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leur étoienf ducs , ou enfin à payer des remifes
aux perfonnes qui fuivoient la rentrée de leurs
fonds.
Que ces marchands, au contraire , allurés par
cette caijfe de recevoir comptant, Ôc fans aucun
retardement , le prix de leurs marchandifes , ne
font plus expofés à aucun de ces' inconvéniens.
Que les bouchers étant fouvent forcés d’emprunter
à de gros intérêts, pour faire honneur à
leurs engagemens , i l en réfultoit des banqueroutes
fréquentes, ôc plufieurs autres inconvéniens , au
lieu que d’après l’établiffement de la caijfe, des
bouchers intélligens ôc rangés font fans aucune
inquiétude, ôc qu*enfin le public fe trouve toujours
convenablement approvifionné , ôc qu’il n’ell fu’jet
ni au caprice , ni à l’avidité du boucher pour le
prix de la viande.
C ’eft le magiftrat qui veille à la police de P a r is ,
qui règle le tems des crédit^ , ôc défigne ceux
des bouchers auxquels ils doivent être faits; car
quoique le délai foit fix é, par la déclaration , à
trois femaines, il elt fouvent prorogé jufqu’ à cinq,
fept , huit femaines , ÔC même au-delà, fuivànt
que les circonftances Ôc la fureté de l’approvi-
fionnement exigent cette prolongation.
En 1776 , la caijfe de Poijfy fut confidérée fous
une face nouvelle , par M. T u rg o t, alors miniftre
des finances. Son zèle pour la liberté ne lui permit
pas de v o ir , avec indifférence , les gênes ôc les
entraves que cette caijfe mettoit au commerce
des beftiaux, Ôc à l’approvisionnement des bouchers.
En conféquence, un édit du mois de février de
la même année , ordonna, qu’à compter du premier
jour de carême, la caijfe ou bourfe des marchés de
Sceaux ôc de Poiffy , demeureroit fupprimée, fauf
l ’indemnité de l’adjudicataire des fermes-générales
, relativement aux fols pour livre compris
dans fon bail.
L e préambule d® cet édit porte , que le roi a
reconnu que cet établiffement étoit contradictoire
avec les effets qu’ on avoir paru s’en promettre ;
que le droit de fîx pour cent , qui augmentai t
d’environ quinze livres le prix de chaque boeuf,
ne pouvoit que renchérir la viande , au lieu d’en
modérer le prix , ôc diminuer en partie le profit
des cultivateurs qui élevent ôc engraiffent des beftiaux
; que d’ailleurs il étoit contre les principes
de toute juftice, que les bouchers riches , qui-pou-
voient payer comptant, fuffent néanmoins forcés
de payer l’intérêt d’une avance dont ils n’avoient
pas bèfoin, ôc que les bouchers moins aifés, auxquels
on refufoit ce crédit , lorfqu’on ne les
croyoit pas affez folvables , fuffent également
forcés de payer l’intérêt d’une avance qui ne leur
étoit pas faite ; que l’ édit de création de la caijfe
fixant à quinze jours l’époque où les bouchers
dcvoient s’acquiter envers l a ' caijfe , les fermiers
de cette caijfe pouyoienc les y contraindre par
corps,faute de paiement dans la troifieme femaine ;
de forte qu’il en réfultoit que l’avance effective
des fommes prêtées ne pouvoit jamais égaler le
douzième du prix total des ventes annuelles , ôç
que cependant l’intérêt en étoit payé comme fi
cette avance étoit faite dès le premier jour de
l’année ,_ÔC pour l’année complette.
Mais , pour fuppléer . en partie, à la diminution
des finances du roi,, dans la perte du fol pour
livre de la valeur des beftiaux vendus tant à
Poiffy qu’à Sceaux , pour i’approvifionnement de
Paris , il fût impofé aux entrées de cette ville ,
cent fols par chaque boeuf, trois livres dix fols
par chaque vache, Ôc ainfi à proportion fur les
veaux , les moutons, ôc fur la viande crue introduite
dans la ville.
Il fût en même tems permis aux bouchers ÔC aux
marchands forains qui amènent des beftiaux , de
faire entre-eux telles conventions qu’ils jugeroient
à propos j en ftipulant tel crédit que bon leur
fembleroit ; ôc à tous particuliers, de prêter leur
argent aux conditions qui feroient volontairement
acceptées par les bouchers qui jugeroient en avoir
befoin pour leur commerce.
Cette fuppreffion trouva en général plus de par-
tifans que de contradicteurs. Un écrivain très-
connu , fe livrant aux mouvemens d’un zèle ardent
pour le bien public , donna dans, le tome 2 des
Ephémérides, un mémoire dans lequel il établit
que la caijfe de Poijfy tiroit un intérêt de quatre-
vingt-douze pour, cent, par an , de l’argent qu’elle
prêtoit aux bouchers. C ’étoit démontrer viélo-
rieufement que la fuppreffion de cette caijfe , qui
venoit d’être ordonnée, étoit un bienfait du gouvernement.
Parmi les autres imputations dont ce mémoire
chargeoit les fermiers de la' caijfe de Poiffy , la
principale étoit qu’ils renchériffoient le prix de
la viande par une double manoeuvre.
ce i° . Comme ils ne dévoient jamais trouver le
» prix du Detail affez cher, ils faifoient refus de
» crédit au plus grand nombre de bouchers qu’il
» étoit poffible. Les marchands de b é ta il, effrayés
33 fur la folyabilité des bouchers diferédités, leur
33 vendoient plus cher , à caufe de la notoriété
33 de leur décadence. Quand il y avoit un grand
33 nombre de forts bouchers , dans ce cas , il en
33 réfultoit néceffairement un fürhauffement géné-
33 ral dans lé prix du bétail. Les fermiers trou-
33 voient ainfi deux profits dans cette opération.
33 Ils recevoient un plus fort droit, ôc ils avan-
33 çoient moins de fonds.,
3î 20. Si quelques bouchers étoient affez heureux >9 pour échapper au rembourfement du prix des
» beftiaux ; s’ils parvenoient, par leur induftrie,
»9 à découvrir des boeufs ôc des moutons à meilleur
33 marché qu’à Poiffy ôc à Sceaux , ils ne profi-
33 toient pas de ce bénéfice,*ni le public confomraateur.
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y> mateür. Sous prétexte d’ éviter la fraude , les
as fermiers s’étoient attribués le droit de taxer ces
>3 beftiaux , ôc même de les prendre pour leur
33 compte , s’ils îe jugeoient à propos , en rem-
» bourfant les bouchers.
a» s0. Depuis une fentence de police du 14 avril
» 17Ô9,.les marchands de beftiaux ôc les bouchers
» trouvés en fraude, étoient pourfuivis à la re-
a* quête du procureur du r o i , au lieu de l ’être
» par les fermiers , enforte qu’on ne pouvoit plus
03 obtenir contre-eux de dommages-intérêts , ni
aa de dépens, ôc qu’il valoit mieux céder à leurs
» demandes , que de fe défendre en juftice ré-
» glée 39.
A ce mémoire fuccéda- une réplique , qui fut
appuyée des titres les plus précis, par lefquels
la conduite des fermiers étoit juftifiée. Il refta démontré
que le détracteur , plus zélé qu’inftruit,
n’avoit pas recherché tous les rènfeignemens propres
à éclairer fon amour du bien public.
On avoit conclu de fes affertions, que l ’intérêt
de quatre-vingt-douze pour cent, tournoit tout
entier au profit des fermiers, ôc on avoit crié à
l ’ufure.
C e u x - c i expoferent que les avances qu’ ils
faifoient, devenoient un prêt établi pour compenfer
le malheur de l’impôt de fix pour cent, levé au
profit de l ’état ; que par fa gratuité ce prêt étoit
un bienfait du gouvernement ; que loin d’être lucratif
pour eux, c’étoit, au contraire , une charge
très-pefante , q u i, en les privant chaque jour de
leurs fonds, fans qu’ils en retiraffent le plus foible
intérêt, les expofoit à en perdre une p artie, ou
par des infolvabilités, ou par des faillites.
Ils ajoutèrent que dans le moment où la caijfe
de Poijfy avoit été détruite , ils étoient à découvert
de trois millions deux cènts foixau.c-un mille
quatre cents quatre-vingt-deux livres , dûes par
les bouchers, ôc dont le recouvrement étoit auffi
difficile qu’incertain.
Ils rapportèrent un extrait de la délibération de
leur compagnie, du 2 5 février , par. laquelle il
étoit conftaté que non-feulement les bouchers n’avoient
jamais payé d’intérêts pour les fommes qui
leur avoient été avancées , mais même pour les
retards confidérables dans lefquels ils s’étoient trouves
; que plufieurs d’entre-eux n’avoient acquité
leurs débets envers la caijfe y qu’au bout d’une,
deux , trois ÔC quatre années, ôc que quelques-uns y
dévoient encore depuis plus de vingt ans, fans
que les fermiers euffent jamais exigé aucun intérêt.
Us obfervoient enfuite, que le prix de leur bail
étant de fept cents cinquante mille livres , le droit
du fol pour livre , ôc des quatre fols pour livre ,
nç s’étoient élevés , pendant vingt années , qu’à
vingt-deux millions fîx cent vingt-fîx mille liv. :
ce qui donnoit une année commune de onze cents
trente-un mille livres ; qu’en déduifant outre le prix
du bail de fept cents cinquante mille livres / 1°. les
Finances• Tome ƒ.
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frais de régie de ccnt dix mille livres ; 2°. les
intérêts des fommes employées au fer vice de la
caijfe, fommes qui avoient monté annuellement
depuis.deux millions cent cinquante mille liv re s ,
jufqu’à trois millions fix cents mille livres; $°. les
pertes de quarante à' cinquante mille livres chaque
année , il fe trouvoit peu d’affaires de finance qui
fuffent auffi peu avantageufes.
Sur l ’article des trois manoeuvres ,.les fermiers
réppndoient: i° . Qu’il leur étoit impoffible d’augmenter
le prix des beftiaux; que les vendeurs Ôc
les acheteurs' jouiffoient, à cet égard , de toute
liber té, ÔC qu’elle n’auroit pu être gênée fans
exciter les plaintes de concuffîon les plus vives
ôc les mieux fondées : ce qui n’étoit jamais arrivé ;
qu’ils n’étoient point fes maîtres de fe refufer à
faire des avances pour les bouchers, puifque ce
n’étoit pas eux qui jugeoient de l ’infolvabilité de
ceux qui pouvoient être exceptés ; que le lieutenant
général de police, feu l, prononçoit fur ce
point avec connoiffance de caufe , ôc que d’après
fon jugement, les noms des bouchers auxquels il
pouvoit être fait refus d’ avances , étoient inferits
dans un tableau dé'pofé à chacun des bureaux de
Poiffy ôc de Sceaux.
20. Que jamais ils n’avoient ufurpé le droit de
taxer les beftiaux , ni de les prendre pour leur
compte ; qu’à la vérité ils avoient quelquefois, mais
très-rarement, ufé de la facilité de retenir pour
le prix déclaré ,• ceux dont la véritable valeur
étoit vifîblement déguîfée ; facilité qui leur étoit
accordée par arrêt du confeil du 21 janvier 1749.
3°. Qu’énfin les faits conftatoient qu’ ils étoient
obligés de foutenir toutes les conteftacions en leur
nom ÔC à leurs périls ; car l ’ordonnance de police
de 1769 n’avoit tranfporté dans la main du procureur
du roi aucune des aCtions relatives à la
manutention de la caijfe ,* mais feulement réglé les
formalités qui dévoient être obfervées pour la
conduite des beftiaux ôc l ’approvifîonncment des
marchés.
On s’apperçut après la fupprc-flîon de la caijfe
de Poijfy , que la viande ne s’en vendoit pas k
meilleur marché ; que fi en effet les bouchers riches
y trouvoient quelque avantage , les bouchers peu
aifés tomboient dans la dépendance des premiers ;
enforte que ceux-ci pouvoient fe livrer au monopole,
ou que les autres n’avoient plus dereffources
que dans des prêts ufuraires qui finiffoient par
opérer leur ruine.
Il reftoit encore un parti ; c’étoit d’abolir tout«
maîtrife de boucher , Ôc d’exciter la plus grande
concurrence par la plus grande liberté, en favori
fane l’établiffement d’un grand nombre de boucheries
aux environs de Paris,ôc en appellant dans
cette ville des bouchers forains , pour les oppofer
à ceux de la capitale , de la même maniéré que les
boulangers de Goneffe, ôc autres lieux , viennent,
deux fbis par femaine , concourir avec fes boulangers
de Paris.