
5 8 0 D O M D O M
» prits ; les intérêts particuliers s’y joignirent
» même, car on s’imagina que l ’on payeroit moins
» à mefure que le monarque pofféderoit davan-
33 rage de fon chef; enfin les légiftes feconderent
33 les vues du gouvernement ÔC de la loi falique ,
sa de laquelle on fit dériver d’inaliénabilité du
33 domaine de la couronne.
35 Cette opinion fe rv it, tout à-la-fois , à em-
3>- pêcher le démembrement de la monarchie , ôc
33- à lui faire reftituer depuis , ce que la néceffité
3> avoir pu lui arracher. Avec le tems, l’idée du
>3, domaine s’étendit, c’eft^à-dire , qu’il y eut des
33 droits reconnus- domaniaux par leur efîence ;
33 ainfî le domaine confifte aujourd’hui en fonds
3> de terre & en droits.
' 33 II eft confiant que les droits doivent être ■
33 dans la main du roi ; qu’il effc dangereux & in-
33 décent qu’il en foit levé fur les peuples , dont
>? il ne foit pas le propriétaire ôc l’économe ;
33 mais en examinant la partie des domaines en
33 fonds , peut-être ne paroîtra-t-il pas égale-
33 ment avantageux à l ’Etat que le roi les pof-
33 sèië,
33 On fait que les fermiers , dont l’ufufruit eft
33 limité , ne fe portent point à améliorer les
>3 terres domaniales dans la même proportion que
33 font améliorées les terres des particuliers; des
33 formes néceffaires en général , ou réputées 39 telles, s’y oppofent même le plus fouvent.
33 Dans chaque province le roi^poifede une
33 quantité confidérable de terres Vagues , dont
33 les fermiers ne tirent ôc ne peuvent tirer par
33 eux-mêmes aucun avantage ; l’abandon de ces
33 terres aux particuliers coûte des frais immen- 03 fes d’arpentage , de juges divers qui abfor-
33 bent la valeur du fonds , & les conditions ne
33 paroifïent point sûres ; enfin il eft notoire que
39 le revenu réel des terres du domaine reçoit
39 une forte diminution avant d’entrer dans les
33 coffres du prince-, par la grande quantité de
33 profits intermédiaires qui s’y font.
33 II femble qu’une police fort fîraple pourroit,
33 fans nuire aux principes établis , réformer les
33 abus. Avant de la propofer , cependant on
33 diftingue les bois des autres efpèçes de biens-
33 fonds , ôc l ’on croit qu’en apportant dans cette
39 partie la réforme néceffaire , les boisfont mieux
33 dans la main du roi que dans celles des par-
33 ticuLiers , toujours plus preffés de faire des
33 coupes prématurées ; mais à l’égard des autres
33 fonds , il paroîtroit avantageux de les inféoder
33 par petites portions de huit à neuf cents livres
» pour cent ans , à des familles qui les eultive-
» roient ôc améiioreroient comme leur propre
33 bien. 33 Au bout de cent ans le prince en feroit de
33 nouvelles adjudications à l ’enchère, fur lef-
33 quelles il jouiroit des améliorations faites &
33 du furhauuement des baux , tel que la fura-
» bondance de l’argent l’auroit procuré.
_ 35 On pourroit même aftreindre les preneurs
■ 33 à repréfenter fur le fonds , à l’expiration des
33 cent années un nombre fixe de pieds d’arbres
33 par arpent, xcfqueis ne fufient ni trop jeunes
33 -ni trop v ieu x , fuivant les efpèces ôc les lieux.
33 La recette feroit fimple ôc fixe , les. réparations
33 épargnées, ôc tous les petits détails économi-
33 ques, font toujours onéreux au prince.
4 Q n propofe d’inféoder par portions mé-
33 diocres , parce que l’intérêt de l ’Etat eft de
33 multiplier le nombre des propriétaires des
33 terres, & fur-tout de ceux qui cultivent par
33 eux-memes avec aifance. C ’cft un moyen sûr
33 d’augmenter le nombre des familles qui fon^ le
33 fonds de la population* Mais il feroit indif-
■ penfable que ces afféagemens & ces partages
33 de terres , fe fiffent fous des formes très-
33 fimples, fans frais pour ' les particuliers, ôc
33 par dos perfonnes revêtues de fimples com-
33 mifiîons ; car les officiers titulaires ont rare-
33 ment la même vigilance, la même exactitude ,
33 & font trop foutenus , parce qu’on appelle le 3> corps , dans les abus qu’ils commettent.
33 Le roi fe réferveroie les fiefs ôc les droits
33 honorifiques, & l’on pourroit introduire pour
33 maxime , que ni les fiefs ni ces inféodations ne
■ 33 pourroient être aliénés fous aucun prétexte ,
33 même d’échange , afin d’éviter la confufion.
: 33' Co mme le domaine originaire eft immenfe, - &;
• 33 qu’une bonne partie des aliénations a été aban-
33 -donnée'fans titre ou à vil prix , il n’en feroit
33 pas moins eftentiel. d’en procurer la rentrées
33 pour le régir fous cette forme. 33
On remarquera dans la fuite de cet article,
que ces idées ayoient été goûtées par le mi-
niftere , en 1781 , puifqu’elles furent propofées
au roi ; preuve qu’ on ne .peut trop encourager
les hommes inftruits à publier les vues ôc les
projets qu’ils conçoivent dans l’étude des matières,
d’ad m.i niftr a t i o n.
Un autre écrivain plus récent que ceux dont il
vient d’être queftion, a publié des Confidérations
fur t*inaliénabilité du domaine de la couronne , Vol.
i n - i z , 1777. C ’eft ic i le lieu d’en donner l’a-
nalyfe.
V o ic i comment il énonce la proposition qu’il
combat contre du Moulin , Mézeray , le président
Hénauît Ôc plufieurs autres écrivains y ils ont
avancé « que le domaine de la couronne eft in a*
33 liénable, parce que nos rois n’en font que les
33 adminiftrateurs, & qu’ils n’ont pas un pouvoir
plus ample fur la terre de leur domaine , que
33 les maris fur les biens de leurs < femmes ; que-
33 l ’in aliénabilité du domaine eft comme du droit
33 des gens ; qu’à là vérité 7 la prohibition d’a-
33 liéner n’a été établie par aucune loi fpéciale;
33 mais qu’elle eft née, pour ainfî dire , avec la
33 monarchie , & que -chaque roi a coutume , à
33 fon avènement-, de faire ferment de l’obfervçr«
D O M D O M
S9 Que les biens patrimoniaux qué le prince pof-
33 fède en montant fur le trône, ou qui lui ad-
9> viennent à titre fucceffif depuis qu’il eft r o i ,
33 s’unifient au domaine , non en vertu de fa vo-
j> lonté , mais par l ’effet de l ’union qu’il tfon-
39 trade lui-même avec l ’Etat;, union qui lui ac-
33 quérant tout ce qui appartient-a l'E ta t, acquiert
33 réciproquement à l’Etat tout ce qui appartient au
33 roi. 33
Ce mélange de propofitions, dont les unes font
vraies ôc les" autres deftituées de tout fondement,
dit l ’auteur des Confedérations Jur l inalienabilite du
domaine, ne pourroit que nuire à la vérité , fi
la vérité pouvoir s’écrouler avec les faux appuis
qu’on lui prête Ç la maxime de l’inaliénabilité
fera-t-elle moins certaine ôc moins refpedée quand
on aura fixé la véritable caufe ôc la véritable
époque de fon établiffement ? N ’eft-ce pas s’é garer
à plaifîr dans le pays des conjectures, que
de chercher dans les premiers fîècles de la monarchie
la fource des loix Ôc des ufages qui font
maintenant en vigueur, tandis que le droit public
ôc le droit particulier font fi différens, ôc fouvent
lî oppofés fous la troifîeme race , à ce qu’ils
étoient fous les deux premières ? Ce n’eft pas
feulement à l’ occafion des loix domaniales qu’on
a prétendu trouver. dans le gouvernement des
trois races, une conformité de principes Ôc d’u-
fages qui n’exifta jamais. L ’erreur s’eft étendue
à bien d’autres objets ; on a refufé de voir qu’un
ordre de chofes tout nouveau étoit né avec la
troilieme dynaftie \ Ôc s’étoit affermi avec elle.
C ’eft à défaut de preuves ôc de faits , ou plutôt
c’ eft pour éluder la force des preüves qui réful-
tent des faits, qu’ on s’eft jeté dans des raifonne-
mens généraux , plus propres à éblouir qu’à per-
fuader. Il ne falloit pas du moins dénaturer la loi
de i’inaliénâbilité du domaine , jufqu’à la donner
pour une émanation du droit des gens. L ’opinion
que l’on combat auroit véritablement grand
befoin que le droit des gens vînt à fon fecours.
Mais qu’eft-ce que le droit des gens ? C ’eft celui
de tous les peuples de la terre ; ce font les conventions
expreftes ou tacites , établies par un
confentement général , pour la sûreté du commerce
entre toutes les nations. Eh ! qu’importe
à leur sûreté que le domaine de la couronne de
France foit inaliénable ou qu’il ne le foit pas ?
Chaque E ta t , foit monarchique ou républicain ,
a des conftitutions qui lui font propres : le droit
des gens veut qu’il ne foit porté aucune atteinte
à ces diverfes conftitutions ; mais on ne peut
pas dire de chacune de ces conftitutions en particulier
, qu’elle forme le droit ^ des gens , ou
qu’elle en dérive.
Soutenir, que le domaine eft inaliénable , parce
que nos rois n’en font que les fimples adminiftrateurs
, comme les maris le font des biens de leurs
femmes, c’eft une pure pétition de principe , ÔC
donner une comparaifon pour une preuve.
D O M 58!
Prétendre que l'union du roi .avec l rE ta t, acquérant
au roi tout ce qui appartient a L'Etat, acquiert
réciproquement a l’Etat tout ce qui appartient au roi,
ÔC en inférer que le domaine eft inaliénable , c’eft
donner l’effet pour la- caufe.
Il eft bien vrai que nos rois ne font que les
adminiftrateurs de leur domaine ; il eft vrai auffi
que l’Etat acquiert les biens patrimoniaux qui
appartiennent à nos ro is , lorfqu’ils montent fur
le trône , ôc ceux qui leur adviennent dans la
fuite , fauf néanmoins les reftriélions que les or donnances
y ont apportées. Ces maximes font
aujourd’hui tenues pour certaines ; mais s’enfuit-
il delà qu’elles aient été également connues fous
les deux premières races ? Non , fans doute 7
puifque tous les faits y répugnent ôc prouvent
le contraire.
Vers la fin de la fécondé race , routes chofes
tombèrent dans un.-défordre ôc dans une confufion
extrêmes. Les rois fe trouvèrent fans domaine
, fans autorité , fans pouvoir. Un nouveau
genre de poffcflion s’étoit établi fous le
nom de fief : les ducs ou gouverneurs des provinces
, les comtes ou gouverneurs des villes, les
officiers d’ un ordre inférieur, profitant de la foi-
bleffe des rois , rendirent héréditaires dans leurs
maifions , des titres que, jufques-là , ils n’avoient
poffédés qu’à vie ; ôc ayant ufurpé également Ôc
la terre ôc la juftice , s’érigèrent eux-mêmes en
feigneurs propriétaires des lieu x , dont ils n e -
toient que les magiftrats , foit militaires, foit
civils , foit tous les deux enfemble.
Ils n’ufurperent pas feulement les terres ÔC la-
juftice donc ils n’avoient que l’adminillration ,
comme le remarque M. le préfident Hénauît ;
les ducs Ôc les comtes s’emparèrent de la fouve-
raineté même Ôc des droits régaliens. L e royaume
fut divifé entre plufieurs fou verains , ôc leur chef
fe trouva enfin le moins puiflantde tous.
Lothaîre, pere de Louis V , dernier roi Car-
lovingien , étoit réduit prefque à la ville de Laon ,
ne prenant point de part aux guerres que fes
vaffaux fe faifoient entre eux. Louis V ne régna
qu’un an , ôc ne put agrandir fes poffeffions pendant
un régné fi^court. Après fa mort, Hugues
C ap e t, fils de Hugues le Grand , qui avoir régné
vingt ans fans, être ro i, & qui n’avoit pas voulu
l’ê tre , fut élevé fur le trône, par l’heureux concours
de la force ôc de la prudence.
La France étoit toujours un grand royaume
qui s’étendoit des environs de l’Efcauc ôc de la
Meufe jufqu’à la mer Britannique, ôc des bords
de l’Ebre jufqu’au Rhône ; mais , dit Mézçray ,
fe.gouvernant comme un grand fief, plutôt qu:e
comme une monarchie.*
I l s’en falloit beaucoup que le pouvoir du roi
répondît à l’étendue de fa domination. Chaque
province avoir fes comtes ou fes ducs héréditaires
, yafiàu-x dont la puiffânee devint prefque