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la limite des provinc.es du Maine > de l ’Anjou &
de la Normandie, 8ç dans l’Auvergne , la Marche
& le Poitou , limitrophes du pays de grandes
gabelles ; ce font des magafins dans lefquels les
marchands de fel font tenus de renfermer cette
denrée pour y relier dçpofée fous la clef du commis.
du fermier ; mais comme il fe trouve une
grande différence pour la fi tua don 8c la régie de
ces dépôts, nous diviferons en deux feélions tout
ce qui peut y avoir rapport.
La première aura , pour ob jet, les dépôts des
provinces rédimées.' ,
L a fécondé , les dépôts de la province de
Bretagne,
D É rO T S DES PROVINCES REDIMEES. Ces
dépôts ou magafins font établis dans les cinq
lieues des! provinces fi tuées au fud du pays de
grandes gabelles , 8c qui font appellées rédimées,
parce qu’elles ont eu la permiffion de fe racheter
anciennement des gabelles.
Ce font le Poitou , la Marche , la Combraille
& l’Auvergne. Il eût é té , fans doute, à defirer
que dans toutes les provinces exemptes de gabelles
ou privilégiées , on eût pu 'établir fur.
leurs limites , du côté des pays où cette imposition
a lieu , une police uniforme , puifque fa fin
eft par-tout d’empêcher le faux-faunage, & de
conferver les produits de cette ferme , qui eft
d’une grande confidération dans les revenus du roi.
Mais la différence qui exiite dans lçs privilèges
de ces provinces, a force de varier .çette
police , 8ç tous les moyens confervatoires , que
l ’on a jugés propres à concourir au but propofé.
Ainfi dans l’Artois , le Haynaut., le Cambrefïs 8c
le Boulonnois qui avoifinent le pays de gabelles
au nord, la police n’eft pas la même que dans la
Bretagne, qui confine le même pays à l’oueft ;
ce qui fe pratique dans cette derniere province,
çft étranger aux provinces du fud, dont il s’agit
’dans cet article ; tandis qu’en Franche-Comté &
dans les trois évêchés qui font à l ’eft, on pratique
des moyens particuliers que l?on fera con-
jioître à l’article fali nés.
Nous devons indiquer ici la marche que nous
allons fuivre, pour donner des notions auffi exactes
que précifes , des dépôts des provinces rédimées ,
afin d’ en former un traité complet.
Nous commencerons par des détails hiftori-
quçs fur la condition 4? ces provinces, relative-»
inent aux gabelles.
Nous parlerons enfuite de l ’ètablîflement des
dépôts , de leur approvifionnement, de la diftri-
bution de fel qui s’y fait , des formalités auxquelles
cette diftriôution eft fourni fe , 8c enfin,
des précautions établies contre les abus, 'avec
^indication des moyens judiciaires pour réprimer
feux qui ont Heu. ' # !
A répo^uç OÙ les jtqîs de France imposèrent 1
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des droits fur le fe l , non-feulement le royaume
n’étoit pas auffi étendu qu’il l’eft aujourd’hui ;
mais il ne comprenoit pas, en entier, les provinces
qui forment ce qu’on appelle Le pays de grandes
gabelles.- •
Les rois d’Angleterre , avec le titre de duc
d’Aquitaine , poffédoient la Guyenne, le P oitou,
l’Angoumois , la Saintonge , le Périgord , le L i -
mofin , la Marche 8c la majeure partie des autres
provinces qui forment le pays rédimé.
Ces fouverains, à l’exemple des rois de F rance,
avoient également cherché dans un impôt fur le
f e l , des reflources pour fubvenir aux frais de la
guerre, qui malheureufemenc fembloit alors être
un élément néceffaire à tous les princes. Ainfi ,
lorfque toute cette portion du royaume rentra fous
la domination de fes* anciens maîtres , elle étoit
déjà foumife à des droits de gabelles ; mais ces
droits , qui avoient été uniformément fixés en
France au quart du prix du fel acheté fur les
marais , n’étoient pas les mêmes dans les états
du duc d’Aquitaine. Une partie payoit le cinquième
, une autre payoit le quart.
Çec état des cnofes fubfifta quelque fems , 8c
l ’on en trouve la preuve dans l’édit de i ƒ37. U
ordonne que le droit de quart, déjà fixé dans les
provinces de l ’ancienne France, à trente livres tournois
par muid , fera porté à quarante-cinq livres ,
afin de pourvoir à l’acquittement des gages des
cours fouveraines & des préfîdiaux ; St que ^dans
les provinces où ce droit çontinuoit d’être levé fur
le pied du quart ou du quint, il y feroit ajouté
un demi-quart ou un demi-quint.
L ’article 16 de l’édit du mois de juin 15*41 >
apporta du changement à ces difpofitions , St donna
une première atteinte au privilège des provinces
réunies à la couronne. I l ordonna que tout le fel
vendu à la deftination du pays de Poitou , Saintonge
& Aunis , paiçroit comptant fur le marais
, le quart de fon prix pour droit de gabelle,
8c qu’enfuite il feroit encore perçu fur les lieux
où le fel feroit vendu, le quart du prix de fa re*
vente, avec le demif-quart de crue établi en 15* $7,
pqur le paiement des gages des cours fouveraines
8c préfidiaux.
L ’article 2.7 , ajoute que CeS droits continue»
roient à être perçus à raifon de quarante-cinq
livres tournois par muid dans les lieux où ils
avoient été fixés fur.ee pied en 15*37 ; ce qui
laifla fubfifter une différence entre la quotité des
droits levés dans l’ancienne France, 8c celle des
droits perçus dans les provinces dont les rois
d’Angleterre avoient été dépouillés.
Cette diverfité d’impofition engendroitla fraude;
on crut y remédier en fubftituant, en 15*42., aux
perceptions ordonnées en 15*41 > un uni -
forme de vingt-quatre livres tournois par muid
de fel , payable à Pinftant de la vente ^ fur les
falines 8c marais de Bretagne, Poitou, Saintonge^
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fcays & gouvernement d’A unis , de la Guyenne ,
de la Picardie, Normandie , du Languedoc 8c
Dauphiné , de la Provence 8c autres provinces 8c
endroits du royaume. Mais on reconnut que le
paiement de ce droit, caufant un renchérifleroent
fur la valeur naturelle du fel , empechoit les étrangers
d’en acheter. En conféquence , l ’édit du
mois de mai 15*43 , réduifit à vingt fols , le droit
de vingt-quatre livres par muid de fel enlevé
fur les marais falans , 8c rétablit celui de quarante
cinq livres tournois , par muid, fur tout
le fel qui feroit porté dans l’intérieur du royaume ,
l ’argent à treize livres un fol trois deniers le
mare. Mais ce règlement exempta formellement
de ce dernier d ro it, tout le fel enlevé par les
étrangers , ainfi que par les pêcheurs de Bretagne,
Poitou , Saintonge , pays d’Aunis , Guyenne,
Picardie 8c. Normandie , pour la falaifon des
poiffons de leur pêche, 8c encore le fel que les
habitans de la province de Bretagne confomme-
roiént pour leur ufage.
D ’après cet éd it, il exiftoit donc deux droits
de gabelles ; l’ un de vingt fols par muid dû par
le propriétaire du marais qui vendoit le fel ,
quelle qu’en fût la deftination ; l’autre de qua-
xante-cinq livres auffi par muid , payable par l’acheteur
au moment de l’enlevement. Les marchands
ayant repréfenté qu’ils ne pouvoient fatisfaire à
cette obligation, fans fe jeter dans des avances
très-eonfîdérables ; l’édit de juillet 15*44 » i eur
permit de ne payer que le droit qui excitoit leurs
réclamations , qu’à mefure qu’ils auroient vendu
dans le royaume, les fels enlevés des marais.
Mais pour afïiirer, en même tems , ce paiement,
il fut enjoint aux officiers des juridictions
établies pour les marais falans, d’adreffer chaque
année aux généraux des gabelles , des états
de toutes les quantités de fels 'envoyés dans leur
département refpeélif ; 1 8c aux propriétaires des
marais, de tenir des regiftres exaéls des fels qu’ils
vendoient, & d’envoyer auffi chaque année, ces
regiftres aux chambres des comptes. En confîdé-
ration de ce travail, ils furent difpenfés du paiement
du droit de vingt fols par muid , impofé
par l’édit de 1743.
Ce même édit de 15*44, preferit encore l ’é-
tabliffement de magafins, tant dans les lieux où il
étoit d’ufage d’avoir des greniers , que dans le
pays de Poitou, d’Anjou 8c Saintonge, lieux où
il n’en avoit pas encore été établis ; & dans le
Limofin , l ’Angoumois, le Périgord, l’Auvergne ,
la Champagne, la Bourgogne , 8c dans tous les
endroits que lès commiffaires , à ce prépôfés, ju-
geroient convenables.
Il maintient auffi, par l’article 33 , l’établifFe-
ment des magafins où le fel fe délivroit, par impôt
, fur les limites de la Bretagne , de l ’Anjou,
du Maine , Poitou, de la Saintonge 8c de la
Guyenne , 8c preferic d’établir eu Picardie 8c
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Normandie, de femblables magafins , où les habitans
des paroifl'es fituées dans les fix lieues voi»
fines de la mer 8c de l’embouchure des rivières ,
feroient également tenus de prendre du fel par
impôt*. -
- Les difpofitions de cet édit n’eurent qu’une
lente exécution , 8c rencontrèrent les plus vives
oppofitions dans la Guyenne 8c dans les provinces
voi fines. En 15*48, les peuples fe foulevèrenc
à la vue des officiers envoyés par le roi , pour,
veiller à la perception de l ’impôt des gabelles ;
8c plufîeurs de ces officiers payèrent cfe leur vie ,
le zèle de leur miffion. Le Poitou, la Saintonge ,
l ’Angoumois , le Limofin 8c la Guyenne, fur-tout
Bordeaux, furent le théâtre des plus affreux dé~
fordres.
On peut voir à l’article comptablie , que, fuî-
vant la tradition , il a exifté des dépôts à fel
ou gfeniers-, ,en plufîeurs villes de la Guyenne ,
plus d’un fiecle avant l’époque dont il s’agit ic i.
Le lieutenant général qui commandoit en
Guyerine, en l’abfence du roi de Navarre, alors
gouyerneur de ces provinces., fut affaffiné à Bordeaux,
le 'z r août, par la populace qu’il cher-
choit à calmer. Henri II , qui regnoit alors, fut
obligé d’y envoyer une armée fous le commandement
du connétable de Montmorenci.
Les provinces r é v o l t é e s & la ville de Bordeaux
particuliérement , furent traitées avec fé -
vérité par le Général ; mais l’épuifement des
finances, 8c le penchant de Henri II , à préférer
les moyens de douceur,aux moyens de violence,
difpoferentx ce prince à écouter favorablement les
repréfentations^que les provinces de Poitou ,
Saintonge , Limofin , Angoumois , haute 8c baffe
Marche , lui adrefferent, fur le préjudice que leur
caufoit l ’établiffement des greniers à fel & des
juridictions , fait par les édits en 15*43 & 15*44.
Ce monarque nomma , en conféquence , le général
des finances du Languedoc, 8c le contrôleur
général des. gabelles , pour recevoir les offres
que faifoient ces provinces^ 8c lui en rendre
compte. Ces offres confîftoient à payer deux cents
mille écus d’or au foleil , valant quatre cents 8c
cinquante mille livres tournois , ( l’argent alors
à quatorze livres onze fols huit deniers le marc)
8c à donner annuellement une fomme de quatre-
vingt mille livres tournois, pour tenir lieu du
droit de quart 8c demi-quart de la valeur du fel
impofé anciennement, 8c enfin, à rembourfer aux
officiers des gabelles, ce qu’ils avoient paye pour
leurs offices, fuivant leurs quittances.
L ’édit du mois de feptembre 15*49 , par lequel
ces offres furent acceptées , ordonna quelles gens
du tiers-état payeroient les deux tiers de là fomme
propofée, 8c que l’autre tiers feroit fourni p ar le
clergé 8c la nobleffe réunis enfemble. Les états
de ces provinces furent àutorifés ou à donner à
ferme le droit de-quart 8c demi-quart, à compter 1