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impofîtions. Ces prépofés tenaient chacun un
regiftre paraphé du chef, fur lequel ils infcrivoient
les fommes qu’ils recevaient , ôc le. montant des
revenus des biens confifqués au profit de leur chef.
Ils étoient obligés de rendre compte de leur recette
au grand tréforier, ôc d’enverfer les deniers
entre fes mains, chaque fois qu’ils en étoient requis.
On leur accordoit trois pour cent du montant
du recouvrement des impofîtions , à la charge
d’en faire les deniers bons, ôc de répondre des non-
valeurs.
Ces impofîtions confiftoient : i° . Dans une
taxe annuelle de vingt fols par feu , & dix fols
par demi-feu , c’eft-à-dire , par ménage de veuve
ou de garçon non marié. a°. Dans une contribution
'de vingt fols par chaque feu , par année ,
pour tenir lieu du pain & des provifions que les
habitans étoient obligés de fournir aux foldats ,
armés pour la caufe commune.
Ces deux impôts réunis compofoient une fomme„
de trois livres de G^ênes , revenant à quarante-
huit fols , monnoie de France ; la moitié fe payoit
en août, ôc le refte en décembre*
L a contribution de vingt fols , pour du pain ,
avoit d’abord eu lieu en nature, par femaine ,
pendant les hoftilicés entre les Corfes ôc les troupes
Génoifes. Êlle fut enfuite réduite à vingt fols
par an , lorfqu’après' l’arrivée des François dans
l ’î l e , une trêve eut procuré quelques mois de
tranquillité. Paoli trouva' plus commode de convertir
cette contribution en un tribut pécuniaire ,
que de s’embarrafler de provifions dont il efpéroit
n’avoir plus befoin.
Dans quelques piéves , on avoit préféré de
donner par femaine ou du pain , ou un zucca de
v in , qui équivaut à vingt bouteilles ; cette redevance
étoit affermée.
Les autres revenus publics étoient compofés ,
i ° . de la ferme des biens confifqués, tant fur les
Génois , que fur les habitans des places maritimes
, qui étoient reliés attachés à la république,
& fur les criminels condamnés.
z ° . Des revenus des évêchés de Nebbio , Sa-
gone ôc Alleria , Ôc de tous les biens eccléfiafti-
ques , appartenans autf Génois , ôc à ceux de
leur parti , ou qui «’étoient rendus fufpeéts à
P a o li, qui s’en étoit emparé.
30. D e la ferme des étangs fitués en Corfe ,
réunie au domaine fouverain à titre de confif-
cation.
4°. De la vente du fel qui fe tiroit de Sardaigne
, Ôc fe vendoit au profit du chef.
j ° . Du droit de vingt fols pour chaque llarre
de châtaigne ou de blé , exportée hors de l’ île-.
6°. D e celui de cinq ôc fept pour c en t, fur
toutes les marchandifes importées dans l ’île. Ces
deux articles étoient affermés environ quarante
mille livres de France.
70. Enfin , du produit de la vente du papier
timbré , qui fe vendoit deux fols de Gênef la
feuille , fans diftinélion de grandeur , c’eft-à-dire ,
un fol fept deniers , un cinquième de notre
monnoie , objet qui rëndoit à peine cinq cents
livres de France par année.
Indépendamment de ces revenus ordinaires ,
Paoli avoit fu s’en faire d’extraordinaires en plu-
fieurs occafîons.
Il avoit exigé en 17 66, à titre de don gratuit,
vingt fols par mille livres , de la valeur des biens-
fonds , payables par les propriétaires. .
En 1768 , ce même don gratuit fut porté à
quatre francs par mille livres , de la valeur des
immeubles & des meubles , à la réferve de celle
de l’habitation du -propriétaire. Cette contribution
avoit pour objet, de fubvenir aux dépenfes
extraordinaires , qu’exigeoit la défenfe commune,
contre les nouvelles . troupes Françoifes , qui
dévoient arriver inceffamment.
Tous ces impôts étoient connus du peuple ,
ainfi que leur emploi ; mais il y avoit quelque
branche de revenus que le protecteur gardoit pour
lui feul. Telle étoit la taxe de dix pour cent
pour droit de pavillon, fur chaque bâtiment cor-
faire armé dans les ports de la Corfe.
Ce qui formoit la portion de fon revenu particulier
, la plus confîdérable, ôc en même tems la
plus nette, depuis 1762., c’étoit le retrait de toute
monnoie étrangère, Ôc là fabrication de la tienne.
Paoli avoit , dans tous les ports , ôc dans les
lieux où il pouvoit fe faire quelque commerce ,
ainfi que dans les marchés , des préppfés , qui
donnoient aux marchands étrangers la valeur ,
en monnoie nationale' , de Ce qu’ils avoient
acheté des Corfes. Lorfqu’ils pouvoient trouver
à échanger cette monnoie contre celle dEf-
pagne ou de France, ildonnoit jufqu’à fix livres ,
fix liv. dix fols d’une piaflre, ôc fept liv. dix fols ,
huit ôc neuf francs d’un écu de fix livres de France.
Il faifoit fondre les écus avec une telle quantité
de cuivre, que les pièces de vingt fols , que l’on
fabriquoit de cette fufion , ne valoient intrinfé—
quement que huit fols huit deniers de notre monnoie
; enfuite elles ne valurent plus qu’environ
cinq fols. On fabriquoit aufîï de ces pièces , de
dix fols -, de quatre fols Ôc de deux fols. Toutes
portoient pour empreinte d’un côté une tête de
nègre , qui fait les armes de la Corfe 3 ôc de l’autre
la quotité de leur valeur numéraire.
A la fin de 1769, lorfque l’île eut entièrement été
foumife à la domination du r o i , il fe trouva pour
environ neuf cents mille livres de cette monnoie
de Paoli , parmi laquelle il s’en étoit glifle pour
deux cents mille livres dè faufie. On établit des
'bureaux de change pour la retirer fur le pied
de cinq fols les pièces de vingt fols , deux fols
fix deniers les pièces de dix fols , Ôc trente-deux
fols la livre , poids de marc, des pièces de quatre
ôc deux fols. Mais ces bureaux n’en reçurent que
J pour cent mille livres ; le refte fut porté aux
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juifs de Livourne, qui ouvrirent un change à un
taux plus fort que celui: du .roi.
Èn raflemblant ces différentes branches de droits
ôc d’impofitions dont on vient de parler, o^n ef-
timoit que les revenus publics ôc particuliers ,
dont Paoli, difpofoit , pouvoient aller au plus à
trois cents cinquante mille livres de France ; mais
on peut ajouter qu’il reçut de l ’Angleterre quelques
fecours d’armes ôc d’argent , qu’on croit
pourtant n’avoir jamais été bien confidérables.
Raflemblons à préfent des notions fur les revenus,
du fife dans la Corfe 3 après la conquête.
On verra par quels degrés la fcience de )a finance
parvient à extraire , des revenus particuliers ', la
portion qui eft jugée néceffaire pour le maintien
de l’ordre public.
Dans la même année ï 76 9 , il avoit été quef-
tion de trouver un plan pour la perception des
revenus du roi , Ôc l’adminiftration des finances
de la Corfe. D eux fermiers-généraux furent d’abord
confultés ; l’un des deux propofa de charger la
ferme générale de la levée des deniers publics ,
dont elle rendroit compte de clerc à maître , fauf
à comprendre la Corfe, dans le premier b a il, en
obfervant qu’ on en avoit fouvent ufé ainfi pour
des pays nouvellement conquis.
Le. miniftre rejeta ce plan , ôc répondit qu’il
-ne s’agiffoit pas de travailler en finance un pays
que le roi ne vouloit pas traiter en pays conquis
; mais dont fa majefté "vouloir gagner les
habitans par des bienfaits, par la douceur ôc la
juftice.
Ce ne fut qu’au milieu de l’année 1770, qu’on
établit des receveurs dans cinq ou fix villes prin-'
cipales , pour faire toutes les recettes du fife.
La ferme générale fut feulement chargée de
fournir dix mille minôts de fel , à cinq fols le
minot, pris à Berre ou à Hyeres , & il fe re-
vendoit cinquante fols le minot. En détail, fon
prix d’abord fixé à huit deniers la livre dans les
villes maritimes , le fut enfuite à quinze dans ces
mêmes villes ; ôc de quinze deniers qu’il étoit
dans l’intérieur ,. porté à trente, avec la liberté
aux habitans, de fe pourvoir aux dépôts des villes
maritimes, ou dans ceux de l ’intérieur.
Le produit de la vente du fel , qui n’étoit en
1768 ôc 1769 , que d’ environ trente-cinq à quarante
mille livre s, monta , en 1771 , à cent mille
livres , dont il faut déduire 'moitié pour achat,
tranlport ôc frais de régie. Cette confommation
n’a pas excédé douze mille minots.
On avoit voulu établir auffi le privilège ex-
clufîf du tabac dans la Corfe ; mais le bon marché
de celui qui fe tiroit de Livourne, l’impoffibilite
d’ en empêcher l’introduélion fans des frais im-
menfes , ont fait abandonner ce projet. Ce commerce
ÔC la culture du. tabac font libres dans la
Corfe, en payant feulement vingt pour cent de la
valeur du tabac étranger.
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On avoir d’abord établi des douanes dans tous
les ports. Les comeftibles de toute efpèce , les
vins ôc toute forte de boifîoris furent affranchis
des droits d’entrée, par quelque nation qu’ils fuf-
fent apportés.
Les marchandifes des manufactures de France,
telles que de draperie , de foierie , de bonneterie ,
toile peinte ÔC les favons , celles du même genre
des fabriques de L’île, étoient exemptes des droits ,
tant à l’importation qu’à l ’exportation , pourvu
qu’elles fe fiffent fous pavillon François.
Les mêmes marchandifes des fabriques étrangères
dévoient payer quinze pour cent.
Les autres , non comprifes dans cette clafle ,
étoient aflujetties à un droit de fept ôc demi de leur
valeur. Afin d’éviter lesfauffes déclarations, les receveurs
des droits étoient autorifés à prendre, au
compte du r o i , les marchandifes qui feroient déclarées
au-deffous de leur véritable valeur, en accordant
dix pour centau-defîiis de I’eftimation déclarée.
Ces droits d’ entrée ôc de forrie ont produit ,
année commune , depuis 1770 jufqu’en 1780 ,
environ cent à cent vingt mille livres.
Les droits de contrôle ôc d’infinuation furent
établis en même tems , ôc au papier timbré de
Paoli dont on a parlé , on en fubllitua un autre
aux armes de France, avec celle de la Corfe y fon
prix fut réglé à dix-huit deniers la feuille in -
folio , ÔC neuf deniers la feuille in-quarto , dix-
huit fols la feuille de parchemin in-folio , ôc neuf
fols celle de l’in-quarto.
La fixation des droits de contrôle ôc infinuation
fut d’abord de neuf fols de France, pour tous les
aCtes paffés fur papier in-folio , ôc de dix fols
‘ pour ceux qui étoient fur papier in-quarto ; quel'
que fut d’ailleurs le nombre des feuilles qu’ils coh-
tenoient ; dans la fuite ccs deux droits furent
féparés.
Celui de contrôle fut fixé à neuf fols par chaque
a&e , de quelque nature qu’il fû t , Ôc celui
des exploits à quatre fols.
Le droit d’infinuation demeura ffxé à douze fols
Ôc vingt-quatre fols , fui van t la nature des aétes.
Ces droits réunis ont à peine donné vingt-fept à
trente mille livres par an, depuis dix ans.
Le domaine foncier , confiftant en terres vagues
ôc incultes, en étangs, ôc dans les biens des rebelles
fugitifs , fut donné à ferme par adjudication
; ôc on nomma , fous le titre d’infpeéleur-
général du domaine, un prépofé fupérieur , dont
la furveillance devoit s’étendre fur tout ce qui
étoit du reflort de l ’adminiftration éconpmique.
Mais la branche la plus intéreflante des revenus
du roi en Corfe, fut un genre d’impofition ,
auquel on donna le nom dt fubvention. Sa quotité
fut fixée à cent vingt mille livres.
Comme cet impôt ne devoit être perçu que fur
le produit net d’une propriété quelconque , à rai»
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