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Philippede-Bel agréa ces propofitions,
& défendit, par fon ordonnance du premier
février 1304 > uou - feulement d exporter
les laines 8c les matières premières
, mais encore toutes fortes de denrées
& de marchandifes fabriquées en
France , à moins qu’on ne s'adressât à lui
pour obtenir la permiffion de faire ces
exportations.
Cette ordonnance contient les plus ex-
prelïès défenfes de faire palfer aux etrangers
, fiins permiffion, & à peine de con-
fifcation , de l’argent en barre ou de
vieilles efpèces, des armes, des chevaux,
des mulets, toutes fortes de grains 8c de
légumes , des vins, du miel, de 1 huile, '
du poivre, du gingembre, là canelle, le
fucre, le galanga, les amandes, le fer,
l ’acier , le cuivre , l’etain , le plomb ,
toute efpèce de cuirs 8c de pelleterie
apprêtés ou non préparés ,‘ la foie , le
coton, la laine, le lin , le chanvre filé
ou non filé , les toiles, les draps, 8c
autres étoffes en blanc , crues ou non
teintes, toute efpece de graines propres
-à la teinture, la cire, le fuif, le fain-
doux & les grailles.
Cette ordonnance » portoit cependant
que la liberté d’exporter des monnoies
d’or & d’argent nouvellement fabriquées,
quelques épiceries, telles que le pigno-
lat ou pignon , le cumin , & les' autres
efpèces non dénommées ci-deffus, étoit
générale 8c fans reftriction.
Ainfi l’interdiftion du commerce fur
certaines efpèces, n’avoit d’autre objet
que de faire acheter la permiffion d’en
faire-la traite à l’étranger!
Afin de le remplir dans toute fon
étendue , le monarque chargea, par fes
lettres du 6 dit même mois de février
1504 , Geoffroy Coquatrix, comme parfaitement
inftruit des befoins du royaume,
d’y confervet les chofes nécelfaires à la
çonfommation des habicans, 8c de régler
ênfuite quel étoit le furperflu qu’il con-
venoit de laiffër paffer aux alliés de l’Etat
feulement,
Ççs memes lettres autorifent çe çom-
O U R S
miffaire à placer des gardes fur les frontières
& les palfages du royaume , à
changer ceux qui étoient déjà établis, &
à en nommer d’autres ; à donner les
permiffions de porter en pays étranger,
mais non ennemi , les marchandifes &
denrées dont il jugeroit l’exportation fans
inconvéniens ; & enfin à prononcer contre
ceux qui contreviendroient aux difpofi-
tions de l’ordonnance de 1304, les peines
que mériteroit leur défobéifiance.
Ces lettres portent encore que les ennemis
de l’Etat, qui étoient alors les nations
non chrétiennes, ne pourront ni apporter
des marchandifes dans le royaume,
ni en extraire. Elles enjoignent à tous
les jufticiers & gardes des palfages , de
faifir, excepté dans les lieux facrés &
religieux, les étoffes & marchandifes qui
en viendront.
Il ne fallut pas moins de fix ans à
Coquatrix, qui doit être regardé comme
le premier maître des ports & paffages
du royaume , ou comme l’inftituteur des
douanes, pour établir les barrières & les
gardes deftinés à faire obferver cette ordonnance
, & pour compofer un tarif du
prix de chaque permiffion de commercer
au-dehors, fuivant la marchandife qui en
étoit l ’objet; car Philippe-le-Bel adreffe,
le 25 avril 1310, aux gardes des frontières,
un mandement par lequel il leur
enjoint de faire porter à fes tréforiers à
Paris, tout l’argent qu’ils auroient reçu
dans les ports & paffages. On voit, par
cette injonâion , que ces gardes étoient
à-la-fois receveurs , & qu’ils tenoient
probablement de Coquatrix, une inftruc-
tion fur la quotité des droits qu’ils dévoient
exiger pour chaque exportation.
Les défenfes de porter aux ennemis
de la foi, des armes , des chevaux, du
fer, de l’or, de l’argent, des pierres pré-
cieufes , des laines, de la garance & de
la gaude, furent encore renouvellées fous
ce règne, le 28 août 1311.
On a vu ci-devant que les revenus de
Philippe - Augufte , aïeul de S. Louis ,
n’alloient qu’à trente-lïx mille marcs d’ar-
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gent, valant quatre-vingt-dix mille livres.
Philippe-le-Bel fit monter les liens à
quatre-vingt mille marcs, qui, à raifon
de cinq livres, valoient quatre cents mille
livres, & porta même la valeur du marc
à huit livres ; ce qui élevoit fon revenu
à fix cents quarant.e mille livres, fomme
d’autant plus confidérable pour le tems,
qu’alors la Guyenne > la Bretagne , la
Provence, le Dauphiné, les deux Bourgognes
, l’Auvergne, le Bourbonnois, la
Flandre, & plufieurs autres grandes fei-
gneuries , n’étoient pas unies à la- couronne.
Louis Hutin , qui fucceda a Philippe-
le-Bel , craignant l’effet des ligues & des
affociations formées par les provinces 8c
les communautés contre fon prédécefleur,
à caufe des impôts exceffifs qu’il avoir
mis , déclara, par fes lettres du mois
d’avril 1315, tant pour lui que pour fes
fucceffeurs, qu’à l’avenir il ne fe pourroit
lever aucuns deniers dans le royaume,
que du cônfentement des Etats qui en
feroient eux-mêmes le recouvrement &
l ’emploi, pour éviter les concuffions &
la diffipation.
Ce prince procura quelques foulage-
méns au commerce , en réunifiant les
différens droits en un feul qu’il modéra
beaucoup , & en permettant de porter,à
l ’étranger toutes fortes de vivres & même
des toiles, fur les permiffions qui feroient
accordées par les officiers royaux.
Des lettres du 2 juillet 1315, portent
que les Italiens cafaniers, paieront cent
fols de chaque cent de marchandifes qu’ils
vendront dans le royaume, au moyen de
quoi ils feront exempts de toute autre
aide , fubvention 8c. redevance-
Dans le même mois, ce prince établit
für toutes les marchandifes moritant &
defeendant la Seine, depuis le Pont-de-
l’arche jufqu’à la mer , un droit fixé
fuivant le tarif énoncé dans ce mandement
, & abolit toutes autres charges &
coutumes qui fe levoient, dans cet ef-
pace, fur les denrées & marchandifes. Il
paroît, par les détails de ce mandement
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8c par les lettres du 7 août 13.1 5 , qui
, invitent à porter des munitions en Flandres
, qu’alors tous les droits étoient réputés
de péage j vinage ou coutume.
Ce mot de coutume, pour défigner
les droits levés fur les marchandifes , fe
retrouve dans plufieurs ordonnances , &
notamment dans celles des mois de mars
131 5 & mai 1317. C’efi: dans cette même
année, au 25 feptembre, qu’on trouve
les premières lettres concernant la vente
du fiel, lettres qui ont pour objet d’empêcher
le monopole de cette denrée.
La guerre contre les Flamands exigeoir
des feeours. Ce prince fit affembler la no-
bleffe & le peuple par fènéchauffée, pouf
les exhorter à lui fournir des fubfides extraordinaires
, à titré de prêt, avec pro-
meffe qu’ils feroient rembourfés fur les
revenus du domaine.
A ces reflources , il ajouta celle de
vendre le droit de bourgeoifie, des lettres
d’affranchiffement, & d’impofer quelques
taxes fur les marchands ; de façon
que, fous ce régné, les peuples ne furent
pas moins foulés que fous le précédent 1
il eft vrai qu’ils commencèrent à fentir
le, prix de la liberté qu’on les forçoie
d’acheter , & qu’ils préparèrent aux générations
fuivantes les moyens de jouir
du droit d’être hommes.
Philippe-Ie-Long , porté au trône eu
, 1316 , publia en 1317, lé 9 feptembre ,
des lettres qui confirment celles de 1315,
impofant le droit d’un denier & une-
maille pour livre du prix des marchandifes
vendues par les Italiens. Elles ajoutent
que fi le produit annuel de cette
impofition , qui avoir été affermée pour
quatre ans par plufieurs particuliers ,.
moyennant onze mille livres , excédoic
cette fomme , il en appartiendroit un;
quart au roi. C’efi: ici le premier exemple-
d’une efpèce de régie intéreffèe.
C ’eft ce même prince qui, le premier,
mit un impôt fur le fe l, en déclarant toutefois
, par fon ordonnance du 25 février
1318, que cette impofition étoit momen-
| tanée , & que fon intention n’écoit pas