ou à des traverfes légères G , & dans^ les fileries de
marchands , fur des râteliers G fiches ou en terre
©u dans des murs.
Le fileur recule à mefure que le fil Te tord'; il parvient
enfin à gagner le bout de la filerie : il faut alors
dévider ce fil d’environ cent braffeS de long. Cela fe
fait fur des efpeces de grandes bobines appellées 'tou-
m s , qu’on voit en E , D . La conftruftion en eft fi
fimple, qu’il eft inutile de l’expliquer. Il y en a qui
peuvent porter jufqu’à 500 livres de fil de carret.
Quant à la manoeuvre du fileur, la voici. Il a autour
de fa ceinture un peignon de chanvre affez gros pour
fournir le fil de la longueur delà ’corderie. Il monte fur
le pont. Il fait à fon chanvre une petite boucle , il
l ’acGroche dans la molette la plus élevée ; le chanvre
fe tortHle : à mefure que le fil fe forme, il recule.
Il a dans fa main droite un bout de lifiere s ,
qu’on appelle paumelle ; il en enveloppe le fil déjà
mit, il le ferre fortement en tirant à lui (ce mouvement
empêche le fil de 1e replier fiir lui-meme, ou
de fe griper ) , l’allonge, & lui conferve fon tortillement.
Il defferre enfuite un peu, le tortillement
paffe au chanvre difpofé par la main gauche ; il recule
, la lifiere fe trouve, alors fur le dernier fil tortillé
: il traite ce fil avec la lifiere, comme le précédent
, &c il continue ainfi.
Quand ce premier fileur, qu’on appelle le maître
de roüe, eft à quatre à cinq brades , deux autres
fileurs accrochent leur chanvre aux deux molettes
fuivantes ; deux autres en font autant après ceux--ci,
& ainfi de fuite jufqu’à ce que toutes les molettes
foient occupées. Quand le maître de roüe a' atteint
le bout de la filerie, il avertit ; on détache fon fil du
crochet de la molette ; on le gaffe dans une petite
poulie x , placée au plancher de la filerie ; on l’enveloppe
d’une corde d’étoupe qu’on appelle livarde;
on charge la livarde d’une pierre n ,n ; on porte le
même bout fur le touret : un petit garçon tenant le
fil enveloppé.d’une autre livarde, le conduit fur le
touret, fur lequel il fe place tandis que le touret
tourne ; il le frappe même d’une palette , pour qu’il
fe ferre mieux fur le touret. Foyt{ cette manoeuvre
en D . Le fil s’unit en paffant par les livardes de la
pierre 8t du petit garçon ; il perd même un peu de
fon tortillement, qui étant porté en arriéré, fait crif-
per l’extrémité i du fil, & contraint le fileur à lui
permettre de fe détordre. Il y a des fileurs qui, pour
laiffer cette partie du détortillement s’épuifer en entier,
attachent l’extrémité qu’ils ont en leur main, à
nn petit émerillon.
Le maître de roüe rendu au crochet, décroché le
fil de l’ouvrier le plus avancé vers le bout de la cor-
derie ; il l’épiffe ou tortille au bout du fien, & le met
en état d’être dévidé ; celui-ci arrivé, en fait autant
, & tout ce qu’il y a de fil fait fe dévide tout de
fuite fur le touret. Quand il eft plein, on l’accroche
au palant D ; & en halant fur le garent, on le dégage
de fon eflieu, & on y en fubftitue un autre. On
tranfporte le premier au magafin, d’oü il va à l’étuve
pour être goudronné, ou à la corderie , pour y être
commis en franc funin blanc. Il arrive quelquefois
que l’étuve étant dans la corderie, le fil paffe au
goudron tout au fortir des mains du cordier, &
avant que d’être dévidé fur le touret.
Il y a des corderies où l’on fait ménager le tems.
Pour cet effet il y a des roüets & des tourets aux
deux bouts, & le fileur commence un nouveau fil à
l’extrémité où il eft arrivé, tandis qu’un petit garçon
dévide le fil qu’il a filé, fur le touret placé à
côté du roiiet où il commence fon nouveau fil ; d’où
il arrive que le fil filé eft dévidé à brouffe poil, ce
qui le rend un peu plus velu , & plus propre au goudron
, quand il doit le recevoir tout de fuite. L’autre
C O R maniéré e f t ,‘félon M. Duhamel, imeillèiire pour lô
cordage blanc.
Le fileur a foin d*e féparer du chanvre, à mefure
qu’il le file, les pattes -, les parties mal travaillées %
ôcn. ce qui lui tombe de bon, eft ramaffé par des en-
fans qui font chargés de ce foin. On file le fil de carret
à le c , fans quoi il fe pourriroit fur les tourets ,
où il refte quelquefois long-tems. La feule humidité
qu’il reçoive eft de la paumelle qu’ôn trempe dans
l’eau à Marfeille, pays chaud, où elle eft promptement
diflîpée.
Le f il, pour être bien filé , doit être uni, égal
fans meche, & couché en longues lignes fpiraies. Il
y a des fileurs qui, après avoir prolongé le chanvre
lùivant l’axe du fil t u , en prennent une pincée de la
main droite x , & la fourent au milieu des filamens
tu. Si on examine comment ce chanvre fe tortille ,
on trouvera que le chanvre t u fe prolongera félon
l’axe du fil, en fe tordant par de longues hélices ,
pendant que la partie * fe roulera fur l’autre en hélices
courtes, comme fur une meche, ce qu’on voit
en y . D ’autres tiennent tous leurs filamens parallèles
, { , en forment comme une laniere platte entre
le pouce & les doigts de la main gauche, & contraignent
les filamens à fe rouler les uns fur les autres
en'longues hélices allongées £, fans qu’il y ait de
meche. Il eft évident que cette derniere façon eft la
meilleure.
Nous avons dit que les fileurs nïettoient les peignons
autour d’eu x, c’eft ce qu’on appelle filer à la
ceinture ; mais en province prefque tous les marchands
font filer à la filoufe ou a la quenouille. Dans
ce fécond cas, le fileur F tient une longue perche
de fept à huit piés, chargée d’une queue de chanvre
peignée , comme nos fileufes leurs quenouilles ; il
fournit le chanvre de la droite, & ferre le fil de la
gauche avec la paumelle. Les expériences ont prouvé
que le fil filé à la ceinture étoit plus fort que le fil
filé à la quenouille.
On ne peut douter que le plus ou moins de tortillement
n’influe fur la force du fil. Pour déterminer
ce pôint, il ne s’agiffoit que d’expériences ; mais par
l’expérience on a trouvé en général que le tortillement
ne peut avoir lieu , fans affoiblir les parties
qu’il comprime : d’où l’on a conclu qu’il étoit inutile
de le porter au-delà du pur néceffaire, ou du point
précis en-deçà duquel ces filamens, au lieu de rompre
, fe fépareroient en gliffant les uns fur les autres ;
& que pour obtenir ce point il falloit déterminer,
d’après l’expérience , quel devoit être le rapport
entre la marche du fileur & la vîteffe du tourneur.
Une autre quantité non moins importante à fixer,
c’étoit la groffeur du fil. L’expérience a encore fait
voir qu’il ne falloit pas qu’il eût plus de trois lignes
& demie, ou quatre lignes & demie ; obfervant
toutefois de proportionner la groffeur à la fineffe,
de filer plus gros le chanvre le moins affiné, & de
rendre le fil le plus égal qu’il eft poflible.
Onze fileurs qui employent bien leur tems, peuvent
filer jufqu’à 700 livres de chanvre par jour. II
y a du fil de deux, & quelquefois de trois groffeurs.
Le plus groflier fort pour les cables, & on l’appelle
fil de cable ; le moyen pour les manoeuvres dormantes
& courantes, & on l’appellè fil de hautban ; & le
plus fin pour de petites manoeuvres, comme pour
les lignes de lo c , le lufin, le merlin, le fil à coudre
les voiles., &c.
On entaffe les tourets chargés de fil les uns fur les
autres ; on ménage feulement de l’air entr’e u x, on
en tient le magafin frais & fec. Il eft bon que ce magafin
foit à rez de chauffée ; que le fol en foit élevé
au-deffus du niveau des terres; qu’il foit couvert
de terre glaife ; qu’on ait payé fpr la glaife à chaux
& à ciment ; que ce pavé foit couvert de planches
de chêne & que des lambourdes foûtiennent les
tourets. Il faut encore veiller à ce que les tourets ne
touchent pas aux murs. Moyennant ces précautions,
le fil pourra refter affez long-tems, mais non plu-
fieurs années, dans les magafins fans dépérir.
Dès commetteurs. Ils ’agit maintenant de mettre le
fil en cordages. .
Il y a deux efpeces de cordages : les uns fimples,
ou dont par une feule opération on convertit leS fils
en corde ; on les appelle des aujjîeres : les autres
qu’on peut regarder comme des cordages compofés
de cordages fimples ou d’aufîieres commifes les uns
avec les autres, c’eft-à-dire réunies par le tortillement
I on les appelle des grelins. Ces deux efpeces
de cordages fe fubdivifent en un nombre d’autres
qui ne different que par leur groffeur, & par l’ufage
qu’on en fait pour la garniture des vaiffeaux. Voye{
C ordages ( Marine. ) La plus,petite & la plus (impie
de toutes les auflieres, qui n’eft compofée que de
deux fils, s’appelle du bitord; une autre un peu plus
groffe, qui eft compofée de trois fils, fe nomme du
merlin. Pour donner par degré une idée de la corderie,
nous traiterons i°. de la fabrique de ces petites
ficelles, parce qu’elles font les plus fimples : x°. des
auflieres qui font compofées de trois torons : 30. des
auflieres qui font compofés d’un plus grand nombre
de torons : 40. des grelins & des cables : 50. des cordages
en queue de rat, ou qui font plus gros d’un
bout que de l’autre , & des cordages refaits.
Du bitord. Quand un cordier veut unir enfemble
deux fils pour en faire du bitord -, il fe fort du roiiet
des fileurs , ou bien d’un roiiet de fer dont voici la
defeription. .
Du roiiet. Ce roiiet a , PI. I. fig. 4. eft contpofe
de quatre crochets mobiles , difpofés en forme de
croix ; ces crochets tournent en même tems que la
roüe, & d’un mouvement bien plus rapide, à l’aide
d’un pignon ou lanterne dont chacun d’eux eft garni,
& qui engrene dans les dents de la roüe qu’un homme
fait tourner par le moyen d’une manivelle : la
grande roüe imprime donc le mouvement aux quatre
lanternes, qui étant égales, tournent toutes également
vîte. Il eft fort indifférent de fe fervir du
roiiet de fer ou des roüets ordinaires. Lorfqu’un cordier
veut faire une corde feulement avec deux fils ,
il n’employe que deux dés crochets de fon roüet.
Le cordier b prend d’abord un fil qu’il attache
par un défes bouts à un des crochets du roüet ; en-
fuite il l ’étend, le bande un peu, & va l’attafclier à
un pieu qui eft placé à une diftance proportionnée à
la longueur qu’il veut donner à fa corde, & ce fil eft
deftiné à faire un des deux cordons. Cela fa it , il
revient attacher un autre fil à un crochet oppofé à
celui où il'a attaché le premier ; il le tend aufli, il
va f arrêter de même au pieu dont nqus venons de
parler, &c ce fil doit faire le fécond cordon : de forte
que ces deux fils doivent être de même longueur,
de même groffeur, & avoir une égale tenfion. C ’eft-
là ce qu’on appelle étendre les fils ou les vettes, ou
bien ourdir une corde. Cette opération étant faite, la
corde étant ourdie, le cordier prend les deux fils
qu’il a attachés au pieu, & les unit enfemble, foit
par un noeud ou autrement ; de forte que ces deux
fils ainfi réunis, n’en forment, pour ainfi dire, qu’un :
car ils font précifément lé même effet qu’un feul fil
qui feroit retenu dans le milieu par le pieu , & dont
les deux bouts ferôient attachés aux deux crochets
du roüet. La plûpàrt des cordiers fui'vent cette pratique
, c’eft-à-dire què le fécond fil n’eft que le prolongé
du premier ; ce qui eft préférable, parce que
les deux fils font alors néceffairement tendus également',
aufli longs & aufli forts l’un que l’autre, toutes
Conditions efléntielles pour qu’une corde foit
bien ourdie. Au refte, que les fils foient affcmblés
Tome I F .
parleur extrémité qui répond au pieu, OU qu’ils
foient d’une feule piece , cela ne rend la corde ni
plus forte ni plus foible, pourvu qu’ils foient tendus
egalement. C ’eft par ce point de réunion-que le
cordier accroche ces deux fils à un émerillon. Un
bout de corde qui tient à l’anneau de l’émèrillôn,
va paffer fur Une fourche, qui eft plantée quelques
pas plus loin que le pieu où nous avons dit qu’on at-
tachoit les fils à mefure qu’on les étendoit, & cette
corde foûtient par fon autre extrémité un poids pn>
portionné à la groffeur de la corde qu’on veut commettre
; de forte que ce poids a la liberté de monter
ou de defeendrë plus oli moins lé long de la fourche,
félon qu’il eft neeeffaire. Voye^ PI. I. fig. b.
Ce contrepoids fort à tenir également tendus les
deux fils ourdis ; & comme le.tortillement qu’ils doit
vent fouffrir les raccourcit, il faut que le contrepoids
qui les tend, puiffe monter à proportion le long
de la fourche.
Lorfque tout eft ainfi difpofé, le Cordier prend urt
inftrument qu’on appelle le cabre, le majfion, le co+
choir-, le toupin , le fàbot, ou le gabieu.
Du toupin. Cet inftrument eft un morceau de bois
tourné en forme de cône tronqué , dont la groffeur
eft proportionnée à celle de la corde qu’on veut fai*
re ; il doit avoir dans fa longueur, & à une égale
diftance, autant de rainures ou gougeures que la
corde a de cordons: ainfi dans cette opération, où il
n’eft queftion que d’une corde à deux cordons, le
cordier fe fort d’un toupin qui n’a que deux rainures
diamétralement oppofées l’une à l’autre , tel qu’on
le voit en c. Ces rainures doivent être arrondies par
le fond, & affez profondes pour que les fils y entrent
de plus de la moitié de leur diamètre. Le cordier
place le toupin entre les deux fils qu’il a étendus, en
forte que chacune de fes rainures reçoive un des fils,
& que là pointe du toupin touche au crochet de
l’émerillon.
Pendant qu’il tient le toupin dans cette fîtuation
il ordonne qu’on tourne la roüe du roüet pour tordre
les fils. Chacun des deux fils fe tord en particulier;
& comme ils font parfaitement égaux en groffeur ,
en longueur, & par la màtiere qui eft également
flexible , ils fe tordent également ; mais à mefure
qu’ils fe tordent, ils fe raccourciffent, & le poids
qui pend le long de la fourche, remonte d’autant.
Quand le maître cordier juge qu’ils font affez tords ,f
il éloigne le toupin de l’émerillon, & le fait gliflèr
entre les fils jufqu’auprès du roüet, fans difeontinuer
de faire tourner la roüe ; moyennant quoi les deux
fils fe raffemblent en fe roulant l ’un fur l’autre, &c
font une corde dont on peut fe fervir, fans craindre
qu’elle fe détorde par fon élafticité : c’eft ce que les
Cordiers appellent commettre une corde. Mais il faut
obferverque pendant cette fécondé opération, c’eft-
à-dire pendant que la corde fe commetelle continue
de fe raccourcir, & le poids-remonte encore le
long de la fourche. En réfléchiffant fur cette manoeuvre
des cordiers , on conçoit pourquoi une
corçle ne fe détord pas, pendant^qu’un fil abandonné
à lui-même, perd prefque tout le tortillement qu’il
a Voit acquis. Tandis que le toupin étoit contre l’éme-
fillon , les deux fils étoient tords chacun en particulier
, & acquéroient un certain degré de force
élaftique qui tendroit à les détordre , ou à les faire
tourner dans un fens oppofé à celui dans lequel ils
ont été tortillés, fi on leur en donnoit la liberté ; ce
qui fe manifefte par l’effort que le toupin fait pour,
tourner dans la main du cordier. .
Si-tôt donc que le cordier aura écarté le toupin
de l’émérillon, la partie du premier fil qui fe trouve
entre le toupin & i’émérillon étant en liberté, tendra
par la force élaftique qu’elle a. acquife en fe tortillant,
à tourner dans un lens oppofé à fon tortille*
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