
ponts, dans les chemins & dans les ports,
Au les voitures & Air les bateaux chargés
de marchandifes.
La dénomination de ces divers droits
fe retrouve dans les chartes de Pépin &
de Charlemagne, fous les noms de roda-
tïcurfi , foraticum , pontaticum , portaticum ,
falutaticum , cefpitaticum , mutaticum , pul-
veraticum.
Mais doit-on préfumer que le produit
de tous ces droits fût bien confidérable,
lorfqu’on voit que Charlemagne tiroit de
fon domaine la plus grande partie de fes
revenus , en faiîant vendre, dit Montef-
quieu, les oeufs de fes baffes-cours, & les
herbes inutiles de fes jardins (5 3) ?
Les Normands, & autres nations forties
du Nord, ayant fait des irruptions dans
les plus belles provinces de la monarchie,
vers la fin du neuvième fieele , le défordre
& la confufion s’introduifirent dans toutes
les parties du corps politique , déjàaffoibli
par l ’indolence des fuccefleiirs de Charlemagne.
Les impôts n’eurent plus de bornes.
Louis & Carloman en accablèrent tellement
les provinces de leur domination,
qu’ils furent appelles truands, mot formé
de crus, qui fignifie tribut.
Quoique Carloman eut plufieurs fois
battu les Normands, il fut encore obligé
de leur donner douze mille marcs d’argent
, pour les faire fortir du pays, l’an 88a.
Les feigneurs profitèrent du malheur
public, pourrendre héréditaires, des terres
& des dignités que la volonté du monarque
avoit jufques-là conférées. Ils s’approprièrent
, dit Daniel , les tributs , les
amendes & les droits du roi, dont ils n’é-
toient auparavant que les receveurs.
C ’eft ainfi que s’introduifit l ’empire des
conftitutions féodales : il s’étendit enfuite
au point que chaque feigneur exerçoit
dans fon fief une autorité illimitée :
tout ferf devint taillable & corvéable à
la volonté du feigneur , & prefquç tous
les habitans Ajbirent le joug de cette fer-
vitude.
Réduits à un domaine très-borné, &
obligés de lutter perpétuellement contre
l’ufurpation des grands valfaux, nos rois
étoient forcés de faire contribuer les fujets
de leurs domaines, aux frais qu’exigeoit
le maintien de leur dignité. Les impofi-
tions qu’ils établilfoient, étoient auifi-tôt
adoptées par leurs feudataires, & le peuple,
livré au defpotifme d’une foule de petits
tyrans ,gémilToit dans une oppreflîon continuelle.
On rapporte à ces tems malheureux,
l’origine de la taille, des-corvées ,
& d’une foule de droits défaftreux, dont
le moindre effet fut de rompre toute communication
, de ruiner tout commerce.
Chaque province , chaque feigneurie
forma en quelque forte un Etat particulier,
de façon que û elles ne devinrent pas
; ennemies, du moins furent-elles étrangères
les unes aux autres.
La multiplicité des feigneurs , dit
M. Dupin , dans fes Economiques , tome
premier, page 87 , avoit porté le défordre
dans toutes les parties de l’Etat ; chacun
vouloir être indépendant : pour y parvenir,
on employoit une violence exceffive envers
les foibles, pour en tirer des fecours perfon-
nels & de l’argent. Les chemins étoient impraticables
: les marchands étoient pillés:
les châtelains ran'çonrtoient tout ce qui étoit
fans défenfe, & faifoient payer des droits
arbitraires dans tous les paffages & ports de
leurs diftriéts. Les habitans de la campagne
furent fi tourmentés, qu’ils abandonnèrent
la culture de terres, & on craignit, avec
raifon, la ruine entière de la monarchie.
De cette anarchie perpétuée par des
guerres inteftines , réfulterent encore d’autres
maux non moins funeftes. Les ténèbres
de l’ignorance couvrirent tout le royaume,
& il n’y eut plus de monumetjs de l’ad-
miniftration publique. On prétend qu’en
1194., l’arrière-garde de l’armée de Philippe
-Augufte ayant été battue dans le
Blaifois, par l’armée de Richard, roi d’Angleterre
, ce prince lui enleva fon. char-
trier, qu’il ne voulut jamais rendre. On
fuppofe que c’eft cet accident qui a fait
(y 3) Efprie des lo ix , édition in-iz , tome 4 . perdre l ’important traité qui fut paffé entre
Huges Capet & les grands vafTaux de la
couronne , lorfcju’il fut eleve fur le trône.
A commencer de Tan 929 , ou finifîent
les capitulaires de nos rois, jufqu’en 1126,
fous Saint Louis, on ne trouve prefque
plus de titres relatifs au gouvernement de
l ’Etat (54). Ce ne font que des chartes accordées
à des villes, à des églifes ou à
des monafteres , à l’exception de 1 ordonnance
de Philippe-Augufte, de 1 190 > ou
plutôt le teftament de ce prince , par lequel
il règle ce que devront faire la reine
& l’archevêque de Reims fon oncle, dans
le cas où il viendroit à mourir dans la
terre fainte, pour laquelle il partoit.
Si l’on remarque que les moines & les
gens d’églife étoient les feuls qui fulfent
alors lire & écrire , que les traités de mariage
fe concluoient verbalement aux portes
des églifes, fans en avoir d’autre titre que
la mémoire des témoins, combien ne fera
pas chancelante la foi qu’on exigeroit pour
tous les aftes de ces tems de trouble &
de barbarie !
M. le préfident Hénault, malgré la di-
fette de preuves hiftoriques, n’héfite cependant
pas à mettre au rang des revenus
de la couronne, lorfqu’elle palla fur la
tête de Huges Capet, en 987 , les droits
d’entrée & de fortie perçus fur les frontières
du royaume (54) ; mais il ne parle
en aucune façon de leur objet. Il ne pou-
voit qu’être très-modique, en confidérant
la fituation fâcheufe de l’Etat, fa divifion
en une multitude de fouverainetés, & le
peu de relation que fes parties avoient
entre elles , puifque , fuivant le même
(74) On a cru devoir modifier Faftèrtion pofi-
tive de M. le préfident Hénault, parce qu’on a
trouvé un mandement du 21 mai 113a , portant
défenfes de fortir du royaume des bleds , Sc toutes
efpèces de grains ; des lettres du mois d’août 1204,
qui règlent les honoraires des fénéchaux de Poitou
8c de Guyenne , &c par lefquelies il paroît
qu’ils étoient en même tems receveurs des droits
et revenus du roi. Recueil des ordonnances de nos
rois , tome 11 , page a88.
(J'y) Abrège chronologique de l’hifloire de France,
tome * premier, page 137.
écrivain , on regardoit comme un voyage
en pays étranger & inconnu , que de venir
de Cluny en Bourgogne, à Saint-Maur,
près Paris.
L ’autorité royale étoit prefque anéantie ,
pujfque d’après le traité du nouveau roi,
les feigneurs avoient un droit naturel &
foncier fur leurs valfaux : ils pouvoient en
recevoir les redevances de vivres & du
fervice ordinaire, leur impofer des tailles
extraordinaires. Le monarque n’avoit pas
droit d’en impofer fur les fujets des feigneurs
; mais, dans les befoins de l ’Etat,
il convoquoit les barons , qui étoient particulièrement
chargés des deniers d’impo-
fition, pour les faire confentir à la levée
des fommes néceffaires.
Ces barons fe cotifoient entre eux pour
le paiement, & ils impofoient enfuite fur
leurs vaflaux une taille arbitraire, fur laquelle
ils prenoient la fomme demandée
par le roi, & ils pouvoient retenir le fur-
plus. C’eft ce qu’on voit par une charte
de Philippe-le-Bel,en faveur des feigneurs
du comté d’Alençon.
Les chofes fubfifterent dans cet état
jufques-au tems des guerres faintes, fous
le règne de Philippe Ie', vers l’an 1095.
La religion en fut le prétexte ; la politique
en entretint l ’ardeur pendant près de deux
cents ans.
Les papes, comme chefs naturels d’une
guerre de religion, acquirent le droit de
commander aux empereurs & aux rois;
ceux-ci profitèrent de cette occafion pour
établir des impôts , & réunir à leurs domaines
des villes , des provinces & de
grandes terres, que les feigneurs fe trou-
' voient dans la néceffité de vendre ou
d’engager, pour fubvenir aux frais de ces
grands voyages. •
La puiflance fouveraine ne commença
véritablement à fe relever , que fous le
règne de Louis-le-Gros, mort en 113 7,
après avoir occupé le trône vingt- neuf
ans. L ’établiffement des communes , &
l’affrançhiffement des ferfs , y contribuèrent
d’abord, La création , par Philippe
- Augufte , des grands bailliages ,
c i j