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& en dernier reflort, fur les procès-verbaux des
employés , dûement affirmés pardevant l’un dés
commiflaires députés aux états ; ou l’un des éche-
vins de Cambray.
Les contraventions emportant des peines afflictives
, ou des amendes converfibles , font portées
pardevant les échevins de Cambray, pour les juger
fans appel , pourvu qu’ils foient au nombre
de quatre gradués lors des jugemens définitifs.
Les amendes ne peuvent être modérées, fous
quelque prétexte que ce fo it, à peine de nullité
des jugemens ; mais il en appartient un tiers aux
pauvres de la paroiffe où la contravention a été
commife, ôc les deux autres tiers au fermier.
On doit obferver que d’après une lettre du mi-
niftrc des finances , du iy janvier 1748 , il a été
permis aux habitans des villages limitrophes de
la Picardie, de prendre les fels néceffaires pour
les falaifons extraordinaires , chez les revendeurs
de leurs paroiffes , au lieu de les lever à Cambray.
Mais , afin de prévenir les abus, les états du
pays ont fait un règlement le zy feptembre 17 4 9 ,
qui contient dix articles.
La quantité de fel deftiné aux falaifons extraordinaires
, doit être réglée dans le mois de décembre
chaque année, par les députés ordinaires
des états.
Les debitans font tenus de -donner un cautionnement
réel ou perfonel , jufqu’à concurrence de
trois cents livre s, outre celui qu’ils fourniffent
pour vendre du tabac ÔC le fel deftiné à la con-
fommation ordinaire.
Ils ne doivent lever ce fel qu’à Cambray , &
feulement ce qui eft néceffaire pour leur débit de
deux mois , en prenant un acquit à caution ; ce fel
ne doit pas être confondu avec celui qui eft deftiné
aux falaifons ordinaires , & ne peut être délivré
qu’aux habitans de la paroiffe , fur un certificat
des mayeurs , gens de l o i , ou qiré.
Tous lès habitans des paroiffes limitrophes ,
font tenus de ne prendre le fel de leurs falaifons
extraordinaires , que chez le revendeur de leur
paroiffe , à l ’exception des feigneurs.
Les revendeurs font fujets aux vifîtes des employés
, à toutes les vérifications qu’ils voudront
faire , ainfi qu’à celles des mayeurs & échevins des
paroiffes, qui font autorifés à fe faire repréfenter
les regiftres des debitans , & les certificats fur lef- ;
quels ils ont délivré du f e l , pour juger s’il n’y a I
pas d’abus.
Au refte, le Cambrefis participant à toutes les
immunités dojnt jouit la Flandre, voye% cet article.
On ajoutera feulement I c i, par rapport aux
droits de formule, ou papier timbré, que l’arrêt
du confeil du 7 juin 176$ , caflè celui de la cour
des ailles de Paris du 2,1 mai 1762, , Ôc décide que
les privilèges du Cambrefis ne s’étendent point au-
delà des villes ôc lieux cédés à la France par le
traité de Niméguc , en eonféqucnce ordonne à
C A N
tous huifïîers de fe fervir de papier timbré, lorf-
quils fortiront du territoire ci-deffus défigné ,
pour faire des fignifications ôc autres aétes judiciaires.
■ J
, C A N A D A , ancienne colonie françoife, qui a
ete cédée à l ’Angleterre par le traité de paix conclu
en 176$. On ne parlera de ce pays, que par
rapport aux moyens dont on fe fervoit pour fup-
pléer à la difette d’efpeces ; les conféquences qui
en réfulterent, feront juger combien il eft dangereux
de laiffer à des adminiftrateurs éloignés de
quinze.cents lieues de la métropole , le pouvoir
illimité démultiplier les dépenfes, avec la facilité
de les acquiter , principalement lorfque leur admi-
niftration ne peut pas être furveillée. Les fautes
paffées font toujours des leçons pour les générations
futures.
En 1670 > lorfque toutes les colonies françoife®
de l’Amérique étoient au berceau , on avoit fait
fabriquer une monnoie à laquelle on avoit donné
une empreinte particuliere, ôc une valeur idéale
d’un quart plus forte que celle des efpeces circulant
en France. Cet expédient n’a voit pas réuflî
dans le Canada. Vers l’année i<5p 8 , on crut devoir
fubftituer le papier aux métaux, pour le
paiement des troupes, ôc pour les autres dépenfes
du gouvernement,
Jufqu’ en 1715 cette invention fçrvit ; mais alors
on cefla d’être fidèle aux engagemens contrariés par
les adminiftrateurs de la colonie. Les lettres-cfe-
^change qu’ils tiroient fur la métrop o len e furent
pas acquitées ; elles tombèrent dans Taviliffement,
& finirent par perdre , en 17x0, cinq huitièmes.
Cet événement fit reprendre au Canada l ’ufage
de l’argent , qui ne dura qu’environ deux ans.
Les négocians , tous ceux des colons qui avoient
des remifes à faire en France , trou voient embar-
raflant, coûteux ôc dangereux d’y envoyer des
efpeces. Ils furent les premiers à folliciter le réta-
bliflement du papier monnoie.
On fabriqua des cartes qui portoient l’empreinte
des armes de France .& de Navarre , Ôc
qui étoient lignées par le gouverneur, l’intendant
& le contrôleur. Il y en avoit de vingt-quatre,
de douze, de fix , de trois livres , de trente, de
quinze & de fept fols fix deniers. Leurs valeurs
réunies ne s’élevoient pas au-deffus d’un million.
Lorfque cette fomme ne fuffifoit pas pour les
befoins publics , on y fuppléoit par des ordonnances
lignées du feul intendant, première faute ;
ces ordonnances étoient illimitées pour leur nombre
, abus encore plus e. iant. Les moindres étoient
de vingt fols, ôc les plus confidérables de cent
livres. Ces différens papiers circuloient dans la
colonie. Ils y remplifïbicnt les fonctions de l’argent
jufqu’au mois d'oélobre. C ’étpit la faifon la plus
reculée où le* vaifteaux duflent partir du Canada.
Alors
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Alors on convertiffoit tous ces* papiers en lettres-
de-change, pour être acquitées en France;par le
gouvernement, qui étoit cenfé en avoir employé
la valeur.
La quantité de ces billets s’étoit tellement accrue
en 17 5 4 , que le tréfor du prince ne pouvant
fuffire à leur paiement, il fallut le reculer. Une
guerre malheureufe qui furvint deux ans après ,
groffit le nombre de - ces papiers au point qu’ils
tombèrent dans le décri. Les mârchandifes éprou-
vôient un renchériffement proportionné ; & comme,
à raifon des dépenfes énormes de la guerre , le
grand confommateur étoit le r o i , ce fut lui feul
qui fupporta le diferédit du papier , ôc le préjudice
de la cherté.
En 17/9 , le miniftere fut forcé de fufpendrele
paiement des. papiers du Canada, jufqu’à ce qu’on
en eût démêlé la fource ôc la valeur réelle. La
maffe en étoit effrayante.
Les dépenfes- annuelles du gouvernement pour
le Canada , n’avoient pas paffé quatre cents mille
livres en 1729 ; mais elles s’étoient élevées depuis ,
jufqu’en 17 /0 , à dix-fept cents mille livr.es.
A cette époque , ces dépenfes n’eurent plus de
bornes , ôc dans cette année elles furent- de deux
millions cent mille livrés. L ’année 1771 coûta
deux' millions fept cents mille livres ; l’an 17/2.,
quatre millions quatre-vingt-dix mille livre s;
l’an 1773 , cinq millions trois cents mille livres ;
l’an 1754, quatre-millions quatre cents cinquante
mille livres ; l’an 1777 , fix millions cents mille'
livres ; l ’an 1776 , onze millions trois cents mille
livres ; l ’an 1777 » dix-nèuf millions deux cents
cinquante mille livres ; l’àn 1778 , vingt-fept
millions -neuf cents mille livres ; l’an 1779, vingt-
fix millions ; les huit premiers mois de l’an 1760 ,
treize millions cinq cents mille livres. De ces_
fommes prodigieufes , il étoit dû à la paix de 1763 ,
quatre-vingt millions..
On remonta à l’origine de cette dette immenfe.
On reconnut des malverfations effrayantes, ôc deé
coupables en très-grand nombre. L ’intendant, qui
étoit M. B igot, MM. V a r in , commiffaire ordonnateur
de la marine, à Montréal, Bréard, contrôleur
de la marine, à Québec , Cadet, Permiffeault,
munitio'nnaires , furent condamnés au baniffement,
ôc dépouillés d’une partie de leurs brigandages.
M. Péan , major des troupes, reflitua fix cents
mille livre s; enfin, le jugement de la commiffion
çhoifie pour connoître de ces prévarications , fit
rendre au roi douze millions. Il n’ eft pas inutile
de rapporter ici l’extrait du jugement rendu dans
Cette affaire le 10 décembre 1763.
L a punition des brigandages dans l’adminif-
tration publique , eft malheureufement fi rare ,
qu’on ne peut trop citer les grands exemples de
ce genre. En .même-tems qu’ ils font une leçon
propre à contenir les. malverfations du téms
Finances. Tome I.
1 6 9
préfeflt, ils fervent à dénoricef au# générations
futures , les noms des coupables du teins paffé i
en les couvrant du mépris ôc de l ’infamie qu’ils
ont mérité.
Ce jugement bannit à perpétuité les nommés
Bigot ÔC Varin ; les condamne en mille livres
d’aménde envers le roi ; Bigot eh quinze cents
mille livres , Ôc Varin en huit cents mille livres
de reftiturion au profit de fa majefté : bannit pareillement
les nommés Bréard, Cadet, Permiffeault
ôc Maurin , pour neuf ans, de la v ille , prévôté
ôc vicomté de P a ris; les condamné en cinq cents
livres d’amende envers le r o i , ôc à reftituer , au
. profit de fa majefté , Bréard, trois cents mille
livres, Cadet, fix millions, Permiifeault ôc Maurin,
fix cents mille livres chacun ; les nommés Corpron,
Eftibe , Martel de Saint-Antoine, ôc Payen de
Noyan , à être àdmoneftés en préfence dès,juges,
en fix livres d’amende chacun, à reftituer, C o r pron
, fix cents mille livres , Eftibe , trente mille
livre s , Marcel de Saint-Antoine, cent mille livres -
ÔC à garder prifon jufqu’au paiement defd. fommes ;
fait défenfe aux nommés Jean-François Vaffan
Daniel-Joncaire, Chabert, ôc François D uvergé de
Saint-Blin, de récidiver ; met le nommé Jean-Pierre
la Barthe hors de cour ; condamne en outre , par
contumace , le nommé Landriéve , au banniffemént
pour neuf ans; les nommés Defchenaux, Dumoulin
, Villefranche ôc Hautraye , pour cinq ans ; ôç
les nommés Bouvilie ôc Sacqüefpée, pour trois ans *
lefdits Landrieve ôc Defchenaux , en cinq cents
livres ; Dumoulin , Villefranche ôc Hautraye , en
cent cinquante livres ; Bouvilie ôc Sacqüefpée , en
vingt livres d’amende envers le roi ; Landriéve ,
en cent milie livres de reftitution , Ôc Defchenaux,
en trois’ cents mille livres. Ordonne encore qu’avant
d’adjuger le profit de la contumace contre
les nommés Saint - Sauveur, Lemoine , Dcfpins
Sermet, Martel, Commiffaire, Papin , Deferrieres,
Billeau , Heguy , Gamelin , Curot l’aîné , Curot
le jeune , Garreau , Martel troifîeme, le Gras
Ferrand, P o ire t, la Place, Rouftau ou Rouftan,
Saint-Germain , Salvat de Lcfpervanche , de la
Chauvignerie , Dartigny , Lorimier , DouviJIe ,
Villebon ôc Dauterive, il fera plus amplement
informé des faits mentionnés au procès ; le tout
pour av o ir , par les dénommés au préfent jugement
, commis les abus , malverfations , infidélités
ôc prévarications qui ont caufé un préjudice con-
fidérable aux intérêts de fa ma jefté. .
Les lettres-de-change furent réduites à la moitié ,
ôc les> ordonnances au quart de leur valeur. Les
unes ôc les autres furent payées en contrats, à quatre
pour cent, qui tombèrent dans le plus grand avi-
Iiffement.
Dans la dette de quatre-vingt millions , les
habitans du Canada étoient porteurs de' trente-
quatre millions d’ordonnances , & de fept millions
de lettres-de-change. Ces effets fubirent la loi
Y