
On voit donc que les biens déclarés par^ les
jufticiables de la ckambrt de juftice, qui étoient
au nombre de quatre mille quatre cents d ix , non
compris lês parties, déchargées ou déclarées non
fufceptibles de taxes , montèrent à fept_ cents
douze millions neuf cents vingt-deux mille fix
cents quatre-vingt-huit livres.
Sur quoi il fut fait déduélion de leur patrimoine,
des dots , fucceffions, non fujettes à la taxe ,
dettes ÔC parties de leurs gains, montans a quatre
cents quatre-vingt-treize millions quatre cents
quarante-quatre mille deux cents quatre-vingt-dix-
fept livres.
Et qu? enfin le total des taxes mon toit à deux
cents dix - neuf millions quatre cents foixante-
dix-huit mille trois cents quatre-vingt-onze livres,
ce qui formoit environ deux feptiemes qui le
prénoient fur la mafle de ces biens.
Il fut encore arrêté un rôle dés taxes arbitraires,
pour ceux qui n’avoient pas fourni la déclaration
de leurs biens, au 22« mars 1717*
Aù mois de juin fuivant, il a voit déjà été
payé foixante-dix millions , & à la fin de 17 17 ,
il reftoit cent millions à recevoir.
Les frais de cette chambre pendant un an ne
montèrent qu’à douze cents mille livre s , “ tandis
que celle de i <5<5i avoit coûté près de quinze
millions ; un de fes effets fut de rendre l’argent
extrêmement rare à Paris , & c’ eft celui que produit
naturellement l’incertitude que les citoyens
apperçoivent dans leurs propriétés. La circulation
fe refferre ; cet inconvénient eût alors paffé
promptement, fi la réforme des monnoies, qpi
fe fit dans le même-tems , ne fut venue l’augmenter
: quoi qu’il en fo it, un pdit du mois de mars
17 17 mit fin à l’ exiftence de la chambre de juf-
Ùce , en expofant quels pouvoient être fes effets,
fi elle pouvoit durer plus long-tems , ôc quelles
avoient été fes principales opérations.
» Le nombre prefque infini d’abus ÔC de mal-
as verfations, qui ont été commifes pendant vingt-
as cinq années de guerre , dans la perception ôc
» le maniement de #nos deniers , & la licence
s> fans borne , avec laquelle les ufuriers publics
ss avoient abufé des befoins de l ’état, ôc de la
>5 mifere de nos peuples , nous ont obligé à éta-
3? blir une chambre de juftice , dont la févérité
» pût arrêter la déprédation, & obliger tous
» ceux qui avoient fait des fortunes auffi im-
» menfes que précipitées , à déclarer des gains
» la plupart illic ite s , qu’ il étoit de leur intérêt
75 de cacher.
ss Les recherches qu’elle a faites, & les états,
» qu’ une grande partie de ceux qui en étoient
ss l’objet, ont donné de leurs biens , nous ont
» fait connoître également la grandeur du mal,
ss & la difficulté du remède. Plus nous avons
x> voulu en approfondir la caufe & les progrès,
» plus nous avons reconnu que la corruption s’étoiç
s> tellement répandue, que prefque toutes les condi-
ss tions en avoient été infeélées ; enforte qu’on
ss ne pouvoit employer la plus jufte févérité pour
ss punir un f i ‘ grand nombre de coupables, fani
ss caufer une interruption dangereufe dans le com-
» merce, Ôc une efpece d’ébranlement général da
ss tout le corps de l’état ; ôc comme fon intérêt eft
ss une loi fuprême , à laquelle nous devons faire
ss céder toutes ‘ les autres, nous avons eftimé
ss qu’il étoit à propos- de modérer la rigueur
ss de notre juftice, pour ne pas tenir plus long-
ss tems un grand nombre de familles dans une
ss incertitude , capable d’arrêter le cours des
ss affaires , ôc de fufpendre la circulation de
ss l ’argent qui fait que toutes les parties de
ss l’état fe prêtent un fecours mutuel, pour le bien
ss général ôc particulier.
ss C ’eft dans cette vue que, par notre décla-
ss ration*du 18 feptembre dernier, nous avons
ss bien voulu nous relâcher de la févérité de,
ss notre premier édit , ôc convertiffant en peines
ss pécuniaires celles qui font portées par nos
ss ordonnances , nous avons cru devoir nous
ss contenter de retirer des financiers , par des
ss taxes proportionnées à leurs facultés, au moins
ss une partie de ce qu’ils ont exigé de nos peu-
ss pies, qui profiteront tous de cette reftitution
ss par l’ufage que nous en faifons pour la libé-
ss ration de l ’état.
ss Les taxes ordonnées par cette déclaration,
ss ayant été faites fuivant les règles que nous
ss avons preferites en notre confeil, & à la faveur
ss defquelies,près de trois mille perlonnes qui avoient
» fourni des états de leurs biens, ont été jugées
ss ne devoir pas être taxées ; il ne nous refte-
ss roit plus , pour fuivre entièrement le plan que
ss nous nous étions propofé , par notre décla-
ss ration du 17 mars 1716 9 ôc par celle du 18
ss feptembre dernier, que de pourfuivre à langueur
» ceux qui, au lieu de profiter de tous les délais que
>s nous avons eu l’indulgence d’accorder aux gens
» d’affaires ôc autres jufticiables de la chambre da
ss -juftice , n’ont pas. encore donné l ’état de leurs
» biens , ôc de les faire condamner aux peines
s? rigoureufes établies par notre déclaration du
ss 17 mars.
ss Mais voulant ufer de clémence à 1 égard de
ss ceux-mêmes qui le méritent le moins, pour ne rien
■ » laiffer lubfifter , après la chambre de juftice,
ss qui puiffe troubler la tranquillité des familles,
>s la liberté , de la facilité du commerce , nous
ss avons jiigé à propos de faire dreffer un état exaél
ss de ceux qui étoient dans ce cas , fur les-décla-
s^ rations qui ont été fournies par les autres,
ss & fur les réfuitats de notre confeil, ôc autres
ss a ê te s qui nous en ont donné la connoiffance
ss ôc de les comprendre dans les. rô le s arretés
•ss en exécution de notre déclaration du 18 fep-
sa tembre, afin que , pour le bien général du
royaume »
» royaume , ils puiflent participer à une amnif-
ss tie dont ils deyroient être exclus par leur dé-
» fobéiffance ; ainfi l ’exécution de notre décla-
ss ration dû 18 feptembre étant entièrement confom-
ss mée, nous croyons qu’il eft tems de faire ufage
ss d’ un remède extraordinaire , que les voeux
33 de toute la France avoient demandé , ÔC dont il
» femble qu’elle defire également la fin.
» Nous nous portons d’autant plus^volontiers
33 à prendre cette réfolution, que nous pouvons
ss déformais recueillir le fruit de cet établifle-
ss ment paffager-, non-feulementk'par l ’extinélion
33 d’une partie confidérable des dettes de l ’état , î
ss mais encore par l’ordre ôc l’arrangement, que
ss les recherches, qui ont été faites, nous mettront
s> en état d’apporter à l’adminiftration de nos
ss finances , pour l’avantage de nos fujets , dont
ss le notre eft inféparable.
ss1 C ’eft dans cet ëfprit que nous avons toujours tra-v
ss vaillé depuis le commencement de notre règfoe ,
ss ôc nos peuples en ont déjà fenti les effets, par
33 la fuppréflion des quatre fols pour livre , que
33 le malheur des tems avoit obligé d’ajouter à
33 tous les droits qui fe lèvent à notre profit ;
ss ôc quoique le commerce de toutes les denrées
ss ÔC marchandifes fe trouve par-là confiner able- 3> ment déchargé, nous efpérons que les mefures
ss que nous prenons de jour en jour pour pro-
» portionner la dépenfe à la recette , nous met- *
3s tront en état de parvenir à procurer encore’
ss de plus grands foulagemens à nos peuples, dont
ss la félicité fera toujours le premier ôc le prin- 33 cipal objet de notre gouvernement cc.
Comme plufieurs d’entre les fermiers-généraux
avoient eu part à des fournitures, à des entre-
prifes, ou traités extraordinaires , Ôc fe trouvoient
fujets aux pourfuites de la chambre de jufiice ,
ils déclarèrent leurs biens d’eux - mêmes, ôc offrirent
à l’état telle fomme qu’il jugeroit à propos
pour la libération de fes dettes.
Elle fut acceptée comme un fecours , ôc non
comme une taxe. Les rôles en furent arrêtés au
confeil , ÔC l’argent porté au tréfor-royal en
droiture ,- afin qu’il ne reftât à leur égard aucune
trace de la chambre de juftice. Sa majefté donna
une déclaration par laquelle il fut ordonné qu’à
l ’avenir, pour éviter tout prétexte de comprendre
les’ fermiers-généraux dans de femblables recherches
, ceux qui entreraient dans quelques fournitures
, traités extraordinaires , ou charges comptables,
feroient exclus de la compagnie. Il leur
fut auffi enjoint d’obliger leurs commis ôc les receveurs
, de tenir des livres-journaux dans la nouvelle
forme qui avoit été preferite par l’édit du
mois de juin 171^. Voye£ COMPTABLES.
On exempta également les tréforiers ôc les rece-
veurs-généraux des finances de toutes recherches
en faveur des fecours que plufieurs d’entr’eux
Finances. Tome I.
avoient fournis à l’éta t, à condition qu’ils n’en-
treroient dans aucune affaire extraordinaire' ,
marché , ni fourniture, ôc qu’ils s’affreindroient
aux règles de comptabilité impofée par l ’édit de
juin.
Le peuple ; avoit vu avec des tranfports de
joie ôc d’ivreffe la création de la chambre de juftice
, «comme fi fon objet eût été de le dédommager
de toutes les pertes,qu’il avoit effuyées.
Tous les gens fenfés applaudirent à fa fuppref-
fion.
La multitude, toujours incapable d’examen ôc
de'réflexion, prétendoit que le royaume payoit
alors fept cents cinquante millions , ôc qu’il
n’en entroit dans les coffres que deux cents cinquante.
Elle avoit d’abord imaginé qu’en punif-
fant.les concuffionnaires ôc les malverfateurs ,
il n’y auroit plus ni concuffions ni mal verfations.
Mais , quel aveuglement ! c ’étoit au contraire
inftruîre les gens d’affaires par l’exemple de leurs
prédéceffeurs ,. à mettre plus d’art ,* de précaution
ôc d’adreffe à couvrir leurs opérations , ÔC
les inciter à vendre plus cher les fecours qui
leur feroient demandés en tems de befoin. C ’étoit
en même-tems les engager à diminuer leurs dé-
penfes ôc leur luxe., ôc mettre par-là , dans la
circulation, une gêne ôc des entraves qui deve-
noient un mal, ôc ralentiffoient tout le mouvement
du commerce.
ss Cette inquifîtion, (dit un écrivain philofophe,
ss dans un ouvrage très-philofophiqiré) ne fit que
ss mettre au grand jour l’incapacité des miniftres
ss qui avoient conduit les finances, les rufes des
ss traitans qui. les avoient dévorées, Ôc la baf-
ss fefle. des courtifans qui vendoient leur crédit
ss à qui vouloir l’acheter.
ss Les bons efprits furent affermis, par cette
ss nouvelle expérience, dans l’horreur qu’ils avoient
ss toujours eue pour un pareil tribunal. Il av ilit
ss la dignité du prince qui manque à fes enga-
ss gemens , ôc met -fous les yeux des peuples
ss les vices d’une adminiftration ignorante ÔC
ss corrompue. .11 anéantit les droits du citoyen ,
ss qui ne doit compte de fes aélions qu’à la loi ;
ss il fait pâlir tous les hommes riches que leur
ss fortune bien ou malacquife défîgne à la prof«,
si cription ; il encourage les délateurs, qui mar-
ss quent du doigt à la tyrannie ceux qu’il eft
ss avanrageux de ruiner ; il eft compofé de fang-
ss fues impitoyables , qui voient-des criminels
ss par-tout où ils foupçonnent de l’opulence ;
ss il épargne des brigands qui fa vent fe muti-
ss 1er à propos , pour dépouiller le’s âmes hon-
ss nêtes, défendues feulement par leur innocence,
ss II facrifie les intérêts du fife aux fantaifiës de
ss quelques. favoris avides, débauchés ôc diffipa-
ss teurs..ss
Lorfque M. d’Agueffeau , alors nouvellement
revêtu de la dignité de chancelier , porta
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