
» de ce principe , rien de plus jufte que de rem-
» bourfer les titulaires fur le pied de la première
» finance ; c’ eft ce que l’on propofa ; mais deux
» projets différents furent préfentés pour faire
» ce rembourfement.
» Une compagnie de traitans s’offrit de rem-
» bourfer d’année en année , la première finance
» des offices , à condition qu’ils pourroient les
» faire exercer pendant douze ans , par un nombre
» fuffifant de perfonnes , ôc qu’ils jouiroienr pen-
» dant ce tems, de tous les gages , de toutes les
» attributions de droits ôc taxations appartenans
» aux charges fupprimées , & en outre , qu’on
» rétabliroit, en leur faveur, les cinquante fols
» diminués par chaque minot de f e l , pour en
» jouir pendant douze ans.
» Ces propofîtions furent difcutées aux états,
» •& rejetées par le tiers-ordre, comme fufpeétes,
» & pouvant ouvrir la porte à une infinité de
» vexations de la part des traitans. Il repréfenta
y> qu’il convenoit mieux que le roi eût feul le
a» profit de ce rembourfement, que les fommes
» étoient trop fortes pour les particuliers, puif-
» que la valeur des charges étoit de deux cents
» millions.
» On ne s’accorda guere mieux fur le fécond
» p ro je t, qui étoit de faire rembourfer la moitié
» des charges-9 par les titulaires anciens , fur le
» pied de la finance , fans néanmoins aucune
» augmentation de gages.
» L e tiers-ordre trouvoit ïnjufte, qu’un homme
» dont prefque tout lé bien étoit entré dans I’ac-
» quifîtion d’une charge , au prix courant , en
» fut dépoffédé au moyen d’un léger rembour-
» fement.
» C ’eft ainfi que chacun parle du bien , fans
» le vouloir véritablement ; on trouve des facri-
» ficateurs , mais point de viélimesqui fe dévouent
» à la patrie. C ’eût pourtant été un grand bon-
as heur , que le prince eût pris fur lu i , de comas
mettre cette prétendue injulxice , ne fût-ce que 3? pour dégoûter la nation de cette manie,, des
» charges , vrai tombeau de la population, de
» l’induftrie ÔC des finances.
» Lorfqu’on voudra introduire cette réforme fi
» néceflaire, il eft un moyen toujours affuré d’y
» arriver” avec Je tems, en n’admettant point au
» paiement du centième denier annuel des charges
» qu’on voudroit fupprimer , & dans un certain
» nombre d’années , elles feront, la plupart, ren-
53 trées aux parties cafuelles » .
En 16 17 , une afiemblée des notables fut convoquée
à Rouen , pour délibérer fur les moyens
de redonner de la vie & du mouvement au commerce.
ce II y fut queftion encore de l’hérédité
» ôc de la vénalité des charges. L a propofîtion du
» roi à ce fujet eft remarquable. Elle porto que
» la plus utile réformation qui fe puifife apporter
» à l’éta t, eft-la rédudion Ôc la fuppreffion des
” charges , d’ en ôter la vénalité, par la multitude
a» defquels* officiers , les peuples font divertis de
» la marchandife , du labourage ôc autres aélions
33 utiles à l’é ta t , pour s’affainéantir en des charges
33 la plupart inutiles, ou y rechercher de l’exer-
» cice , en mangeant Ôc dévorant le peuple.,
33 Le roijremarquoit que cet abus ne pouvoi't
33 être réformé fans un grand fond , pour fuppléer
33 aux parties cafuelles. Mais l’ affemblée ne trouva
33 point d’expédiens propres à féconder l’exécu-
33 tion de tes vues 33.
11^réfulte de ce qui vient d’être d i t , que la
multiplicité des charges inutiles , eft vraiment un
malheur pour l ’état , parce qu’il n’en eft aucune
à laquelle il ne foit attaché des attributions, des
droits qui fe. lèvent fur le peuple ; mais que la
vénalité & l ’hérédité des charges néceffaires pour
rendre la juftice ÔC maintenir l’ordre public, fi
elles ont des inconvénient , ont auffi des avantages
qui , tout confidéré, emportent la balance.
CHARGES PUBLIQUES. On doit prévenir
i c i , que tout cet article eft tiré de l’édition in-40.
de l’encyclopédie de 1778 , dans laquelle il eft
donné fous le nom de M . Boullanger , ingénieur
des ponts ôc chauffées, auteur de plufieurs ouvrages
eftimés, mort des fuites de fon amour exceffif
pour les lettres, ôc de fon acharnement à l’ étude.
Nous parlerons aux articles refpeélifs , des
charges publiques & impofitions Nous nous contenterons
, dans celui-ci , de faire connoître celle
qu’on appelle vingtième.
Dans cette acception particulière, ce mot exprime
une portion de revenu que tous les citoyens
donnent à l’état, pour ces befoins publics, ôc dont
la quotité eft déterminée par fa propre dénomination.
Cette maniéré de contribuer aux charges de la
fociété eft fort ancienne ; elle a plus de rapport
qu’aucune autre à la nature des obligations contractées
envers elle par les citoyens : elle eft aufïi
la plus jufte, la moins fufceptiblc d’arbitraire ôc
d’abus.
I l paroît, au rapport de Plutarque, que c ’eft
ainfi que les Perfes affeyoientles impôts. Darius,
père de X ercè s , d it- il, ayant fixé les fommes que
les peuples dévoient payer fur leurs revenus, fit
affembler les principaux habitans de chaque province,
ôc leur demanda fi ces fommes n’étoient
point trop fortes ; moyennement, répondirent-ils.
Auflî-tôt le prince en retrancha la moitié. Les
peuples feroient heureux fi le prince règloit ainfi
fes befoins fur. les leurs.
Les tributs fe levoient , à Athènes, dans la
proportion du produit des terres ; le peuple étoit
divifé en quatre claffes. La première, compofée
des pentacofiomédifmnes, qui jouiffoient d’un revenu
de cinq cents mefures' de fruits liquides ou fecs,
ôc payoient un talent,
Ceux de la fécondé claffe , nommés chevaliers,
qui n’avoient que trois cents mefures de revenu ,-
payoient un demi-talent.
Les zeugites, qui formoient la troifîeme dalle ,
& qui ne polfédoient que deux cents mefures de
revenu , donnoient dix mines , ou la lixieme partie
d’un talent.
Enfin les tketes, qui avoient moins que deux
cents mefures de revenu , ôc qui compefoient la
quatrième clalfe , ne payoient rien. ‘ t ,
La proportion de ces taxes entre elles n étoit
pas , comme on le v o i t , dans le rapport des revenus
entre e u x , mais dans celui de ce qui doit
relier de franc au contribuable pour fa fubfiftance,
& cette portion exempte etoit eftimée la même
pour tous. On ne penfoit pas alors que pour etre
plus riche on eût plus de befoins ; il n’y avoit que
le fuperflu qui fût taxé.
A Sparte , où tout étoit commun, où tous les
biens appartenoient à tous, où le peuple , ôc non
pas fes officiers , étoit l’état , ôc ne payoit per-
fonne pour le gouverner ni pour le défendre , il
ne falloit point d’impôts ; ils auroient été fuper-
flus ôc impoffibles à lever : les métaux précieux tn
étoient proferits , ôc avec eux l’ayarice qu’ils
produifent , ÔC les diftenfîons qu’elle entraîne.
Tant que la pauvreté gouverna Sparte , Sparte
gouverna les nations : les plus opulentes y ve-
noient chercher des légiflateurs.
Jufqu’à Conftantin , qu’on appelle le grand, les
tributs, dans l’empire romain , confifterent principalement
dans des. taxes fur les fonds : elles
étoient fixées au dixième ôc au huitième du produit
des terres labourables , ôc au cinquième de celui
des arbres fruitiers, des beftiaux , &c. On levoit
encore d’autres contributions en nature, en grains,
ôc en toutes fortes de denrées que les peuples
étoient- obligés de fournir , indépendamment des
taxes en argent qui fe nommoient daces.
Dans prefque tous les gouvernemens aéluels de
l ’Europe , ôc principalement dans ceux qui font
agricoles, la plus grande partie des impôts eft
également affedtée fur les terres. L ’ufage de les
lever par vingtième du produit, fubfilte encore
en A r tois , en Flandre , dans le Brabant, ÔC il
paroît qu’il a lieu de même dans la plupart des
provinces qui compofoient autrefois l ’ancien duché
de Bourgogne. On y paie un , deux, trois ,
quatre , ôc jufqu’à cinq vingtièmes, fuivant que
les befoins ÔC la volonté du fouverain l’exigent.
En France , il y a des impôts de toutes les
efpèces: fur les terres, fur les perfonnes , fur les
denrées ôc les marchandifes de confommation, fur
l ’induftrie , fur les rivières, fur les chemins, ôc
fur la liberté de les pratiquer. On y perçoit auffi
le vingtième , ou les vingtièmes des revenus des
citoyens -^ces impofitions n’y font établies que par
extraordinaire ; elles étoient inconnues avant
1710. Louis X IV ordonna le premier la levée
du dixième , avec celle de la capitation , qui n’a
point été fupprimée depuis. L e dixième l ’a été
après la derniere guerre que ce prince eut à fou-
tenir. Soirs la régence du duc d’Orléans, on voulut
le remplacer par le cinquantième, qui n’a point
duré. En 1735,0c à toutes les guerres fui vantes ,
le dixième a toujours été rétabli Ôc fupprimé.
Enfin, en 1770 , le vingtième y fut fubftitué pour
l’acquittement des dettes de l’ éta t, ôc i l en a été
levé jufqu’ à trois pendant la guerre commencée
en 177<5, entre cette couronne ôc l ’Angleterre.
En traitant de cet impôt, je me fuis propofé
d’entrer dans quelques détails fur la nature ôc
l ’obligation des charges publiques. Il eft peu de
matière plus importante que cette partie de l ’ad-
miniftration politique. Ce n’eft pas pour la multitude.
Le peuple n’y voit que la néceftîté de payer ;
l’homme d’é ta t , que le produit; le financier, que
le bénéfice. Le philofophe y voir la caufe de la
profpérité ou de la ruine des empires , celle de la
liberté ou de l’efclavage des citoyens ,,.de leur
bonheur ou de leur mifere. Il n’ eft point d’objet
plus intéreflant pour lu i, parce qu’ il n’ en eft point
de fi prochain de l’humanité, ôc qu’ il ne peut
être indifférent fur tout ce qui le touche de fi
près.
Avant que d’examiner ces diverfes fortes de
tributs ou de droits qui font en ufage, ôc de développer
les inconvéniens ou les avantages qui
réfultent de leurs différentes natures, ÔC des diverfes
maniérés de les lever , je montrerai,
i° . Que les charges publiques font d’autant plus
juftes ôc d’autant plus légitimes , qu’elles font fondées
fur les Conventions fociales , ôc que l’ex if-
tence ôc la confervation des fociétés en dépendent.
20. Qu’ elles font un tribut que lui doivent tous
les citoyens, des avantages dont ils jouiffent fous
fa proteélion.
3°. Qu’elles ont pour objet le bien général de
la république , ÔC. le bien individuel de chacun de
ceux qui la compofent.
40. Que ne pouvant fe gouverner par elle-
même , la fociété a befoin d’une puiffance toujours
-aéiive, qui la repréfente, qui réuniffe toutes fes
forces ôc la mette en mouvement pour fon utilité;
que cette puiffance eft le gouvernement, Ôc que
chaque citoyen , en lui fourniftant la contribution
particulière des forces qu’il doit à la foc iété, ne
fait que s’acquitter de fes obligations, envers elle
ôc envers lui-même.
7°. Enfin , que la fociété ou le gouvernement
qui la repréfente, a droit d’exiger en fon nom
certe contribution ; mais que fa mefure doit être
l’utilité publique ôc le plus grand bien des particuliers
, fans qu’elle puiffe être excédée, fous aucun
prétexte légitime.
I. Il en eft du paffage des hommes de l ’état de
nature à l’état c iv il , comme de leur extraélion du
néant a Pexiftence ; c’eft la chofe du monde dont
on parle le plus Ôc qu’on entend le moins. C*