
cuifiniers, des pêcheurs, des chaffeurs, doreurs a
fculpteurs, 8cc. 8cc.
L a véritable inégalité de fortune exifte entre
ceux qui travaillent 6c ceux qui font travailler ;
elle fie trouve enco.re entre ceux qui font obligés
de travailler beaucoup, 6c ceux qui fe procurent
leur fubfiftancé à peu de frais ; nuances qui tiennent
aux circonftances locales , à l’induftrie, au
talent même , 5c qui font difficiles à apprécier.
Quoi qu’il en foitadmettons ces principes 3
& que la guerre s’allume entre deux nations.
*Voici ce que de part 8c d’autre le peuple 6c leurs
repréfentans pourroîent dire.
» Les chofes font arrangées de façon qu’un
» petit nombre d’entre nous 3 un treizième , à-
» peu-près , fuffit pour nourrir tout le relie. Les
» douze autres treizièmes n’ont guère de- moyens
^ d’obtenir leur part de ces fubfiftances , qu’en
» offrant des objets d’échange , qu’ en provoquant
» les defirs du cultivateur 8c du propriétaire. Ce
» font donc les dépenfes de cette claffe qui nour-
» rident l’autre, il n’importe lefquelles ; ce qui
.*> elt très-vrai 6c très-important, c’ell que dans
» l’état où font les chofes, il faut pour que tout
» le monde fubfîfte , qu’il y air-toujours la même
y> quantité de dépenfes. Or , c’cft ce qui arri-
» vera pendant la guerre ; car li nous allons
difpofer d’une partie des fubfiftances , c’eft auffi
» pour les répandre, 6c aù lieu que vous aviez
coutume de les donner à des hommes qui vous
» brodoient des habits, qui doroient, fculptoient
» .v o s appartenons, qui vous amufoient par leurs
» talens , nous les diftribuerons parmi des hom-
» mes qui garderont no.s frontières, qui fortifie-
» ront nos places , qui fabriqueront des armes :
» foyez donc bien tranquilles ; la même quantité
•» de dépenfes exiftera toujours; les mêmes four-
>5 ces de travail feront ouvertes : ainfi tous ceux
» qui n’auront plus d’ouvrage dans leur profef- 3» fion , trouveront un nouvel emploi dans les
» differentes reffources qu’on vient d’ouvrir à la
as» force 8c à l ’induftrie. »
D ’après un pareil expofé , il feroit difficile de
jpenfer que la guerre fût ruineufe pour le peuple.
Elle feroit pourtant un mal, car les habits, les
meubles, les lambris dorés font plaifir à ceux
qui les paient, 8c la guerre eft une dépenfe qui
ne peut en faire qu’à peu de monde.
Dans cette hypothèfe , la guerre ne priveroit
perfonne des moyens de fubfiftancé ; 8c fi elle
étoit momentanée, la circulation du travail re-
prendroit bientôt fes premières routes , 6c la nation
auroit pu dépenfer fans s’obérer;
Mais il en arrive autrement. Cette pofleffion
d’un bien-fonds, cette faculté d’employer.Ie travail
de ceux qu’on fait fubfifter , indifféremment à
toutes les chofes qui font agréables, a reçu depuis
iong-tems le nom de propriété..,.
Le luxe »’étatft qucl’ufage de cette propriété ?
eft devenu propriété lui-même, ou, pour mïeurt
dire, une forte de droit; de façon que lorfqu’il
a fallu fubvenir aux befoins de la guerre , on n’a
pas ofé déplacer les riehcfi.es , en changeant les
objets de travail: il eft arrivé delà , qu’ en même
tems qu’ on étoit obligé d’employer un grand nombre
d’hommes à de nouvelles profeffions, les riches
ont çonfervé le privilège d’acheter le travail du
peuple, concurremment avec l ’Etat.
Le lu xe, la magnificence, le plaifir , ont con-
fervé la plus grande partie de leurs agens ; 6c le
gouvernement ayant été obligé d’acheter le travail
des petits , ce travail a été reporté en fur-
charge fur les cultivateurs 6c fur tous les artifans
qui concourent avec eux à la production ou à la
préparation de la fubfiftancé.
A in fi, les nations ont été écrafées, parce que
le poids qui devoit être partagé entre tous n’a
été fupporté que par les claffes des citoyens les
plus utiles à l’Etat. Ainfi, la guerre a augmenté
le travail général, ce qui eft déjà un mal; elle
l’a augmenté d’une maniéré inégale 6c oppreffive,
ce qui eft un plus grand mal encore.
Peut-être cet inconvénient auroit-il toujours
été difficile.à prévenir; car dans toutés les fo -
ciétés induftrieufes ou commerçantes , ch a que-
homme n’a qu’une manière de fubfifter ; c’eft c©
qu’on appelle fon art, fd pr&jtjfion. Or , les hommes
ne peuvent pas aifément changer de profef-
fion. V o ilà ce qui fait que dans les guerres mal-
heureufes , on voit vingt mille manufacturiers
mourir de faim , tandis que vingt mille foldats
manquent au complet des armées, que les arfe-
naux font défères , 6c que la navigation languit
faute de bras. Ajoutez à cela , que le droit dç
propriété à l’inégalité des fortunes , ayant établi
une grande concurrence entre ceux qui demandent
des fubfiftances pour prix de leur induftrie ;
il eft certain que lé travail a toujours approche
de trop près le niveau des forces de l’ouvrier,
de maniéré que cette clafle laborieufe n’a prefque
point de travail difponible, 6c que l’état ne peut
lui en demander, fans l’écrafer.
Considérons encore la difprûportion des réfîftan*
ces , la patience du pauvre , le crédit du riche „
la difpofition de tout adminiftrateur, à préférer les
moyens faciles aux moyens utiles, 6c nous expliquerons
bientôt comment les guerres ruinent aifément
les Etats qu’ elles ne devroientffeulement pas
affôiblir.
Les emprunts, à la vérité , diminuent un peu
ces inconvéniens ; c’eft ce qu’il s’agit d’examiner.
Suppofons qu’un Etat ait befoin d’une quantité
de travail repréfentée par trois cents millions»
Une pareille fomme ne peut pas être uniquement
levée fur les gens riches , ni le travail qu’elle
repréfente , exigé uniquement fur les agens du
luxe, fans attaquer la propriété 8c fans caufer
les plus grandes conYulfions par des changement
fdbïts dan.s les moyens de fubfifter ; oh cherche
donc à adoucir toutes ces crifes 3 en impolant,
pour le moment , un travail modique , 8c en pro-
poTant d’en emprunter un, plus confidérable, lui-
vant des arrangemens pris de gré à gré , oc en
conféquence de quelques avantages mutuels.^
Tout emprunt repréfente une dépenfe. Si l ’état a emprunté trois cents millions , il a dépenfe
trois cents millions en travaux ; 6c s’ il a allez
bien payé fes . agens, pour que les autres cl ailes
aient reflué fur ce lle -là , le défordre n a pas été
très-grand. La même quantité de travail a diltri-
bué' la même quantité de fubfiftances , 8c tout le
monde a vécu. Le mal eft donc / bien moins corn
fidérable , que fi tout le travail néceffaire au
foutien de la guerre, avoit été exigé avec r igueur
, 8c réparti avec inégalité.
Maintenant fuppofons que la guerre s’étant
prolongée , le gouvernement fe foit vu obligé de
multiplier fes reffources , 6c qu’enfin la paix n’ait
cté conclue qu’après un^ emprunt d’un milliar. Il
s’agit d’apprécier quel fera déformais l ’état de 1&
nation ; car alors elle eft chargée d’un intérêt de
cinquante millions , 8c il faut en conféquence que
la contribution annuelle foit augmentée de cinquante
millions.
Mais fi toute impofition doit repréfenter un
travail fourni par les particuliers à l’Etat ; on peut
demander à préfent ifi la quantité de ce travail eft augmentée, f i , dans le fait , cette contribution
n’eft pas idéale ; 8c enfin, ft , lorfque le gouvernement
reçoit d’une main pour rendre de l’autre
, la furcharge eft plus réelle qu’elle ne l’eft à
Amrîerdam , lorfque la banque fait une navette
perpétuelle de paiement 8c de recette.
_ Cependant , dira - t - on , fi l’Etat prend le
dixième du revenu des propriétaires , ce dixième
ne repréfente-t-il pas le travail qu’ils auroient pu
payer avec une certaine (Quantité de fubfiftances ,
dont leurs mercenaires fie trouvent fruftrés a leur
Jour ? Dans cette hypothèfe , il n’y a point de
diminution réelle ; mais feulement un déplacement
de revenu net : car s’il arrive que mille
propriétaires aient entre eux cent millions de revenu
ner , qu,i fe trouve réduit à quatre-vingt-
dix ; mille autres propriétairès , qui poffédent auffi
des contrats , auront leur revenu net également
de cent millions augmenté de dix millions , *8c
commanderont plus de travaux qu’ils n’auroient
fait ; de même que les autres en commanderont
moins lorfqu’ils feront obligés de payer le dixième.
Ainfi , fuivant ce calcul, la fomme de travail refte
toujours la même , puifque les befoins de l ’état
n’en réclament pas plus que par le paffé ; 8c
voici la raifon pour laquelle les nations bien gouvernées
relient encore dans un état floriffant, en
foutant d’ une guerre longue 8c difpendieufe. Voilà
pourquoi les Anglois font encore riches 6c puif-
fans, 8c continuent de dépenfer ou dp COnfonMDer
qu’avant la guerre»
Î 1 ne faut pourtant pas fe diffimulef qu’il eft des
circonftances qui rendent ces principes fufeepti-
bies de reftriétion ; c’ eft lorfque l ’étranger met
des fommes confidérabfes dans „les emprunts ouverts
par une nation , 6c lorfque les Etats , qui
ont coutume de recourir à l’expédient des emprunts
, ne font pas tous en guerre dans le même
moment ; car celui qui aura - çonfervé la neutralité
, aura certainement beaucoup de richeffes 3 Sc
manquera de débouchés pour en faire ufage. Elle
verfera donc de grandes fommes dans les fonds des
nations belligérantes , 6c alors l’argent, exporté
pour le paiement des arrérages, repréfentera dans
l’Etat emprunteur un travail annuel j mais fterile 8c
onéreux.
Cette théorie s’entendra mieux par un exemple.
Hambourg fait la guerre à Dantzig ; la première
de ces villes a foixante mille habitans , dont les
uns vivent dans l’aifance , 6c dont les autres cherchent
leur fubfiftancé dans le travail. Le confeil
de cette république pourroit annoncer que la claff©
des citoyens , qui travaille aux chofes de neceffité
abfolue , feroit la feule qui continueroit les ouvrages
, que tous'les autres ouvriers , artifans , 8cc. 6cc. qui ne font que les agens du luxe 6c du
plaifir , feroient employés au fervice de l’armée;
mais que pour les faire fubfifter , on s’empareroit
du fuperflu des riches , ç’eft-a-dire 3 de tout c©
qu’ils dépenferoient pour fatisfaire leur g o ijt , fer-
v ir leurs fantaifies 8c leurs amufemens ; çe qui
feroit encore plus fimplifîé , fous la dénomination
d’une taxe générale fur l’aifancc- : mais que d ob—
ftacies s’oppofent à une pareille réfolution $
L ’union ne régné guere dans les républiques %
que lorfque les périls font preffans. La forme du
gouvernement, les magiftrats aétuels ont toujours
des ennemis. A quels dangers ne s’ expofera-rt-oü
pas, fi l’on renverfe ainfi toutes les fortunes , li
l’on attaque toutes les propriétés ? Et puis ce
lu x e , cette aifance encourageoient certaines claffet
d’artifans, néçeffaires à la profpérité de ce petie
État.
Sufpendre tout-à-rcoup leurs occupations , leô
priver de leurs profits habituels , c’eft rompre
les liens qui les attachent à la patrie. D ’un autro
côté, fi l’on partage le poids entre tous les fu—
je ts , une impofition générale caufera à la vérité-
moins de murmures , 8c d’ailleurs les plaintes des
foibles ne feront pas inquiétantes ; mais ces dernières
claffes que vous impofez , n’ont nNtravail
ni fubfiftances difponibles, Sc lorfque vous leur demandez
de l’argent , vous exigez qu’elles faffenfl
une épargne fur leur travail ou fur leur fubfif-
tance. Cependant l’ennemi approche ; le moment
preffe : on imagine un expédient. On s’eft convaincu
qu’on ne pouvoit guere épargner qu’un
fixieme fur le travail général, ce qui peut repréfenter
la folde de dix mille hommes ; mais il en
faut le triple au moins. Eh bien, la fomme néceffaire
à rc-ntjetjLçn de cet excédent de troupes, on
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