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fenfiblement, fans fgcoufle , avec la connoifîance
intime du mal particulier que l’on fait , & du
bien général qui en rélulte.
Cet ouvrage doit être celui du tems , & non
pas d’un moment. Il s’exécutera naturellement ,
en s attachant a connoitre en détail tous les droits
a&uels, à pefer leurs effets, à calculer leurs produits,
6c à rapprocher par degré leur perception
d’un point , d’où le paffage à l’uniformité générale
, autant qu’elle eft praticable, foit court 6c
facile.
Le plus grand mal qu’ait caufé ce projet, peut-
être plus facilement adopté que profondément examiné
; projet d’un fuccès très-incertain 6c très-
incomplet -, tant que fubfîftera cette multitude de
privilèges locaux , relatifs aux gabelles, dont les
abus font faciles , & defquels on ne peut fe garantir
, que par des légions de gardes, répandus entre
lés pays privilégiés 3c ceux qui ne le font pas ;
c’eft qu’en offrant à des âmes paffionnées pour le
bien public , le bonheur d’une exécution à venir ,
il leur a caché les maux préfens, 6c a empêché,
depuis y6 ans, de réformer les droits, 6c de reélifîer
les tarifs particuliers dont on a expofé les vices
ÔC les inconféquences. Cependant, il femble qu’en
réformant les anciens droits , on auroit pu, 6c l’on
pourroit encore préparer i’établîffement d’un droit
général , fîmple 6c conçu d’après des vues uniformes.
Il ne s’agit à cet effet que de diminuer le nombre
des droits particuliers , 6c de remplacer ceux
qu’ on fupprime dans une province, par les droits
de la province contiguë. Ainfi , de proche en
proche, on-pourroit difpofer les chofes de maniéré
qu’il n’y eût dans le royaume que deux ou trois
tarifs ; tels que celui de 1664, celui de la douane
de Lyon, 6c le tarif de 1671.
Pour procéder à cette opération, les deux com-
miflaires ou infpeéieurs généraux des douanes,
feroient chargés d’examiner les tarifs locaux, de
raffembler ceux qui font d’ufage dans les principaux
bureaux d’un même droit , afin de les comparer
enfemble, 6c de ramener par-tout la quotité
du droit au taux primitif du tarif. Ils don-
neroient leurs obfervations fur les changemens
qui y ont été faits, fur ceux qu’on peut y faire
encore , enfinTur tout ce qui feroit néceffaire pour
y établir la clarté , l’unité 6c l’invariabilité.
Ces trois objets paroiffent devoir êtrerèmplis par
une dénomination aufti étendue qu’il eft poflible ,
dé$ productions naturelles ÔC artificielles , qui
font la matière d’un commerce habituel dans l’ar-
rondiffement d’un tarif, ÔC par l’application du
moyen que le eonfeil a prefcrit à l’égard du tarif
de la douane de Valence , par fon arrêt du 2.6
août 1760. C ’eft d’ordonner que toute denrée ou
marchandife omife dans le tarif, en acquittera les
droits par âffimilation à celles qui y font comprifes ,
fuifaijt leur nature , leur analogie , 6c la parité
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de 1 emploi auquel elles font deftinées ; avec la
claufe que dans le cas où l'affimilation feroit également
jtille à plüfieurs objets , celle qui opé-
reroit la moindre perception feroit préférée ,
ainfi qu’il a été décidé" par le eonfeil le 18 l'ep-
teinbre iy6\ , fur le tarifée la coutume de Bayonne,
qui eft divifé en deux claftes d’un taux différent :
cette décifion porte que toutes les fois qu’une
meme marchandife feroit comprife dans les deux
clalTes, on s'arrêterait à celle qui eft la plus favo-
rable au commerce.
Ainfi une denrée comeftible ne pourroit être
afiîmilée qu’à un autre comeftible ; un bois de
marqueterie inconnu , à un bois de marqueterie
connu , de même des bois de teinture 6c des drogueries
, à moins que , pour favoriler l’importation
de ces derniers articles,- on ne trouvât plus
avantageux d’adoprer les difpofitions de l’arrêt du
i| mars 17/9. Ce réglement faifant abftra&ion
des valeurs 6c des propriétés des drogueries , a
ordonné que toùres celles qui ne font pas comprifes
au tarif de la douane de Lyon, l’acquitte—
roient à raifon de cinq livres douze fols fïx deniers
du quintal.
Les objets de luxe, de curiofité, de parure,
- les habiilemens d’étoffe de pelleterie , les ouvrages
de bijouterie, orfèvrerie, 6cc. dont le travail fait
tout le prix , payeroient, ainfi qu’à préfent, fui-
vant leur eftimation, un droit d’entrée confidé-
rable 6c uniforme. A la fortie , celui d’un pour
cent impofé par l’arrêt du 1 j mai 1760,. fur plu-
fieurs de ces articles , pourroit être confervé ou.
augmenté , 6c étendu à tous.
Les occafîons d’aflimiler n’étant pas très - fréquentes
, les commis, à qui elles fe préfente—
roient , auroient ordre d’en rgndre compte aux
régiffeurs : ceux - ci décidéroient provifoirement
fur la juftelTe de -l’affïmilation , mais ils feroient
tenir un regiftre alphabétique de tous les objets
affimilés, afin qu’ils fuftent toujours çonfidérés fous:
le même point de vue , dans tous les tarifs où ils
ne fe trouveroient pas dénommés,.
Tous les trois ans , ou au renouvellement de
chaque régie, le tableau général de ces affîmila-
tions feroit mis fous les yeux du miniftre des
finances, 6c communiqué aux chambres de commerce
qui propoferoient leurs avis fur la confirmation
ou la correction de ce tableau.
On apperçoit, fans doute , combien les commif-
faires-infpeaeurs des douanes feroient utiles , pour
fuivre l’exécution de ce plan , 6c difpofer les négociant
à cette'innovation, en préparant les efprits
à l’idée , que c’eft la profpériré du commerce uniquement
que l’on recherche , ÔC non l’augmentation
des revenus' de l’Etat.
En fuppofant même les droits de traites en.
ferme , la création de ces deux infpeéteurs provinciaux
, indépendans de la ferme générale ÔC des
chambres du commerce, ne pourroit être que trèsd
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avantageux , en les envifageant fous tous, les rapports
que leur donneroient leurs fondions. Elles
pourroient même être amplifiées , reftreintes ÔC
appliquées à tous les objets particuliers qui inté-
reffent l’adminiftration , luivant les defirs du mi-
niftre 6c le befoin du moment.
Ces hommes étant à-la-fois les prépofés de l’Etat,
pour veiller à fes droits ôc à fes intérêts, ÔC les agens
• du commerce, pour le débarraffer de tout ce qui
nuit à fes progrès , ne mânqueroient pas en cette
double qualité, de fe livrer hardiment au zèle de
leurs devoirs , 6c d’éclairer avec une égale impartialité,
les petites extenfîons des percepteurs ,
6c les manoeuvres fourdes des redevables.
Nous ne devons pas omettre d’ajouter ici qu’une
partie de nos voeux vient d’être exaucée par l’arrêt
du eonfeil d’état du roi , du 9 novembre
178^ , qui ordonne qu’à commencer du premier
janvier prochain, les droits de traites feront perçus
au profit de fa majefté, Ôc régis pour fon
compte, en faifant fur le prix du bail une diminution
équivalente. Voye^ F E R M E G É N É R A L E .
Ce nouvel .état des chofes offre une belle carrière
au miniftre des finances , 6c va lui laifler
la faculté de déployer les grandes Ôc bienfaifantes
vues dont là profpérité du commerce follicite depuis
long-tems l’exécution.
Après avoir traité des droits de douanes en
général, nous avons à .parler, d’après leur fubdi-
vifîon , de ceux qu’on appelle locaux,6c des droits
qualifiés uniformes.
Les premiers , c’ eft-à-dire , les droits locaux ,
font ceux qui font particuliers à un lieu , à une
province. Ils font dus chaque fois qu’une denrée
pu marchandife pafîe dans l’étendue du pays où ils
ont lieu , fans égard pour les autres droits qui ont
pu être acquittés à l’entrée du royaume ,, à moins
que les droits d’entrée ne fuftent uniformes. On
peut mettre au rang des droits locaux, tous ceux
qui font impofés fur les fels, à l’entrée des provinces
.exemptes de gabelles.
Les droits uniformes qu’on nomme aufti droits
des nouveaux arrêts , font ceux qui ont été établis
dans tout le royaume , foit à l’entrée , foit à
la fortie , par des arrêts 6c des règlemens pofté-
rieurs au tarif du 18 feptembre 1664.
Trois années après fa publication , on s’apper-
çut que les droits impofés , à l’entrée, fur certaines
marchandifes de fabrique étrangère; ôc à la fortie,
fur quelques matières premières , étoient trop
foibles. Il parut intéreffant d’écarter les unes ,
ôc de conferver les autres , non-feulement dans
l’étendue des cinq grofles fermes , mais même dans
les provinces réputées étrangères.
En conféquence, une déclaration du 11 avril
1667, impofa un droit confîdérable 6c uniforme ,
tant à l’entrée qu’à la fortie , fur les efpeces de
marchandifes qui y font défignées. C ’eft ce qu’pn
appelle le tarif de 1667. En l’examinàn’t , on voit
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que fon objet fut de. prQtégtr l’accroiftement
de nos manufaélures , d’étendre nos pêches Ôc l'a
culture de nos colonies.
Ces droits, conçus dans une fi grande vue, 6c
^combinés par la policiquë la .plus clairvoyante,
paroiffent d’une fi grande fimplicité , qu’il faut
participer aux lumières de celui qui les établit,
pour faifir l’efprit qui l’avoit infpiré. C ’eft une
chofe digne d’admiration , que l’habileté avec
laquelle le grand Colbert prit le prétexte de certaines
vues de peu d’importance, 6c qu’il pouvoir
manifefter, pour cacher les grands deflèins qu’il
avoir intérêt de ne pas laifler pénétrer.
Il femble en effet, par le préambule de cette
déclaration, qu’il ne s’agiffe que de faciliter à certaines
provinces du royaume , le débouché de
quelques denrées ôc marchandifes qui leur font particulières.
Mais lorfque l’on approfondit l’enfem-
ble de l’ouvrage, on y découvre le projet de gêner
le commerce des étrangers , autant que celui
de favorifer les fujers du roi. On voit fur-tout
'combien Colbert defiroit de procurer aux fabriques
ôc manufaéhires du royaume, les matières
premières dont elles avoient befoin, 6c la confom-
mation des ouvrages qu’elles fourriiffoient.
Cet objet principal étoir fi bien déguifé fous
d’autres prétextes , que les étrangers n’en fentirenr
pas d’abord toutes les conféquences.
Les Hollandois furent les feuls qui ne s’y lai fi-
ferent pas tromper. Une nation fi commerçante ÔC
fi voifine de la France , devoir naturellement pénétrer,
plutôt qu’aucune autre , des vues, fi intér
reliantes pour le commerce de cet Etat, 6c fi prejudiciables
au lien en particulier : aufti s’oppoferent-
ils , autant qu’ils purent , à l’établifîement de ces
nouveaux droits , par la triple alliance qu’ils contrarièrent
en 1668 avec l’Angleterre 6c la S,uede ,
Ôc ne mëhagerent-ils aucuns moyens à la paix de
1 6 7 8 , pour obtenir la révocation de ces droits.
C ’eft au mot T a r i f de 1667 , que nous nous
réfervofts de faire ,connôître tous' les év.énemens
dont il' fut la fiource.
Il doit être queftion ici des droits uniformes.
L’importance des droits de 1*667, 6c la fageffe
des vues qui les avoient fait impofer, furent fi bien
fenties par les fucceffcurs de Colbert, que ces droits
devinrent un modèle qu’ils n’ont pas ceffe de fuivre
, dans tous les cas où il a fallu attirer , conferver
, favorifer ou repoufler les matières ou marchandifes
étrangères 6c nationales.
Comme ces cas fe fontpréfentés fouvent, il a été
rendu , autant d’arrêts du eonfeil, pour remplir ce
but , 6c ils font en très-grand nombre. Par exemple
, toutes les marchandifes comprifes dans la
clafle de la mercerie 6c de la quincaillerie font
fujettes à uii droit uniforme , modéré à l’entrée ÔC
très-foible à la fortie.
Il eft de principe configné dans l’arrêt du
eonfeil du 2.y mai 1734 , que les marchandifes