terre; d’autres, qu’il fut confumé par le feu. Difons
plutôt, avec M. Hardion, qu’ildifparut à-peu-près
comme les palais enchantés de nos Nécromanciens.
Le quatrième temple exifta réellement, & fut
bâti tout de pierre la première année de la cinquième
olympiade, parTrophonius & Agamedès excellens
architeûes. Apollon, au rapport d’Homere qui embellit
tous les îujets qu’il traite , en jetta lui-même
les fondemens. Ce beau temple s’embrafa dans la
cinquante-huitieme olympiade, 548 ans avant l’ére
vulgaire.
Le cinquième fut conftruit 513 ans avant J. C. environ
44 ans après que celui deTrophonius 6c d’A-
gamedès eut été brûlé. Les Am phy irions, ces juges
fi célébrés de la Grece, qui s’étoient rendus les protecteurs
de l’oracle de Delphes, fe chargèrent du
foin de rebâtir ce cinquième temple. Ils firent marché
avec l’architeile (c’étoit un Corinthien nommé
Spintharé) à 300 talens, environ foixante mille louis.
Toutes les villes de Grece furent taxées, & Amafis,
alors roi d’Epire, donna pour fa part mille talens
d’alun. Les Alcméonides, famille puiffante d’Athe-
nes, chaftes de leur patrie par les Pififtratides, vinrent
à Delphes en ce tems-là, 6c s’offrirent de conduire
l ’édifice: ils le rendirent beaucoup plus magnifique
qu’on ne fe l’étoit propofé dans le modelé. Entre
les autres embelliffemens qu’ils ajoutèrent, ils firent
à leurs dépens un frontifpice de marbre de Paros.
Le refte du temple étoit d’une pierre qu’Herodote
appelle mLp$m Xnos, qui eft peut-être la même que
l e porus de Pline, efpece de-pierre blanche, dure
comme le marbre de Paros, mais moins pefante.
Il n’eft pas poffible de détailler les offrandes dont
les divers temples de Delphes furent fuccefïivement
enrichis. Ces trélors ont été fi vantés, que les Grecs
les défignoient par le feul mot Ila.\cuo'7T\ûÛTov> le palais
des richejfes. Ces richeffes ne confiftoient néanmoins
dans les commencemens qu’en un grand nombre
de vafes & de trépiés d’airain \ fi l’on en croit Théopompe,
qui nous aflïire qu’il n’y à voit alors aucune
ftatue, pas même de bronze. Mais cette fimplicité
ne dura guere ; les métaux lés plus précieux y prirent
bientôt la place de l’airain. Gygès roi de Lydie
fut le premier qui fit au temple de Delphes des offrandes
d’une très-grande quantité de vafes d’or &
d’argent ; en quoi ce prince fut imité par Croefus
fon lucceffeur, par plufieurs autres rois & princes,
par plufieurs villes, 6c même par plufieurs riches
particuliers , qui tous comme à l’envi les uns des
autres y accumulèrent par monceaux trépiés, vafes,
boucliers, couronnes, & fiatues d’or 6c d’argent de
toutes grandeurs. Nous dirons, pour les évaluer en
bloc, que dès le tems de Xerxès on faifoit monter
les tréfors de Delphes auffi haut que ceux de ce fou-
verain des Perfes qui couvrit l’Hellefpont de fes vaif-
feaux, & qui envahit la Grece avec une armée de
600 mille hommes.
Ne foyons pas furpris que des thréfors fi confidé-
rables ayent excité fuccefïivement la convoitife 6c
la cupidité des rois 6c des nations. Le premier qui
tenta de s’en rendre maître, fut un fils de Crius roi
des Eubéens : cet événement eft fi ancien, qu’il n’eft
pas poffible d’en fixer l’époque. Le fécond pillage fe
fit par Danaiis roi d’Argos, qui étant entré à main
armée dans la Grece, vola 6c brûla le temple d e .
Delphes f l’an 1509 avant J. C. Enfuite les Dryopes
s’emparèrent des richeffes du temple d’Apollon, ,
fous la conduite de Phylas leur roi : Hercule défit ce
roi, & le tua l’an 129 j avant J. C. Phlégias frere d’I-
xion & roi des Phlégiens, fut le quatrième qui pilla
le temple de Delphes, environ 1295 ans avant N. S.
Soixante & dix-huit ans après, Pyrrhus fils d’Achille
, tenta la même dépouille. LesCrifféens portèrent
leurs mains impies fur les richeffés du mêmè temple,
605 ans avant J. C. Le fameux Xerxès, l’an 480 av.'
N. S. envoya à Delphes un détachement de fon armée
formidable, avec ordre de piller le temple d’Apol».
Ion, & de le détruire : mais fon entreprife ne réuflit
pas.
Les Phocéens proches voifins de Delphes, pillèrent
le temple à trois différentes reprifes, dont la
première s’exécuta 365 ans avant l’ere chrétienne.
Les Gaulois qui n’avoient pas moins d’avidité que
les Phocéens, tentèrent deux fois le même projet ;
la première fois l’an 279 avant J. C. fous Brennus
qui y fut tué, defefpéré d’avoir manqué fon coup :
& la fécondé fois 114 ans avant N. S. avec un fuc-
cès plus heureux, mais non pas fans avoir perdu
beaucoup de monde à cette expédition. Trente ans
après, c’eft-à - dire 84 ans avant l’ere vulgaire, les
Thraces portèrent leurs mains facriléges fur le temple
de Delphes, 6c le brûlèrent l’an 670 de Rome.
Enfin l’an 819 de la fondation de cette capitale du
monde, Néron voyageant en Grece n’oublia pas de
vifiter le temple d’Apollon ; 6c y ayant trouvé à
fon gré 500 belles fiatues de bronze, tant d’hommes
illuftres que de dieux, il les enleva, les chargea fur
fes vaifleaux, 6c les emporta avec lui à Rome. Ce
foot-là les principaux pillages qu’effuya le fameux
temple de Delphes, avant 6c même depuis la cefla-
tion de fes oracles.
On conçoit bien qu’un temple de cet ordre de-
maridoit un grand nombre de miniftres pour le défi
fervir, & jamais fon autel n’en manqua. Il y avoit
d’abord plufieurs collèges de devins ; cinq facrifica-
teurs perpétuels en chef qui immoloient les vi&i-
mes, faifoient paffer la facrificature à leurs enfans,
6c avoient fous eux quantité de facrificateurs fubal-
ternes ; un nombreux cortège de grands & de petits
prêtres étoient chargés, les uns du dehors, & les autres
de l’intérieur du temple : ceux qui paffoient pour
être les mieux inftruits de fes antiquités , les expli-
quoient aux étrangers, & leur montroient foigneu-
fement toutes les offrandes que la piété des peuples
avoit confacrées ; ils leur apprenoient par qui telle
ftatue, tel tableau avoit été envoyé, quel en étoit fe
ftatuaire ou le peintre, dans quel tems & à quelle
occafion on l’avoit envoyé.
A l’entrée du fan&uaire habitoit le gardien de l’or
d’Apollon ; emploi de confiance, mais des plus étendus
6c des plus pénibles. Les prophètes défignés pour
accompagner la Pythie dans le fanituaire, & pour
être aflis autour du trépié facré, tenoient un des premiers
rangs entre les miniftres d’Apollon , parce
que c’étoit à eux que l’on adreifoit les demandes, &
que c’étoit d’eux que l’on recevoit les réponfes de
l ’oracle.
En fortant du fan&uaire fe trouvoient les femmes
confacrées au fervice du dieu, 6c qui fe rangeoient
en haie fur le perron, pour empêcher que les profanes
n’approchafTent du trépié. D ’autres prêtreffes
étoient occupées à la garde 6c à l’entretien du feu
facré qui brûloit jour 6c nuit. Il y avoit encore des
hommes 6c des femmes prépofées uniquement pour
les bains 6c les purifications du temple.
Si nous ajoûtons à tout ce monde, les joiieurs
d’inftrumens, les hérauts qui annonçoient les feftins
publics, les choeurs de jeunes garçons 6c de jeunes
filles choifis pour chanter les louanges, & pour dan-
fer les danfes en ufage dans le temple d’Apollon ,
nous conclurons fans peine que la plus grande partie
des habitans de Delphes étoient employés à le
fervir ..Article de M. le Chevalier de J AU COURT.
D EL PH E S ( Oracle de) , Myth. Hiß. Littér. le plus
fameux de tous les oracles du Paganifme, 6c qui devint
, pour ainfi dire, l’oracle de toute la terre ; il
précéda le regne de Cadmus, & étoit même établi
avant le déluge de Deucalion,
■ BBSSBDBB
. Diodore de Sicile, Strabon, Paufanias, & Plutarque
, racontent que des chevres qui paiflbient dans
les vallées du mont Parnaffe, s’étant avancées vers
une efpece d’antre peu connue , firent des bonds
étonnans , & pouffèrent des cris extraordinaires.
Bientôt les pâtres ; les villageois, 6c tous les habitans
du lieu, furent à leur tour l'aifis des mêmes mou-
vemens , & fe perfuaderent que quelque dieu étoit
venu fe cacher dans le fond de l’abyfme , afin d’y
rendre fes oracles. On attribua d’abord l’oracle à
Neptune 6c à la Terre ; de la T erre, l’oracle paffa. à
Thémis fa fille : enfume elle s’en démit en faveur
d’Apollon, qu’elle.chériftoit particulièrement. En-
fin_celui-ci par fes lumières dans la fcience de deviner,
à laquelle il s’appliqua dès fa plus tendre jeu-
neffe, demeura maître de l’oracle, & l’éleva au plus
haut point de célébrité. Le fingulier de ce détail fabuleux
, eft qu’on le puife dans les Hiftoriens comme
dans les Poètes.
Apollon fut donc le dernier poffeffeur de Voracle
de Delphes, 6c s’y maintint avec plus ou moins
de gloire, fuivant les conjonctures, le degré de fu-
perftition des peuples ou de l’induftrie des prêtres,
jufqu’au tems que les Thraces pillèrent fon dernier
temple, & le brûlèrent vers l’an 670 de la fondation
de Rome. Pendant ce long efpace de fiecles, le temple
d’Apollon regorgea de préfens qu’on y envoyoit
de toutes les parties du monde. Les rois, les potentats
, les républiques, & les particuliers, n’entrepre-
noient rien qu’ils ne l’euffent confulté ; tout ce qu’il
y avoit d’habitans à Delphes travailloient à l’envi
à lui procurer des confultations, 6c à lui attirer les
étrangers, afin de leur vendre les oracles au prix des
plus lbmptueux facrifices 6c des plus magnifiques
offrandes ; tous étoient occupés ou de l’entretien du
temple, ou des facrifices, ou des cérémonies qui
•concernoient les oracles ; tous briguoient avec zele
l ’honneur d’être les miniftres d’un dieu qui les com-
bloit chaque jour de nouveaux bienfaits. Hoye^ l'article
precedent.
Parmi ces miniftres fe diftinguoient ceux qu’on
nommoit les prophètes, 7rpô<piircii. Ils avoient fous eux
des poètes, qui mettoient les oracles en vers ; car il
n ’y a eu que de courts intervalles de tems où on les
tendit en profe. L’antre d’où fortoient les oracles,
étoit fitué vers le milieu du mont Parnaffe, du côté
■ qui regardoit le midi : c’étoient les prophètes qui re-
cevoient les paroles de la Pythie ; elle montoit fur le
trépié facré pour rendre les oracles du dieu , quand
il vouloit bien fe communiquer aux hommes : mais
les oracles qu’elle prononçoit n’étoient point faits
pour le plaifir des oreilles , ni pour porter dans Paine
cette tendrefle qu’excitoient les poéfies de Sa-
pho. La voix de la Pythie, dit Plutarque , attei-
gnoit jufqu’au-delà de dix fiecles, à caufe du dieu
<jui la faifoit parler. Voye^ Py th ie .
C’eft à l’oracle d’Apollon que la ville de Delphes
dut fa naiffance & fon aggrandiffement ; elle
lui dut fa réputation, 6c ce grand éclat qui la fit regarder
Comme le centre de la religion, comme le fé-
jour favori des dieux. Quoique cette ville n’eût que
des précipices & des rochers pour pourvoir à fes be-
ioins l’oracle d’Apollon lui tenoit lieu des plus riches
coteaux 6c des plaines les plus fertiles : mais ce
dieu n’étoit pas toûjours en humeur de le rendre ;
d’ailleurs il étoit très-friand de facrifices, 6c très-difficile
à cet égard. Si l’on entroit dans le lan&uaire
de fon temple fans avoir facrifié, le dieu étoit lourd,
la Pythie étoit muette. Voye^^fur cette matière, Plutarque
; les mém. de l'acad des Infcript. Van-Dale,
de oraculis Ethnicorum, &C Vhijloire des oracles de M.
de Fontenelle. J’ai parcouru tous ces ouvrages la
plume à la main ; 6c le faifant dans les mêmés vûes
cpiè Montagne, je pratique fa méthode : « Ce que je
» lis je m’en dégorge, non fans, deffein de publique
» inftru&ion ; je prete attentivement l’oreille aux li-
» vres de ce genre, en guettant fi j’en puis fripon-
» ner beaucoup de chofes pour émailler ou étayer
» celui-ci ». Article de M. le Chèv. DÈ Ja U COURT.
* DELPHINIES , (Hijl. anc. & Myth.) fêtes que
les habitans d’Egine célébroient en l’honneur d’Apollon
âelphinius. Ce dieu avoit été ainfi appellé ,
fur ce qu’on prétendoit qu’il avoit pris la forme d’un
dauphin pour conduire Caftalius & fa colonie, depuis
l’île de Crete jufqu’au Jinus Crijfoeus, aux environs
duquel on bâtit dans la fuite la ville de Delphes
, fi fameufe par l’oracle d’Apollon.
* DELPHINIUM y (Hifl. anc.) une des cours,
de judicature des Athéniens ; on y écoutoit ceux
qui ne defavoiioient point un meurtre , mais qui
prétendoient l’avoir commis innocemment. On en
attribue l’inftitution à Egée ; 6c fon fils acculé de
la mort de Pariante fu t , à ce qu’on dit, le premier
coupable qu’on y jugea. On l’appella delphinium ,
de la proximité du lieu où elle tenoit fes féances ,
& du temple d’Apollon delphinius.
DELPHINUS3 en Agronomie, n om d ’une, c o n fte l- '
la t io n . Voye£ D a u p h in .
DELSPERG ou DELEMORES , ( Géog. mod. )
ville de Suifl'e. Long. 2.8. 68. lat. 4.J. 18.
DELTOÏDE ; f. m. (Anat. ) eft le nom que les
Anatomiftes ont donné au mufcle triangulaire de.
l’épaule ; ils l’ont appellé ainfi, à caufe de la reffem-
blance avec le a ou delta des Grecs. Ppye^ l'article
M u s c l e .
Ce mufcle, dire&ement oppofé au trapefe, s’attache
à un tiers du rebord antérieur de la clavicule
vers fa portion humérale, à l’acromium & à l’épine
de l’omoplate, & il s’infere par un tendon fort à la
partie moyenne de l’humerus. Il éleve le bras. Voy±
nos Planches d'Anatomie, ( L)
DÉLUGE, f. m. (Hijl.J'acrée, profane, & natur.)
c’eft un débordement ou une inondation très-confi-
dérable, qui couvre la terre en tout ou en partie.
Hoyei Inondation 6- D ébordement.
L’Hiftoire facrée & profane parle de plufieurs déluges.
Celui qui arriva en Grece du tems de Deucalion
, appellé diluvium Deucalidoneum, eft fort renommé.
« Ce déluge inonda la ThefTalie. Deucalion.
» qui en échappa, bâtit un temple à Jupiter phry-
» xius, c’eft-à-dire à Jupiter, par le fecours duquel
» il s’étoit fauvé du déluge. Ce monument duroit au
» tems de Pififtrate , qui en le réparant & le confa-
» crant à Jupiter Olympien, en fit un des beaux édi-
» fices de la Grece. Il fubfiftoit encore fous ce titre
» au tems d’Adrien, qui y fit beaucoup travailler.
» Deucalion établit auffi des fêtes en l’honneur de
» ceux qui avoient péri dans l’inondation; elles fe
» célébroient encore au tems de Sylla , au premier
» du mois Anthiftérion, & fe nommoient oJ'pcipop/et ».
Voilà les monumens qui établiflent la certitude de
cet événement : du refte on en a fixé l’époque à l’an
1529 avant J. C. trois ans avant la fortie des Ifraé-«
lites de l’Egypte. C ’eft le fentiment du P. Petau. Hat.
temp. part. I. liv. I. ch. vij.
Le déluge d’Ogyges eft arrivé, félon plufieurs fa-
vans, environ 300 ans avant celui de Deucalion,
1020 avant la première olympiade, & 1796 avant
J. C. C’eft en particulier le fentiment du même auteur.
Rat. temp. part. I. liv. I. ch. jv. part. II. liv. /ƒ.
ch. v. « Mais il faut convenir avec les Grecs eux-mê-
» mes, que rien n’eft plus incertain que l’époque de
» ce déluge. Elle étoit fi peu fixée 6c fi peu connue ,
» qu’ils appelloient ogygien tout ce qui étoit obfcur
» éc incertain. Ce déluge dévafta l’Attique ; quelques
» auteurs y ajoûtent la Béotie, contrée balle & ma-
» récageuie, qui fut près de deux cents ans à rede-
» venir habitable, s’il en faut croire les traditions*
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