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C e même règlement fut confirmé par Louis-le-
Débonnaire , ôc par Charles-le-Chauve, dans le
fynode de Poiffy.
Outre le cens royal ÔC r é e l, les eccléfiaftiques
étoient encore affujettis à d’autres contributions, qui
fe levoient quelquefois de la feule autorité du fou-
verain ; mais le plus fouvent , par l’avis ôc les
réfolutions du clergé.
Les eccléfiaftiques fupplierent le roi , dans le
concile , tenu à Thionville en 844 > de délivrer
l ’églife de l’oppreffion qu’elle fouffroit, pour le
paiement des impofitions, offrant de contribuer de
tout ce qui paroîtroit jufte, félon le pouvoir d’un
chacun.
Il eft fait mention , dans une lettre d’Hincmar,
archevêque de Reims , à fes fuffragans , des tributs
que les ro is , par un ufage obfervé de toute
ancienneté , avoient coutume de prendre fur les
églifes, à proportion des biens qu’elles poffédoient,
& eu égard à la quotité des bénéfices.
Charles-le-Chauve continua ces mêmes levées ,
nonobftant les remontrances ÔC les prières qui lui
furent faites par les fynodes , ou affemblées , tenues
à Beauvais ôc à Meaux.
A la fin de ces affemblées , fynodes. ou parle-
mens, nos rois recevoient de leurs fujets , tant
eccléfiaftiques que féculiers , des dons, qu’ils ap-
pelloient annua dona j c’eft fans doute ce que Mé-
zerai appelle Euloges : mais ils n’empêçhoient point
les impofitions extraordinaires, que lesbefoins re-
quéroient. Nous pouvons cependant regarder cet
ufage, comme l’origine du don gratuit des pays
d’états, ôc de celui du clergé à fes affemblées .
quinquiennales.
I l paroît que , jufqu’à la fin du règne de Charles
le-Chauve , les levées fur les eccléfiaftiques
ont toujours été faites fans le concours des papes;
mais depuis -ce tems jufqu’à la troifieme race ,
l ’hiiloire ne nous apprend rien de certain ni d’in-
téreftant fur cette matière > non plus que furies autres
, parce que ç ’a été un fiecle d’ignorance ôc de
ténèbres.
Les papes , ayant profité du trouble^ ôc de la
confufîon , que le paffage de la fécondé à la troifieme
race introduifit en France , en Allemagne
ôc en Italie 3 commencèrent à manifefter leurs prétentions
fur le temporel, ôc même fur la couronne
des ro is , comme on le voit par le dictatus3 attribué
à Grégoire V I I , qui établit que le pape a
droit de dépofer l’ empereur : prétention ridicule
ôc chimérique ; mais dont l’empereur Henri IV
fut cependant la viétime peu de tems après , de
même que. les Frédéric Ier. ÔC II > ôc quelques-
uns de fes fucceffeurs. ^
G ’eft dans ces tems malheureux que commencèrent
les croifades. La foibleffe des rois ne leur permit
pas de s’y oppofer , ôc ils s’en fervirent à
occuper au loin l’inquiétude ÔC le courage de leurs
vaffaux»
D É C
La premier© fut décidée l ’an lo p j* , au concile
de Clermont, ôc la fécondé , en 1 ï 44 ? Par
Louis V I I , dit le Jeune ; la troifieme en 1188, par
Philippe-Augufte , ôc Henri I I , roi d’ Angleterre ;
la quatrième , en 119$ ■> par le pape Céleftin III ?
ôc l’empereur Henri V I ; la cinquième fut publiée
en 1 19 8 , par ordre d’innocent III ; la fixieme,
fous le même pape , en 121$ ; la feptieme fut ré-
folue au concile de Lyon , en 1245* ; c’ eft la pre- v
miere de Saint-Louis , ôc la hùideme qui eft la
fécondé de ce prince ; ôc la derniere de toutes >
fut entreprife en 1258.-
Sous prétexte que la religion étoit l’objet de
ces guerres faintes , le pape Urbain II prétendit
que les levées , contributions Ôc quêtes , qui fe
faifoient à cette occafion , ne pouvoient être ordonnées
fans fon confentement. Louis-le-Gros s’en mit
peu en peine ; mais fi on n’eft en garde contre
la cour dè~Rome , les plus légères prétentions deviennent
des titres inconteftables : c’eft ce que nous
verrons bientôt.
Louis-le-Jeune leva un vingtième des revenus
de l’églife , pour fubvenir aux frais de la croi-
fade , qu’il entreprit en 1144. C ’ eft fous le ré gne
de ce prince, que le concile de Latran , tenu
en 1180, fit un règlement fur les dîmes inféodées.
Philippe-Augufte ayant demandé des Publiées
aux églifes du diocèfe de Reims, elles s en ex -
euferent fur leurs libertés , ôc ne lui offrirent que
des voeux ôc des prières. Comme les feigneurs de
Rhétel Ôc de Coucy pillèrent leurs terres , ils eurent
recours à l’autorité ôc à la protection du ro i,
qui leur dit qu’il les affifteroit de fes prierés envers
ces feigneurs. L e clergé fit de nouvelles inftances ,
auxquelles le roi fit la même réponfe. Il entendit
enfin ce langage ; ôc comme le mal prelïoit ,
il contribua, ôc le pillage ceffa ; ce qui jultifîe
lanéceffité à laquelle tous les ordres font affujettis,
de contribuer aux charges publiques , pour fubvenir
à leur propre défenfe ôc à celle de l’état.
Ce. prince leva fur *le clergé , Ôc fans fon confen-
tement, plufieurs fubfides , tant pour fatisfaire fes
befoins , que pour fe venger de ce que les prélats
, affemblés a D i jo n , avoient mis le royaume
en interdit, à la requifition du pape Innocent I I I ,
ôc fur les plaintes d’Ingerbuge , fa^ femme , qu’il
avoit répudiée , ôc qu’il fut forcé dç réprendre
en I2$ 5.
Quoique ce fût à la Pollicitation d’Honoré I I I ,
| que Louis V I I I avoit entrepris la guerre contre S ieS Albigeois ; cependant il fut obligé d’avoir recours
à ce pontife , pour obtenir du clergé 1 im-
pofition d’une taxe extraordinaire : preuve de ce
que nous avons dit ci-deffus , que la cour de Rome
fe fait des titres de fes prétentions les moins
fondées.
Saint-Louis fit auffi la guerre aux Albigeois ,
en 1229 ; il fe c ro ifa , Ôc paffa la mer pour la
première fo is , en 124/ > de pour la feçonde , en
1168»
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1258. Il leva des défimed pour ces différentes expéditions
; mais fans requérir l’autorité des papes
, aux entreprifes defquels fa piété ne l’empêcha
pas de réfifter.
Philippe le Hardi leva pareillement des décimes ,
tant pour fes> projets de la guerre fainte , que
pour la conquête du royaume d’Aragon.
Philippe le Bel impofa', l’an 1292 , une demî-
dîme, fur le peuple ôc fur le clergé , ôc plufieurs
autres à la fuite , tant fimplès que doubles ; il y
a peu de régnés où il s’ en foit tant levé que fous
le fien , à caufe de fes guerres continuelles contre
l ’Anglois.
Le Pape Boniface , dont les différends avec ce
Prince , font connus , toujours prêt à traverfer
fes entreprifes , fit défehfes aux eccléfiaftiques de
payer aucunes décimes ni contributions ; mais
Voyant la fermeté de Philippe, la difpofition de
fes fujets , Ôc craignant quelque révolution peu
avantageufe à l ’ég life , le même Boniface déclara
par la fuite qu’ il n’empêchoit pas les contributions
volontaires, ôc même que dans les befôiris
de l’état, le clergé p’ouvdit y être contraint fpi-
rituellement ôc temporcllement : Ne 'videlicet lève-
tics, immunitdtis obdutto vélo facerdotes , etiam
ïpfi , una cum commune périclitantes, pâtrlA h'dvî ,
immergerentur. Mais nos rois n’ont pas befoin
d’une autorité étrangère ; aull cet adVe doit-il être
plutôt regardé comme une reconnoiflance de la part
de Boniface , ÔC un défaveu de fa bulle de défenfe
, que comme un titre qui ait pu donner
quelque force à la fouverainèté de Philippe,
qui le fachant bien , lui fit tenir ce langage par
N o garet, en plein confiftoire : Rex ab ecclefiis &
earum pr&latïs etiam invites eifdem , de bonis eorum
poteft, prout fibi videtur, pro necejfitate guerrarum
fuarum, & regni exigerefuo jure 3 & fe juvarede bonis
eorumdem , quamvis hoc idem dominus rex nonfuerit
voluntate fpontànea ptAlatorum. C e prince exempta
l’abbaye de S. Denis d’un droit ancien dû à fa
couronne par les eccléfiaftiques , lors du mariage
des filles de France.
Louis X , dit le Hutin , exigea une décime ,
Pan i j i y , pour foutenir la guerre malheureufe
qu’il eut contre les Flamands.
• Philippe le L o n g , ayant réfolu de déclarer la
guerreaux Sarrafins, demanda au Pape Jean X X I I
la permiffion de lever une décime, le pape lui
accorda ; mais ni la guerre niTimpofitio’n n’eut
lieu.
Charles le Bel eft le premier qui ait accordé
des décimes aux papes , après leur avoir long*
tems réfifté ; il y confentit, à condition de les
partager..
Les guerres de Philippe de Valois avec le roi
d Angleterre 3 obligèrent, ce prince à lever des
décimés ÔC plufieurs impofitions fur le clergé ;
mais il ne paroît pas qu’il .ait eu recours à l’autorité
des papes*
Finances• F orne 1,
On voici par des lêttfes-pafentës dû toi Jean,
que les eccléfiaftiques ôc les- autres peuples de
l’Anjou ôc du Maine , payoient deux fols Jix deniers
par feu , ôc que les évêques d’Angers Ôc du
Mans, furent commis pour faire porter ces deniers
aux coffres du roi. Lôrfquc -lès états affem-
blés accorderèn-r au roi la/continuation de la
gabelle fur le fel y des droits d’aides fur le vin
ôc les marchahdifes vendues, avèc une levée de
trente mille hommes foudoyés à leurs dépens ;
les eccléfiaftiques y furent fournis Comme les autres
fujets, ôc les prélats, abbés , prieurs, chanoines ,
curés qui poffédoient un revenu au-deffus de cent
livres ju'fqu’à cinq mille livres, Contribuoient de
quatre livres, pour les premières cent livres, ÔC
pour les autres cent livres1 jufqu’ à cinq mille livres ,
feulément deux livres, ÔC rien au-delà du revenu
excédant cinq mille livres.
Après la fatale journée dé Poitiers, le Dauphin
, comme lieutenant du royaume, ordonna la
levée d’une décime 5c demie.
Le cierge voyant ‘Charles V I êpuifer fes peuples
par des impôts immenfes , pour être en. état,
difoit-il ? de porter la guerre aux portes de
Londres, fournit Volontairement à une contribution
confîdéràble. Afin d’affurer fa fubfiftance ,
il divîfa fes revenus en trois parts ; une pour
l ’entretien dés églifes ôc maifons ; l’autre pour
les eccléfiaftiques, ôc il abandonna la troifieme
au fo i.
.. Le même roi ordonna à la cour dès aides ,
établie en par Charles Dauphin , pendant
la prifon du roi fon pere , de faire punir les
prélats , abbés , prieurs , religieux mendians ,
cle rc s, mariés ou non mariés, qui fe trouve-
roient avoir commis des fraudes aux droits d’aides
fur le vin ; ôç fur ce qu’i l eut avis que le pape
avoit deffein d’envoyer une bülie-, pour exempter
de ces droits quelques particuliers, corps & communautés
, i l ordonna, à cette compagnie de s’y
.oppofer , ôc le clergé n’obtint que fous Louis X I Ï
l ’exemption de ces droits*.
Louis X I fit de fon autorité ,& fans y apporter
aucune formalité , plufieurs levées ftir le clergé ,
lèfquelles étoient alors qualifiées du nom d’emprunt
, ôc entr’àutres pour rembourfer au duc
de Bourgogne , les fomnies pour Iêfquelîes les
villes de la Picardie lui avoient été engagées' ,
ôC pour s’oppofèr aux entreprifes du duc de Bretagne.
Charles V I I I tira auffi des fecours cohfidé-
rables du clergé pour foutenir fes guerres d’Italiê *
les lettres qtt’il écrivit à ce fujet à l’évêque de
Troyes , font dans le tféfor des Chartres.
Les parlèmCns de Paris , Touloüfé, Bordeaux
Rouen , Dijon , Grenoble ôc A ix , déterminèrent,
fur Pexécutidn- du traité dé Madrid, conclu j©
14 janvier i j l 5', que le roi pouvoit juftenient
| ôc faintement lever fur les eccléfiaftiques Ôc les.
N an