
viennent pour eux un préfervatif contre les mêmes
erreurs. %
Pour ne rien laifler à deiir.er fur la queftion de
l’in aliénabilité du domaine, nous ajourerons ici ce
qu’en dit un écrivain très-verfé dans les matières
domaniales, qui a écrit en 1776.
Quelque fuffifans que foient les faits & les rai-
fbnneinens de l’auteur des confidérations fur l’ina-
liénabilité du domaine 9 pour établir que le roi
a le droit d’en ufer, on peut encore y joindre les
réflexions fuivantes.
Aujourd’hui que le domaine eft d*un revenu fi
difproportionné avec les charges de l’Etat , il a
perdu la faveur religieufe qu’il méritoit, 8t fa dénomination
de facrée. Il l’étoit fans doute lorfqu il
écartoit du peuple tous les impôts , les aides,, les
tailles , les gabelles.
Mais comment le domaine eft-il ainfî tombe dans
l’ épuifement 8c l ’inutilité ? Cette queftion n’ eft
pas de pure curiofité , parce que la réponfe convaincra
de l’impoffibilité de le rétablir.
i° . Le domaine a été. expofé aux diflîpations ,
aux ufurparions, aux inféodations devenues héréditaires.
Les fondations, dotations, & les af-
franchiflemens, l ’ont aufli diminué confidérable-
jnenr.
20. Les dépenfes de l’Etat ont beaucoup augmenté
le changement de l’adminiftration. Par
exemple , la difpenfe du fervice militaire accordée
aux pofle fleurs des fiefs deyenus héréditaires
, a mis la guerre au compte du roi. Il a
payé les vaffaux pour faire un fervice qu’ils dévoient
à raifon des fiefs qu’ils pofledoient, de forte
qu’ ils tiennent le fief fans devoir , 8c font payés
pour faire le devoir du fief.
V o ilà certainement la plus forte aliénation des
.droits du domaine , depuis l’hérédité des fiefs
contre laquelle perfonne n’a réclamé.
$Q. Les rois ayant recouvré toute leur autorité
, ont été chargés d’une police vafte, tant
en adminiifration qu’en juridiction ; - nouvelle
dépenfe précédemment inconnue. La dépenfe de
l ’adminiftration de la juftice s’ eft augmentée,
comme les difficultés réfultantes du nouveau
genre de propriétés introduites par le droit
féodal. Il fuffit d’ouvrir les coutumes & les ju-
rifconfultes , pour voir que les conteftations &
les difeuffions fur cette matière ont fait plus de j
moitié des embarras de la foc iétç , des occupations
métaphyfiques du barreau , des méditations
& jugcmèns des tribunaux , 8c par conféquent
jles frais d’adminiftration.
4®. D ’autres genres nouveaux de dépenfe ont
çté les armées perpétuelles, des ambaffades permanentes
, les guerres fréquentes 8c malheu-
jreufes, &c. 8cc.
y®. Les cirConftances critiques des guerres ont
pcçafionne beaucoup d’aliénations.
Tant d’augmentations de dépenfes , tant de
diminutions du fonds 8c de la recette dévoient
laifler , comme elles l ’ont, laiffé en effet, le do~
maine infiniment au-deflous de fon ob jet, qui
étoit de fuffire aux charges de l ’Etat.
Dans l ’état actuel des chofes, le domaine ne
forme plus la centième partie des befoins & des
revenus du gouvernement. Le domaine cft donc
devenu un nom fans réalité , puifqu’il eft également
épuifé 8c infuffifant ; il ne doit donc tenir
! dans l’ordre légiflatif 8e politique qu’une place
égale à fon utilité , qui eft la mefure , la feule
exacte des chofcs.
Les loix ne font pas. plus immuables que leur
objet ; le domaine eft entièrement changé , il a
perdu fon utilité , il n’eft donc plus inaliénable ;
il étoit la fauve-garde des peuples, en les garan-
tiflant des impôts dont il ne peut plus les défendre.
La convention fociale qui avoit uni une dot
en fonds à la couronne , tombe d’ clle-même à cet
égard , parce qu’ elle n’eft plus foutenue par le
fuffrage & par les voeux des peuples. Le roi eft
l’organe 8c la voix de la fociété ; il peut déclarer
le changement du voeu de la fociété qui tirera
un plus grand parti de la dot de la couronne , en
en faifant une nouvelle difpofîtion.
La nature feule fait des loix que la puiflance
humaine doit refpecter, parce qu’elle fe brifera
contre les loix plutôt que de les brifer. Les hommes
cherchent ce qui n’eft pas , s’ils cherchent
à donner à leurs ouvrages la fiabilité 8c l’immutabilité.
Ainfî il eft bien aifé de dire , fuivant
les loix du royaume , le prince ne peut pas'alié-
ner le domaine de la couronne.
Mais ces loix du royaume même ont été faites
par la fociété qui le compofe ; cette fociété peut
les changer. Le prince eft l’organe de la fociété ,
ce qu’il dit avec l’appareil 8c la folemnité de la
légiflation, eft la parole de la fociété. Donc cë
qu’ il lui enlève fous un point de vue , retourne à
lui fous un autre , & toute la force de cette loi
fondamentale fe réduit à preferire , comme eflen-
tielle , une forme qui doit caractérifer l’opération
d’une puiflance plus pleine & plus étendue.. . .
Qui doute que la nation ajfemblée, avec fon prince
a la tète, ne p u t, aflîgnant d’ailleurs des fonds
pour les dépenfes publiques , ordonner la vente
irrévocable de tous les domaines unis à la couronne ?
Ce qu’on peut retrancher de cet appareil, fans
changer la.queftion, pourroit être la matière d’une
autre difeuflion qui feroit ici fuperflue, d’autant
plus qu’elle comprendroit le droit public de la
France tout entier. I l fuffit d’une nyporbèfe , pour
donner un exemple & mefurer la poflîbilité.
TvTon que "nous ne donnions pas à la nature fon
fuffrage dans cette matière. C ’eft la nature , par
exemple, qui attache à la puiflance publique les
droits qui forment fon effence» Ain fi il eft de
l’eflencç
l ’ effence dé la puiflance publique, de ne reCOfl-
noître dans l’étendue du royaume aucun miniftère
qui ne lui foit fubordonné. V o ilà l’un des fleurons
qui forment la couronne. V o ilà le cas où la nation
aflemblée avec fon prince décideroit inutilement
le contraire. Il n’en réfulteroit que l ’illu-
fîon d’un moment , auquel Je moment fuivant ote-
roit déjà quelque chofe, 8c que le tems feul alté-
reroit de degré en degré, 8c détruiroit enfin.
On pourroit même en trouver la preuve par
l ’expérience , dans l’hiftoire des dominations ,
fo it corporelles , foit eccléfîaftiques , qui jadis
défîguroient la face de ce royaume. V o ilà donc un
domaine véritablement inaliénable, 8c qui en effet
ne fera jamais aliéné d’une manière efficace.
Mais des terres attachées à la couronne n’y font
attachées que par une diftribution"faite entre le
prince 8c fes fujets, diftribution peut-être Originairement
mal faite , peut être bien faite dans fon
tems ; mais qui, 11’ayant point été changée fuivant
les différentes révolutions des moeurs, n’a plus aucune
efpèce d’analogie avec les moeurs actuelles.
Cela pôfé, l’intérêt de l’E tat eft qu’elle foit changée.
Tous les obltacles qu’on élevera pour rendre
ce changement impoflible , feront donc des machines
dreffees contre l’Etat lui-même , dont l ’effet
cft de l ’empêcher de parvenir à une utile réformation
qui puifle lui procurer une vigueur 8c une
fanté parfaites.
Mais , dira-t-on, il vaut mieux encore fuiyre
les erreurs dans lesquelles nos ancêtres nous ont
placés -, que de donner ouverture à la puiflance arbitraire,
8c livrer toute chofe au hafard. i° . Cet argument
n’a point lieu , fi des raifons de néceffité
exigent l’aliénation des domaines ; on y répon-
droit que l’une 8c l’autre branche de cette alternative
conduiroit au même terme, 8c que par conféquent
la balance feroit -allez égale , 8c ce feroit
offrir à l’Etat condamné à périr , le choix de fon
fupplice.
a®. La puiflance arbitraire 8c le hafard ne font
point de Pcffence d’un projet de réformation, par
lequel on feroit dans le cas de corriger les erreurs
d une ancienne conftitution ; il n’eft point vrai
que la deftruction des loix anciennes , pour en
fubftituer de nouvelles, foit une ouverture donnée
à la puiflance arbitraire. Au contraire , l’obf-
curité des loix anciennes , la néceffité des circonf-
tances nouvelles, qui tous les jours nous contraignent
d’admettre des limitations , des exceptions,
des dérogations à ces loix anciennes , ou , ce qui
eft encore pis , d’intervertir la difpofîtion de la
lo i , en en renverfant les termes j . donnent beaucoup
plus d’ouverture à la puiflance arbitraire ,
que de nouvelles conventions fcellées authentiquement.
Il ne s’agit pas de détruire fans réédifier : au
contraire, il ne faut pas ôter une pierre de l’an-
cièn édifice , fans avoir derrière un nouvel
finances. Tome Z,
fice tout élevé 8c éprouvé , autant que la foibleffe
humaine peut éprouver , 8c fous la réferve des
nouvelles lumières que l’expérience feule peut
donner , dont on fe mettra à portée de profiter,
en donnant à la machine un certain efpace pour
le jeu des differens refforts.
Le réfultat de ceci eft qu’il y a certainement
un domaine fa c ré , inaliénable , imprefcriptible ,
8c que nulle force humaine ne peut féparer de la
couronne ; c’eft tout ce qui eft compris dans l’idée
de cette couronne , comme étant attaché à
cette idée par la raifon même.
Enfui te , il y a un domaine qu’une convention fo -
lemnelle, écrite dans les loix du royaume , a uni 8c
incorporé à la couronne par une fiction, qui, en imitant
la nature, renferme encore ce domaine fous
l’idée de la couronne. Mais une convention forme
ce lien , 8c une convention peut être rétractée
par une autre convention contraire , fi de nouvelles
circonftances font naître un intérêt contraire.
Mais tant.que la convention fubfîfte , elle eft
digne de refpeét ; delà l’explication des differens
monumens de notre jurifprudence dans cette ma»
tie re , qui d’un côté rapproche tous les jours , 8c
fait rentrer clans les mains du prince,des droits
régaliens , qui n’en dévoient jamais fortir , 8c
qui ne peuvent être entre les mains des feigneurs,
ou temporels ou eccléfîaftiques...........
Les opérations qui mettoient entre les mains du
prince une repréfentation de l’objet aliéné , ont
trouvé une réfiftance d’autant moindre, que la repréfentation
étoit plus parfaite. Ainfî l’échange
n’a jamais été contredit en lui - même ; il a été
feulement fournis à toutes les épreuves.qui pou-
voient aflurer que lè titre d’échange étoit fidele,
8c ne diminuolt point la confiftance du domaine.
Après l ’échange, les acenfemens, en mettant Je
moindre taux poflible aux deniers d’entrée , ont
paru une manière de procurer au prince l ’utilité
de la terre , en le chargeant des foins 8c des dépenfes
de l’exploitation.
Les inféodations jadis mettoient entre les mains
du feigneur , par le fervice du vaffal , une repréfentation
de l’héritage; actuellement ce fervice
n’ eft nullement intéreflant , 8c n’ offre au prince
que ce qu’il a d’ailleurs droit d’exiger en vertu
d’un titre fupérieur ; aufli font-elles à-peu-près
tombées en défuétude. Les ventes enfin font re gardées
comme impolfibles , 8c de plein droit converties
en engagemens* T e l eft l ’état actuel.
Mais l’état poflible a une autre étendue. Si on'
étoit dans le cas de croire que cette convention,
par laquelle on met au nombre des droits ef-
fentiels de la couronne , des objets auxquels la nature
n’attachoit pas cette qualité , contient au
fond plus d’inconvéniens que d’utilité ; alors non-
feulement on pourroit, mais il faudroit s’enipref-
fer du U réûlieç, Heureufcment cette convention
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