
Iv'ùj D I S C O U R S
f a i t q u e c e t t e m a n u t é n t io n n ’a jam a is é p r o u v
é d e d im in u t io n . V q y e p le m o t D o m a i n e .
On laiffe ml* gens fenfés le foin d’apprécier
le mérite de ces écrits répandus contre
les'faits, les plans &lés bénéficës'évèntuels
qui ont été'confignës & préfumés dans le
compte rendu en 1781. On obfervera feulement,
que tandis que l’efprit de parti foüf-
floit e n France une foule de petits détracteurs
plus vains qu’inftruits, contre ^ o p é rations
de finances, qui, depuis quatre années
, procuroient au crédit national une
folidité & une étendue qu’il n’avoit jamais
eües ; toute cette àdminiftration étoit' vantée
& citée comme lin modèle, au parlement
d’Angleterre,
Suivons l’admirtiftration des finances juf-
qu’àlapaixde 1783. Malgré trois années;
‘'de guerre, le géniefifcal n’avoit p‘as ceffé !
de dormir depuis 1777. Nulle loi burfâle
n’avbit été promulguée. Son réveil arriva
:en 1781 , & il fut marqué par l’édit du
’mois d’août, qui ajoutoit un dixième aux
droits du-roi, qui impofoit un doublement
des droits établis fur les huiles & lés fa-
■ vons, 6c plufieurs droits nouveaux,aux entrées
de Paris, fur les matériaux propres
à la conftruftion , fur lés glaces, le café,
le fucre & la cire.
Le rétâbliffêmeh#de différens offices de
finance fupprimés , des emprunts & dés
loteries, procurèrent auffi des reflbürces
qui mirent en état de pouffer la guerre
dont la fin arriva heureufement dans les
premiers jours de l’année 1783.
En réfumant tout ce qui a été dit fur lès
finances, on voit que parmi les fciènces &
les arts dont lés Romains nous ont donné
des leçons & laiffé des modales, il faut
comptèr la fcience de la finance, fi l’on
peut appelier fcience , celle de trouver
divers impôts auffi bizarres qu’odieux,
enfantés par la cupidité , établis par ia
tyrannie, & fupportés par la fervitude.
On voit encore que cet art fifcal de tourmenter
les nations par des taxés & dès tributs
, s’èft malheureufement introduit dans
le berceau de la monarc-hie, avec Ie code
des loix Romaines ; qu’enfuîte un heureux
ufurpateur voulant gagner l'attachement &
l ’appui de Les pairs, leur accorda une grande
partie du pouvoir fouverain., jufqu’alors
concentré dans la perfonne du monarque ,
quoique fon autorité eût, fous les règnes
précédens , été fréquemment attaquée 6c
atténuée par des vafiàux ambitieux 6c cur-
bulens, qui tiroient lëur:plus grande force
de fa foibleffe.
Alors la force du-corps politique ne con-
fiftoit que'dans la réunion des forces des
grands feigneurs 6c des hommes libres,
qui contribuoient de leurs perfonnes au
fervice militaire de l’Etat, fournifioient dés
hommes, des1 chevaux & des voitures pour
les voyages du roi & de fa fuite , 6c s’en
dédommageoient enfuite par toute forte de
vexations fur leurs ferfs 6c les habitans non
libres de leurs feigneuries. .
Mais lorfque les barons, & enfuite les
communes affranchies & réunies en un corps
d’affemblée, eurent une fois confenti de
payer au chef de l’E tat, une taxe ou une
dînie, fous prétexte de la conquête de'la
Terre-fainte, les' chefs continuèrent quelque
tems à demander des fécours 6c des
fubfides, dont ils expofoient la necefiîce,
pour la confervation & l’avantage général
de la fociété. La conceiîion des peuples
devint le droit du monarque. ^
L ’abaîffement des grands feigneurs, qui
fuivit raffranc-hiffemenedes communes, ne
rendit pas laconditiondu peuple plus douce;
il ne fit que changer d’oppréffèurs. Au lieu
d’être vexé par les feigneurs immédiats , il
le ‘fut par les fénéchaux, par les grands
baillis & les autres officièrs royaux qui
réuniffoient au commandement militaire ,
l’adminifiration de la juftice, celle de la
finance, 6c même la recette des deniers
royaux, comme on l’a vu ci-devant.
Du moment que l’autorité, pour fe faire
refpeéter au-dehors 6c au-dedans, eut pris
le parti d’avoir des gens d’àirnes toujours
fubfiftans, elle devint allez forte pour lever
à fon gréies fubfides qu’exigeoient fes projets
6c fes vues. Les ’impôts furent 'fans
mefure 6c fans bornes.
P R t l 1 M t'ix
voit quelquefois briller des étincelles
de fens 6c de faifon, qui femblent indiquer
que dans lès impofitions on cônfulte les
facultés des contribuables , qu’on en c a l-,
cule le poids fur leurs forcés, 6c qu on le :
combine avec les ménagemens dusaux four-
-ces de la richeffe publique ; mais cette clarté 1
■ paffagere fe diffipe prefque auffi-tot. Le fife,
armé de la hache'du pouvoir, menace les ;
-propriétés, envahit les revenus, 6c s’èm- '
.pare de la portion la-plus claire des for- ;
tunes particulières , fans 's’inquiéter des i
moyens de reproduétion, & fans être ar- ;
rêté par le délefpoir des peuples. Telle fut i
la fituation du royaume fous les règnes de :
Philippe-le-Bel & de Louis X. Ces jours ;
■ défaftreux fe renouvellerent fous'Charles V
& fon fucceffeur ; le fardeau des charges
étoit accablant : il fut fenfiblement allégé
fous le règne de Louis XII : ce bonheur ,
trop rapide , difparut avec ce bon prince ,
6c ne reparut que dans un intervalle très-
court, fous Henri IV,
La lumière dont l’aurore avoit brillé
fous François Itc , s’étendit à toutes les
fciences 6c à tous les arts ; mais celui de
la finance ne fe perfeélionnoit qu’en créant
de nouvaux impôts fous des noms juf-_
qu’alors inconnus, 6c en multipliant les
précautions 6c les peines, pour exiger plus :
rigourèufement le paiement des anciens.
Sully gouverne les financés, 6c la nation
fent avec plaifir fon exiftencè. Le fahatifme ;
détruit tout fon efpoir. Une minorité ora- j
geufe la replonge dans la détreffe. L ’excès ;
du malheur produit l’excès de la licence.
La conjuration eft générale contre les revenus
publics. Enfin , Colbert arrive , 6c
pofe les fondemens de notre profpérité,
en agrandiffant le plan déjà tracé par le
vertueux Sully dans l’adminiftration des
finances. Sans doute que les impôts ne
furent ni moins nombreux , ni moins con-
fid-érables qu’auparavant, fur-tout àla fin du
dernier fiecle; mais les peuples eurent plus
de reffources pour les payer, plus de moyens
pour arriver à une aifance qui s’eft toujours
accrue. .
II eff probable que cette heureufe révo-
/ RT A I R t i
-lutitm, dûe en partie aux grands principes
adoptés par Sully 6c Colbert , fut encore
fâvorifée-par l’élévation & l ’agrandiffement
des colonies -de l’Amérique. Elles procurèrent
à toute l ’Europe une augmentation
.de richeffe , en.donnant au commerce une
plus grande aélivité , qui multiplia lés
hommes 6c lés éfpèces. Mais cette augmentation
de fortune, loin d’opérer conf-
tamment la félicité des peuples., ne manquera
pais de leur devenir funefte, fi lej
gouvernemens ne Lavent jamais mefurer
•lelirs dépènfes fur. leurs revenus, 6t ftfr
l’amélioration fuccelîîve que ces revenus
peuvent recevoir de l’accroiffement de. la
richeffe .publique ; fi toujours prodigués
d’un vain faite, 6c avides de la fauffe gloire
des armes, ils continuent de facrifier les
fruits de plufieurs années, au befoin du moment,
& étouffent ainfi’les générations futures,
fous le joug qui accable les générations
préfeutes.
Quel peut être le remede à ce mal ?
Ce feroie de trouver dans .la fcience des
finances une forme d’impofition qui, fans
altérer la liberté des citoyens , 6c en étendant
celle de l’agriculture ôc du commerce,
pût affurer à l’Etat, un revenu graduel qui
fqffît pour tous les tems & pour tous les
befoins,
On rié dira pas que cet avantage fe r«n-
• contre en Frafice dans le régime aâuel des
finances ; car-/parmi la multitude de droits
•6c d’impôts qui le conllituent , plufieurs
/portent direétement fur la culture. Pour
les fupprimer ou les modifier, il faut trouver
des remplacemens. Il ne paroît' pas
qu’on puiffe y parvenir, fans établir un
nouveau fyftême de finances, qui, loin de
contrarier ou d’éloigner la félicité publique,
tende à l’opérer, en faifant contribuer
chaque membre de la fociété dans
la j lifte proportion de ce qu’il poffede.
On croit appercevoir deux moyens
d’amener cet utile changement, fans fe-
couffe , 6c fans priver l’Etat de la moindre
portion de fon revenu. Le premier ,
de faire, faire un cadaflre général , à la.
faveur duquel on pourroit rendre la taille