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fon de deux vingtièmes, fa perception exîgeoit '
beaucoup d’opérations 8c de formalités préliminaires.
Les. podeftats, peres communs ou fyndics
de chaque commùnauté , dévoient recevoir les
déclarations des fonds & des productions en tout-
genre , des beftiaux, des arbres fruitiers, 8cc. en
tenir regiftre , pour être vérifiés enfuite par les
fubdélégués ou officiers de juftice, qui , par des
procès-verbaux', dévoient conftater la Valeur des
productions. Chaque communauté demeura garante
du montant de fa contribution , jufqu’à fa rcmife
dans la caiffe du receveur de la province. Il en
étoit paffé une. remife de deux pour cent , dont
une moitié auxpodeftars, & l’autre à ce receveur,
qui vuidoit fes mains dans celles du tréforier-gé-
néral de l’île.
Dans la fuite, on a ajouté à cette fubvention
une autre impofition pour le logement des troupes, 8c elle a été réglée au fol pour livre de la première..
L e clergé demanda que les biens eccléfiaftiques
fu fient exempts de la fubvention ; prétendant, par
une fuite des maximes ultramontaines , que cet
impôt bîeffoit les droits de l ’épifçopat 8c du fa-
cerdoce ; mais cette demande fut entièrement rejetée.
Cependant , au moyen de l’afïujettifTement des
biens eccléfiaftiques à la fubvention , le roi fit re-
mife au clergé du don gratuit , qu’i l payoit à
Paoli , comme tout propriétaire , en exceptant
celui que ce corps avoit offert à ce chef, pour,
fournir à l’ établiffement d’une univerfité a Corte ,
en I76$. Cette impofition particulière, qui étoit
de dix-huit livres par curé piévan, douze livres
par curé particulier , & fix livres par chanoine'
ou chapelain, ne montoit, fuivant le relevé des
regiftres, qu’à trois mille trois cents: foixante-
dix-neüf livres par année.
Au refte , les revenus que le roi retire de la
Corfe, année commune , ne fuffifent pas aux dé-
penfes .qu’exigent fon adminiftration , 8c le foin
qu’ on' prend d’y améliorer la culture ; ils montent
à environ trois cents vingt ou trois cents trente
mille jivres , tandis que la dépenfe eft de plus
de cinq cents mille livres.
L a Corfe , confidérée dans fes rapports avec le
royaume , eft traitée, en matière de droits , comme
pays abfolument étranger , excepté, en un . feul
point; tout ce qui y eft envoyé, tout ce qui en vient
eft cenfé aller à. l’étranger ou en arriver , 8c aequi tte
les droits en conféquence. Mais .la garance.a été
tirée de cette. claïTe générale , par l’arrêt du con-
feil du z8 avril 1775, qui accorde à cette'plante
«ne circulation franche dans tout le royaume , en
affuj étrillant à vingt-cinq fols du quintal celle qui
feroit importée' du pays étranger.
Les vues du gouvernement pour favorifer la
culture en Corfe, fe font manifeftées, en ordonnant
que la garance originaire de cette île, 8c accompagnée
d’un certificat propre à en juftifier , feroit
exempte de tous droits, 8c circuleroitffibre-
j ment dans le royaume , comme celle qu’il
produit.
C O R V É E j f. f. par lequel on défigne un
fervice quelconque, dû gratuitement à un feigneur,
une obligation à remplir envers lui , pour fon
utilité particulière.
On a appliqué ce mot , aux travaux publics
qui fe font par les.particuliers 8c les communautés,
foit pour réparer , foit pour conftruire des chemins
, lorfqu’ils reçoivent l’ordre de fe rendre aux
lieux indiqués ; 8c on eftirae en effet que les travaux
faits par corvée ont une valeur de treize à
quatorze millions, fans fe diffimuler pourtant que
ces travaux , àinfi évalués .par le rems qu’ITi
dérobent aux corvéables , pourroient être faits
pour fix à fept millions , 8c feroiént plus folides
s’ils étoient payés. Sous ce point de vue , les
corvées font des charges publiques , un. véritable
impôt, qui porte directement fur ceux qui ont le
moindre intérêt à l’emploi qu’on fait de leurs bras ;
puifqu’en effet la principale utilité des chemins
eft pour les propriétaires des/terres.
C ’eft un impôt qui , fuivant la définition qu’en
donnent des écrivains , uniquement attachés
à traiter des matières économiques ne' porte
que fur une partie de ceux qu’on y a cru con-'
tribuables. Les paroiffes limitrophes des chemins
en fupportent feules le fardeau, ‘.qui fe trouve par-
*là même infiniment plus lourd pour elles.
. • cc .C’eft un impôt qui , dans lés paroiffes 011
» il a lieu , eft néceffairement réparti avec une
» inégalité invincible.
■ ' » C ’eft un impôt qui coûte réellement à'ceux
» qui le fupportent, en fommes pécuniaires, en
» journées d’hommes 8c d’animaux, en dépériffe-
y> ment de voitures, 8cç. au moins le double de
» la valeur du travail qui en réfulte. On eft fou-
» vent obligé de commander dès paroiffes , dont
! » le clocher eft éloigné de trois lieues de l’ate-
» lier , 8c defquelles dépendent des hameaux
33 qui en font à plus de quatre lieues- ; le teins
- 33 fe perd ; les hommes '& les animaux fe fati-
» guent ; les voitures éprouvent mille accidens
33 par des chemins de traverfe impraticables ,
‘ 33 avant d’être arrivées fur le lieu du travail. 33 II faut en repartir de bonne heure pour re-
33 tourner chez/foi. Dans le court.intervalle qui
33 refte à travailler, l’ouvrage'fé fait avec la len-
33 teur 8c le découragement, inévitables chez des
» hommes qui n’en attendent point de falairé. De
.. » pareilles journées ne valent point celles d’un
f 33 homme payé , pas une demi-heure d’iin foldat
* 33 bien nourri , qui travaille au milieu de fe«
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33 camarades , fous les yeux de fon fuperieuf, &
3» qui eft animé par l ’émulation.
33 C ’eft un impôt q u i, détournant le« cultiva-
3> teurs de leurs travaux productifs , anéantit ,
33 avant leur naiffance , les productions qui au-
33 roient.été les fruits de ces travaux, 8c q u i,
33 par cet anéantiffement forcé , coûte aux culti-
33 vateurs , aux propriétaires 8c à l’état, cent fois
33 peut-être la valeur du travail des corvoyeurs.
33 Ce n’eft qu’au fein de la plus profonde igno-
33. rance des travaux champêtres , qu’on avoir pu
33 fe former l’idée de prendre d’ordonnanbe , les-
33 journées, les voitures 8c les animaux occupés
» à l’exploitation des terres.
33 Sur vingt ateliers commandés pour la cor-
33 vée , qui feront une dépenfe de dix piftoles ,
33 8c un travailde cinquante francs ; on peut évaluer
33 qu’il y en à. dix qui perdent leurs journées ;
33 par conféquent l’état y fait une perte évidente
33 dé-fix mille pour cent : cette perte retombe^ eh
33 entier fur le produit net de la culture.
33 Qu’on calcule combien de toifes de chemins
33 on peut .faire avec cent francs ; combien de
33. fois il faut répéter cette dépenfe fur les grandes
33 routes , 8c l’on fe formera une idée des pertes
33 que caufe la corvée. On concevra combien il
33 y auroit de profit pour la nation, pour le gom-
33 vernement j pour les propriétaires , fi : ces der-
33. niers -étoient feuls tenus de fubyenir à la dé-
.33 penfe des chemins , lorfque l’impôt ordinaire
33 n’y peut fuffire.
>3 On aura peine à fe perfuader , 8c cependant
33 il eft malheureufement trop vrai , que dans ce
33 fiècle lettré , il eft encore très-peu de proprié-
‘33 taires affez inftruits , pour ne pas fe croire
33 lé'fés , fi , en fupprimant les corvées, on éta-
33 bliffoit fur éux l’impofition néeeffaire à la
- 33 conftrudtion 8c l’entretien des chemins.
c » Leurs préjugés 8c leurs oppofitions ceffe-
33 roient, fans doute, s’ ils vouloient réfléchir 8c
33 remarquer que les charges qui portent fur leurs
33 fermiers , métayers 8c autres employés direc-
33 tement ou indirectement à 'la culture de leurs
33 'domaines , diminuent ‘ d’autant lè produit ',
33 qu’eux, propriétaires,, en retireroient sans ces
33 chargés, Bc que , par conféquent, fi.elles caufent
33 à ceux qui en font les avances , un préjudice
33 plus grand que n’eft la valeur effective ’dé cès
33 charges, 'elles font plus nuifibles aux proprié-
33 taires que ne le feroit le paiement‘direct de >3 cette valeur effective.’
39 A l’objection , qu’il feroit à craindre que l’im- 3o pofition mife pour. la dépenfe des chemins , ne
39 fût détournée de fa deftinatiôn, 8c qu’on ne
33 rétablît les. corvées-* on répond que l’intérêt du
.33 fifc eft garant de l’emploi de cette contribution;
» attendu que pour deux millions que le roi
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39 pourroit y trouver, iljperdroit trente millions
39 de revenu annuel, 8c qu’on ne peut pas fup-‘ 33 pofer un homme affez infenfé, pour propofer
33 une opération auffi abfurde 8c aufli injufte. 33 ;
Ces confidérations , dont le miniftre des finances
que Louis X V I venait de nommer , étoit frappé
depuis long-tems, 8c qui l’avoient porté à fubfti-
tuer dans la généralité de Limoges, la méthode
d’une impofition pour faire faire les chemins, à la
corvée, dont il avoit reconnu les,fâcheux effets,
furent préfentées au eonfeil avec toute la force
que donne r une aine vertueufe 8c paflîonnéc pour
lesbien public. Elles y furent adoptées par un
jeune monarque, non moins rempli d’amour pour
la félicité de fon peuple 3 8c fuivies d’un édit
qui fupprimoit les co rv é e sen ordonnant la confection
des routes à prix d’argent. Le préambule
de cette loi nouvelle, eft tout à-la-fois un monument
précieux de l’amour paternel du fouverain
pour fes fujets , un tableau intéreffant des
maux in fép arables , des corvées, 8c un modèle à
fuivre 3; lorfque viendra l’heureux tems de faire
exécuter d’auffi fages difpofitions.
cç. L o uis , par la grâce de D ieu , roi de France
33 8c de Navarre , à tous préfens 8c à v en ir ;
33 falut. L ’utilité des chemins deftir.és à faciliter
33 le tranfport des .denrées , a été. reconnue dans
33. tous,les tems. Nos prédéceffeurS en ont re-
33' gardé la cbnftruétion 8c l’entretien comme un
33 des objets les plus digneS de leur vigilance.
33 Jamais ces travaux imporrans n’ont été fui vis
» avec autant d’ardeur que fous le règne du feu
33 r o i , notre très-honoré feigneur 8c ayeul : plu-
33 fieurs provinces en ont recueilli les fruits , par
33 l’augmentation rapide de la valeur des [terres,.
33 La protedtion que nous devons à l’agricul-
33 türe, qui eft la véritable bafe de l’abondance
33 8c de la profpérité publique ; 8c la faveur que
- 33 nous voulons accorder au commerce , comme
33 au plus fur encouragement de l’agriculture,
33 nous, feront chercher . à lier de plus en p lu s , 33 par dés communications faciles , toutes les
! 33 parties d,e notre royaume , foit entr’elles, foit
: 33 •avec' lei pays étrangers.
J >3 Defirant procurer ces avantages à nos peu- 33 pies , par les voies les moins onéreufes pour
B 'éuXj nous nofts .fommes fait rendre compte des
33 moyens qui ont été mis en ufage pour la conf-
33 truélion 8c l’ entrétien- des chemins publics.
'■ . 33 N oms avons, v u ,; avec peine , qu’à l’excep-
33_tion d’un très-petit nombre, de provinces , les
33 ouvrages de ,ce genre ont été , pour la plus
33 grande partie, exécutés au moyen des corvées
33 exigées de nos fujets , 8c même de la portion
33 la plus pauvre , fans qu’il leur ait été payé
33 aucun falaire pour le tems qu’ils y ont ein-
33 ployé. Nous n’avons pu nous empêcher d’ être