92 C O N Des chofes d’ici bas la fortune décide
Selon fes caprices divers.
La fortune, fujet {impie, terme abftrait perfonni-
fié ; c’eft le fujet de la propofition. Quand nous ne
çonnoiffons pas la caufe d’un événement, notre
imagination vient au fecours de notre efprit, qui
n’aime pas à demeurer dans un état vague & indéterminé
; elle le fixe à des phantômes qu’elle réalife,
&c auxquels elle donne des noms, fortune, hafard,
bonheur. malheur. ,
Décide des chofes d'ici bas félon fes caprices divers,
c’eft l’attribut complexe;
Des chofes, de les chofes ; de lignifie ici touchant.
D 'ic i bas détermine chofe: ici bas eft pris fubftan-
tivemènt.
Selon fes caprices divers, eft une maniéré de décider:
félon eft la prépofition ; fes caprices divers,
eft le complément de la prépofition.
Tout C effort de notre prudence
Ne peut nous dérober au moindre de fes coups.
Tout l'effort de notre prudence, voilà le fujet complexe
; de notre prudence détermine l'effort, &£ le rend
fujet complexe, h'effort de eft un individu métaphy-
fique 6c par imitation, comme un tel homme ne
peut, de même tout l'effort ne peut.
Ne petit dérober nous ; 6c félon la conjlruclion ufuelle,
nous dérobez,
Au moindre, à le moindre ; à eft la prépofition ; le
moindre eft le complément de la prépofition.
Au moindre de fes coups, au moindre coup de fes.
coups-; de fes coups eft dans le fens partitif.
Paiffe£ f moutons, paiffez ,fans réglé & fans fcience;
Malgré la trompeufe apparence,
Vous êtes plus heureux & plus fâges que nous.
La trompeufe. apparenceeft ici un indiyidu méta-
phyfique pcrfpnnifié.
Malgré : ce mot eft compofé de l’adje&if mauvais,
6c du fubftantif gré, qui fe prend pour volonté,goût.
Avec le mauvais gré d e, en retranchant le de, à la
maniéré de nos peres qui fupprimoient fouvent cette
prépofition, comme nous l’avons obfervé en parlant
du rapport de détermination. Les anciens difoient
maügré , puis on a dit malgré ; malgré moi , avec le
mauvais gré de moi ; cum -meâ malâ grâtid , me invito.
Aujourd’hui on fait de malgré une prépofition : malgré
la trompeufe apparence, qui ne cherche qu’à en
impofer & à nous • en faire accroire > vous êtes au
fond & dans la réalité plus heureux 6c plus fages que
nous ne le fommes, ...
Tel eft le détail de la conjlruclion des mots de cette
idylle. Il n’y a point d’ouvrage, en quelque langue
que ce puifl'e être j qu’on' ne pût réduire aux principes
que je viens d’expofer, pourvu que l’on connût
les lignes des rapports des mots en cette langue, 6c
ce qu’il y a d’arbitraire qui la diftingue des autres.
Au refte, fi les obfervations que j’ai faites paroif-
fent trop métaphyfiquos. à quelques perfonnes, peu
accoutumées peut-être à réfléchir fur ce qui fe paffe
en elles-mêmes; je les prie de confidérer qu’on ne
fauroit traiter raifonriablement de ce qui concerne
les mots, que ce ne fait relativement à.la forme que
l’on donne à la penféé & à Tanalyfe que Ton eft obligé
d’en faire par là néceflité de l’élocution, c’eft-à-
dire pour la faire paffer dans l’efprit des autres ; &
dès-lors on fe trouve dans le pays de la Métaphy-
fiquë. Je n’ai donc pas été chercher de ia métaphyfi-
qiie pour en am ener dans Une con trée . étrangère ; je
n’ai fait que montrer cè qui eft dans l’efprit relativement
au difeours & à la néceffité de l’élocution.
C ’eft ainfi que l’anatomifie montre les parties dit
corps humain, faps y en ajoûter de nouvelles. Tout
ce qu’on1 dit dès mots, quiil’à pas une relation directe
avec la penfée ou avec la forme de là pehfée; tout
C O N cela, dis - je , n’exçite aucune idée nette dans l’efprit.
On doit connoître la raifon des réglés de l’é-
îocution , c’eft-à-dire de l’art de parler 6c d’écrire ,
afin d’éviter les fautes de conjlruclion, 6c pour acquérir
l’habitude de s’énoncer avec une exactitude
raifonnable, qui ne contraigne point le génie.
Il eft vrai que l’imagination auroit été plus agréablement
amufée par quelques réflexions fur la fim-
plicité & la vérité des images, aufîi-bien que fur les
expreflions fines 6c naïves par lefquelles cette illuf-
tre dame peint fi bien le fentiment.
Mais comme la conjlruclion Jimple & nècejfaire eft
la bafe & le fondement de toute conjlruclion ufuelle
& élégante ; que les penfées les plus fublimes auflï-
bien que les plus fimples perdent leur prix, quand
elles font énoncées par des phrafes irrégulières ; &
que d’ailleurs le public eft moins riche en obfervations
fur cette conjlruclion fondamentale : j ’ai cru qu’-
après avoir tâché d’en développer les véritables
principes, il ne feroit pas inutile d’en faire l’appli-
tion. fur un ouvrage aufli connu & aufli généralement
eftimé, que l’eft l’idylle des moutons de madame
Deshoulieres. ( P )
C onstruction, f. f. ( Géométrie. ) Ce mot exprime
, en Géométrie, les opérations qu’il faut faire
pour exécuter la folution d’un problème. Il fe dit
aufli des lignes qu’on tire, foit pour parvenir à la
folution d’un problème, foit pour démontrer quelque
propofition. Voyez Problème , &c.
La conjlruclion d’une équation, eft la méthode d’en
trouver les racines par des opérations.faites avec la
réglé & le compas, ou en général par la defeription
de quelque courbe. Voyez Équation & Racine.
Nous allons donner d’abord la conjlruclion des équations
du premier 6c du fécond degré.
Pour conftruire une équation du premier degré y
il n’y a autre chofe à faire que de réduire à une proportion
la fraction qui exprime la valeur de l’inconnue
, ce qui s’entendra très-facilement par les exemples
fuivans.
i° . Suppofons qu’on ait x — — on en tirera
c : a — b : x ainfi a: fera facile à avoir par la
méthode de trouver une quatrième proportionnelle.
i° . Qu’on ait x — - j j ’ on commencera par conftruire
à l’aide de la proportion d: a — b-. —
Ayant trouvé ~~ 6c l’ayant nommé g pour abréger
, on fera la proportion e : g =.'■ c : x , c’eft-à-
dire , que l’on aura x par la quatrième proportionnelle
à c , g , e.
' 3°. Que l’on ait x = ,aa~6i; . comme a a — b b
eft le produit de a — b par a + b, on n’aura autre
chofe a faire qu’à conftruire la proportion c : a — b
= .a .+ bJ ..X .
4°. Que x = — — — ; par le premier cas on?
trouve une ligne g = a-j- — ~ r , & une ligne h
— De plus, par le même cas. on conftruïf
aufli une ligne i — dLL} donc x qui eft alors = g
— i , fera la différence des .deux lignés g 6c i conf-
truites par ces proportions.
5°. Que x=z 9 on cherchera-.d’abord.
—jj 6c on fera h sc f + MJ } ce qui donnera a h
— u f - f c g , 6c par conféquept- ; . x . J = z ;
ainfi la difficulté fera réduite ait cas précédent.
ri 6°. Que x = ç~— I on cherchera ~ & on
fera + c = h , ce qui donnera a f - J- b c = b h;
& par conféquent x = - î l i r i | i = — ~ p - , d^oîi
l’on tirera h ; a ?= a — d ; x% ' ‘
C O N
_° gi ^ J li - i— t on conftruira le triangle rec-
ansle A B C (Plane. Algèbre, Jig. /.) dont le coté
x/àa + ’bf:. faifant A C — mon aura * = , &
par conféquent c :m — m :x .
'■ 8°. Si * = — ^ » fur A B — a(Jig. z .) on décrira
un demi cercle, & l’on prendra A C = b , ce
qui donnera B C — \/a a — b b ; faifant donc C B
= m, on aura x = ~ , c’eft-à-dire c : m=zm: x.
’ 9°. Si at = — * on cherchera - Ç & l ’on
fera h = + c > ec-qmdonnera b c - f a f = b h, &
par conféquent x — - r’b ^ ■ c- - — -----g—i Trouvant
alors entre A C = c C B - d la moyenne
proportionnelle C D — \d cd & faifant C E — a,
on aura D E — \Zaf-\-~cd, qui étant nommée m,
donnera x = : & partant h m — m : x.
Il eft à remarquer que les conjlruclions que nous
venons de donner des trois derniers exemples , ne
font que pour pluSrd’éiégance & de fimplicité ; car
on pourroit les conftruire, & on en a déjà conftruit
plufieurs autrement ci-deffus, n°. 3 & 5'
La conjlruclion des équations du fécond degré,
lorfque l’inconnue eft délivrée, ne demande pas
d’autres réglés que celles qu’on vient de donner.
Qu’on a i t , par exemple , x z — a b , on en tirera
x — \ f a b que Ton conftruit en trouvant la moyenne
proportionnelle D C entre A C— a 6c B C = b.
Si l ’équation a un fécond terme comme x x 4- a x
tz + b b, qui donne x = — ^ a + a a jtr b b ,
toute la difficulté confiftéra à conftruire \/ ^ a a -J- b b
ou V' - a a — b b. Pour le premier cas on fera comme
dans les confruclions précédentes, (Jig. il) A B
z=\ a 6c B C— b., ce qui donnera A C= 3 / ^ a a -f- b b.
Dans le fécond on fera (figure z . ) A C — b 6c
A B == a , ce qui donnera C B — V j a * — b-.
' Les équations du troifieme degré peuvent fe
conftruire, i°. par l’interfeftion d’une ligne droite
6c d’un lieu du troifieme degré. Par exemple', fbit
ÀrS 4- a x - —b b x -f- c3 — 0 ; on conftruira le lieu ou
ia courbe E M B CF.(figl4 Algebr. ) dont l’équation
foit x l + a ’x 2 — b b x + cî —y , en prenant les va-
riabiés A P pour x 6c P M pour j ; & les points
B ,C , D , ou cette courbe rencontrera fon axe, donneront
les racines A B , A C, A D , de 1 équation ;
car dans ces points y eft — 0, puifquey exprimé
en général la diftance P M 6e chaque point M de
la courbe à fon axe A D : par conféquent on a x ï
à f * — b b x d f .cïxz o i°. lorfque y eft — A B :
2°. lorfque x = A C : 3®. lbrfqiië-r = A D . Donc
les valeurs 'de l’inconnue x , propres àTendre
4- a x x — b b :X + 'cV =é o font A B , A C , A D . Les
râcines de l’équation feront pofitives bu négatives ;,
félon que les points B, C, D , tomberont d’un côté
ou de l’autre .par rapport à A , 6c fi là courbe ne
coùpoit pas fon axe en trois points,' ce feroit une
ina'rque qu’il y aùrôit des racin'ès imaginaires.
‘ jè iàpporte ici eetté méthode dé1 cdnftruire les
épations du troifieme degfé , parce qu’elle peut
s’appliquer généralement aux degrés plus élevés à
l ’infiiii, & qu’elle eft peut-être aiifll commode &
■ kufli fimple qu’aucune autre. Ainfi eh général l’équation
xn + a xn ~1 + b b x n 2 + &c. -j- en == o
peut fe conftruire par la courbe dont l’equation
feroit ■•a:'1 4- a xn,~ 1 •+• b b xn 2 4* ^ y >
dont les. interférions avec fon axe donneront les
C O N 93 racines de l’équation. Ces fortes de courbes où l’indéterminée
.y ne monte qu’à un degré, s’appellent
courbes de genre parabolique. Et je dois remarquer ici
que M. l’abbé de Gua s’eft fervi avec beaucoup de
fagacité de la confidération de ces fortes de courbes
, pour découvrir 6c démontrer de fort beaux
théorèmes fur les racines des équations. Voye^ Racine
; voye^ aufli les Mémoires de l 'Acad, des Scienc.
de Paris, de 1741, 6c l’article COURBE.
Mais en général la méthode de réfoudre les équations
du troifieme & du quatrième degré confifte à
y employer deux ferions coniques , 6c ces deux
fe&ions coniques doivent être les plus fimples qu’il
fe puiffe; c’eft pourquoi on conftruit toutes ces équations
par le moyen du cercle 6c de la parabole. Voici
une légère idée de cette méthode. Soit propofé de
conftruire x3 =z bbc : on fupofe d’abord x^ — bbex
en multipliant le tout par x ; enfuite on fuppofe x x
■ =.by, qui eft l’équation d’une parabole, & on a par
la fubftitution x* — b b y y — b b c x , 6c y y — cx±
qui eft l’équation d’une parabole. Ainfi on pourroit
refoudre le problème en conftruifant les deux paraboles
B A C , D A (fig. i . ) , qui ont pour équation
y y — e x 8c x x = b y ; le point d’interfeôion C de
ces paraboles donneroit la valeur O C de l’inconnue
x. Car l’inconnue x doit être telle que f e l b y
6c que y y = c : or nommant en général A P , x ,
P , k ,y , ou A S, y , S R, x ; il n’y a que le feul point
C où l’on ait à la fois x x = b y 6c y y z- c x . Mais
comme le cercle eft plus facile à conftruire que la
parabole , au lieu d’employer deux paraboles on
n’en emploie qu’une ; par exemple , celle qui a
pour équation x x — b y , 6c on combine enfemble
les deux équations x x — b y 6c y y — c x de maniéré
qu’elles donnent une équation au cercle, ce
qui fe Fait en ajoûtant une de ces équations à l’autre
ou en l’en retranchant, comme on le peut voir expliqué
plus au long dans l’application de l’Algebre
à la Géométrie de M. Guifnee ; 6c dans le neuvième
livre des feftibns coniques de M. le marquis de
l’Hôpital. Par exemple, dans le cas dont il s’agit
ic i, on aura e x — x x = y y — b y qui eft une équation
au cercle ; 6c fi on conftruit ce cercle, fes points
d’interfeétion avec la parabole qui a pour équation
x x =. b y donneront les racines de l’équation.
On voit par-là que pour conftruire une équation
du troifieme degré, il faut d’abord en la multipliant
par x la changer en une du quatrième : on peut en
ce cas la regarder comme une équation du quatrième
degré, dont une des racines feroit = o j C a r ,
foient x==a, x — b , x — c ,le s racines d’une équâ-
-tion du troifieme degré, x 3 4- p x x 4- q x 4-r=e>,fï
on multiplie cette équation.par x , on aàira x*-\-pxi
4* q si x -j- r x , dont les racines feront x = 0 , x = a,
x .== b, x = c. Aufli lorfque l’équation eft du troifieme
degré, l’équation au cercle qu’on en déduit n’a
point de terme confiant ; d’où il S’enfuit qu’en faifant
dans cette équation y = o, x eft aufli = o ;
V. Courbe:6* Eq u a t io n ; 6c comme dans réquation
à la parabole * x = b y , y — o rend aufli x — o ,
on voit que quand l’équation eft du troifieme degré,
le cercle 6c la parabole fe coupent dans le point qui
eft l’origine des a: & des y , 6c c’eft cette interfeélioh
qui donne la racine x z= o ; les trois autres in ter fe citions
donnent les trois racines. C ’eft ainfi qu’en Géométrie
tout s’accorde & fie. rapproche.
Les équations des degrés plus compofés fe çonf-
truifent de même par Tinterleélion de courbes plus
élevées ; par exemple, un lieu du fixieme degré par
Tinterfeélion de. deux courbes du troifieme , qu’il
faut toujours choifir de maniéré que leur équation
foit la plus fimple qu’il fe puiffe, félon plufieurs auteurs
: cependant lelon d’autres cette réglé ne doit
pas. être fui vie à la rigueur, parce qu’il arrive fou