qu’ elles régiffent étant fup-
33 primés , beaucoup d’employés devieridroient
33 inutiles. Cet arrangement ne devant avoir lieu
33 que dans un terme, il çonviendroit de l’annon-
» cer d’avance , pour donner le tems à tous ces
33 inutiles de fe pourvoir d’autres occupations.
» Il en eft qu’ il pourroit être nécefîàire d’aider ,
30 en leur continuant partie de leurs appointemen-s
33 pendant quelque tems ; 6c ce fecours, que l’hu-
» inanité accorderpit à un nombre de bas employés,>
33 qui ne vivent que de maltôte,. même J’indem-
?3 n ité , s’il y avoit lieu en général de l ’accorder
33 aux fermes, ne feroit pas à charge au r o i , vu
33 l’augmentation immenfe de revenu annuel qu’il
3>. aequefrpit.
33 Au furplus, on a l ’exemple de la fuppreffion
33 que l’Impératrice a faite dans fes états, après
33 fa guerre de Bohême, de trente mille employés >
33 6c de ce qui s’ eft fait en France, il n’y a pas
33 long-tems.
33 M. de Sechelles ne s’eft point fait un erp-
33 barras de fupprimer deux cent cinquante feus«
33 fermiers , 6c les fuppôts des fous-:fermes , pour
33 procurer au roi une centaine de millions, une
33 fois payés. Y aüroît-il plus de difficulté à ré-
» former en partie les fermes-générales , lorfqu’il
33 s’agit de procurer à l’état une augmentation de
33 revenu annuel de plufîeurs centaines de millions ?
» Les fermiers-généraux n’auroient plus les
» aides , les gabelles , les droits d’entrées des
os villes dans l’intérieur du- royaume , les droits
» de contrôle, ni aucuns des droits réputés doma-
38 niaux ; il leur refteroit feulement la ferme du
» tabac, les domaines réels , les francs-fiefs 6c
3» amortiffemens, les entrées 6c forties de la fron-
3î tiere. L ’objet de leurs gains excèffifs diminue-
3» roit pour l’avenir , fans aucune perte réelle
» pour le préfent ; mais leurs immenfes fortunes
33 deviendroient plus affurées par la même opéra-
» tion qui affureroit la fortune de l’état.
3» Mais c’eft trop s’arrêter fur une pareille
» objedion , comme fî l’intérêt de quelques parti-
» culiers d e voit, dans des circonftances auffi pref-
» fantes, balancer l ’intérêt de l’état , la néceffité
»s reconnue de remédier à fon épuifement, 6c de
» pourvoir à fa libération. Le parlement a déjà
» dit au roi plus d’une fois , 6c tous les autres
» parlemens avec lu i, qu’il n’eft plus poffible d’a-
» jouter impôts fur impôts, parce que la mefure
» en eft parvenue à fon comble.
33 II a d it, avec vérité , que les vingtièmes fur-
3> paffent les facultés des peuples ; qu’ils font la.
» ..ruine des campagnes, de la nobleffe 6c des cul-
» tivateurs. Enfin, il a dit que la voie des em-
’ » prunts n’eft plus praticable, foit parce qu’ils
a» font le germe de nouveaux impôts démontrés
©3 impoffibles , foit parce que la bonne-foi même
o» ne permet pas de faire des emprunts , loafqu’il
» n’ eft plus de fonds libres , 6c d’hypotheques à
a» pouvoir leur affigner.
33 Dans cette extrémité , il ne refteroit plus
» que l’attente d’une banqueroute de l’éta t, qui
3> entraîneroit néceffairement celle d’une multi-
e» tude de particuliers , la défolation univerfelle,
un tiflu de calamités 5c de défaftres , un avenir
» affreux , mais très-prochain, dont on n’oferoit
» envifager le tableau. C ’eft à ces excès de maux 1
>3 qu’il s’agit de trouver le remede. Il n’en eft
>3 qu’un , le parlement l’a indiqué 6c a frappé au
» but , lorfqu’ il a dit qu'i l confiftoit a fimplifier
» les impôts autant qu il efi pojfible , à diminuer les
v> frais de régies de perception, a retrancher toutes \
»3 les dêpenfes qui ne tournent pas a la fplendeur &
33 au profit de l'état. Quel meilleur moyen de
® fimplifier les impôts , que de les réduire à un
feul ? Quelle autre façon de diminuer les frais
» de régie 6c de perception, fi ce n’eft de fup-
3? primer les droits des fermes ? Quelles dêpenfes
a? tournent moins à la fplendeur 6c au profit de
3» l’état, 6c méritent mieux d’être retranchées, que
33 celles qui s’appliquent à entretenir, une armée
•» entière de baffe maltôte ? Ce que l’on propofe
» n’eft donc qu’une idée plus détaillée de ce que
33 le pârlément a lui-même prôpofé ; c’eft Pappli-
33 cation de fes principes , 6c c’eft d’après lui que
33 l’on dit : Que ces moyens font les feuls par lefquels
33 i l foit pojjible de faciliter la libération des dettes
33 de l'état, & de fujfire a fes befoins.
33 Combien d’avantages multipliés dans une ope-
33 ration qui détruiroit l ’ufure , l’agio , la con-
! 33 euffion, le peculât, les rapines qu’occafionnenc
; -33 les vifîtes des commis des aides , les crimes
33 politiques du faux-faunage 6c de la contre-
33 bande, qui coûtent la vie à tant de malheureux *
33 Quelle confolation pour les peuples, de n’être
33 plus expofés à racheter leurs propres denrées
•»33 par le paiement des droits à l ’entrée des villes ,
i 33 à racheter les fonds du-patrimoine de leurs fa-
33 milles, par Je paiement des droits de centième
33 denier, à perdre en droits de contrôle , de
33 papier timbré , 6cc. ce qui leur reviendroit de
33 la peurfuite de leurs droits légitimes ; enfin ,
.' 33 à voir paffer entre les mains des fangfues pu-
33 bliques le fruit dés fueurs 6c des travaux du
33 laboureur' 6c du vigneron ! Mais quel avantage
33 pour l’état, de porter à fept cents quarante
33 millions, des revenus, qui, en 1749, ne mon—
33 toient pas à deux cents cinquante millions t
33 Que l ’on s’efforce de contredire la poffibilité
33 de cette augmentation de près de cinq cents
33 millions de revenu annuel ; combien retran-
3» chera-t-on fur le nombre de deux millions feu-
» lemenr de contribuables que l’on fuppofe dans
33 ce grand royaume, dont la feule capitale con—
33 tient plus d’un million d’ames ? Combien re—'
33 tranchera - t - on fur la portion de fept cents
33 trente livre s , qui eft celle de_ la plus forte im-
j 33 ppfîtien ? Il eft évident que jamais on ne. par-
33 viendra à réduire ces cinq cents millions d’aug—
33 mentation , à tel point qu’il n’en refte de quoi .
33 fatisfaire à tous les befoins de l’état. Il y aura
33 toujours une augmentation quelconque 6c ua
33 foulagement certain , 6c il eft un moyen bien
33 fimple d’accroître en peu de tems cette aug-
33 mentation jufqu’au point auquel on l’a fixée.
33 Que le gouvernement, fur les premiers pro-
33 duits de l ’augmentation , répande dans le
33 royaume pour' huit ou dix millions de bef*
33 tiaux , jumens , vaches , chevres 6c brebis foit
33 qu’on les fafîe parquer dans IeS friches, foit
33 qu’on les vende à bas prix 6c à crédit aux paras
ticuliers ou communautés , fallût-il même les
33 donner en pur don , c’ eft de l ’argent placé
33 avec ufure au profit de l’état. On ne tardera .
33 pas à voir l’ effet de cet expédient, plus efficace
33 que les fyftêmes ôc académies d’ agriculture«
33 Bientôt l’amélioration des terres , jointe à I’a-
33. vantage exclufif que le françois auroit de n’être ’
33 fujet qu’à un feul impôt, multiplieroit tellement
33 la population , qu’on ne feroit plus embarraffé
33 de compléter, même d’excéder de beaucoup Je
33 nombre de deux millions de contribuables.
Bbi j