
auxquels reflortilToient les juftices feigneu-
riales, les conquêtes de ce prince, & la
réunion de plulieurs grands fiefs à la couronne
, fous Saint Louis, fon petit-fils,
furent enfuite des moyens lents , mais
fûrs , qui minèrent infenfiblement l ’autorité
des feigneurs dans leurs domaines particuliers.
On en comptoit alors plus de
quatre-vingt dans le royaume qui faifoiént
battre monnoie : à la vérité, le roi feul
pouvoir en faire fabriquer d’or & d'argent
(5 6).
Pour prendre une idée des finances dans
ces tems reculés, fuivons le fil hiftorique
des impôts qui fe font fuccédés depuis le
commencement de la troiiïeme race de
nos rois, jufqu’au règne de Louis XIV.
Louis le Jeune impofe en 1147 le fol
pour livre ,.ou le vingtième des biens pof-'
fédés par fes fujets. Cette noûveauté, qui
11’avoit pas été tentée par fes prédéceffeurs,
excita de grands murmures—contre lui &
contre Saint Bernard, qui avoir confeillé
la fécondé croilade. Ce dernier fe défendit
avec force, par des écrits apologétiques,
dans lefquels il proteftoit que la mort ou
la captivité de plus de deux cents mille
hommes, ne dévoient être attribués qu’à
leurs crimes énormes , & que ceux qui
avoient échappé dévoient fe féliciter de la
bonté du Tout-puiflant, qui leur faifoit
grâce, puifqu’ils ne valoient pas mieux
que les autres.
La dîme faladine, qui confiftoit dans le
dixième des biens-meubles & immeubles
de tous les fujets , mife en 1.188 par Philippe
Augufte , n’eut lieu que pendant
un an.
L ’ordonnance de 1190 , de ce même
prince,,& dont nous avons fait mention ,
apprend que la taille qui fubfiftoit déjà,
confiftoit en une certaine portion du produit
des terres , qui étoit payée en nature,
comme bleds, vins , poules, & fe reven-
doit enfuite au profit du roi.
Il y eft aufli fait mention de l’aide auxi-
(?6) Voyiez l’ordonnance de 1 z6z. Recueil des
ordonnances de nos rois , tome% premier, page V3.
lium , que les églifes étoient obligées de
fournir en tems de guerre.
Ce prince eft celui de tous les rois de
là troifieme race , qui a1 le plus acquis de
terre à la couronne , & de puiffance au
monarque. Par les troupes qu’il eut le premier
à fa folde , il accoutuma les grands
au refpeét, & les peuples aux impôts. jf
Ses revenus étoient d’environ trente-fix
mille marcs d’argent, à deux livres dix
fols le marc ; ce qui faifoit alors-quatre-
vingt-dix mille livres.
Les ordonnances rendues par S. Louis ,
en 1254(57) & 1256, celle de 116 2 ,
fur le1 fait des monooies , divers marr-
demens du même tems , font voir que ce
monarque étoit rentré dans tous les droits
de la fouveraineté , & que l’on commen-
çoît à entrevoir les vrais principes de l’ad-
miniftradon générale, dont il avoir reffaifi
les rênes , puifque l’on fentoit combien il
étoit avantageux de protéger le commerce
dans le royaume, & fur-tout de favorifer
celui des bleds & des vins.
Les baillis & fénéchaux , qui réunif-
foient le gouvernement militaire à l’admi-
niftration de la juftice, exerçoient alors
toute police , chacun dans l’étendue de
fon reffort. Us avoient le droit d’y permettre
ou d'empêcher l’exportation .des
grains , vins & autres comeftibles, & le
plus fouvent ces ' permiffions ne s’accor-
doient qu’au plus offrant, de forte qu’elles
occafionnoient des difettes locales, ou pri-
voient au moins les propriétaires de la liberté
de vendre leurs denrées à leurs voi-
fins.
Ces ordonnances de 1254 & 1256, répriment
ces abus. Elles portent que le
tranfport des grains , d’une province à
l’autre, ne pourroit être défendu par les
(57) Cette ordonnance a pour objet la re'for-
mation des moeurs- dans le Languedoc , qui com-
prenoit alors toutela partie méridionale du royaume ;
on y défend de porter aux Sarralins des armes,
des vivre s, ni d’autres marchandifes , tant qu’ils
feront en guerre avec les chrétiens. Recueil des
ordonnances, page 67.
juges, que dans le cas d’une néceflïté bien
reconnue ; & que lorfque les défenfes au-
roient été faites , il n’y auroit d’exception
pour perfonne.
Le même'monarque régla, en 1270,
la forme de procéder à la répartition de
la taille coutumière, dont la taille aâuelle
eft une génération.
Philippe-le-Hardi, fucceffeur de S. Louis,
ordonna, le 12 mars 1277, que , pour le
commun profit du royaume, on n’en pourroit
traire hors, nulle laine , ni bled , ni
aucune efpèce de grain & de vin. I l enjoint
aux feigneurs & baillis de faire exécuter
ces défenfes dans la baillive de leurs
terres ; & en cas de foupfon qu’un marchand
puiffe en -exporter, y eft-il dit,.il
faut prendre fureté pour qu’il rapporte en-
feigne qu’il les a vendues dans le royaume.
Le goût du luxe, apporté de l’Orient
à la fuite des croifades, & les différentes
guerres que Philippe-le-Bel eut à foutenir,
l ’obligerent à recourir à des expédiens extraordinaires
, pour fe procurer des revenus.
L ’extinétion des Templiers ,-des exactions
fur les Juifs, l’altération des mon-
noies, l’anoblilfement des roturiers, furent
fes premières reffources.
On voit varier fans . celle , fous ce
règne, la quotité des droits impofés fur
les marchandifes vendues dans le royaume,
& les défenfes, ainfi que les permiffions
d’en exporter. Cette mobilité de principes
indique allez les vues burfales qui
diéloient toutes les ordonnances.
Celle du 7 mars 1294, afliijettit les
Italiens & Ultramontains à payer deux
deniers tournois par livre de la valeur
des marchandifes qu’ils vendront dans le
royaume hors les foires de Champagne,
dans lefquelles le droit n’étoit .que d’un
denier, & les acheteurs dévoient aufli
paryer deux deniers pour livre.
• L ’année fuivante, les Lombards & Italiens
, commerçant dans le royaume , font
affranchis de taille & de toute autre im-
pofition, au moyen du droit d’une obole
& une pite par livre de la valeur de
toute efpece de marchandifes par eux
vendues.
C’eft à ce prince qu’on peut rapporter
le premier établiffement de la capitation,
ou d’une impofition qui l’a enfantée.
L’ordonnance du 31 mars 1302, confirmée
les ly mai & s oétobre 1303 , porte
que ceux qui auront cent livres tournois
de revenu en fonds de terre, paieront
vingt livres , & pareille fomme pour
chaque cent livre ; que ceux qui. auront
cinq cents livres en meubles, paieront
vingt-cinq livres, & au-deffous de cent
livres, ne paieront rien. Il réfulte de
cette difpofition , que Philippe - le - Bel
levoit le cinquième du revenu de fes
fujets.
Par’ un mandement du vendredi après
la Toulïàints , de 1302, il ordonne aux
furintendans des finanças , ~ & commis
prépofés à là levée de la fubvention pour
la guerre de Flandre , de faire payer
cette fubvention aux nobles qui auront
quarante livres & plus de revenu, &
aux non nobles qui auront trois cents
livres en meubles, ou la valeur de cinq"
cents livres, tant en meubles qu’en immeubles,
& d’apporter promptement au Louvre
toutes les fommes au - deffus de mille
livres qu’ils auront entre les mains.
En 1302, il fut fait défenfe de tranf-
porter hors du royaume , de l ’or , de
l’argent, des chevaux,vdes mulets, des
bleds , des vins, & aucune efpèce de
vivres, fous peine de confifeation de corps
& biens ; mais la liberté de fortir les laines
& les étoffes fut continuée, pourvu qu’on
n’en fît pas palier aiix ennemis de l ’Etat.
Lés ouvriers en laine repréfenterent,
en 1304, que cette liberté étoit très-
préjudiciable à leurs fabriques. Ils demandèrent
que l’exportation des matières
premières , OU propres à l’apprêt & à la
teinture de leurs étoffes, fût prohibée,
en offrant de payer jun droit de douze
deniers par chaque piece de drap de
douze à treize aunes qui feroient vendues
en gros, & de fept deniers pour
celles qui le feroient en détail.