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merce , qui, dans la conftitution aifluelle des eofpl
politiques, fait coure leur force , c’eft de prendre
la régie de fes douanes.
Auflî des écrivains , non moins célcbres par de
grands talens , que par le zèle dë la patrie, ont
déjà formé les mêmes voeux pour cette heureufe
innovation.
« La régie , dit M. de Montefquieu, eft l’ad-
» miniftration d’un bon pere de famille , qui levé
» lui-même avec économie & avec ordre fes reve-
» nus. Par la régie , le prince eft le maître de
» preffer , adoucir , 8c retarder la levée des tri-
» buts.... Par la régie , le prince épargne aux
35 peuples une infinité de mauvaifes loix , qu’exige
33 toujours de lui l’avarice importune des fermiers , 33 qui montrent un avantage préfent dans des règle-
33 mens funeftes pour l’avenir.... Les Etats les plus
s» malheureux font ceux où le prince donne à
* ferme fes ports de mer , Ôc fes villes de. com-
30 merce....
33 II eft quelquefois utile de commencer par don-
35 ner à ferme un droit nouvellement impofé ; mais
33 le fyftême de la levée étant une fois établi par
33 un fermier x on peut avec fuçcès le mettre en
régie. 33
Tout le dix-neuvieme chapitre tend à prouver
*jue le commerce eft détruit par les douanes, quand
•elles font affermées ; qu’au contraire il eft flo-
ïiffant,' fi elles font en régie. Tome z , page- zy
& 28 , .édition in-12.
Le baron de Biefeld montre la même opinion
dans fes inftitutions politiques. « La régie des
33 douanes , dit cet honnête écrivain , eft bien
co plus avantageufe que leur ferme ; parce que ,
3» dans ce dernier cas , on met entre les mains
du fermier une trop grande portion du pouvoir
33 fouverain. Par la ferme, les peuples font aban-
30 donnés à la dureté affez naturelle des fermiers;
si au lieu que parla régie, le prince conferve la
33 faculté d’exercer fa clémence dans l’occafîon ,
33 en pardonnant à l’ignorance ou à l’oubli des .
as formes. ( Tome z. paragraphe 28. in-12. 33 )
L ’auteur des Recherches & considérations furies
finances dit auflî , en parlant du grand Colbert ;
«c II eft.furprenant qu’un miniftre .auflî clairvoyant,
a» & auflî bien intentionné pour le commerce ,
33 n’ait pas mis en régie, non pas les fermes , mais
a* les droits de traites ; car , fans cela , jamais le
» législateur n’eft le maître de la fortune du com-
» merce de fon Etat. »
Il faut en effet que la régie des douanes préfente
erj elle-même de grands avantages , puifque
la plus grande partie des Etats de l’Europe, dans
ceux où les intérêts du commerce font le mieux
fentis, cette régie fe fait par la puiffance publique.
Tel eft le fyftême de l’Angleterre , de la Hollande
, de l’Efpagne, de Venife, des royaumes
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de Naples , de Pruffe ôc de Sardaigne > de l’Etat
eccléfiaftique , &c. V~oye^ la collection imprimée
au Louvre des mémoires fur les droits & les f/72-
pofilions établis en dijférens Etats de L'Europe.
Cet exemple eft d’autant plus facile à fuivre
en France, que tous les établilfemens propres à
aflurér la perception des droits de ce genre , à
écarter les abus-,. à les diriger vers leur but r
ont été faits , examinés ôc perfectionnés, fur-tout
depuis, trente ans , que le-gouvernement s’eft fans
ceffe occupé de la profpérité du commerce ôc desprogrès
de l’induftrie.
Loin d’être arrêté par la crainte de voir diminuer
les revenus du ro i, on doit au contraire
être excité par la réflexion, que le commerce gagnera
fûrement à une régie ; ne fût-ce qu’en obtenant
dés faveurs, au moment même où les cir—
conftances en offriront l’occafion.
On a Inexpérience que la réduClion des droits
fur une branche importante de commerce, ne caufe
pas toujours de la diminution fur la maffe des
produits. Une déclaration du 15 février 17179
ayant fupprimé les quatre fols pour livre , établis
en 1704 & 1707 , dont le produit étoit eftimé
fept à huit millions ; ceux de fa ferme générale
ne diminuèrent cependant que de quinze cents mille
la première année ; il n’y eut plus de différence
la fécondé. Recherches fur les finances, tom. 6 , p. 14.
En i77y , les droits d’entrée de Paris fur là
morue fraîche ont été réduits à moitié ; la répétition
de ces droits modérés a compenfé fi avan-
tageufement la diminution de leur quotité , après
quelques années , qu’il en eft réfulré une augmentation
fur la fomme annuelle de leur produit.
Toutes les fois que l’Etat pourra faire quelques
facrifices, ils tourneront immédiatement au profit
de l’E tat, parce que fa force Ôc fa puiffance s’opèrent
naturellement par l’aClivité ôc l ’étendue du
commerce.
Si pourtant on pou voit craindre que , dans
l’Arrangement atftuel des fermes , où les employés
des parties des gabelles 6c du tabac font en même
teins le fer vice néceffaire pour la confervation des
droits des traites , leur concours à cet égard ne
devînt pas plus lent, ou moins attentif, parce qu’ils
accorderoient la préférence au travail qui, inté-
refferoit plus particuliérement leurs commettans ,
on pourroit aiguillonner leur vigilance , en dou-,
blant la.portion dont ils ont joui, dans les faifîes
en macère de droits de douane.
Mais auflî , pour tempérer les excès auxquels
l’avidité pourroit porter , les eommiffaires ou inf-
pedleurs généraux des douanes , nommés par le
gouvernement, veilleroient à l’exécution des rè-
glemens, & à réprimer les abus de toute efpèce.
Uniquement dépendans du miniftre des finances *
ils s’occuperoient fous fes ordres , de tout ce qu^
intéreffe les différentes branches d’induftrie ôc de-
commerce , établies dans leur département rg£*t
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peéfrf du fiord ôc du midi , en recherchant fans
ceffe s’il n’en eft aucune qui fouffVe par la forme
ou par le fond de la perception ; ils conféreroient à
cet effet avec les chambres de commerce, & concerteraient
les moyens de redonner de la vigueur
aux parties languiffantes.
Le traducteur François de Jofias Ghild paroît
fouhaiter en France , avec raifon , dit M. de For-
bonnais , Pétabliffcment qui a lieu en Angleterre, ôc
dans tous les Etats où les douanes font en régie
mais il faudroit, obferve ce dernier, que ce fût un
.pofte -entre le douanier ôc le négociant. Combien
n’-cût-ijl pas épargné au commerce de troubles ôc
d’-obftaclés , dont la connoiffance a été dérobée au
miniftre, ôc dont les détails longs ôc pénibles ne lui
permettent pas même toujours de fe former une idée
exaéte ! Recherches & confidérations fur les finances ,
tome j , page 204,
Les tarifs des droits de traites devroient fur-
tout attirer*l’attention de ces infpeCteurs ; il n’en
eft pas un feul dans l’exécution duquel il ne fe
foit introduit des défordres 6c des vices. Cette
obfervation a fi fouvent frappé le gouvernement,
qu’on l’a vu cinq fois , en moins d’un lîècle ,
annoncer , comme on-l’a dit ci-devant, le projet
de les réformer»
Soit que cette attention bienfaïfante ait été détournée
par des circonftances particulières, foit
que l’occafion de réalifer un projet auflî utile ait
toujours manqué , il eft certain qu’aux anciens
vices des tarifs , il s’en eft joint de nouveaux ,
nés de l’ignorance ou de l ’avidité des commis ,
ou encore de leur inattention à fuivre littéralement
les termes des tarifs , 6c de leur complaifarice à
admettre des diftinCUons de qualités 6c de prix ,
lorfqu’une feule efpèce , un feul genre , font dénommés
, fans acception des variétés que cette
efpèce ou ce genre comportent.
Des méthodes auflî arbitraires ont fait difpa-
roîfre l’unité 6c l’uniformité de perception, inhérentes
au même droit, ôc fi néceffaires pour main-
-tenir l’égalité de traitement, due à tous les com-
merçans dans l’efpace embraffé par le même droit.
Ce.tte altération dans la forme 6c dans le fond
des tarifs eft portée à un tel point , fur-tout dans
celui de la douane de Lyon , auquel il n’a pas
été touché depuis 146 ans , qu’il n’y a peut-être
pas deux bureaux où la perception foit la même.
Voyci D ouane de L yon..
Une refonte générale des droits a donc paru
néceffaire depuis long-tems , pour corriger toutes
les difformités des tarifs qui exiftent ; mais on a
voulu donner à cette opération , très - fimple en
elle-même , des effets plus compliqués, en tentant
de les étendre fur le royaume entier, 6c remplaçant
tous les droits particuliers par un 'droit général
6c unique. •
A juger de ce plan, par ce qui en a été publié,
fon exécution feroit très-utile , 6c il n’eft:
point d’ami du commerce ôc du bien public . qui
ne la defire avec ardeur. Cependant , s’il eft permis
de mêler de petites réflexions aux grandes
vues qui ont dirigé ce travail ; on pfera dire que
ces vues paroiffent tropgénéralifées, que cetteunité
de perception établie au nord 6c au midi'fur les mêmes
objets, eft au moins hafardée, fi elle n’eft: pas fu-
nefte à quelques branches d’un trafic local , 6c
d’un commerce de fécondé main , ou de réexportation.
Eft-il bien jufte , par exemple , que des drogueries
ou épiceries , qui viennent de l’Italie ou
dù Levant par la Méditerranée , acquittent en
Picardie les mêmes droits qu’en Provence , ou que
des fers, des huiles de poiffon , fi néceffaires à la
préparation des cuirs , 6c venues du Nord , repaient
pas plus en Normandie qu’en Languedoc ?
Les bons vins de Languedoc 6c de Guyenne ne
doivent-ils payer à leur exportation , que les-
mêmes droits que les vins médiocres de Franche-
Comté enlevés par les Suiffes ?
Le tarif de 1664 , quoique reftreint à la moitié
ou à peu près du royaume, eft: établi fur des combinai
fons différentes ôc plus détaillées. Il défend
une proyihee de ce qui peut lui être plus particuliérement
nuifible'qu’aux autres , 6c de même
favorifé fes exportations locales. Ainfi , des morues
, foit vertes , foitfeches , font impofées à
l’entrée de la Normandie , à un droit deux fois
plus fort qu’à l’entrée des autres provinces des
cinq groffes fermes ; parce que la Normandie , la
feule où il y eût alors des pêcheries , auroit
reçu plus de préjudice de cette importation , que
les autres provinces, dans lefquelles néanmoins
l’abondance de cette denrée étoit à defirer.
Pour faciliter la fortie par terre des vins de toute
efpèce , en Champagne 6c en Bourgogne , dont
ils'font la richeffe principale , ils y font moins
impofés qu’à la fortie des autres provinces.
Les olives , les fruits fecs d’Efpagne , de Gènes,
fortant du royaume par les cinq groffes fermes
, ne paient que douze fols du quintal , afin
d’en faciliter la réexportation.
Un droit général, niais non pas uniforme, fe»
ro it, on le répété, très - utile ? Mais n’eft-ce
pas donner beaucoup au hafard , que de prétendre'l’établir
tont d’un coup ? L ’Etat ne fera-t-il
pas expofé à une crife violente, qui peut anéantir
une portion de fes revenus ? Ne rifque-t-oiv
pas enfin de ruiner plufieurs provinces, fans èfro-
fûr de la profpérité du commerce général ? II.
faudroit avoir examiné le nouveau ta r if, 6c fes
rapporrs avec toutes les perceptions établies, pour
répondre fur ces trois propofitions.
On conçoit que l’exécution d’un projet aufïï
vafte 8c auflî étendu dans fes conféquences , que
le tarif unique , femble devoir être amené i»-