Comme la vérité eft une dans Ton langage, & que
l’on ne devroit jamais tenir d’autre langage dans les
aftes, les contre-lettres devroient être profcrites,
étant prefque toujours faites pour tromper quelqu’un;
c’eft pourquoi Pline le jeune, liv. V .ep .j.
rapporte qu’étant follicité par l'on fils de paffer un
a&e fimulé dont fon fils offroit de faire une contre-
lettre , il le refufa ; Curianus filius orabat ut fibi dona-
rern portiOnem mtarn, feque proejudicio juvarem, ean-
dem tacittî conventione falvam rnilii pollicebatur ; refi-
pondebam non conventre moribus mets, aliud palarn ,
altiid agere fecreto.
Il y a néanmoins des. cas, où les contre-lettres peuvent
avoir un objet fort légitime & fort innocent,
comme quand un homme qui veut faire faire fur lui
un decret volontaire, paffe à cet effet une obligation
fimulée au profit du pourfuivant, dont celui-ci
lui paffe une contre-lettre.
Quoi qu’il en toit, les contre-lettres font permifes
en général : il en eft parlé dans la coutume de Paris,
art. z68. dans Celle de Bèrri, tit. v. art. Si. & Calais,
art. 39. mais elles font peu favorables, fur-tout
lorfqu’elles paroiflent faites en fraude de quelqu’un.
On paffe ordinairement la contre-lettre devant notaire
, & au même inftant que l’aâie auquel elle eft
relative, afin de lui donner une date certaine contre
des tiers, & que la relation des deux a&es foit mieux
marquée. On peut cependant paffer la contre-lettre
quelque tems après ; car il eft permis en tout teffis
ae reconnaître la vérité : la contre-lettre eft feule-;
ment. plus fufpeûe lorfqu’elle eft ainfi faite après*
Coup ; & lorfqu’elle eft feulement fous feing privé,
comme cela fe peut faire hors le cas de contrat de
mariage, elle ne laiffe pas d’être valable.entre ceux
qui l’ont paffée ; toute la différence eft qu’elle n’a
point de date certaine contre des tiers.
Un des cas où les contre-lettres peuvent être lé
plus préjudiciables, c’eft par rapport aux contrats de
mariage ; car c’eft fur la foi de ces contrats que deux
perfonnes s’uniffent, &c que deux familles s’allient:
c’eft pourquoi les contre-lettrés qui tendent à anéantir
ou à changer quelque claufe du contrat de mariage,
doivent être pailèes devant notaire, afin qu’elles
ayent une date,certaine, & que les conjoints
ne puiffent par ce moyen fè faire aucun avantage,
ni déroger à leurs conventions matrimoniales par un
aéte qui feroit poftérieur au mariage.
Il faut aulîi, fuivant Y art. z58. de la coutume de
paris, que ces fortes de contre-lettres forent paffées
en préfence de tous les parens qui ont afiîfté au contrat
de mariage ; autrement le contrat ne feroit cen-
fé avoir été fait que pour en impofer à la famille ,
& la contre-lettre feroit nulle, même par rapport aux
conjoints qui l’auroient fignée.
La raifon eft que fouvent les futurs conjoints,,
épris d’une folle paffion l’un pour l’autre, renonce-
roient inconfidérément à tout ce que les parens au-
roient ftipulé pour leur intérêt, & que d’ailleurs les
contrats de mariage ne regardent pas feulement les
futurs conjoints, mais auffi les enfans qui en peuvent
Venir.
On doit y appeller les parens, tant du mari que
de la femme, qui ont ligné au contrat, lorfque la
contre-lettre les intéreffe egalement. Mais fi l’avantage
féfultant de la contre-lettre n’eft qu’au profit d’un
des conjoints, il fuffit d’appeller les parens de l’autre
conjoint qui ont figné au contrat de mariage:
Les arretés de M. le premier préfident de Lamoignon,
tit de la commun, de biens, art: 6. & S. portent
que toutes contre-lettres faites au préjudice de
ce qui a été convenu & accordé par le contrat de
mariage, font milles, même à l’égard de ceux qui
oiit figné les contre-lettres ; que les conjoints ne peuvent
durant le mariage y déroger par aucun aéte, de
quelque qualité qu’il foit, même en la préfence &
par l’avis de tous les parens qui ont aflifté au contrat
de mariage,.quand même la réformation feroit
faite pour réduire les conventions au droit commun
de la coutume ; mais que les contre-lettres faites devant
notaires avant la célébration, du mariage, du
çonfentement des futurs conjoints ,' en préfence de
leurs principaux & plus proches-parens, font valables.
Au refte les conditions & formalités que;lfon exige
pour ces fortes de contre-lettres, né font néceffai-
res que quand il s’agit d’un a été qui donne atteinte
au contrat de mariage ; .car fi la contre-lettre, étoit,
par exemple, une prpmeffe de la part des . pàrèns
d’augmenter la dot, ou feulement une explication
de quelque claufe obfcure & douteufe, fans .préjudicier
aux droits réfultans du contrat, l’aéte feroit
valable, & feroit moins confidéré comme une contre
lettre que comme une addition faite au contrat de
mariage.
Il y a des cas où;les contre-lettres font prohibées ;
favoir,
i° . Pour l’acquifitiôn dés charges & pratiques de;
procureurs, fuivant l’arrêt du'7 Décembre 1691,
code Gillet.
20. Les comptables ne peuvent ufer de contre-let-•
très au fait de leurs charges , à peine d’amende arbi-,
traire. Déclarât, du i6Mai 1S32. Fontanon, tome l ,
page 63 o. .
30. Il eft aufli défendu par un arrêt du 3 Mars 1663*
rapporté au journal des audiences, de faire aucunes
contre-lettres contre les contrats de fondation & do-;
tation des couvents & communautés féculiëres ou
régulières, à peine de 10000 livres d’amend.e; de-
fenfes font faites aux notaires de les recevoir , à pei-'
ne de faux, & de 2000givres, d’amende.
40. Une contre-lettre ou déclaration qu’une rente
n’eft point due, n’a point d’effet contre un tiers à
qui la rente a été cédée. Journ. des aud. tome I. liv*.
ll.ch .cxv ij.
Voye^ les arr. de Louet, tome I. lett, C. n. 28. le tri
CONTRE-LISSES, f. f. pl. (Marine.) voye[ Barres
d’Ar casse! (Z ) '
CONTRE-MAILLES , CONTREMAILLER: on dit un filet contre-maillé, c’eft-à-dire un filet à mailles
doubles. Voyc^ Mailles.
CONTRE-MAITRE, f. m. (Marine.) c’eft un officier
de l’équipage qui eft l’aide du maître.- Voye^ Maître.. . .
L’ordonnance de la Marine dé 1689, tit.xvij. dit:
Le contre-maître étant établi pour fioulager le maître 9
doit exécuterfies ordres , & ènfiùn'àbfience faire les çkôfiés
qui fiont de la fonction du maître. .Il ferafiaire la manoeuvre
du mat d'artimon & de beaupré fur la paràlé du
maître ; mouiller & lever les àncres, les bojfier & mettre
en place, fiourer les càble's , & virer au cabefiah ? quand
le vaijfieau appareille, (Z)
Contre-Maître , dans les Raffineries de juçrè y
eft proprement le directeur de là raffinerie ; ç’éft lui
qui prend la preuve, & ordonne tout ce qui fe fait
dans la raffinerie. C ’eft pour cela qu’il faut un homme
intelligent, & qui'fâche prendre fon parti fur
les accidens qui peuvent arriver malgré fa prévoyance.
CONTRE:MANCHÉ, adj. (BÏafion.) parti coupe
& contre-manche de fable & d’argerît de l’un à l’autre.
CONTRE-MAND, fubft. m. (Jurifip.) étoit une
raifon propofée en juftice pour remettre ou'différer
l’affignation : il différoi't de'Téx'oine en ce que' celui
qui contre-mandoit remettoit l’ajournement à-un
jour certain, fans être obligé d?affirmer ni d’alléguer
aucune autre raifon ; au lieu qu’en cas d’exôine,. il
falloit
falloit affirmer quelle étoit vraie ; & comme oft ne
pouvoit pas favoir quand elle cefferoit, la remife,
par cette raifon, n’étoit jamais à un jour certain.
Beaumanoir, ckap. iij. dit qu’il y a grande différence
entre contre-mans & ejfoines; qu’en toutes quenelles
( caufes) où il échet contre-mans, on en peut
prendre trois ayant que l’on vienne à court, dont
chacun des trois contient quinze jours ; qu’il n’eft
pas néceffaire de faire ferment ni de dire pourquoi,
mais que pour Ycffoinemènt (exoine) on n’en peut
avoir qu’un entre deux jours de cour ; qu’il doit
être fait fans-jour , parce que nul ne fait quand il
doit être hors de fon exoine , & qu’il faut jurer l’e-
xoine fi la partie le requiert quand on vient à court.
Qu’en toutes querelles où il y a contre-mand l’on
peut exoiner une fois s’il y a lieu ; mais que dans
toutes les querelles où l’on peut exoiner, l’on ne
peut pas contre-mander, parce qu’on ne peut contre-
mander fi la femonce n’eft faite Simplement, &c.
Celui qui étoit obligé d’ufer de contre-mans ou
d’exoines, ne pouvant les propofer lui-même, avoit
recours au miniftere d’un meffager pour les propofer
s’il ne vouloit pas avoir de procureur, & en ce
cas il ne lui falloit ni grâce ni le çonfentement de
fon adverfaire. Voye^ l'auteur du grand coutumier
■ liv. 1-11. ch• vij.
CONTRE-MARCS, f.m. pl. traitsdontles Charpentiers
fe fervent, & qu’ils tracent fur leurs bois
•àrnefure qu’ils les achèvent, afin de les reconnoître
quand ils en feront Taffemblage.
CONTRE-MARCHE, f. f. (Art milit.) eft un
’changement de la face ou des niles d’un bataillon,
par laquelle les hommes qui étoient à la tête du bataillon
paffent à la queue. On a recours à ce'f expédient
lorfque le bataillon eft chargé en queue, &
qu’on veut que les chefs des files, qui font pour l’ordinaire
des gens choifis, prennent la place des ferre-
afiles,
La contre-marche fe fait par files ou par rangs ; par
files, lorfqu’on met les hommes de la tête du bataillon
à la queue ; par rangs , en faifant paffer un des
■ flancs du bataillon fur le terrein de l’autre flanc. On
•fe fert encore de ce terme , dans la Marine. Vçye^
plus ^ Contre-marche (Mariné). Chambers.
Il eft fort parlé de la contre-marche dans nos Tacticiens
françois , comme Caftelnau, &c. mais elle
■ n’eft plus d’un grand ufage, parce qu’elle fuppofe
les files fort au large & diftantes les unes des autres,
ce qui n’eft plus la coutume d’apréfent. Comme
cette manoeuvre eft d’affez grand détail, & qu’elle
eft expliquée tout au long dans la ta&ique d’Èlien-,
;on y renvoyé ceux qui feront curieux de la connoî-
tre plus au long , en les avertiffant feulement que
l’on appelle en françois,
i° . Contre-marcke en perdant le terrein, ce que
les anciens appelloient évolution macédonique.
2°. Contre-marche en gagnant du terrein, ce qui
étoit appellé évolution laconique.
30. Contre-marche fans changer de terrein, ce qui
étoit nommé évolution crétoifie. (Q )
CONTRE-MARCHE , (Marine.) Faire la contremarche
, cela fe dit quand tous les vaiffeaux d’une
armée ou d’une divifion, qui font en ligne, vont
derrière le dernier jufqu’à un certain lieu pour re-
virer ou changer de bord. (Z )
" CONTRE-MARCHES, f. m. plur. (Manufact.
en foie.) efpeces de calquerons qui en ont le jeu, &
qui enfilés d’un côté ne tirent que de l’autre. Voye^
l'article CALQUERON.
CONTRE-MARCHÉ , adjea. (Rubanerie.) Iorf-
qu’un ouvrage eft d’un deffein tel que la fin en ref-
-lemble parfaitement au commencement, alors il eft
non-feulement contre-marché, mais encore fourché;
voye{ Fo u r c h é , Voi.çi comme la contre-marche 7 orne I y.
s’exécute î l’on fuppofe un ouvrage qui ait fix re*
tours, I’otlvrier étant parvenu au dernier, ayant
marché fes marches du centre à l’extrémité, comme
cela fe pratique ordinairement ; étant parvenu, dis*
■ je, au dernier, au lieu de tirer le premier retour
comme cela fe fait aux ouvrages qui ne font pas
contre-marches, il travaille une fécondé fors ce dernier
retour, mais en fens contraire, c’eft-à-dire qu’a-
près avoir marché ce retour du centre à l’extrémité,
il revient fur fes pas en marchant de l’extrémité au
centre : après ce retour travaillé ainfi une fécondé
fois, il tire le cinquième retour pour finir par le premier
, qui fera de même travaillé deux fois de lùite
de même en fens contraire ; puis il tirera le fécond
qui ne fera travaillé qu’une fois, de même que les
autres, n’y ayant que le premier & le dernier qui
fe travaillent comme il vient d’être clit : on obfer-
veta que tous les retours contre-inarchés doivent être
marchés de l’extrémité au centre quand on a une
fois commencé, .jufqu’à ce que la contre-marche
foit achevée.
CONTRE-MARÉÉ, f. f. (Marine.) marée différente
; il y a des contre-marées dans certains endroits
où la mer eft refferrée. Voye^ Maree. (Z )
CONTRE-MARQUE d'une médaille, f. f. (Belles
Lettres.) eft une marque ajoutée à une médaille long-
tems après qu’elle a été frappée. Voye1 Médaille.
Les contre-marques des médaillés paroiflent être des
fautes ou des pailles qui en défigurent le 'champ ,
foit du côté de la tête ou du côté du revers, fur-
tout dans les larges médailles de cuivre & celles de
médiocre grandeur •: cependant les curieux regardent
ces contre-marques comme des beautés, en con-
féquence defquelles ils en eftiment les médailles bien
davantage ; parce qu’ils prétendent connoître par-
là les différens changemens de valeur furvenus en
differens tems à ces médailles.
Les antiquaires ne font cependant pas bien d’accord
fur la lignification des cara&eres que portent
ces médailles ; fur quelques-unes on trouve ces lettres
N. PROB. fur d’autres N. CAPR. & fur d’autres
CASR-. RM. NT. AUG. SC. d’autres ont pour
contre-marque une tête d’empereur , d’autres une
corne d’abondance, & d’autres d’autres emblèmes-.
Il ne faut pas confondre-les monogrammes avec
les contre-marques, il eft aifé d’en faire la diftin&ion.
Les contre-marques ayant été frappées après coup,
font enfoncées dans la médaille ; au lieu que les
monogrammes qui ont été frappés en même tems
que la médaille., ont au contraire un peu de relief.
M. de Boze, dans une lettre à M. le baron de la
Baftie inférée dans la nouvelle édition de la fciencè
des médailles du P. Jobert, éclaircit parfaitement
cé qui regarde les contre - marques des Romains, &
prouve très-bien que les contre-marques n’ont jamais
été en ufage du tems de la république ; què cet ufage
n’a commencé que vers l’empire d’Augufte, &
ne s’eft guere étendu au-delà du régné de Trajan ;
qu’après avoir repris quelque-tems vigueur fous Juf-
tin & fous Juftiniën, il ceffa bien-tôt après ; enfin
qu’il n’eut jamais lieu fur les médailles d’or ou d’argent
, mais Amplement fur celles de bronze : d’où il
conclut que les contre-marques n’-ont jamais été un ca-
rafrere d’augmentation aux monnoies , puifqüe ces
augmentations ne furent jamais plus fréquentes què
du tems de la république dont on ne trouve aucune
piece contre-marquée. 20. qu’elles ne lignifièrent non
plus nulle augmentation de monnoie fous les empereurs
, dont pour une médaille en bronze contre-
marquée on en trouve cent du même type qui ne le
font pas, & qu’aucune de leurs médailles d’or où
d’argent ne porte la contre-marque : 30. que ces médailles
contre-marquées étoient des monnoies qu’où
diftribuoit aux ouvriers occupés aux travaux pu