
plus grand , qu’ils détruifent cette proportion
, & renverfent toutes les règles de la
juftice. Plus un citoyen a de propriétés ,
plus il a d’intérêt à la confervation de la
chofe publique , & plus il doit par confé-
quent contribuer aux moyens d affurer
cette confervation.
L ’adminiftration des finances , confi-
dérée fous -ce point de vue , eft la première'
& la plus importante des fciences dans tous
les gouvernemeris. L ’auteur de l’elfai politique
fur le commerce , en a une fi haute
opinion , qu’il dit qu’il vaudroit mieux ,
pour un Etat, perdre cent mille hommes
par une faute de politique , que d’en commettre
, ou làiffer fubfifter une effentiellé
dans la finance, parce que le dommage de la
première fe réduirait à cent mille hommes
de moins, & que la fécondé en fèroit peut-
être périr plus.de cinq cents mille, & fouf-
frir dix-huit à vingt millions. M. de Sully
dit , en parlant de l’adminiftration des
finances : » e’eft le point le plus effentiel &
:» le plus inréreffant du gouvernement.C’eft
» par le moyen des finances que l’on fait
tout. Sans elles, on ne fauroit rien faire.
» C ’eft de-là que dépend le foulagement ou
» l’accablement des peuples,C’eft de-là que
o, dérivent les. bons, ou les. mauvais fuçcès
3? des delfeins & des entreprifes; c’eft ce qui
» caufe la grandeur ou la ruine d.es em-
3? pires. »
Il eft donc certain que le premier gouvernement
formé par les hommes , fut le
berceau de la fcie-nce, éconqmico,-politique ;
mais a t-elle fait des. progrès en rai fon de
fon ancienneté & de ion utilité ? Eft-elle
arrivée, ainfi que plufieurs autres fciences ,
à un degré de perfëétion qui ne laiffe rien à
defirer ? C’eft ce qu’on fe propofe d’examiner
ici.
La finance ou l’art*de régler , de percevoir
&dedépenfer les revenus publics, indépendamment
des principes généraux que
nous avons expofés ci-devant, en a qui lui
lui font propres. Ils tiennent à la nature
des climats & des gouvernemens, au caractère
des peuples, àfes moeurs & àfongénie.
L a connoiffance de ce.s différens objets
peut feule devenir une fuite d’idées, dont
la combinaifon fert à former un fyftême ou
un plan de finances ; car ,en derniere ana-
lyfe , lés revenus publics, ne peuvent être
que le produit des.contributions de chaque
particulier.
Si nous parcourons les annales des. nations
les plus anciennes, nous verrons que
les taxes qu’elles payoient, d’abord fimples
& peu confidérables , comme les Etats
nailfans dont elles avoient à foutenir la
foibleffe , s’accrurent & fe multiplièrent
fous différens noms , à mefure que l’efprit
de conquête s’introduifit , ou dès que l ’autorité
, jaloufe defes droits, voulut tenter
de les étendre.
On doit avoir là plus haute opinion de
l’état des finances des Babyloniens, par
les dépenfes qui avoient été faites dans leur
Capitale. Si l’on s’en rapporte à ce que
racontent les hiftoriens ; les murailles, les
quais, les ponts, les digues, les canaux
faits pour l’Euphrate, les palais , les jardins,
■ tout annonçoit la plus folide opulence dans
la nation ; les richeffes du feui temple de
B e l, confiftant en ftàtues^ en tables, en
' coupes , vafes , ençenfoirs , étoient évaluées
à plus de cinq cents millions dé notre
monnoie.
Les rois d’Egypte poffédoient de vaftes
domaines; & , riches par leur économie,
trouvoient d.a.nsl.eurs revenus particuliers &
dans l’affeétion. de-leurs fujets voués au fer-
vice de la, patrie , fans autre intérêt que
celui, de la défendre , les reffources uécef-
faires pour réprimer les. ,'offenfes de leurs
' voifins, &même pour foumettré plufieurs
nations, à des tributs, dont une partie étoit
réfervée au fouverain , & l’autre fe parta-
geoit entre les prêtres & lés guerriers, qui
compofoient tout l’Etat.
C’eft ainfi.que Séfoftris ,1520 ans avant
l’ère chrétienne , rendit l’Ethyopie & une
- partie de l’Inde tributaires de l’Egypte. Ses
fucceffeurs impoferent de femblables loix à
la Judée.
- Les fruits de leurs vi&oires épargnoient
• des fubfides aux peuples, ou du moins ré-
duifoient ceux qu’ils payoient à de légères
m e s , réparties par arure de terre, qui !
étoit à-peu-près notre demi arpent. Elles
s’àçquittoient partie en monnoie, & partie
en denrées., qu’on raffembloit dans des
magafins royaux.
Il paroît que dans la fuite ces taxes furent
réglées au dixième du produit des terres.
Ariftote en fait mention au livre 2 de fes
économiques. Efiodore de Sicile de Strabon
confirment ce récit.
L ’hiftoire facrée vient à l’appui des hif-
toriens. profânes. On trouve au premier
livre des rois , que le droit des rois eft de
prendre le dixième des moiffons, des vendanges
& des troupeaux (3).
Cette même taxe fur les terres fe trouve
dans toutes les républiques de la Grèce.
Solon ,• qui avoit une parfaite connoiffance
de la légiflation égyptienne , en emprunta
la divifion qu’il fit du peuple Athénien en
quatre claffes , dont chacune payoit au
tréfor public la dixième partie de fon revenu.
Suivant la lettre de Pififtrate à Solon
(4), outre cette taille réelle , les Athéniens
levoient le dixième de la valeur des-
marchandifes importées dans leur port ap-
pellé Pirée. Suivant Xénophon (5} &_Dé-
mofthène [6) , cette derniere imposition
varia fans doute beaucoup dans la fuite,
puifqu’on voit dans les hiftoriens(7), qu’elle
fut fucceffivement réduiteau vingtième, au,
cinquantième, & même au centième(8).
Au refte , quelle qu’ait été la quotité de
cette impofition , il eft certain qu’on la
(3) Hoc erîc jus regis qui imperaturus eft vobis
& fegetes veftras 8c vincarum redicus addecimabit ,
greges quoque veftros addecimabit, dit le prophète
aux Israélites,
(4) Hiftoîre univerfelle , tràd. de l’anglois, édition
in-4. tom. 4. pag. 41a.
_ (5O Hift. greq. lib. 1 , pag. 450*
(6) Oratio adversùs Leptinem.
(7) Thucydide, lib. 7 , num. 18 , dit que les peuples
fournis à la domination des Athéniens payoient,
par forme de tribut, le vingtième des marchandifes
qu’ils tranfportoient par mer.
donnoit à ferme dans chaque port. C ’eft
ce qui fe voit dans Andocide , Oraifon des
Myftères. II rapporte qü’un Argyrien af-
fermoit trente talens l’impôt du cinquantième
, qui fe levoit à Olympie -, ville de la
Morée (9).
Mais tous ces impôts, qui ne paroiffent
établis que dans les ports de mer, femblent
moins être une reftource du fife , qu’une
indemnité des dépenfes faites pour conf-
truire & entretenir les ports. Ils font le
prix de la facilité & de la commodité que .
trouvoient les navigateurs, tant pour aborder
que pour décharger les marchandifes
qu’ils apportoient.
Les finances de la Grèce reçurent beaucoup
d’accroiffement, lorfqu’Athènes en fut
devenue la métropole, 490 ans avant l ’ère
chrétienne. Tous les états de cette partie
du monde , toutes les nations qui l’habi-
toient', reconnoiffoient la néceiïité d’avoir
toujours fur pied des forces à oppofec
aux Perles qui leur donnoient de l’inquiétude.
Ariftide fut.choifi , d’un confente-
ment unanime, pour régler le fubfide def-
tiné à cette dépenfe extraordinaire. Ce vertueux
Athénien le fixa à quatre cents
foixante talens (10). Il en fit la répartition
avec tant de fageffe, que cette contribution,
également agréable à tous les confédérés ,
fut appellée le bonheur de la Grèce : premier
& peut-être unique exemple , qu’un
impôt ait obtenu les applaudiffemens de
tous ceux qui en fupporto-ient le poids.
On ne trouve rien de détaillé dans les
hiftoriens, fur les finances des Lacédémoniens.
On voit feulement, par les loix de
Licurgue, que ceux qui avoient trois en-
fans, n’étoient fujets qu’à une taxe médio-
(8) Xénophon rapporte que cet impôt n’étoit
pour -les alliés que du centième de la valeur des
marchandifes.
(p) Vo y e z l’ouvrage de M. Bouchaud, intitulé :
de l’impôt du vingtième fur les fucceffioi.s , in-8.
1772.
(10) Le talent, fuivantBudée ,dans fon traite de
qjje, eft eftimé environ 1400 liv .
ai)