
» p ug e fâ ,) qu’il étoit bon qu’un état dut à lui-
» même ; ils ont penfé que cela mùltiplioit les
» richeffes, en augmentant la circulation.
» Je crois qu’on a confondu un papier circu-
2> lan t, qui repréfente la monnoie , ou un pa-
» pier circulant , qui eft le ligne des profits qu’une
» compagnie a faits . ou fera fur le commerce ,
a» avec un papier qui repréfente une dette. Les
■ » deux premiers font très-avantageux à l’état ;
» le dernier ne peut l’être , 8c tout ce qu’on peut
» en attendre, c’ eft-qu’il foit un bon gage pour les
» particuliers de la dette nationale , c’eft.à-dire,
» qui en procure le paiement ; mais voici les in-
» convéniens qui en réfultent.
32 Si les étrangers poffedent beaucoup de pa-
» piers qui repréfentent une dette ^ ils tirent tous
» les ans de la nation une fomme' confidérable ' 3» pour les intérêts.
.» a®. Dans une nation , ainfî perpétuellement
» débitrice , le change doit être très-bas.
» 3°. L ’impôt, levé pour le paiement des inté-
» rêts de la dette , fait tort aux manufactures ,
y» en rendant la main-d’oeuvre plus chere.
33 4°. On ôte les revenus véritables de l’état
» à ceux qui ont de l’activité 8c de l’induftrie ,
3> pour les tranfporter aux gens~ôîfifs ; c’eft-à-
3* dire , qu’on donne des commodités pour trn- 30 vailler à ceux qui ne travaillent point , 8c des 3». difficultés pour travailler, à ceux qui travaillent.
33 V o ilà les inconvéniens ; je n’en connois point
» les avantages. D ix perfonnes ont chacune mille 30 écus de revenu en fonds de te r re , ou en in-
39 duftrie : cela fait pour la nation , à cinq pour
» cent, un capital de deux cents, mille écus : fi 30 ces dix perfonnes emploient la moitié de leur
^>3 revenu, c’eft-à-dir’e , cinq mille écus pour payer
33 les intérêts de cent mille écus qu’elles ont em- >3 pruntés à d’autres, cela ne fait encore pour l’ état
» que deux cents mille écus.
39 Ce qui peut jeter dans l’erreur , c’eft qu’un
33 papier qui repréfente la dette d’unemarion , eft
33 un ligne de richefle ; car il n’y a qu’un état.
33 riche qui puiflTe foütenir un tel papier, fans
53 tomber dans la décadence; que s’il n’y tombe
» pas , il faut que l’état ait de grandes richeffes
t> d’ailleurs. On dit qu’il n’y a point de mal } parce
» qu’il y a des reflources contre ce mal ; & on dit
33 que le mal eft un bien , parce que les reflources
33 furpaffent le mal.
39 Pour acquitter les dettes d’un éta t, il faut un
>j fonds d’amortiffement ; ce fonds, une fois établi,
33 rend bientôt la confiance.
33 Dans une république, dont le gouvernement
33 comporte , par fa nature, que l’on y fafle des
» projets pour long-tems, le capital du fonds
33 d’amortiflement peut être peu confidérable ; dans
39 une monarchie, il faut que ce capital foit plus
grand.
?» Les règlçjjiens doivent être tels , que tous
33 les citoyens de l’état portent le poids de l’éta-
33 bliflement de ce fonds , parce qu’ils ont tous le
33 poids de la dette nationale à fupporter ; le créan-
33 cier de l’é ta t , par les fomme s qu’il contribue ,
» payant lui-même à lui-même.
» Il y a quatre clafifes de gens qui paient les >3 dettes de l’état > les propriétaires des fonds de
» terre , ceux qui exercent leur induftrie par le
33 négoce, les laboureurs 8c artifans, enfin, les
» rentiers de l ’état ou des particuliers.
» D e ces quatre claffes , la derniere , dans un
33 cas de néceflité , fembleroit devoir être la moins
33 ménagée', parce que c’eft une clafle entièrement
33 paflîve dans l’état , tandis que ce même état eft 39 foutenu par la force aétive des trois autres.
33 Mais comme on ne peut la charger plus fans 33-détruire la confiance publique, dont l’état en >3 général, & les trois claffes en particulier, ont 3» un fouverain befoin ; comme la foi publique ne
33 peut manquer à un certain nombre de citoyens, 3> fans paroître manquer à tous ; comme la clafle
33 des créanciers eft toujours la plus expofée aux
33 projets des miniftres, 8c qu’elle eft toujours
33 fous les yeux 8c fous la main, il faut que l ’état
33 lui accorde une finguliere protection , 8c que la 33 partie débitrice n’ait jamais le moindre avan-
.33 tage fur celle qui eft créancière. ^?
Ce que M. de Montefquieu dit des rentiers *
qu’il traite de gens oififs, 8c peu fufcepcibles de
■ ménagemens de la part de l’état , on l ’a répété
dans tous les ouvrages fur l ’économie politique 5c
fur l’admimftration des finances ; mais n’exagere-
t-on pas les inconvéniens de cette, clafle?’
Une rente fur l’état où fur des particuliers ,
viagère ou foncière , eft une propriété quelconque
, qui entraîne l’oifîveté , en difpenfant de travailler.
Mais cette rente, en procurant ou augmentant
l’aifance de fon p.ofle fleur , le met en état
de dépenfer davantage , de faire travailler, 8c de
fournir â la clafle des artifans 8c autres , de quoi
payer à l’é ta t, de quoi étendre leur commerce ,
leur induftrie, de quoi accroître la fomme des r icheffes
de l’é ta t , qui ne font formées que par les
richeffes des citoyens. D ’ailleurs ce rentier paie
les impôts dans la proportion de la dépenfe qu’il
fa it , des jouiffances qu’il fe procure ; fur-tout
lorfque ces impôts portent en très-grande partie
fur les confommations.
Concluons donc que les rentiers ne font pas ,
j comme on l’a, dit , des gens- fi inutiles à l’état,
relativement à la dette nationale des vampires
qui fucent avidemment la fubftance du corps
politique , fans concourir à lui donner aucune
force ; & qu’enfin il y auroit de l’injuftice.à ne
voir en eux que des éponges enflées aux dépens
de l’éta t, 8ç que dans des momens de befoin on
peut prefler fans fcrupule.
L ’homme célébré à qui nous devons l’éloge de
Colbert, courpnné par l’académie, long-tems avant
qu’il
qu’il eutjnérité des applaudiffemens 8c de ïarccon-
noiffance'dans l’adminiftration des finances, a penfé
différemment de M. dé Montefquieu.
Il d it, ( Notes de L’éloge de Colbert, page 12-4)
qu’il n’eft point de propriété plus refpedfcable que
celle des fonds publics. Les créances entre particuliers,
les propriétés de toute efpèce, acquifes
à prix d’argent, que la loi protège avec tant de
foin , n’ont pas plus de mérite aux yeux de l’é quité,
qu'un prêt fait à la fociété dans la perfonne
du fouverain. Ainfi toute infraction volontaire à
la dette publique, eft un déplacement de propriétés,
auffi injufte qu’inutile.
Il n’eft qu’ une dette plus refpeétable encore , ce
font les penfîons accordées à ces citoyens qui ont
expofé leur vie 8c bravé les dangers pour la dé-
fenfe de leur pays, 8c qui n’ont fouvent que quatre
à cinq cents livres de rente, pour confolation de
leurs infirmités, 8c pour prix de la plus noble des
vertus fociales, celle du courage.
Un ouvrage qui femble diété par l’amour de
l ’humanité 8c le zèle de fon bonheur ^ préfente
des confidérations intérefiantes fur la dette publique
, envifagée politiquement 8c dans fes rapports
avec la félicité des nations. Nous cédons d’autant
plus volontiers au plaifir d’en donner l’ana-
lyfe , que cet ouvrage eft attribué à M. le C .
de C h at, académicien auflî verfé dans la fciçnce de
bien é c r ire , qu’habile homme de guerre , élevé
par fes fervices à un des premiers grades militaires.
II y a près d’ un fiecle que la France, l’Angleterre
8c la Hollande s’étant opiniâtrées à des
guerres difpendieufes , ceux qui gouvernoient ces
nations ont été obligés de recourir à des emprunts
confidérables. Je dis ceux qui gouvernoient, parce
que fi elles avoient difeuté elles-mêmes leurs intérêts
, elles n’auroient eu aucune raifon de contrarier
des dettes. En effet , comme elles pofle-
doient prcfque toutes les richeffes de l’Europe ,
elles jouoient en même tems les rôles de prêteurs 8c d’emprunteurs ; de forte que tout ce mouvement
d’argent n’étoit qu’un mouvement inteftin. Il leur
eut donc été facile de s’impofer fur elles-mêmes
une contribution égale aux fommes qu’elles ne
levoient que par emprunt.
Mais d’un côté , Guillaume III auroit eu trop
de peine à perfuader aux Anglois , 8c fur-tout aux
Toris , de facrifîer la plus grande partie de leur
fortune à Fabaifiementde Louis X IV ; 8c de l’autre ,
Louis X I V , tout abfolu qu’ il étoit, n’auroit jamais
pu difpofer arbitrairement du bien de fes.
fujets , pour foütenir des guerres que fon ambition
feule lui avoit attirées.
Pour les Hollandois , quoiqu’une vengeance
particulière, un intérêt plus immédiat les animât ,
i l étoit encore difficile d’en obtenir des fubfides
confidérables. Ces riches commerçans qui for-
raoient la meilleure partie de la république ,
Finances. Tome I.
voyoient, avec trop de regrets, les fruits d’une
longue 8c pénible induftrie, dévorés par des A llemands
8c des Efpagnols.
Dans cette fituation embarraffante, 8c pour
éviter 71e faire fentir aux peuples le fardeau qu’on
lui impofoit , chaque nation appella , pour
ainfî d ire, la poftérité à fon fecours , 8c on la
chargea de tout le poids qu’on vouloit épargner
à la génération préfente.
Les dettes publiques furent donc le fruit de
la foiblefle des gouvernemens , ou de leur ref-
petft pour les propriétaires, qui fera toujours né-
ceffaire tant que les guerres n’auront pas pour
ob jet, ou la défenfe des foyers , ou la vengeance
de ces infultes cruelles qui, élevant un cri général,
excitent en même tems un effort 8c un dévouement
général. •
Qu’il foit ruineux de faire , avec de grands
frais , des guerres inutiles, c’eft ce que perfonne
ne révoquera en doute. Toute nation qui emprunte
pour faire la guerre, travaille donc à fa
propre ruine. Mais de quelle façon cette ruine
s’opere-t-elle ? les dettes font-elles onéreufes ,
feulement en ce qu’ elles repréfentent une dépenfe
exceffive, ou font-elles pernicieufes par elles-mêmes, .
en ce qu’elles perpétuent les charges de l’Etat ?
C ’ eft ce qu’ il s’agit d’approfondir.
Il faut pofer d’abord, que toute richefle, toute
propriété, toute contribution, doivent être efti-
mées en travail ; que chaque individu eft obligé
de partager fon tems entre tous les ouvrages né-
ceffaires à fa fubfiftance ; qu’ainfi toute contribution
doit être regardée, comme l’épargne que chaque
individu peut faire fur fon travail , 8c avoir
pour mefure le travail dont tout homme eft encore
fufceptible , après avoir pourvu à fes be-
foins.
L ’ inégalité des fortunes ne change rien à cetre
théorie. Elle met tous les particuliers riches fur
la même ligne que les fouyerains ou l’état ; c’eft
à -d ire , qu’elle fuppofe un certain nombre d’hommes
qui ne travaillent p o in t, 8c qui ont droit de
faire travailler les autres. On dit le d ro it , parce
que celui qui a la propriété des fonds ou des r ichefles
mobiliaircs , acquiert un droit réel au travail
de celui qui n’en poffede pas. O r , tout propriétaire
riche ne peut prétendre qu’à l’excédent
du travail dont celui qu’il emploie peut difpofer,
après avoir pourvu à fa propre fubfiftance. C ’eft:
ainfi qu’un fermier qui a foixante gerbes, n’en
peut retirer dix-fept boifleaux .de bled , qu’après
que le batteur en grange en a pris un pour lui.
Un homme riche , un homme magnifique, eft
un homme qui a droit au travail difponible d’un
grand nombre d’individu.s. C ’eft un homme qui a
employé cent cultivateurs , lefquels ayant retiré
trois cents feptiers de bled pour leur fubfiftance,
lui en ont fourni trois mille dont il s’eft fervi
pour nourrir des brodeur^ , des tailleurs , des