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llomachalt,ils paient par le pylore dans le duodénum,
que des phyfiologiftes éclairés -ont regardé comme
un fécond eftomac à caufe de l’importance de les
fondions. C ’eft dans cet intestin que la bile, le fuc
pancréatique, 6c l’humeur féparée par des glandes
nombreufes qui fe rencontrent dans cet inteftin, &:
qui font connues i'ous le nom de glandes de Brunner,
que tous ces fucs, dis-je, font verfés fur la pâte alimentaire
, & qu’ils la pénètrent intimement. C’eft
après ce mélange qu’on découvre un vrai chyle parmi
cette maffe ; cette liqueur commence dès-lors à
paffer dans des veines la&ées qui s’ouvrent dans cet
inteftin.
La maffe alimentaire parcourt plus lentement le
duodénum que le refte du canal inteftinal ; ce qui eft
évident par la feule infpeâion de la ftru&ure de cet
organe. f'oyezDvoDENUM. Cette maffe continue
fa route dans le jéjunum 6c dans Vileum, oit elle eft
continuellement humeftée par les fucs qui fe fepa-
rent dans leur cavité. C ’eft dans les inteftins greles
que le chyle reçoit fa parfaite élaboration & qu’il
paffe dans les veines laûées, dont le plus grand nombre
partent de la cavité de ces inteftins. La matière
dont nous pourfuivons la route depuis l’eftomac
prend le cara&ere 6c la tournure que nous connoif-
lons aux excrémens, à mefure qu’elle eft dépouillée
du chyle 6c qu’elle avance vers le cæcum. Ici elle eft
exactement excrément, il ne lui manque plus que
l’odeur, qu’elle acquiert dans le trajet qui lui refte
pour parvenir au rectum : elle s’accumule dans ce
dernier inteftin, jufqu’à ce qu’elle y détermine enfin
l ’aftion des organes qui doivent l’expulfer. V?yeç le
méchanifme de cette fonction au mot Matière fécale.
Il ne faut pas négliger d’obferver, à propos
de cette route des excrémens dans le colon, i°. qu’il
fuinte continuellement un fluide abondant dans la
cavité de cet inteftin ; fluide qui redonne aux matières
fécales la molleffe qu’elles ont perdue par- la
féparation du chyle & l ’abforption de leur humidité :
a°. qu’il fe filtre par les groffes glandes des inteftins
une matière mucilagineufe, qui enduit les excrémens
& les fait couler plus librement dans les gros boyaux,
fans bleffer ces organes 6c fans les irriter : 30. que
les gros inteftins ne font pas dépourvus de veines
la&ées ; ce qui eft prouvé, 6c par l ’infpeftion anatomique
, 6c par la nourriture portée dans le fang par
les lavemens nourriffaris, qui ne peuvent que rarement
6c difficilement paffer dans les inteftins grêles.
Cette derniere obfervation mérite beaucoup de con-
fidération dans l’établiffement de la théorie de la digestion.
La fbn&ion que nous venons de décrire s’accomplit
ordinairement dans l’homme fain en quatre ou
cinq heures.
Voilà les phénomènes de la formation du chyle &
des excrémens dans l ’eftomac 6c dans les inteftins,
ou dans ce que les Médecins ont appellé les premières
voies.
Nous n’avons parlé jufqu’à préfent que des ali-
mens folides : nous obferverons à propos de la digef-
tion des alimens liquides ou très-mous, tels que les
bouillons, le lait, les fucs doux végétaux, les gelées,
&c. i° . que les Phyfiologiftes femblent avoir ab-
folument oublié les derniers, lorfqu’ilsnous ont donné
l’hiftoire & la théorie de la digejtion: 20. que cet
publi paroît avoir été une des principales fources
des explications abfurdes ou infuffifantes qu’ils nous
ont données de cette fon&ion, précifément comme la
théorie de la diffolution chimique n’a pas même pû
ctre foupçonnée des Phyficiens, qui ont oublié ou.
ignoré qu’un liquide étoit diffous abfolument de la
même façon qu’un Dissolution , Mensftorliduee.. Voyez ChyMIE, Ceux qui ont enfanté
des fyftèmes fur la digejtion, fe font principalement
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occupés de la divifion, de l’atténuation des aliment j
objet vain, ou pour le moins très-fecondaire, fi la
digejtion s’exerce formellement, & quant à fon effet
effentiel fur des alimens aduellement divifés, fin des
liquides. 30. Qu’en effet les alimens liquides font digérés
comme les folides ; que les parties vraiement
alimenteufes des premiers ne paffent dans les veines
laâées, qu’après avoir été réellement digérées, c’eft-
à-dire extraites, féparées d’un excrément, 6c altérées.
40. Que tout ce que nous avons dit, & ce que
nous allons dire encore des alimens, convient aux
liquides comme aux folides, à quelques différences
accidentelles près, que tout lefteur eft en état d’ap-
percevoir, la néceffité ou l’inutilité de la maftication,
par exemple, &c. Il eft peu de queftions phyfiologi-
ques fur lefquelles la théorie médicinale ait tant va-;
rié que fur le méchanifme de la digejtion.
Une des plus anciennes opinions eft celle d’Era-
fiftrate, qui croyoit que les alimens étoient broyés
dans l ’eftomac. Pliftonicus, difciple de Praxagore,
les faifoit pourrir. Hippocrate regardoit les alimens
comme véritablement cuits (voyez Coction) , idée
que les difciples d’Afclépiade ont directement combattue
, en affûrant que rien ne fe cuifoit dans l’eftomac
, mais que les matières paffoient dans le fang
auffi crues qu’elles avoient été avalées. Galien explique
la digejtion, comme toute l’ceconomie animale
, par des facultés ou par des mots ; mots précieux
cependant pour qui fait les entendre. Voyez Galénisme.
Les facultés ou les vertus attraCtrice, reten-
trice, concoCtrice, 6c expultrice, qu’il accorde à l’eftomac
, 6c qu’il met fucceflivement en adion, accomplirent
félon lui & félon les écoles qu’il a infpirées
pendant treize fiecles, le merveilleux ouvrage de la
digeftion.
La fë&e des chimiftes qui renverfa le dogme des
Galéniftes, & qui a prévalu vers le milieu du dernier
fiecle, a mis enjeu les divers agens chimiques ,
& a préfenté fucceflivement la digejtion fous l’idée
de toutes les efpeces d’altérations que les fujets chimiques
éprouvent dans les laboratoires ; ils ont fait
fermenter les alimens ; ils leur ont fait fubir des ef-
fervefcences ; ils les ont regardés comme macérés ±
diffous, précipités, &c.
La feàe des folidiftes méchaniciens a réfuté les
Chimiftes avec avantage, fans les entendre cependant
6c prefque par hafard ; ou pour mieux dire,
parce que les Chimiftes avoient fi fort outré leurs
prétentions , qu’elles tomboient d’elles-mêmes par
cet excès, quoique le fond du fyftème, l’affertion
générale que la digejtion eft une opération chimique,
foit une vérité inconteftable, comme nous l’obfer-
verons dans un moment.
Le fyftème de la trituration que ces derniers ont
imaginé, & qu’ils ont établi per mechanica & expérimenta
phyfiçafola (moyen de l’emploi duquel Boer-
haave fit enfuite la première loi de fa méthode inJUti
medic. cap. principia & partes médian.}, eft, on peut
l’avancer hardiment, la plus ridicule opinion qui ait
jamais défiguré la théorie de la Medecine : elle n’a
pas cependant fait fortune, & je ne fâche point qu’*
elle ait aujourd’hui un feul partifan. S’il étoit néanmoins
quelque lefteur qui n’apperçût pas au premier
coup-d’oeil l’extravagance• de cette opinion, quoiqu’il
fût inftruit que fes plus célébrés partifans ont
ofé avancer que l ’eftomac, qui n’eft dans l’homme
qu’un fac fouple & fort mou, etoit capable de broyer
le fer ; s’il en étoit, dis-je, quelqu’un qui ne rejettât
pas cette prétention fur fon fimple expofé, & qui
voulût fe reftraindre au moins à un broyement moins
violent, nous tâcherons de le détromper par un petit
nombre de réflexions. Les voici.
i°. La trituration, quand bien même elle feroit pof-
fible, feroit inutile à l’ouvrage de la digeftion, ou
pour
i o o r
pour le moins très-infuffifante, parce qtie les alimens
broyés 6c atténués ne font pas du chyle, c’eft-à-dire
que le chyle n’eft pas une poudre de pain ou de
viande étendue dans un liquide, mais une fubftance
particulière dont les principaux matériaux exiftoient
clans les alimens en un état de ténuité que la digejtion
ne change point ; 6c qu’ainfi cette partie vraiement
alimenteufe ne doit pas être formée ou préparée par
un broyement, mais Amplement extraite. z°. L’in-
du&ion tirée en faveur de ce fyftème de l’exemple
dè certains oifeaux dont l’eftomac broyé des corps
très-durs, eft abfolument nulle ; i°. parce que les parois
de l’eftomac de ces oifeaux font formées par des
mufcles très-forts, qui les font différer effentielle-
ment de l’eftomac de l’homme ; z°. parce que ce
broyement répond chez eux à la maftication des quadrupèdes
, & point du tout à leur digejtion : car on
peut avancer hardiment que le broyement fi efficace
obfervé chez certains oifeaux, n’accomplit pas en
eux l’ouvrage de la digejtion, ou ne fait pas du chyle
; mais que ce liquide eft formé par des moyens
très-analogues à ceux par lefquels il eft préparé dans
les quadrupèdes. Perfonne ne croit aujourdhui que
les oifeaux digèrent de petits cailloux, les chiens des
o s , les autruches du fer. 30. L’expérience de M. de
Réaumur, qui prouve que les oifeaux qui ont l ’efto-
rnac membraneux comme celui de. l ’homme, digèrent
des viandes enfermées dans de petites boîtes où
elles font à l’abri de tout broyement, détruit jufqu’à
futilité du petit ballotement ou de la compreffion
douce que les phyfiologiftes modernes ont retenue.
L’opinion des vermineux ou des phyfiologiftes,
qui ont fait exercer la digejtion par des armées de
v e r s , auxquels ils faifoient jouer un très-grand rôle
dans l’oeconomie animale, n’a pas fait une figure
cortfidérable dans les écoles. Voyez Vers 6* (Economie
animale.
L’explication des phyfiologiftes modernes , que
Boerhaave a adoptée 6c répandue, n’eft autre chofe
qu’une efpece de concordance de tous les fyftèmes.
Boerhaave a admis une efpece de fermentation ou
une altération fpontanée des alimens, une trituration
légère, une vraie yoftion prife dans le fens des
anciens, c’eft-à-dire l'a&ion d’une chaleur excitée
dans les alimens pendant la digejtion, un ramolliffe-
ment 5 6c une dilution par le mélange des divers fucs
digeftifs, &c.
Nous obferverons en deux mots fur ce fyftème ,
qui eft aujourd’hui le dominant, i° . que l’altération
Ipontànée des alimens, ou un changement quelconque
analogue aux fermentations connues, n’eft pas
prouvé, au moins dans l’état fain, & qu’au contraire
les produits refpeclifs de la digejtion & de ces fermentations
font effentiellement différens, & n’ont
pas même entr’eux un rapport générique : z°. qu’il
eft faux qu’il s’engendre de la chaleur dans les alimens
aûuellement digérés : 30. que la trituration,
ou le balotement, même le plus leger, qui n’eft mis
en oeuvre que pour procurer le mélange des alimens
6c l’introdu&ion des, fucs digeftifs, 6c pour pétrir
xloucementla pâte alimentaire, que ce mouvement,
dis-je, n’eft pas démontré ; que celui que fuppofe
la détermination des alimens digérés vers le pylore,
6c la contraûion violente de l’eftomac dans le vo-
miffement, ne prouve rien en faveur de l’a&ion
prêtée à ce vifeere dans la digejtion; 6c qu’erifin cette
adion eft inutile ou. n’eft pas néceffaire, comme nous'
l’avons obfervé plus haut à propos de l’expérience
de,M. de Reaumur : 40. que le ramolliflement 6c la
dilution parles fucs digeftifs eft très-réelle, mais que
c’eft n’évaluer qu’à demi l’adion de ces fucs, que de
la borner à ramollir, humeder, 6c délayer la maffe
alimentaire, comme nous l’allons yoir dans un moment.
Tome IV*
îentent pas une idee exacte de la préparation du chyle,
6c que pour fe former cette idee -, il faut fe re-
prefenter la digeftion comme une vraie opération
chimique, ou plûtôt comme un procédé ou une fuite
d’opérations chimiques.
Nous avons déjà obfervé que la partie vraiment
alimenteufe des alimens préexiftoit dans ces alimen9
(voye% Nourrissant) ; elle y eft cbntenue comme
un extrait, ou une réfine l’eft dans un bois, un métal
dans certaines mines, &c. Tous les phénomènes
de la digejtion nouspréfentent des opérations exactement
analogues à celles par lefquelles un chimif-
tejepare cet extrait, cette réfine, ce métal : nous
allons fuivre cette analogie en deux mots.
Uf1 qui veut léparer une réfine d’un bois,
le divife ordinairement par une des opérations qu’il
appelle préparatoires : il le pile, il le râpe, &c. la m af
ticatiort répond à cette opération préparatoire : il le
place enfuite dans un vaifîeau convenable ; l’efto-
mac 6c les inteftins font ce vaiffeau : il employé un
menftrue approprié ; les fucs digeftifs font ce menf-
true : il applique une chaleur convenable ; la chaleur
animale eft fuffifante pour la digejtion.
On regarde affez généralement la falive, les fucs
oefophagien, gaftrique, inteftinal, 6c pancréatique,'
comme des liquides homogènes : voilà donc un diflol--
vant fimple. La bile différé de ces humeurs ; fa na-
îure eft peu connue ; mais on fait qu’elle eft également
le menftrue des fubftances muqueufes, des hui-
leules , 6c des aqueufes, 6c qu’elle fert très-efficacement
de moyen cl’union entre des fubftances naturellement
immifcibles : on connoît dans le labo a-*
toire de 1 art, des fubftances qui ont ces propriétés
de la bile, 6c on fait les employer aux mêmes ufa-
ges, favoir à l’union des fubftances huileufes 6c des
lubftanees aqueufes. Nous, remarquerons à ce fujet,
que e’eft de l’union incomplette des fubftances hui^
leufes avec les aqueufes, que naît la couleur blanche
ou l’état émulfif du chyle ; que la digeftion des
alimens non huileux peut fe faire fans bile, 6c qu’ap^
paremment le fuc nourriffant féparé de ces alimens ■
par la digeftion, ne paffe pas dans les veines Jaftées
fous la forme de liqueur émulfive. Je fuis perfuadé
qui? ce n’eft pas un chyle blanc, une liqueur émulfik
ve que fourniffent les lavemens. nourriffans : nous
avons déjà obfervé que la nutrition opérée par ces
lavemens étoit un phénomène remarquable, il l’eft
par la conjeâure qu’il vient de nous fournir : on
pourroit la vérifier, cette conje&ure, par des expériences
faites fur des animaux, 6c ces recherches
fourniroient des notions plus complettes fur la nature
du chyle. Ce phenomene eft remarquable encore
, en ce qu’il détruit la néceffité de l ’aftion de
I’eftomac , & par conféquent de la trituration, &
même de la compreffion légère dont nous avons par-»
lé ci-^deffusi v
Nous croyons donc pouvoir avancer que celui qui
auroit des connoiffances chimiques évidentes fur la
nature des alimens & des divers fucs digeftifs, fau-
roit tout ce qu’il faut favôir pour donner la vraie
théorie de la digeftion confiderée comme chyiiiîea-*
tion.
Nous conclurons de cette affertion, que le mouvement
de l ’eftomac, s’il exifte , n’eft tout au plus
que fubfidiaire, adjuvans, & peut-être un pur effet,
une aélion déterminée par la préfende des alimens
aftion qui devient caille dans cette autre fon&ion
de l ’eftomac digérant, qu’il nous refte à examiner
6c dont nous allons parler dans un moment.
Si ce fyftème fe trouve auffi vrai qu’il eft vraiT
femblable, les caiifes immédiates internes des.dheft
tions contre-nature feront, i°. les vices des humeurs
digeftives, fur chacun defquels on pourroit avoir;
L L L 1U