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prétention auffi déraifonnable, que le feroit Celle
qui auroit pour objet de renouveller tous les anciens
droits portés par les pancartes qu’il pour-
roit raffembler , Sc qui primitivement ne dévoient
avoir d’exécution que pour un tems limité.
Cette derniere rai Ton eft une de celles que les
Etats faifoient valoir avec le plus de confiance
& de force. Ils en inféroient qu’il ne falloir recon-
noître pour droit d’ancienne coutume, que ceux
dont la perception avoit été continuée paifîble-
ment, fans interruption Sc fans trouble , dans
chaque port 8c havre, depuis la réunion de la
Bretagne à la couronne. Ils confidéroient tous les
autres droits, comme des impofitions extraordinaires
qui , de leur nature;- étoient révocables , &
n’a voient été introduites qu’à caufe du bèfoin ,
pour, un terme fixé , Sc avec des claufes révolu-
toires.
Que fi les fermiers n’euffent pas eu*-mêmes
admis une très-grande diftinCHon entre les devoirs
d’ancienne coutume, que l ’on peut préfumer avoir
été domaniaux , 8c les nouvelles impofitions non
domaniales accordées par les Etats de la p rovince,
pour un certain tems feulement, il n’étoit pas
vraifemblable qu’ils fe fufltyit bornés à la perception
de ces anciens devoirs , qui étoient très-
modiques , & qu’ils eu£ènt abandonné la perception
des nouveaux droits , beaucoup plus, confidé-
rables.
Les Etats fe récrioient encore fur la différence
que les fermiers vouloient introduire dans la
quotité du droit, en le fatfant payer en monnoie
forte, au lieu de la monnoie commune ; ils foute-
noient qu’il étoit prouvé par les comptes de la
prévôté de Nantes,que les devoirs ne fe payoient-
par les marchands, qu’en fimple monnoie courante,
plus foible d’un fixieme que la bonne- ou forte
monnoie.
Enfin , difoient encore les Etats , quand la pancarte
feroit auffi authentique qu’elle eft défèc-
tueufc , on ne pourrait en autorifer l ’exécution,
fans bleiïer les privilèges 8c les immunités de la
province , confirmés par tous les rois fucceffive-
ment, 8c en dernier lieu par fa majellé, en 1728.
Cette confirmation eft prouvée par tous les con-,
trats paffés avec les Etats de Bretagne, & qui
portent que le commerce fera inviolablement entretenu
, en la maniéré ancienne 8c accoutumée,
fans aucune innovation.
Cette maniéré ancienne , eft de ne payer aucuns
droits, autres que les anciennes coutumes ; de n’en
payer aucuns anciens , ni nouveaux , pour ce qui
fe confomme dans la province même ; de ne payer
enfin aucune taxe quelconque , fur les toiles , fur
les grains , les farines , les légumes 8c lès denrées.
Le mémoire des Eta.ts étoit terminé par cette
peroraifon:Les droits exigés par les fermiers , ont
occafionné dans le commerce de Bretagne une diminution
confidérable ; 3c ils font la principale
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caufe de ce que cette province, malgré les avantages
de fa fi tua don , le nombre 8c la bonté de
fes ports , l ’habileté des gens de mer , la quantité
de toiles de toutes fortes, de lins , de chanvre,
de fe l , d’eaux-de-vie, de miel', de cire , de papiers
, de beurre, de graiffe Sc de grains de toute
elpéce qui y abondent,Te trouve aujourd’hui entièrement
privée des reflburces que tous ces avantages
devroient naturellement lui procurer.
Les fermiers-généraux répondirent que les premiers
titres de la plupart des droits réunis au
domaine de fa majefté , n’a voient pu fe conferver
auflî long-tems que leur tradition ; qu’il feroit
difficile de repréfenter non - feulement les titres
de la création des devoirs des ports 8c havres de
Bretagne , mais encore ceux de pluficürs droits
domaniaux qui fe lèvent ailleurs , au profit du r o i ,
& qui n’en font pas moins dûs, malgré le défaut
de ces titres ; que, d’une p art, la tradition con-
ferve ces droits & les maintient ; que d’une autre ,
on a fuppléé au défaut de ces titres, primordiaux,
par des titres poftérieurs qui régénèrent les droits,
8c dont la perception fe fait fous l’autorité des
chambres des-comptes , qui l’ont admife farts nulle
difficulté.
Lès fermiers - généraux citèrent grand nombre
d’ancièns titres , poftérieurs aux titres conflirutifs.
Comme les Etats avoient oppofé , que fi lors de
l’édit de~i J7p , qui fupprima de nouveaux droits ,
il y en avoit eu d’anciens, on n’auroit pas manqué
de les réferver , les fermiers répondent que cette
claufe eft toujours fôus-entendùe par-tout, & indil-
penfablement : que fuivârtt les plus anciennes loix
' de la monarchie, les droits une fois unis Sc incorporés
au corps du fife , ou domaine , Sc attachés
■ à la couronne , ne peuvent plus^être reverfibles
aux fujets , ni cenfés fupprimés ou preferits par
quelque laps de tems que ce puifFe être.
L ’infpeéleur général des domaines de fa majefté,
vint également à l’appui des raifons des fermiers ,
pbur juftifier la validité du titre Sc l ’authenticité
du droit.
Il obfervoit , qu’après avoir examiné attentivement
la pancarte de ly d y , il penfoit que c’étoit
un recueil fait par les officiers de la chambre des
comptes de la ville de Nantes, des.droits àppar-
tenans à fa majefté comme duc de Bretagne , Sc
que ce recueil avoit été fait fur les anciens comptes
des differèns receveurs ? Sc fur d’autres do-
• cumens d’autant moins fufpeéts , qu’ils exiftoient
dans la chambré des comptes même.
Cet infpeéteur ajoutait que les devoirs ou droits,
tels que ceux des ports Sc havres , dëpendoient de
la feigneurie même , Sc qu’ils étoient par confé-
quent, plus qu’aucuns autres droits , de nature à
devenir domaniaux , lorfqu’ils tomboient dans la
main du roi ; qu’il fe trouvoit plufieurs feigneurs
de Bretagne, qui jouiffoient de ccs mêmes droits ,
•| comme dépendans-de leur feigneurie.; qu’en certains
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tains lieux , ils les partageoïent avec le roi ; que
par ces raifons, ils étoient inaliénables Sc impref-
criptibl.es.
Qu’il n’étoit pas enfin à préfumer que cette pancarte
, confervéc depuis près de deux cents ans à
la chambre des comptes de Nantes , put etre regardée
comme une pièce fufpedte , quand mêrne
elle n’auroit point été faite avec toutes les formalités
, actuellement en ufage en pareil cas ; qu’elle
dévoit être au contraire envifagee comme un titre
authentique , d’autant plus digne de confédération,
qu’il s’agiffoit d’émpêcher que. des droits domaniaux
aufli confidérables que ceux des ports Sc
havres, ne M en t entièrement anéantis.
On ne peut s’empêcher de convenir que , dans
la conteftation que l’on vient d’expofer, chacune
des parties paroiffoit fondée dans fes prétentions ;
mais comme il eft d’ ufage que l’adjudicataire des
droits du roi obtienne provifoirement la jouiflance
ou la continuation de poffeffion , jufqu’à un jugement
définitif , les chofes font reftées dans le même
état , Sc l’arrêt de 172/ a eu fon exécution jufqu’à
ce jour.
I l eft vrai que , 'comme on a tenté d’établir en
différens tems un droit unique Sc uniforme, dans
toute la circonférence du royaume , cette vue générale
a fait négliger de reClifier les vices des tarifs
particuliers qu’on fe propofoit de fupprimer.
I l femble que , dans le cas où des difficultés in-
furmontables pourroient empêcher d’exécuter cette
enrreprife , fi àvantageufe au commerce national,
ofi pourroit du moins rendre aux provinces réputées
étrangères le fervice important, de faire
examiner les tarifs que l’on y fu it , d’y porter la
clarté , Sc de les accommoder aux intérêts du commerce
a&uel.
Pour ce qui regarde la Bretagne, il fe préfente
deux partis , propres à concilier fes avantages
perfonnels , avec la néceffité de maintenir l’égalité
de traitement , entre le commerce de fes ports Sc
celui des autres ports du royaume.
Ou de renouveller la pancarte des devoirs des
ports Sc havres , Sc de la rendre uniforme dans
toute la province , en fixant le taux fur une proportion
relative aux autres tarifs , Sc fupprimant
tous les autres droits particuliers à la Bretagne.
Ou de rendre commun à toute la province , le
droit de prévôté qui fe perçoit à Nantes , Sc dont
l ’authenticité n’eft pas contcftée, en abolifîant les
devoirs des ports Sc havres.
On doit ajouter ici que , quelque attention que
F on donne à l’examen de ces anciens droits de r ivage,
quillage, Sec. il eft très - difficile de démêler
leur véritable nature , Sc de connoître les
cas de leur perception.
Il femble que le devoir de rivage étoit dû par
toute forte de bâtimens de mer fans exception ,
foit de la province, foit étrangers , Sc qu’il remplace
le droit d’ancrage, attaché en quelques en-
Finances. Tome I, .
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droits au domaine feigneuriai, ou au titre d’amiral.
V^oye^ A n c r a g e .
L e devoir de quillage ne paroît perceptible que
fur les vaifleaux étrangers, une fois par chaque
voyage.
Celui de célcrage eft une taxe mife fur ceux qui
louent des celliers pour tenir magafin de vin ; car ,
fuivant l’article de la pancarte, pages 3 Sc 11 ,
il n’eft dû que par les marchands, forains, Sc ceux
qui ont des celliers en propriété ne le doivent pas.
Au refte , le produit des devoirs des ports Sc
havres, en y joignant celui de Brieux , eft en
principal, année commune, de quatre-vingt-trois
à quatre mille livre ; avec J es dix fols pour livre
aCtuel, il peut faire un objet de cent vingt-cinq
ou vingt-fix mille livres.
Les droits appelles Amplement devoirs de Bretagne
, Sc qui font une ferme particulière appartenant
à la province , fe divifent en. grands Sc
petits , Sc comprennent encore les droits d’anciens
gourmets , de courtiers , de jaugeage Sc courtage ,
d’infpeéteurs Sc d’annuel. Ils fe perçoivent fur les
boifïbns vendues en détail. Leur origine eft im-
poffible à fixer , parce qu’on ne, trouve aucun
veftige de leur établiffement, ni dans les règLe-
mens , ni dans les hiftoires particulières de la.
province.
Tous les deux ans, les Etats font eux-mêmes ,
dans leur affemblée , l’impofîtion Sc le bail de ces
devoirs , Sç les deniers qui en proviennent fervent,
en partie, au paiement du don gratuit, qui eft
accordé au roi fur là demande des commiflaires
députés à cet effet.
C ’eft ce bail qui eft le titre Sc Fait la règle de
la perception , après avoir été ratifié par lescom-
mifîaires du roi, Sc adjugé en préfence du corn?-
mandant en chef de la province.
Les principaux articles du bail actuellement fub-
fiftant , vont faire connoître en quoi confifte la
ferme des devoirs y quelles font les formes de fa
ré g ie , Sc à quelles obligations font aiïiijettis les
redevables Sc les commis. Cet expofé mettra en
même tems à portée de comparer le, régime des
devoirs de Bretagne , avec celui des aides, qu’on
a dit être bien plus rigoureux.
Conditions & charges du bail du grand D evoir
adjugé pour les années 1783 6’ 1784, lefquelles
conditions feront publiées , affichées & dépofees au
greffe defdits Etats , conformement a L'arrêt du
confeil du 18 mars 1684.
A r t i c l e p r e m i e r .
Le grand devoir fe lèvera fur toutes fortes de
perfonnes , quelques privilèges qu’elles puiffenc
avoir , prétendre ou alléguer pour raifon d’offices
, tant du parlement que de la chambre des
comptes, chancellerie, monnoies , maréchaufTéçs,
maifons franches , fuiifes de la garde du roi