
C A P IT A T IO N , f. f. qui lignifie un impôt fixé
par tête , une taille perfonnelle ; cette efpece de
tribut eft très-ancienne, & fe levoit dans les Gaules
, dès le tems des Romains. S a lvien d it, en parlant
de la malheureufe condition des Gaulois ,
vers le milieu du cinquième fîecle , quand un pauvre
citoyen apeMu tous fes biens fonds 3 i l n eft pas
pour ceia difpenfé de payer la capitation , i l eft
encore obligé d3acquitter cette taxe 3 quoiqu'il ne pojfede
pas un arpent de terre en propriété.
On fait que quand Julien vint commander dans
les Gaules, les collecteurs du tribut public y le-
voient vingt-cinq fols d’or par chaque tête, ou
chaque cote-part de capitation , 8c qu’il la réduifît
à dix-fept fols d’or ; ainfi, en évaluant la population
de la Gaule à cinq cents mille chefs dé famille
\ comme on la fuppofe en ce tems - là , les
empereurs retiroient de la capitation, d’après
l ’évaluation du fol d’or , par Leblanc, Traité hifto-
rique des monnoies 3 à quinze livres tournois, cent
quatre-vingt-fept millions 8c demi de notre mon-
noie , ou cent v in g t-fep t, après la diminution de
Pempei eur Julien.
Cette fomrhe paroîtra exceflïve , fi l ’on remarque
qu’aCtueUement la capitation ne produit qu’environ
trente-cinq millions.
Sous le régné de Conftantin le Grand, ( dit le
Rhéteur Eumenius , ) auteur'contemporain , la cité
d’Aucun renfermoit, fuivant le dernier recenfe-
ment , vingt-cinq mille chefs de familles , qui dévoient
chacun une cote-part de capitation | étant
Hors d’état d’acquitter cette charge , elle adrefla
les repréfentations à l’empereur , elle en obtint
l’ exemption de feptmille cote-parts, en forte qu’elle
n’en devoir plus que dix-huit mille. Ce bienfait
, dont Eumenius témoigne fa reconnoiffance ,
lui donne lieu de dire à ce prince : la remiie de
fept mille cote-parts, a rendu les forces à vingt-
cinq mille perfonnes , qui étoient aux abois :_pn
perdant fept mille têtes , , vous en avez fauvé
vingt-cinq mille ., qui vous ont obligation de leur
cornervation. -
Trente années après, on voit une loi des empe-
pereurs Valons & Valentinien , qui porte : « Juf-
» qu’i c i , chaque homme a payé lui feul , une
7> cote - part entière de- la. .capitation , & deux 33, femmes ont payé à elles deux , une de ces
33 co-te-parts ; nous voulons bien que déformais,
33 on affocie deux hommes, 8c même trois, pour
33 farisfaire à une feule de ces cotes-parts ,-8c que
» de même, quatre femmes foient réunies , pour
3a en payer une 33 ,
C ’eft à cette taxe par tête , ainfi divifée , qu’on a donné le nom de bina & terna, qu’on trouve employés
dans Caffiodore, pour déligner la capitation
, par moitié 8c par tiers. On en trouve la
preuve dans un ordre que Théodoric , roi des
Olirogots , 8c maître de l’Italie: , envoyoit .aux
officiers chargés du recouvrement des impôts..
« Vous contraindrez , eft-il d it, par le miniftere
33 de vos fubalternes, les habitans de votre dif-
>3 triét, au paiement de ce qui fera dû des tiers
33- & moitié ; impofition à laquelle ils font fujets,
33 dès le tems des empereurs'^
Au refie, fi l’on affocioit plufieurs perfonnes,
pour payer une - feule cote-part de capitation,
l ’injuftice 8c l’avidité ofoient quelquefois en im-
pofer plufieurs fur une feule perfonne.
Il exifte une requête en vers , que Sidonius
Apollinaris préfenta , l’année 4f8 , à Majorien ,
pour fupplier cet empereur de le décharger de
trois cote-parts de la capitation qui lui avoient
été impofées en France , en haîne de ce qu’il
avoit été du parti oppofé à cet empereur.
a Comme chaque cote-part s’appelloit auffi uns
tête , Sidonius fupplie Majorien , de lui couper
deux de ces têtes, qui lui font fort à charge.
Le fameux édit donné à Pifte, par Çharles-Ie-
Chauve, parle de la capitation, article 28; il porte
« que les Francs., non exempts , 8c qui font tenus
33 de payer un écu au r o i , tant pour leur capita-
33 don, que'pour leurs poffeffions, ne pourront
33 donner corps 8c biens aux églifes , ni fe rendre
33 ferfs 33. ' ■ f f
II eft à préfumer que cette forme d’impofition
fut en fui te abolie en France , puifqu’on trouve
dans l ’hiftoire , que le roi Jean propofa aux états
qu’il avoit affemblé en 13 5 6 , à R u e l, d’impofer
une capitation ou taille perfonnelle ; mais ils s’y
refuferent.
Cependant, après avoir reconnu dans une fécondé
affemblçe , que le produit de l’aide qu’ils
avoient accordée, étoit infuffifant pour fubvenir
aux frais de la guerre contre les Anglois , parce
qu’un grand nombre de villes n’aveit pas voulu
s’y foumettre , ils fe déterminèrent à établir la
capitation générale, fuivant la. demande que- le roi
en 'avoit faite.
Cette capitation fut fixée à quatre livres , à
raifpn de cent livres de revenu ; à quarante fols .
au-defiqus de cent livres, 8c à vingt fols au-deffous.
de quarante livres ; toutes perfonnes , foit de
lignage royal, foit eccléfiaftiques, nobles, barons,
chevaliers., populaires, fans exception , y furent
fujettes. .
Les laboureurs , . manouvriers , lerviteurs 8c
domefiiques y furent de même afîlijettis, à raifon
de fix fols par cinq livres de revenu , ou de
gages.
On eftima aiiffi la valeur des meubles , pour
en former un revenu , de forte que celui qui en
avoit pour cent livres , étoit taxé comme «celui
qui poffédoit un revenu de cent livres , 8c ainfi
à- proportion»
L ’article 3 de l’édît qui établit cette: capitation \
ordonneaux receveurs de contraindre toutes fortes,
de perfonnes exemptes, ou non exemptes , par
toutes, voies que bon leur femblera, 8c en c.as do
défobéiflance, de les faire aflïgner par-devant les
fuper-intendans; des états, dont les jugemens étoient
déclarés Souverains.
Ces fuper-intendans ou commiflaires avoient été
établis pour connoître desdifcuflïons qui pourroient
naître à l ’occafion -des aides 8c nouveaux impôts1,
créés depuis plufieurs années ; ils reçurent en-fuite
le .nom de généraux, des aides qui ont donné naif-
fance à la cour-des-aidcs., :
Cette capitation impofée fous le roi Jean , rappelle
la taxe qui l ’avoit été par Philippe-lc-Bél ,
en 1 3©2 , fous le nom de fubVention , 8c qui étoit
réglée fur le revenu ,8c l ’ellimation du mobilier.
Elle fut fupprimée en 13 14 , peu de temps avant la
mort de ce monarque.
Les communautés de la . fénéchauffée de Beau-
Caire accorderont , le 18 février 13^ 7, au comte
de Poitiers, troîfieme fils du roi Jean , 8c lieutenant
pour fon pere, dans le Languedoc, au-delà
de la Dordogne, un fubfide' nommé capage , capitation
, ou taille perfonnelle , qui avoit apparemment
lieu dans les cas extraordinaires', puifqu’on
rappelle dans cette délibération , que le préfent
capage fera levé de la même maniéré qu’il l’a été
précédemment juxta formam olim faftam. Le taux
de cette impofitipn étoit le centième des immeubles
& le cinquantiemè de's meubles*
C ’eft ici le lieu de remarquer que la capitation
coûta à l ’Angleterre plufieurs belles provinces
qu’elle poffédoit dans le royaume , 8c fut la première
caufe de leur réunion à la couronne.
En 1368, le-prince de Galles ayant épuifé les
fonds 8c fes richeffes à remettre Dom Pedre fur le
trône de Caftille , il revint en Guyenne couvert
de g lo ire , 8c réfolü de la foutenir. A cet effet,
il prit le parti de mettre pendant cinq ans , fur
tous.fes fujets de Guyenne, Poitou 8c Saintonge,
une capitation .d’un florin par. fe u , ce qui auroit
produit dç>uze cents mille livres par an»
Mais cette impofition fit élever de routes parts ,
de grandes plaintes , 8c elles furent fomentées par
plufieurs feigneurs mécontens. Charles V , qui
xégnoit alors , ayant écouté ces plaintes , 8c les-
remontrances qu’on lui adrefïa , comme feigneur
fuserain, fît citer le prince de Galles à çompa-
roître en perfonne , à courts jours , à la chambre
des Pairs ; fur fon refus , il lui déclara la'guerre ,
8c tout ce .qu’il poffédoit en France fui confifqué
8c réuni à la couronne. -
L a capitàiiôn n’a pris une dénomination conf-
tante , 8c unè forme bien r é g lé e , que fous
Louis X I V , qui l ’établit par déclaration du 18
janvier 169 y.
Les puiffances avec lefquelles la France étoit
en guerre , paroiffant infenfibles à leurs pertes ,
8c même tirer avantage de l’inclinaition que le roi
témoignoit pour la paix, on chercha des fecours
dans une capitation générale, -par feux ou familles,
payables d’année en année, pendant la durée de
la guerre feulement, 8c fans qu’elle pût être continuée
, ni exigée , fous quelque prétexte que Ce
fût , trois mois ■ après la ; conclufîon de la
paix.
L e préambule de cette déclaration porte, que
l ’ établiffcment de cette impofition , pouvoir être
regardé comme un moyen d’autant plus fur 8c
d’au tant, plus efficace pour fournir aux dépenfes
de la guerre , que les plus zélés 8c les plus éclairés
des fujets des trois ordres de l’état fembloient
avoir prévenu la réfolution qui avoit été prife à
ce fujet, ÔC que même les états de Languedoc,
après avoir accordé, par une délibération du
mois de décembre 1694 , le don gratuit de trois
millions qui leur avoit été demandé , 8c avoir
pourvu aux autres charges ordinaires , que la
guerre avoit confidérablement augmentées, avoient
eu pourtant leur prévoyance 8c les témoignages
de leur zele 8c de leur affeéiiony au-delà de ce
qu’on pouvoir en attendre, propofé le fecours de la
capitation , 8c expofé les motifs qui dévoient le
faire préférer à tous les autres moyens extraordinaires
que l’on pourroit pratiquer dans la
fuite.
Qu’en effet, cette capitation portant généralement
fur tous, feroit peu onéreiife à chaque particulier
; qu’étant réunie aux rèvenus ordinaires ,
elle produiroit des fonds fuffifans , 8c que le recouvrement
s’en faifant fans frais 8c fans remife, ce
fecours feroit beaucoup plus prompt, plus facile
8c plus effeétif, 8c mettroit à portée de fe paffer
dans la fuite, des affaires extraordinaires , auxquelles
la néceffité des tems avoit obligé d’avoir
recours. Le roi promet enfuite en foi 8c parole
de roi , dè faire ceffer cette capitation trois moi-s
après la publication de la paix.
I l fut écrit aux întendans des différentes provinces
Au royaume, pour leur demander le nombre
des paroiffes de chaque généralité, 8c l’évaluation
de ce que poürroit produire la capitation y annoncée
comme une impofition paflàgere 8c momentanée.
Les întendans , de leur côté , confulterent les
officiers municipaux des villes , pour avoir des
dénombremens 8c des eftimations. On v o i t , par
Ies’ lettres qui furent écrites alors , que chaque
taxe de voit être très-modique, les plus foibles
étoient fixées à dix fols ; les autres dévoient être:
réglées par les facultés des contribuables,. .
L ’article premier de la déclaration de 1 69f T
après avoir ordonné la levée d’une capitation générale
, même dans les villes conquîfes depuis la-
guerre , porte qu’ à cet effet, il feroit arrêté p ar .
les întendans des différentes provinces, par les
fyndics des dïoeefes 8c états, p.ar les gentilshommes,
q u i, fuivant la déclaration, dévoient
agir conjointement avec les întendans , des- rôles
de répartition , conformément au t a r i f , arrêté:
dans la confeiï , contenant la diffributron; des