
rions n’ont été que reftreintes , & non entièrement
abolies , comme le démontre le feçond édit de février
i f66.
Mais Ce n’èft point en vertu d’une loi fondamentale
, abfoluæ 8c immuable, que s’ eft. faite une
opération fi fage , fous Charles IX , 8t qu’elle a
été confirmée & renouvellée par Louis X IV .
Elle s*eft fàitè , parce que la raifon 8c les cir-
conftances vouloieàt' qu’elle fe fît. Quand une
lo i politique, établie dansl’étât, devient, dit M.
de Montefquieuy tome $ , pagè 13 6 ', deftruélrice
du corps politique’pour lequel elle a été faite , il ne
faut pas douter qu’elle ne" puiffe être changée par
une autre loi politique ; & bien loin que cette fécondé
loi foie oppofée à la première, elle y fera
dans le fond entièrement conforme , puifqu’elles dépendront
toutes deux de ce principe : le fàlut du
peuple eft la fuprême loi.
En fuivant un pareil guide , on' ne peut jamais
s’égarer, mais fouvent on le perd de vue ; fouvent
on s’attache moins à le confulter, qu’à défendre
par des fubdlités, une opinion qu’on a une fois
embraflèe ; par où l’on s’expofe au dangereux inconvénient
de s’éloigner de plus en plus de la vérité
6c de la jtiftice.
V o ic i un exemple frappant d’un écart de ce
genre , toujours relatif aux inféodations. On a vu
que, par le fécond édit de février 1 $66, Charles
IX ordonna, attendu l’utilité 5c néceflïté de mettre
en culture 8c labeur , les terres vaines 5c vagues,
prés , palus 8c marais vacans, appartenans au roi ,
i l en feroit fait aliénation à perpétuité, à cens,
rentes 8c deniers d’entrée modérés , fans que ces
aliénations puflent être dans la fuite révoquées ,
pour quelque caufe 8c occafîon que ce fût.
C ’ell de cet édit que fortit la diftinélion des
grands 8c des petits domaines du r o i , qu’on a
ci-devant expofée.
Les inféodations avant t f6 6 , étant autorifées
dans le. royaume , pour tous les grands 8c petits
f/omi/irtrxindillindlement, en ordonnant qu’à l ’avenir
le domaine de la xouronne ne pourroiç être aliéné
qu’en deux cas feulement; l’un, pour apanage,
l ’autre, pour la néceflïté de la guerre, avec faculté
de rachat .perpétuel les petits domaines fe
feroient trouvé compris dans la difpofition de l’ordonnance
, aufli-bien que les grands , fi Charles
IX n’eût pas expliqué fes intentions, par fon fécond
édit de février 1 $66.
Cet é d it , en ce qui concerne les petits domaines,
n’ayant fait que laifferles chofos telles qu’elles
étoient auparavant, 8c qu’elles avoient toujours
été depuis l’origine des fiefs ; on n’a pas befoin
de faire fentir combien cela diffère d’une exception
du droit commun. C ’eft fur les grands
domaines que tonibe l’exception. Ils étoient 8c
avoient toujours été inaliénables : l ’ordonnance
défend pour l’avenir de les inféoder à perpétuité ;
mais elle ne déclare 8c n’introduit rien de nouveau
par rapport aux petits domaines.
Louis X I V n’a point apporté de changement
à ce qui avoir été réglé par Charles IX . Bien loin 4 étendre aux. petits domaines les défenfes d’inféoder
à perpétuité , ce monarque a au contraire ordonné
par divers édits -, notamment par déclaration
du 18 avril 1572.,- édit de mars iépy , avril
1702, août 1708, 8cc. que les petits domaines ,
reftans es mains du r o i , feroient vendus 8c aliénés
à titre de propriété incommutable.
Cependant, fi l ’on en veut croire un infpeâeur
du domaine , perfonne n’ignore aujourd’hui que
ces difpofitions , que les malheurs publics avoient
produites, n’ont pu imprimer un feul inftant aux
petits domaines^ le caraélere d’une parfaite expropriation
, que le roi peut toujours y rentrer avec
juftice , 8c que ces prétendues aliénations à perpétuité
, ne font regardées que comme de fimples
eng'agemens.
La prévention pour un fyftême , démenti par
tous les monumens de l’hiftoire 8c de la jurifpru-
dence , ne pouvoit enfanter un plus étrange rai-
fonnement. Si l’écrivain s’étoit contenté de donner
, comme une opinion particulière , ce qu’il
avance comme une thèfe indubitable 8c univerfel-
lement reçut , on n’auroi t autre chofe à dire ,
finon qu’il s’eft trompé ; mais quand on affirme
que perfonne n’ignore , 8cc. on mérite de juftes
reproches , fi l’on n’a pas d’autres garans que fa
propre affirmation , ou s’il n’eft pas queftion de
quelqu’une de fes maximes, que perfonne en effet'
ne révoque en doute.
Pourquoi , félon cet înfpecfteur , les Ioix concernant
les petits domaines , n’ont-elles pu leur
imprimer un feul inftant le caraélere d’une p arfaite
expropriation ? C ’eft , d it- il, que les difpofitions
de ces loix ont été produites par les malheurs
publi-cs. Mais de quels malheurs la France
étoit-elle affligée en 1672 8c 169 y ? La gloire 8c
la profpérité de la monarchie ne furent jamais portées
à un plus haut point. D ’ailleurs, 8c c’ eft en
ceci que confifte principalement le fophifme , l’auteur
fuppofe que les lo ix , qui ordonnent les aliénations
à perpétuité des petits domaines, font introductives
d’une nouveauté , contraire à la loi
fondamentale du royaume ; fuppofition , dont on
fe flatte que la faufleté eft pleinement démontrée.
Si malheureufement il étoit vrai queJe roi pût
toujours rentrer avec juftice dans les petits do-
)maines aliénés , 8c que ces aliénations à perpétuité
ne duflent être regardées que comme de
fimples engagemens , les ordonnances les plus fo-
lemnelles ne feroient que des pièges tendus à la
crédulité publique , 8c .n’auroient été tant de fois
renouvellées, que pour la furprendre plus facilement.
L e zèle p eu t-il fe permettre une femblable
penfée ? .Elle eft néanmoins une fuite naturelle
8c même néceflaire de l ’opinion , qui fait , de
l’inaliénabilicé du domaine, une-loi fondamentale
&C inviolable de la monarchie ; car , en partant
de ce" point, que le domaine eft inaliénable de
fa nature, 8c ;non en vertu d’une, loi politique,
établie pour l’intérêt commun du prince 8c du
peuple , les édits qui ont autorifé l ’inféodation
des petits domaines , ne doivent avoir
aucune exécution , parce qu’ il n’eft certainement
pas au pouvoir des rois de changer la nature des
chofes. Que voudroit-on de plus , pour réprouver
un fyftême qui jette fes profélytes dans de
tels égaremens ? ils font d’autant moins excüfa-
bles , qu’ils bleflent tout à la fois l’équité 8c l’autorité
la plus refpedlable.
Ils bleflent l’équité , en ce que des familles qui,
fur la foi de nombreux édits dûment enregiftrés,
ont acquis des biens domaniaux , 8c qui , fondés
à s’ en croire propriétaires incommutables , les
ont améliores à grands frais, 8c les ont confondus
avec leurs biens patrimoniaux, feroient expo-
fées aux plus fâcheufes recherches , 8c pourroient
être dépouillées en un inftant du fruit de plufieurs
années de foins 8c de travaux.
Ils bleflent l’autorité , en ce qu’ils s’élèvent
contre ce qu’elle a preferit de la manière la plus
formelle., Charles IX , 8c tous les rois fes fuc-
ceflèurs, ont voulu que les petits domaines fuflent
aliénés à perpétuité. Le parlement de Paris enre-
giftranc le fécond édit de février 1 $66 , y apporta
une modification pleine de fagefîe , ôc infpirée par
l’amour du bien de l’Etat. Cet enregiftrement fut
fait à la charge que les petits domaines ne pourroient
être baillés qu’à cens portant lods, ventes,
défauts 8c amendes , félon les coutumes des lieux ,
8c à rentes perpétuelles, Sc non rachetables.
Si le domaine royal eût été regardé comme
effèntiellement inaliénable , cetaugufte tribunal,
parfaitement inftruit des droits de la couronne ,
8c infiniment attentif à les conferver , n’auroic-il
pas tout au moins fait dès remontrances au roi
Charles I X , 8c repréfenté à ce prince que les petits
domaines 8c les grands , devant être adminiftrés
par le même principe , il ne pouvoit pas être
permis d’inféoder à perpétuité les uns plus que les
autres ? Mais les deux édits donnés à Moulins au
mois de février 1 y <56 , ayant l’un 8c l’autre pour
objet le plus grand avantage de l’E ta t , le falut
du peuple ; le parlement de Paris fut animé des
mêmes vues-.
S’il étoit de la plus grande importance que les
grands domaines ne puflent , comme auparavant,
fortir des mains du roi par des inféodations perpétuelles,
il n’étoit pas moins intéreflant de faire
fubfifter la faculté d’aliéner les petits domaines ,
non en deniers comptans , mais à rentes perpétuelles
, 8c non rachetables. C ’étoic pourvoir en
même tems à l’ intérêt du roi , à celui de fes fujets
en général, à la sûreté, particulière des acquéreurs
des petits Domaines, 8c encore procurer
l’avantage d’un meilleur prix à l’Etat.
Les-deniers d’entrée n’auroient pu fournir qu’un
feçours foible 8c momentané. En les proferivant.,
les rentes qui devenoient l’unique prix des inféodations
du petit domaine , en devoient néceflai-
rement être portées d’autant plus haut. L ’augmentation
des revenus du roi , tournoit au foula -
gement de fes fujets , 8c embraflbit l’avenir comme
le préfent, par la précaution de déclarer ces rentes
non-rachetabies. Leur perpétuité fixoit à jamais
le fort des acquéreurs, ;8c de leurs repréfenrans ,
dont la propriété étoit aflurée 8c incommutable >
en fatisfaifant régulièrement aux charges qui leur
feroient impofées par les contrats d’inféodation.
Les chofes fpécifiées par l’édit de Charles I X ,
ne font même abfolument d’aucun rapport. De
quelle utilité ne féroit-il pas de les mettre en
valeur? Mais qui voudroit s’en charger à titre de
fimple engagement, ou ft les aliénations qualifiées
perpétuellés n’éroient qu’une vaine dénomination,
8c ne mettoient aucune différence réelle entre les
aliénataires 8c les engagiftes ? Qui ne fait que dans
les petits domaines , ceux mêmes qui font en rapport
, ne produifent prefque rien entre les mains
du roi ? Peut-on ne pas voir qu’ ils conviennent
infiniment mieux à des colons en état de les exploiter
par eux-mêmes, qu’à, des fermiers du domaine qui
les négligent par rapport au peu de durée de leurs
baux , qui ne leur donnent pas le loifir de jouir
. du bénéfice des travaux 8c améliorations qu’il feroit
néceflaire d’y faire pour les mettre dans leur v é r itable
valeur.
Les détenteurs du. domaine ne doivent pas fe croire
plus fages que la Loi même , plus éclairés que le
parlement de Paris 8c toutes lés cours fupérieures
du royaume. Ils ne peuvent pas fe perfuader que
les intérêts réciproques 8c inféparables du prince
8c du peuple , 8c le plus grand bien de l’Etat, leur
foient mieux connus qu’à, la nation entière?
Mais il eft évident que nulle confidération n’ a
pu balancer dans leur efprit, leur attachement au
fantôme dont ils font les créateurs: il eft évident
qu’ils ont tout facrifié au defîr de faire envifagçr
l’inaliénabilité du domaine , comme un établifle-
ment qui, étant auffi ancien que celui de la monarchie
, fait tellement partie de fon effence, que
nulle'puiflance fur la terre ne peut l ’altérer , ni
même le régler 8c le modifier, malgré les befoins
de l ’E ta t , 8c pour fon plus grand avantage.
D e là , tant de propofitions hafardées , tant de
maximes d’une févérité outrée, tant d’inconfé-
quences 8cfde contradictions répandues dans leurs
écrits. Ils ont néanmoins été reçus , ces écrits ,
avec une forte de refpect religieux, parce qu’ils
étoient faits pour la défenfe d’une caufe facrée. On
s’eft interdit les approches du fanétuaire , 8c la
liberté de voiT de fes propres yeux. I l eft vrai
I que quelques auteurs s’élevant au-deflus du préjugé,
ont reconnu que l’idée d’un domaine inaliénable
étoit une chofe très-moderne , 8c qu’ils n’ont