
30 6 C L E C L E
devint un titre pour elle dans la fuite, puifqu’on
vit Louis VIII obligé d’avoir recours à Honoré III,
pour obtenir âu aergé de France une impofition
extraordinaire, deftinée aux dépenfes de là guerre
contre les Albigeois, qu’il avoit entreprife a la
follicitation du pape. Koye% DECIME.
Mais les guerres de Philippe de Valois, avec
le roi d’Angleterre , l’ayant obligé à demander
des contributions au clergé, il ne paroît pas avoir
eu befoin. de confulter le pape.
Sous Charles V I , dans des terni -d’infortune
où les peuples ëtoient épuifés par les impôts , on
vit le clergé, bien loin de fe prévaloir des immunités
que la cour de Rome tentoit d’étendre de
tout fon pouvoir , offrir le tiers?; de fes revenus
au ro i, en garder une part pour fa fubiiftance ?
8c l’autre pour l’entretien des églifes 5c des mai-
fons.
Lorfque Louis XI voulut rembourfer au duc
de Bourgogne la fomme pour laquelle plufieurs
villes de Picardie lui avoient été remifes , il en
fit la demande au clergé 3 qui la lui accorda fous
le nom d’emprunt.
Les parlemens de Paris, de Touloufe, de Bordeaux,
de Rouen, de Dijon , de Grenoble &
d’Aix -ayant arrêté , fur l’exécution du traité de
Madrid , conclu en, 1 y2.(5 , que le roi pouvoir
juftement 8c faintement lever fur les eccléfîaftiques
8c fes autres fujets, deux millions d’or , pour la
délivrance de fes enfans , le cardinal de Bourbon
offrit, pour le clergé, treize cents mille livres.
Ce' même cardinal propofà à Henri II , de la
part du clergé, de contribuér de tous les biens de
réglifè, en telle forte que fa majefté fût fatisfaite.
La forme d’emprunt s’établit fi bien entre le
roi ÔC le clergé, que le nom de prêt ou d’emprunt
fut ufîté pour lignifier toutes les impofitions mifes
fur ce corps. François II envoya des lettres-patentes
en 1 j*db, pour contraindre le chapitre de
Paris , par faifie, à lui faire un prêt.
Mais l’année fuivante fut l’époque du contrat
de Poiffy, par lequel le clergé fit l’offre de payer
annuellementvune fomme de treize cents mille
livres, à titre de fubvention ordinaire, 8c elle
fut-acceptée. Six années après, cette fomme fut
deftinée au rembourfement , dans l’efpace de
dix ans , des aliénations faites à la ville de Paris
fur les domaines du roi , 8c qui montoient à fix
cents trente mille livres de rente , au principal
de fept millions cinq cents foixante mille cinquante*
fix livres treize fols. Huit deniers.
Dans l’intervalle ,• le roi ,.du confentement des
députés & des fyndics généraux du clergé, affeéta
de nouvelles rentes fur ces treize cents mille livres,
de façon .qu’en 1777,1e clergé n’avoit point rem-
bourfé de capitaux-: -
En 1 f7 P , ce corps aflemblé protefta contre la
démarché dé fes députés & fyndics généraux , 8c
foutint n’être point débiteur envers la ville de
Paris , des rentes affeélées fur lui • mais il continua
de payer au roi , par forme de fubvention
ordinaire , la fomme de treize cents mille livres.
Tous les dix ans, la même proteftation fe renouvelle
contre l’obligation de payer ces rentes ,
dans le contrat qui eft paffé entre le roi 8c le
clergé : elle fe retrouve dans celui du 10 décembre
177SAu
refie, comme ces rentes ont été réduites,
par déclaration du 31 mai 172.3 , fur le pied du
dernier quarante , ainli que les finances des offices
de payeurs de contrôleurs triennaux 8c quatrien-
naux , elles ne forment plus qu’un objet de
quatre cents feize mille neuf cents vingt livres ,
fuivanr le procès-verbal de l’affemblée du -clergé *
tenue en 1773*.
et Ce fut un malheur véritable pour le clergé
si 8c pour l’état , dit l’auteur des Recherches fur
33 les finances , que les fonds deftinés au rembour-
33 fement déterminé par le contrat de Poiffy, en
33 euffent été détournés à desüfages différens ; car
33 depuis ce tems , jufqu’en 1710 , le clergé ne
33 fecourut plus l’état que par dès emprunts per-
» pétuels , qu’il ne fongea point à rembourfer :
35 il s’eft vu fucceffivement chargé d’impofitions ,
» fans pouvoir fournir au prince les reflourees
33 que fa richeffe fembloit lui promettre, 8c que
» de meilleurs principes dans l’adminiftration
33 euffent multipliés , fans que le corps en eût
33 fouffert davantage. 33
Le contrat de fubvëntion annuelle .du clergé,
fut renouvellé en 1606 , pour finir au dernier
décembre 161$ : en même tems, ce corps obtint
la permiffion de rembourfer les offices de receveurs
des décimes qui avoient été vendus en
1 yp<5 , au profit du roi , comme domaniaux, 8c
dont les gages étoient néanmoins refiés à la charge
du cierge.
Mais en 1608, le roi ayant demandé trois
^ents mille livres à ce corps, pour établir des
galères à Marfeille , les fonds en furent , faits en
rétahlifiant les offices de receveurs des décimes.
Sous la minorité de Louis X III, en 1621, ce
corps offrit un fecours de trois millions fix cents
trente-fix mille livres, à condition qu’il ne pour-
roit être employé qu’au liège de la Rochelle :
les remontrances de.l’évêque de Rennes au roi ,
à ce fui e t, contiennent des maximes auffi faines
en politique qu’en religion ; il feroit à defirer
qu’on n’en eût jamais mis d’autres en pratique.
« La fppplication qui nous refie à vpus faire ,
y» dit ce prélat, c’eft qu’il vous plaife de ne pas 3> calmer cet orage par les moyens employés au
» paffé.... Cette paix n’en eft point une ; elle
33 n’en retient que le nom ; c’eft un mal fardé
33 fous l’apparence du bien. Non , lire , que nous
» voulions détourner les effets de vorre clémence
33 envers les particuliers qui , touchés d’un vrai
» repentir de s’être armés contre votre majefté ,
C L E C L E
33 auront recours à fa bonté. Nous favons qu un
33 grand monarque, comme vous , fe plaît plus a
3> fauver fes fujets, à leur pardonner, qu’aies
33 détruire 8c à les perdre ; mais tous ces avantages
33 qui leur ont été donnés au paffé , par ces édits
3» généraux de pacification , n’ont fervi qu à les
33 rendre plus opiniâtres , à guider leur erreur
33 contre Dieu leur rébellion contre vous. Tant
33 de fois s’accorder, tant de fois fe mutiner, tantôt
>3 fe mettre au joug, tantôt le fecouer ; ce ont
33 toutes marques de leur infidélité ÔC de notre
33 foibleffe tout enfemble.
. 33 Moins encore prétendons - nous déraciner
» leurs, erreurs par la force Ôc la violence. Re-
33 cônnoiffant la liberté gravée naturellement dans
» l’efprit de l’homme, nous penfons que celui qui s’y
» introduit par force n’eft guere de durée ; moins
33 encore de mérite pour fa foi, qui doit être libre,
33 ôc s’infinuer doucement, par infpiration divine ,
33 par patience , par remontrances , par toute
33 forte de bons exemples, ^.uffi eft-ce par cette
» douce contrainte que nous efpérons voir fuir
» l’héréfie;des bords de votre royaume , 8t dif-
3> fiper lé venin qui a corrompu tant de bonnes
» parties de l’état. Ce font là, fire , les armes
33 dont nous, prétendons nous fervir , pour les
39 ramener à la vraie religion ., dont ils font fé-
3? parés. .33
Le ro i, obligé de mettre fur pied cinq armées,
en 16$6 , demanda des fecours à l’affemblée du
clergé qui fe tenoit ; elle’éluda la propofition , 8c
fit dès remontrances très - rôuchan tes 8c très-vives
fur fa pauvreté.
cc Le roi'répondit aux députés, que les nécef-
33 fités de fon état étoient réelles 8c effectives ;
33 mais que celles qui lui étoient préfentées de
33 l’églife , étoient telles qu’on vouloit , 5c chi-
33 mériques ; qu’iL avoit arrêté les armées enne-
33 mies fur la frontière ; que s’il ne l ’eût fait.,
33 elles euffent porté la guerre au coeur du
33 royaume, & que lors les’ eglifes & les ecclé-
» fiaftiques en étant ruinés , euffent voulu avoir
33 donné trois fois .plus qu’il ne leur demandoit ,
39 & que le mal eût été empêché comme il l’a
33 été ; qu’il avoit défendu la religion , l’avoit
30 rétablie en plufieurs endroits, 8c fait augmenter
■» les biens eccléfîaftiques * 8c qu’il fe promettoit
33 que l’affemblée le ;contenteroit. 33
Elle accorda èn effet un fublide de trois .millions
fix cents mille livres , en un contrat de trois,
cents mille livrés , rembourfable au roi au denier
douze , & la fubvention annuelle de trois cents
mille livres , fut auffi renouvellée pour dix ans. .
En 1641 5c 1Ç42 , on trouva un nouveau moyen
de tirer des fecours du clergé v en lui faifant payer
un droit d’amortiffement pour tous les biens qu’il
poffédoit alors. Les commiffaires -dû roi repré-
fenterent à l’affemblée qui. fe tenoit à Mantes ,
<c qu’il n’étoit pas permis aux gens de main-morte,
3 0 7
33 d’acquérir ni de pofféder aucuns- héritages 5c
» droits immobiliaires , fans en obtenir des
33 lettres d’amortiffement , 5c en acquitter les
?3 droits ; que faute d’y fatisfaire dans l’an 5c jour ,
33 ces acquifitions étoient réunies de droit au do-
33 maine; que les eccléfiaftiques, qui poffédoientune
» grande partie des biens du royaume, n’avoient
33c ni obtenu ces permiffions , ni payé les droits
33 dûs au roi , 5c qui montoient à des fommes
33 immenfes ; que fa majefté entendoit faire re-
33 chercher tous ces amortiffemens qu’elle avoit
fi taxés au tiers du revenu de tous les bénéfices ;
sa que de plus , le clergé devoit les contnbu-
33 tions du ban 5c !.de l’arriere-ban , 5c qu’enfin
■33 fa majefté pouvoit le taxer à de grandes fommes,
33 pour la çonfervation de fes privilèges ; que
•33 cependant voulant bien, à la recommandation
3? de M. le cardinal de Richelieu, le,traiter favo-
33 rablement, elle fe contenteroit de fix millions,
39 payables en trois années. 33
Une grande faute, comme on l’a déjà dit, 5c
qui fe renouvelloit à chaque contribution qu’on
e-xigeoit du clergé, c’eft qu’en cpnféntant a çe
qu’il fît des emprunts , on ne l’oblige oit pas alors
à en rembourfer le montant dans un efpace de
tems limité ôc fuffifànt, comme dix années. Cette
précaution a été prife depuis ; mais il n en eft
pas moins vrai que s’il vouloit fe libérer , il .feroit
forcé peut-être à faire lui-meme la vente d une
partie de fes domaines , pour parvenir a 1 entière
libération de l’autre.
A iT renouvellement de la fubvention ordinaire,
en iÔ4p, elle fut réduite à douze cents,, quatre-
vino-t-douze mille neuf cents fix livres treize fols
neuf deniers , au lieu de la fomme ordinaire.de
treize-cents mille livres, parce que les diocèfes
de Reims , Bourges 5c Limoges , avoient racheté
leur cotte-part, moyennant fept. mille quatre-
vingt-treize livres dix fols trois deniers. L ’année
fuivante , l’affemblée fit un don gratuit de quatre
millions, payables en deux ans 5c demi. Trois
furent répartis fu-r les bénéficiers , ôc le quatrième,
fur les officiers des décimes, par forme de fupplé-
ment de finance de leurs charges.
Le clergé ufa fouvent dans la fuite des mêmes
_ expédiens , chaque fois que l’état eut des bé-
’ foins , . 5c lui demanda des fecours. Il feroit inuj-
tile de répéter tous ceux qu’il fournis en différens
tems ; il fuffit feulement d?indiqûer les
époques, où les charges annuelles augmentèrent
avec celles des autres fujets de l’état.
L ’établiffement de la ’ capitation , en iôpy j
' fut un motif pour le • clergé de propofer un
abonnement qui le difpenfât de cette nouvelle
impofition, ,8c il fut accepté. En 1701, lorf-
que cet impôt, après avoir ceffé quelque tems ,
eut été rétabli ; le clergé s’engagea à payer
quatre millions , pendant chacune des huit années
Suivantes ; ôc en 1710 , il offrit vingt-quatre
millions pour en être affranchi à perpétuité.