
» puiflance ÔC de richeffes.... Je ne défefpere pas
» que d’ici à cent ans, elles ne deviennent autant
» d’états puiffans , capables de faire trembler la
» métropole. Or , plus nos colonies deviendront
» puiffantes, ôc plus les peuples s’y réfugieront en
35 foule. Nous ne faurions donc prendre trop de
35 précautions pour qu’il ne foit jamais au pou-
35 voir , ni de l’intérêt de nos colonies , d’agir
55 contre la mère-patrie. Ce malheur ne peut être
35 évité , qu’en les occupant continuellement à
» un commerce qui , • en augmentant leurs ri-
33 cheffes , augmente auffi les nôtres.
33 L ’union ôc la parfaite amitié des deux na-
33 tions, ne peut être cimentée que par quelque
» lien qui. les entretienne fans ceffe ; le plus fur
33 eft l’intérêt ; mais fi ces intérêts font féparés ,
3é> chacun doit commencer par s’occuper du fien,
33 & l’aflurer.
»s L ’intérêt des colonies eft de fe rendre indé-
33 pendantes. Elles tâcheront de le devenir toutes
33 les fois qu’elles n’auront plus befoin de pro-
33 teélion, ôc qu’elles pourront occuper leur tems
33 plus avantageufement qu’à fournir aux autres
33 des matières de commerce. L ’intérêt de la mé-
3> tropole eft, au contraire, de les tenir dans la
33 dépendance : mais , pour y parvenir, le feul
33 moyen eft d’ufer des voies de douceur , fans
33 avoir jamais recours à la force^
30 Dans quelque état qu’on fuppofe les hommes ,
33 ils fe croiront en droit de jouir de l’air, de
33 la terre ôc de l’eau, de s’occuper pour fournir
33 à leur fubfiftance, de vivre de leurs travaux,
33 & profiter des bienfaits de la providence ; par
33 conféquent d’améliorer leurs biens, ôc de tra-
33 vailler fur le produit de leurs terres. Quand
33 ils ne peuvent s’appliquer à toutes ces cho-
33 fes , fans porter préjudice à la mere-patrie ;
33 alors il n’eft qu’un moyen honnête 5c efficace
» de parer à cet inconvénient : celui de les dé-
>3 tourner de leurs occupations , pour leur en
33 donner d’autres auffi profitables pour eux , & plus
33 avantageufes pour la métropole ; c’eft-à-dire, qu’il
sa faut les engager à former de nouvelles planta-
53 tions, ôc d’établir chez eux des manufactures
33 qui leur foient utiles , ÔC qui ne puiffent pré-
» judicicr à celles du pays natal.
33 Quand une fois ces établiflemens feront faits ,
» la métropole doit s’empreffer de tirer d’eux ces
33 objets de commerce, fans les obliger d’avoir
-33 recours à d’autres marchés, & à fe faire par-là
?3 de nouveaux protecteurs. Tant que le peuple
33 fera occupé de cette maniéré, il fe comportera
33 à l’égard de la métropole, comme il avoit accou-
33 tumé de faire jufqu’à ce moment. Il ne cher-
33 chera point d’autre moyen de fubfîfter , fur-
33 tout, s’il trouve de quoi gagner honnêtement
sa fa vie dans Tes occupations.
33 Sans cette conduite, lés colonies occafîonne-
>3 ront toujours des malheurs à la métropole,
33 par les raifons que.je viens de dire ; au lieu
3» qu’en fuivant la méthode que j ’ai indiquée ,
33 elle viendra à bout d’attirer à elle tout ce que
33 les colonies ont de richefle : car toutes leurs
3» productions feront autant de degrés d’accroiffe-
33 ment de fon pouvoir 8c de fes richeffes ; parce
33 qu’elles deviendront le fruit du travail du peu-
33 pie, la récompenfe du marchand, 8c l’encoura-
33 gemeiit de la navigation.
33 II paroît que les nations européennes n’ont
33 pas eu jufqu’ici des idées bien précifes de la
3* nature 8c des droits de leurs colonies. Elles
33 n’ont regardé leurs colons , que comme des
33 enfans perdus , peu dignes de leurs foins 8c
33 de leurs fecours ; mais dès qu’elles fe font ap-
33 perçues qu’ils profpéroient par leur induftrie ,
33 les métropoles ont prétendu les foumettre à 3» des vexations-fans nombre, à des gênes capables
33 de les révolter, ou du moins d’anéantir leur
3» aCtivité.
39 Les nations les plus libres , qui devroient le
33 mieux connoître, & les droits de la liberté ,
33 & leur propre intérêt , ne font pas à l’abri
39 de ce reproche ; elles ont cru que la ma-
33 ternité donnoit le droit d’opprimer une cois
Ionie, qui , Comme il a été d it , demeure faci-
33 lement dans la dépendance de fa métropole ,
33 tant qu’elle eft foible 8c peu nombreufe j mais
33 dès qu’elle s’augmente, 5c commence à fentir
33 fes forces, elle connoît le prix de la liberté
39 néceflaire à fon bonheur. Cette féparation eft
33 encore bien plus prompte , lorfque la métro-
» pôle veut tyrannifer le commerce 5c Finduftrie
33 de la colonie ; l’on ne doit pas s’étonner alors
33 que la métropole , fe conduifant en marâtre ,
>3 trouve , dans les colons , des enfans rebelles. »
Il-ne refte plus qu’à donner ici le tableau du produit
des colonies 3 que nous avons annoncé.
On évalue à dix millions de livres tournois ,
les denrées que l’Efpagne tire des îles efpagno-
les, dont les richeffes territoriales font fans ceCe
accrues par les marchandifes qui y font annuellement
appoftées du Pérou , 5c des autres
poffefiions efpagnoles, dans le continent dè l’Amérique.
Les productions des îles danoifes ne s’élèvent
pas au-defliis de fept millions. Soixante-dix navires
5c quinze cents matelots font employés*à
cette extraCtion , dont les. frais peuvent tfller à
un million. Les marchandifes 5c les efçlaves qu’on
y porte , font un objet de deux millions ; les
droits ôc les aflurances font de dix pour cent..
Ainfi ces îles doivent jouir d’un,produit net de
trois millions ôc demi.
La Hollande peut recevoir , de fes établiflemens
en Amérique , po®r vingt-quatre millions
de denrées ; elles y font portées par cent cinquante
bâtimens Ôc quatre mille matelots , qui
coûtent quatre millions ôc demi , non compris
les
les droits , l’aflurance ôc la commiffion , qui paf-
fent .deux millions cinq cents mille livres ; les
marchandifes ôc les efçlaves vont à fix millions :
il refte net , pour les propriétaires , environ
douze à treize millions. .
Le produit des colonies angloifes , avant la révolution
qui vient d’être confommée , occupoit
fix cents navires ôc douze mille matelots. Un
l’eftimoit foixante-fix millions , dont moitié ref-
toit aux poffeffeurs des plantations.
On ne craindra pas d’être accufé d exagération ,
en portant la valeur dès denrées des îles françoi-
fes à cent millions. Six cents bâtimens ôc dix-
huit mille matelots font occupés de leur extraction.
La France vend à ces grands établiflemens ,
pour foixante millions , tant en efçlaves, en productions
de fon fol , ou de fon induftrie , qu’en
or du Portugal. Le profit de fes négocians , à
dix pour cent feulement, doit être de fix millions ;
les frais de navigation montent au moins à quinze,
ôc fept font abforbés par les droits, par l’afliirance
ôc par la commiflion ; enforte qu’il ne refte net ,
qu’environ douze millions aux propriétaires.
Il réfulte de cette énumération, que les productions
du grand Archipel de F Amérique valent
annuellement deux cents fept millions à l’Europe.
Il faut y cultiver une province , pour nourrir une
colonie en Amérique : le fur croît de culture augmente
donc la force inférieure d’un état, ôc accroît
fa richefle réelle.
Les travaux des colons , établis dans les îles
de l’Amérique, font la bafe du commerce d’A frique.
Ils procurent des débouchés avantageux aux
manufactures de l ’Afie , ôc triplent l’aCtivité de
l’Europe. Ils peuvent être regardés comme la
caufe principale du mouvement rapide qui agite
notre globe. Cette fermentation doit augmenter
à mefure que la culture des îles , qui n’a pas
encore atteint la moitié de fon terme, approchera
de fa perfeCtion.
Rien ne feroit plus propre à avancer cet heureux
tems, que le facrifice du commerce exclufif,
que chaque nation s’eft réfervée dans fes colonies.
La liberté illimitée de commercer dans
toutes les îles foumifes à l’Europe, celle de trafiquer
entre elles , fans diftinCtion de peuple , ameneroit
une Concurrence générale, ÔC porteroit les efprits
au plus haut point d’induftrie. Ce nouveau reffort
acçroîtroit l’aCtivité dans l’Europe, ôc la population
dans l’Amérique ; les productions des deux
hémifpheres en deviendroient plus abondantes partout.
C ’eft alors que tous les états , éclairés parla
railon ,fur les effets de cette bienveillance univer-
felle , fi defirable pour l’humanité , laifferoient
leurs fujets vivre en freres , ôc penfer en hommes.
Comme il n’y a pas une feule nation qui rie foit
obligée de tirer de l’étranger , de quoi compléter
les cargaifons qu’elle deftine pour les colonies
d’Amérique ; ne feroit-il pas raifonnable d’éyiter
finances. Tome L
la joute tortueufe ôc lente des échanges en Europe
, ôc de faire arriver les chofes, par la ligne
la plus droite en Amérique ? Les frais feroient
moindres , les confommations plus confîdérables ,
la culture plus animée ôc plus étendue \ le fife
même y trouveroit une augmentation de revenu :
tous ces avantages femblent bien propres à dédommager
les métropoles de leurs droits exclufifs;
puifqu’elles en reçoivent véritablement un préjudice
qui cefferoit.
Malgré la folidité de ces maximes , elles ne feront
pas adoptées ; par la raifon que chaque gouvernement
cherche à fe paffer de l’induftrie
étrangère : ceux qui ont des colonies , y trouvent
un débouché affuré de leurs fabriques ; ôc avec
les productions de l’Amérique , fe confervent de
grands avantages dans les marchés de l’Europe.
COM IT É , f. m. qui, en matière de finance,
a la même lignification qu’affemblée. Dans cette
acception , on dit le comité d’adminiftration , le
comité des cailles. Quelquefois même on appelle ,
par excellence , le comité , celui où l’on traite
des affaires générales , ôc relatives à l’enfemble
, d’une fociété de finance ; au lieu qu’on donne
le nom d’affembléc , à celles où fe rapportent
feulement les affaires particulières , qui ne concernent
qu’une portion de la chofe générale.
COMMENSAL, COMMENSAUX, adj. quï
fe prend quelquefois fubftantivement , pour dé-
figner un homme qui a la table chez un autre.
' On appelle par cette raifon officiers commensaux
de la maifon du ro i, de la reine ôc des princes ,
toutes les perfonnes attachées à leur fervice ,
ôc qui font fuppofées y avoir une table , ou y
| être nourries. Comme les commenfaux jouiffent
de différeris privilèges relatifs aux finances , il
s’agit de faire connoître en quoi ils confiftent.
Il faut d’abord diftinguer deux ordres de commenfaux
; les nobles ôc les roturiers.
Les nobles , par leur naiffance, font en pof-
feflion de l’affranchiffement de la taille , Ôc de
toutes les charges publiques , de l’exemption du
droit de gros , fur les vins de leur crû , ôc de
celle du droit de franc-fief ; puifque ce droit
n’eft dû que par les roturiers qui poffedent des
terres nobles.
Les immunités des commenfaux tendent à leur
procurer une forte de nobleffe perfonnelle , en
les admettant à tous les avantages dont les nobles
jouiffent dans l’état, Mais on ne réputé véritablement
commenfal, que celui qui eft compris
dans l’état de la maifon du roi , qui a gages ?
bouche ôc livrée à la cour , ôc qui fert près 11a perfonne du prince.
Les officiers , Amplement domeftiques , qui n’ont
point bouche à la cour, ou qui ne fervent point
I près la perfonne du prince > tels que les officiers