
» crédit , aient introduit un immenfe agiotage ,
» qui tombera par le rétabliflement du crédit.
» Il eft clair qu’une bonne adminiftration
» d’impôts , l’ordre dans les finances , le' retour
» de la confiance publique, nuiront à l’avidité
» d’une claffe trës-jiombreufe- ; que tous ceux qui
» ont part à ces profits ; ceux à qui la fortune
» des gens d’aiïàires procure des avantages ou
» des plaifîrs ; que les defcendans des traitans
■ 33 des générations paffees ; que ceux qui fe font
33 alliés à leurs familles ; qu’enfin tous ceux à qui
33 les abus ont été utiles , ou le font encore ,
33 doivent, par intérêt ou par préjugé, s’élever
33 contre tout ce qui eft bien. Ils voient , avec
33 terreur , dans le gouvernement , le dcfir de
33 foulager le peuple, parce que, pour le foulager,
33 il faudra'réduire leurs profits, ou flétrir la
33 fource de leurs fortunes. f
» N e foyon§ donc pas furpris que l’abolition
» des corvées ait des adverfaircs. Pour lui en fufr
» citer une foule , i l fuflïfoit qu’elle fût la ré-
» forme d’ un abus ; qu’elle annonçât dans le gou-
» vernement le projet de fupprimer tout ce qui
» ruine .le peuple ou qui l’opprime.
» Comment voulez-vous que le fils d’un homme
» qui s’eft enrichi aux dépens, du peuple , oublie ,
» en pérorant , ; que ç’eft aux exaâions de fon
>> pere qu’il, a dû le droit de donner fon avis.?
» Comment celui , qui, en fe. mariant, a confenti
» à partager le prix du fang du peuple , auroit-
» il l ’ingratitude de ne pas défendre les abus ,
» Sources de fon opulence ? Comment n’y feroit-
» il pas meme .involontairement porté ? Comment
» ne fe fouleveroit-il pas contre tout ce.; qui pa-
» roît tendre à expo fer , au grand jo u r , la tur-
» pitude de ces abus ou à lés détruire ?
» 3°. Dans un bon gouvernement , il n’y a
» point de fortune à efpérer.
» Les gens de mérite peuvent obtenir des en-
» couragemens , des reéompenfes\ des places <,
» qu’ils ne peuvent regarder que comme le droit
» de fe .dévouer au fervice de la patrie : de for-
» tune à faire , il n’y en a pour perfonne. Il doit
» donc arriver que dans la capitale d’un grand
» empire , où l ’envie de s’enrichir a entaïfé les
» habitans de toutes les provinces, un bon gou-
» vernement foit une efpèce de calamité publique,
» où chacun voit la ruine de fes efpérances. Ce
» fentiment, qu’à peine quelques fcélérats ofent
» s ’avouer ,a g i t en fecret fur l’ame des hommes , à
» qui le fpeéïacle du bonheur public ne caufepas' un
» plaifîr plus doux que tous ceux qu’on peut acheter:
» & voilà ce qui les difpofé , même à leur infu,
» à regarder comme dangereux ou comme injufte,
» tout ce- q u i, en faifànt le bien du peuple , fem-
»•ble les avertir qu’il n’y a' plus moyen de s’en-
» richir à fes dépens-
» 40. Pourquoi la fuppreffion des corvées ne foufi
» friroit-elle pas les mêmes obftacles que l’éméti-
» que & le pain mollet ? pourquoi ne défendroitr-
33 on pas cet ufage de nos peres , avec autant
» de zèle que la philofophie d’Ariftote. & les idées
» innées ?
» Nous mangeons du pain mollet; nous prenons
« de 1 émetique , ôc nous ne favons même plus
» ce-qu’étoit la philofophie d’Ariftote.
» 1 1 en fera de même des corvées y elles feront
» détruites., & il ne reliera plus d’elles que leur
33 nom , dévoué à l’éternelle horreur des amis de
33 l ’humanité.
35 y. a. ^es c'la^es d’hommes, condamnés à
33 avoir toujours 'les idées d’un autre fiécle; quand
»'ils ne font qù’abfurdes , plaignons-les , ÔC ne
33 nous permettons d’en rire qu’autant qu’il le faut
» pour les corriger. Mais fi , par des vues d’ava-
33 rice & d’ambition , ils ofent s’oppofer au bien
» du peuple ; fi , non eontens d’êtré les admira-
» teurs des fottifes antiques,, ils veulent employer,
” pour le? défendre;, l ’intrigue ou les bourreaux...
33 puifle la main du génie leur imprimer une flé-
33 triflure éternelle, ôc les dévouer au mépris ôc
33 à la haine de tous les fiécles!
53 Les ^corvées ont deux grands proteéleurs ;
» l’avarice ôc la fortifie,,,.'
38 François , -réj ouiflez-vo.us_.de vivre fous un
S- régne ou. ces proteéleurs ont perdu leur cré-
v dit. Hélas ! ils exercent un empire abfolu fur
33 les neuf dixièmes de ce trille globe, ôc ils font
33 bien puiflans fur le relie.
33 Mais, auffi n’oubliez pas que', dans la ville
33 des frivolités, il s’eft trouvé des hommes très-
33 graves T qui ont ofé delîrer que vous reftaffiez
33 condamnés à travailler quinze jours fans fa-
33 laires , lorfque vous n’avez que vos falaires pour
33 vivre ; de peur que, pour vous délivrer de ce -
33 fardeau' , il ne leu-r en coûtât une impolîtion
33 fur leur fuperflu , ou qu’ils ne fuflent obligés
33 de convenir que le génie Ôc la v ertu, réunis
33 dans un feul homme, pourront faire le bonheur
33 de la France :.Ôc, lorfque ces"gens graves vou-
-33 dront faire du bruit , fouvenez-rvous qu’ils ne
33 crient que pour leurs intérêts , ôc n’ayez plus
33 la fottifè de croire que ce foit jamais pour les
* vôtres. » -
Soit que la fuppreflon dès Corvées n’eût pas été
bien combinée , ~ou qu’elle eût été propofée
dans des circonitancés , où l’état dès routes
ne permettoit pas d’attendre la répartition Sc ie
recouvrement de l’impofition, dont le produit devoir
fèrvir aux frais de leur réparation ; la même
année. , elles, furent rétablies. On trouva plus
fimple de recourir à, l’ancien ufage , que d’examiner
par quels moyens on pouvoir maintenir ôc faire
exécuter la nouvelle légiflation. /.
- -Voici le règlement qui remit provifoirement
les chofés dans- leur premier état ; ôc ilfubfifte
encore.
» Louis, par la grâce de D ieu , roi de.France
» & de Navarre : à tous ceux qui ces préfentes
»•lettres verront ; faliit. La nccéffite..dc réparer ,
» avant l’hiver, les grandes routes de notre royau-
» me, nous a engagé à examiner les moyens d’y
» pourvoir , ôc nous avons reconnu qu’il étoit
» impoflible de mettre en ufage ceux qui font or-
» donnés par notre édit du mois de février der-
» nier : nous avons cru d’ ailleurs' devoir donner
» une attention particulière aux repréfentations
» de nos cours -, fur les inconvéniens qui pour-
» roipnt réfulter des difpofitions de notredit é d i t ,
» fuiyant la réferve que nous en avons faite.
» La réfolution que nous avons prlfe de faire
» examiner le tout en notre confeil , ne nous
» permettant pas avant le tems deftiné aux tra-
». vaux néceffaires pour les réparations & l’en-
» tretien des. chemins , de pouvoir prendre un
» parti définitif fur un objet auffi eflentiel au bien
» général de nos fujets ; ôc confidérant, d’un autre
» côté , combien il importe" que ces réparations
» & entretiens négligés , ôc prefque éntierement
» fufpendus depuis'près de deux ans , ne fouf-
» firent pas un plus long retardement ; nous avons
» jugé plus'convenable de rétablir , par provifion,
» l’ancien ufage obfervé pour les réparations des
» grands chemins.
» Nous nous y fommes déterminés d’autant plus
» Volontiers, qu’occupés du bonheur de nos peu-
» pies, nous nous propofons de porter une atten-
» tion particulière à leur procurer des foùlage-
» -mens réels fur cette partie effennielle du' fer-
» vice; public. A ces caufes & autres à ce nous
» mouvant , de l’avis de notre confeil, ôc de notre
» certaine fcience , pleine puiflance Ôc autorité
» royale, nous avons dit, déclaré Ôc ordonné; Ôc
» par ces préfentes lignées de notre main , difons
» déclarons Ôc ordonnons, voulons ÔC nous plaît ,
» qu’immédiatement après les récoltes , tous tra-
» vaux ÔC ouvrages nécelTaires pour les réparations
» & entretiens des grandes routes , continuent
» d’être faits dans les diverfes provinces de notre
» royaume, comme avant notre édit du mois de
» février dernier.
» Si donnons en mandement à nos amés & féaux
» cônfeillers, les gens tenant notre cour de parle-
» ment à Paris, que ces préfentés ils aient à faire
» lire , publier Ôc regiftrer y & le contenu en
» icelles , garder , obferver & exécuter félon
» fa formé ôc "teneur , nonobftant nos édits ,
» déclarations , arrêts, -règlemens'ôc autres chofes
» à ce contraires , auxquels nous avons dérogé
» ôc dérogeons par ces préfentes ; car tel eft notre
» plaifir : en témoin de quoi 41011$ avons fait mettre
» notre fcel à cefdites préfentes. Donné à V e r -
» failles le onzième jour du mois d’août , l’an
» de grâce mil fept cent foixante-feize , ôc de
»•notre règne le troifîerae. Signé Louis. Vu au
» confeil, de Clugny. »
Puifque nous .avons été forcés de parler du
malheureux rétabliflement des corvées , nous ne
• devons pas omettre de rapporter ici le mémoire
de M. Boulanger, fous - ingénieur des ponts ôc
chauffées , fur la meilleure maniéré d’ordonner les
corvées%ôc de conduire les corvéables ;il eft de 17/3«
La perfeélion de la conduite des corvées con-
fiftant à faire la plus d’ouvrage poffible, dans le
moins de tems poffible, il faut donc choifir la
voie la.plus prompte Ôc la plus expéditive , comme
celle qui doit être là meilleure.
On n’a déjà que trop éprouvé.en plufieurs provinces,
qu’une corvée languiflaptè 'étoit un fardeau
immenfe fur lès particuliers , ôc une fervi-
tude dans l ’éta t, qui , fans produire le fruit que
l ’on avoit en vue , fatiguoit fans cefle les peuples
, ôc gênoit, pendant un grand nombre d’années,
la liberté civile des citoyens. Il fuffit, pour
en être plus convaincu , dé joindre à un peu d’expérience
, quelques fentimens de commifération
pour les peuples. I l ne s’agit dohe que de cher--
cher quelle eft la méthode qui répond, le mieux
à ces principes, premièrement pour la diftribu-
tion ôc la conduite des travaux , ôc enfui te pour
la police avec laquelle on doit régir les travailleurs.
De la conduite §? -distribution des travaux.,'Toutes
les aélions des hommes ont un mobile; l ’argent
ôc l’intérêt font ceux qui les ' conduifent
aux travaux, mais ce font des mobiles dont les
corvées font privées; il a fallu y en fubftituer d’autres
pour tenir lieu de céux-là. Ceux qui ont
été reconnus devoir être employés , font les
tâches ' que l’on donne ôc qu’il faut indifpenfa-
blement donner aux eorvoyeurs ; on a vu que
c’étoit l’unique moyen de les intéreffer au progrès
de l’ouvrage , ôc de lés engager à travailler
d’èux-mêmes avec diligence, pour fe décharger
promptement du fardeau qui leur étoit
impofé. Ces tâches font ordinairement naître une
telle émulation au milieu d’un atelier fi ingrat
pour-celui qui y travaille, qu’i l y a eu des corvées
fi bien conduites , que leur progrès l’em-
portoit même fur celui des travaux à p rix d’argent.
On peut diftribuer ces tâches de différentes
maniérés , ôc c’eft- le choix que l’on en doit faire
qu’on aura ici particulièrement en vue ; parce
que l’on doit encore fe fervir de ce moyen avec
quelques r é f e r v e s la dillribution de tout un ouvrage
public en plufieurs ouvrages particuliers
pouvant quelquefois fe faire de telle forte , qu’au
lieu ,d’y trouver l’avantage qu’on y cherche ,
l’ouvrage public languit ôc dégénéré, parce qu’il
change trop de nature. ‘t .
TJnefprit d’équité qu’on ne fauroit trop louer,
joint à l’habitude que l’on a de voir les tailles.
Ôc les impofitions annuelles réparties fur les communautés
ôc réglées pour chaque particulier , eft
ce qui a fait fans doute regarder les travaux