toupin, que leurs torons fe roulent les uns auprès
des autres auffi exactement que fi Taxe du cordage
étoit plein. Le moyen de les commettre avec plus
de facilité, & qui a le mieux réuffi, a été de placer
au centre du toupin une cheville de bois pointue,
qui étoit affez longue pour que fon extrémité fe trouvât
engagée entre les quatre torons, à 1 endroit pre-
cifément oit ils fe commettoient actuellement ; de
cette façon la cheville fervoit d’appui aux torons ;
à mefure que le toupin reculoit, la cheville recu-
loit auffi, elle fortoit d’entre les torons qui venoient
de fe commettre, & fe trouvoit toujours au milieu
de ceux qui fe commettoient aûuellement. Avec le
fecours de cette cheville on parvient à commettre
fort régulièrement & fans beaucoup de difficulté des
cordages à quatre torons fans meche. Mais, dira-t-
on, fi moyennant cette précaution, ou feulement
par l’adrefle du cordier, on peut commettre régulièrement
des cordages à quatre torons fans meche ,'
n’y a - t - i l pas lieu de craindre que quand on chargera
ces cordages de quelque poids ■, leurs torons ne
fe dérangent? n’aura-t-on pas lieu d’appréhender
que les torons ne perdent par le fervice leur difpo-
fition régulière ? Encore fi on commettoit ces torons
bien ferme, on pourroit efpérer que le frottement
que ces torons éprouveroient les uns contre les autres
, pourroit les entretenir dans la difpofition qu’on
leur a fait prendre en les commettant : mais puifqu’il
a été prouvé qu’il étoit dangereux de commettre les
cordages trop ferrés ,rien ne peut empêcher ces torons
de perdre leur difpofition ; & alors les uns roi-
diffant plus que les autres , ils ne feront plus en état
de réfifter de concert au poids qui les chargera.
Ces: objections font très-bonnes : néanmoins s’il y
a quelques raifons de penfer que les torons qui feront
fermement preffés les uns fur les autres par le
tortillement feront moins fujets à fe déranger, il y
a auffi des raifons qui pourroient faire croire que
cet accident fera moins fréquent dans les cordages
commis au quart que dans ceux qui le feroient au
tiers. Car on peut dire : les torons des cordages commis
au tiers font tellement ferrés les uns fur les autres
par le tortillement, que le poids qui eft fufpen-
du au bout de ces cordes tend autant ( à caufe de
leur fituation) à les approcher les uns contre les autres
, qu’à les étendre félon leur longueur ; au lieu
que les torons des cordages commis au quart étant
plus lâches, & leur direction étant plus approchante
d’une parallèle à l’axe de la corde , le poids qui eft
fufpendu au bout tend plus à les étendre félon leur
longueur , qu’à les comprimer les uns contre les
autres. Si la corde étoit commife au cinquième, il
y auroit encore moins de force employée à rapprocher
les torons ; ce qui paroîtra évident fi l’on fait
attention que les torons étant fuppofés placés à côté
les uns des autres fans être tortillés, ne tendroient
point du tout à fe rapprocher les uns des autres, &
toute leur force s’exerceroit félon leur longueur.
Effectivement il eft clair-que deux fils qui fe croi-
feroient & qui feroient tirés par quatre forces qui
agiroient par des dire fiions perpendiculaires les unes
aux autres, comme A A A A , (fig. 9 . PL V.} ces
fils fe prefferoient beaucoup plus les uns contre les
autres au point de réunion D , que s’ils etôient tirés
iuivant des directions plus approchantes de la parallèle
B B B B, & alors ils prefferoient plus le point
de réunion E, que s’ils étoient tirés fuivant des directions
encore plus approchantes de la parallèle ,
comme CCCC; c’eft un corollaire de la démonftra-
tion que nous avons donnée plus haut.
Il eft certainement beaucoup plus difficile de bien
commettre un cordage à quatre torons lans meche
qu’avec une meche ; mais cette difficulté même a fes
avantages, parce que les Çordiers s’apperçoivent
plus aifément des fautes qu’ils commettent ; car il
eft certain qu’en commettant une pareille corde, fi
l’un des torons eft plus gros, plus tortillé, plus, tendu
, en un mot plus roide que les autres, le cordier
s’en apperçoit tout auffi-tôt , parce qu’il voit qu’il
s’approche plus de l’axe de la corde que les autres,
& il eft en état de remédier à cet inconvénient ; au
lieu qu’avec une meche les torons trouvant à s’appuyer
fur elle, le cordier nê peut s’appercevoir de
la différence qu’il y a entre les torons, que quand
elle eft confidérable ; c’ eft principalement pour cette
raifon qu’en éprouvant des cordages qui avoient
des mechés, il y aura fouvent des torons qui rentreront
.plus que les autres vers l’axe de la corde
aux endroits oit la meche aura rompu.
On fait par l’expérience, qu’avec un peu d’attention
l’on peut fort bien commettre de menues auf-
fieres à quatre torons, qui n’auroient pas plus de
quatre pouces de groffeur, fans employer de meche;
mais il n’eft pas poffible de fe paffer de meche pour
commettre des auffieres de cette groffeur loffqu’el-
les ont fix torons.
On n’a pas effayé de faire commettre fans meche
des auffieres à quatre torons qui euffent plus de quatre
pouces & demi de grofl’eur ; mais on en a commis
& on en commet tous les jours à Toulon de fix,
huit, dix, douze, & quinze pouces de groffeur, qui
ont paru bien conditionnées ; en un mot, toutes les
auffieres à quatre torons qu’on fait à Toulon n’ont
point’de meche : on ne fe fouvient pas qu’on ait jamais
mis de meche dans les cordages, & l’on prétend
même que la meche étant exactement renfermée
au milieu des torons, s’y pourrit & contribue
enfuite à faire pourrir les torons.
. Mais f i, comme il y a grande apparence, on peut
fe paffer de meches pour les cordages à quatre torons
,. il ne s*’enfuit pas qu’il n’en faille point pour
les cordages à cinq & à fix torons ; le vuide qui reftè
dans l’axe eft trop confidérable, & les torons étant
menus, échapperoient aifément les uns de deffus les
autres & fe logeroient dans le vuide qui eft au centre
, d’autant que ce vuide eft plus confidérable qu’il
ne faut pour loger un des torons. Mais les épreuves
qu’on a faites pour reconnoître la force des cordages
à quatre torons fans meche, prouvent non-feulement
qu’on peut gagner de la force en multipliant
le nombre des torons, mais encore que quand des
auffieres de cette efpece feroient bien faites, elles
foutiendront de grands efforts fans que leurs torons
fe dérangent.
Noms & ufages des cordages dont on vient de parle?.
Il y a des ports où l’on employé peu d’auffieres à
quatre torons ; dans d’autres on en fait quelquefois
des pièces de hauban depuis fix pouces jufqu’à dix,
des tournevires depuis fix pouces jufqu’à onze, des
itagues de grande vergue depuis fix pouces jufqu’à
onze, des auffieres ordinaires fans deftination pré-
cife, des francs-funins, des garants de caliorne, des
garants de palants, des rides, &c. depuis un pouce
jufqu’à dix.
Des grelins. Si l’on prend trois auffieres, & qu’on
les tortille plus que ne l’exige l’élafticité de leurs
torons, elles acquerront un degré de force élaftique
qui les mettras^n état de fe commettre de nouveau
les unes avec Tes autres ; & on aura par ce moyen
une corde compofée de trois auffieres, ou une corde
compofée d’autres cordes: ce font ces cordes
compofées qu’on appelle grelins. Ce terme, quoique
générique, n’eft cependant ordinairement employé
que pour les cordages qui n’excedent pas une
certaine groffeur ; car quand ils ont dix-huit, vingt,
vingt-deux pouces de circonférence, ou plutôt quand
ils font deftinés à fervir aux ancres, on les nomme
des cables; s’ils doivent fervir à retenir les grapins des
galères} 0fl les nomme des gummes, ou finalement
des cordages J e fonde; parce qu’on dit on italien, en
efpagnol, & en provençal, darefondoy darfondo,
donner fonde, pour dire mouiller.
Suivant l’idée générale que nous venons de donner
des grelins, il eft clair qu’il fuffit pour les faire,
de mettre des auffieres fur les manivelles du chantier
•& du quarté, comme on mettroit des torons, de tourner
ces manivelles dans le fens du tortillement des
auffieres, jufqu’à ce qu’elles ayent acquis l’élafticité
qu’on juge leur être néceffaire, de réunir les auffieres
à une feule grande manivelle par le bout qui répond
au quarré, de placer le toupin à l’angle de réunion
des torons, de l’amarrer fur fon chariot, & enfin
de commettre ce cordage comme nous avons dit
qu’on commettoit les grofles auffieres. C’eft à quoi
fe réduit la pratique des Çordiers pour faire des
grelins de toute forte de groffeur. Il eft feulement
bon de remarquer que, quoiqu’exaCtement parlant
les grelins foient compofés d’auffieres, neanmoins
les Çordiers nomment cordons les auffieres qui font
dëftinées à faire des grelins : ainfi lorfque nous parlerons
des cordons, il faut concevoir que ce foijt de
vraies auffieres, mais qui font deftinées à être com-
mifes les unes avec les autres pour en faire des grelins.
De cette façon les torons font compofés de fils
Amplement tortillés lés uns fur les autres ; les cordons
font formés de torons commis enfemble, & les grelins
de cordons commis les uns avec les autres. On
appelle fouvent câbler, lorfqu’on réunit enfemble
plufieurs cordons, au lieu qu’on fe fert du terme de
commettre lorfqu’on réunit des torons. Il eft bon d’expliquer
ces termes, pour fe faire mieux entendre des
ouvriers.
Les grelins ont plufieurs avantages fur les auffieres.
i°. On commet deux fois les cordages en grelin,
afin que lorfqu’ils auront à fouffrir quelque frottement
violent, les fibres du chanvre foient tellement
entrelacées & embarraffées les unes dans les autres,
qu’elles ne puiffent fe dégager facilement : quelques
fils viennent-ils à fe rompre, la corde eft à la vérité
affoiblie en cet endroit ; mais comme ces fils font tellement
ferrés par les cordons qui paffent deffus,
qu’ils ne peuvent fe féparer plus avant, il n’y a que
ce feul endroit de la corde qui fouffre, tout le refte
du cable eft auffi fort qu’auparavant ; & il n’y a pas
à craindre que cet accident le rende défectueux dans
les autres parties de la longueur du cordage, duquel
on peut fe fervir après avoir retranché la partie endommagée,
fuppofé qu’elle le foit au point qu’on
craignît que le cable ne pût réfifter dans cet endroit
aux efforts qu’il eft obligé d’effuyer.
2°. Les Çordiers prétendent, auffi-bien que la
plûpart des marins, que l’eau de la mer dans laquelle
ces cordages font prefque toujours plongés,
pénétreroit avec plus de facilité dans l’intérieur des
cables, fi on les commettoit en auffiere * & que cela
les feroit pourrir plus aifément. Nous ne croyons pas
que ce foit la façon de commettre les cordages qui
les rend moins perméables à l’eau : il ne faut pas nier
que l’eau pénétrera plus promptement & plus abondamment
dans un cordage qui fera commis mollement,
que dans un qui fera fort dur ; mais cette cir-
conftance peut regarder les cordages commis en grelin
, comme ceux qui le feroient en auffiere : auffi eft-
ce fur une meilleure raifon que nous croyons les grelins
préférables aux auffieres.
30. Nous avons prouvé qu’il étoit avantageux de
multiplier le nombre des torons ; i°. parce qu’un toron
qui eft menu , fe commet par une moindre force
élaftique qu’un toron qui eu gros ; 20. parce que
plus un toron eft menu, & moins il y a de différence
entre la tenfion des fils qui font au centre du toron,
& la tenfion de ceux de la circonférence ; le plus fur
Tome IK*
moyen de multiplier le nombre des torons, eft de
faire les cordages en grelin, puifqu’il ne paroîfc pas
qu’on puiffe faire des auffieres avec plus de fix torons
, au lieu que le plus fimple de tous les grelins en
a neuf ; & on feroit maître de multiplier les torons
dans un gros cable prefqu’à l’infini. On peut faire
des grelins avec toute forte d’auffieres ,& les com-
pofer d’autant de cordons qu’on met de torons dans
les auffieres ; ainfi on peut faire des grelins ,
Nombre des Nom de torons de Somms tdout aglree ldines.
I à 3 . . 3 . . . . . • 9
2 4 • • 3 ................. . 12
3 3 •• 4 ................. . 12
4 3 •• 5 ................. • >5
5 5 •• 3 ................. • >3
6 4 • • 4 ................ . l 6
7 3 • * 6 >. . . . . . . l8
8 6 . . 3 . . . . . . 18
9 4 • • . ✓ . . 5 ................ . 20
10 5 •• 4 ................. . 20
11 4 • • 6 ............. . 24
12 6 . . 4 . . . . . . 24
*3 5 •• 5 ................ • M
14 5 • 1 6 ................. . 30
15 6 . . 5 ............. . 30
16 6 . . 6 ................. . 36
Des archigrelins. Ce n’eft pas tout : il feroit poffible
de faire des cordes commifes trois fois ; nous les
nommerons des archigrelins, c’eft-à-dire des grelins
compofés d’autres grelins : en ce cas, les plus Amples
de ces archigrelins feroient à vingt-fept torons ; &
fi l’on faifoit les cordons à fix torons, les grelins de
même à fix cordons, & l’archigrelin auffi avec fix
grelins, on auroit une corde qui feroit compofée de
216 torons. On voit par-là qu’on eft maître de multiplier
les torons tant qu’on voudra. Les cordes en
feroient-elles meilleures ? J’en doute ; il ne feroit
guere poffible de multiplier ainfi les opérations, fans
augmenter le tortillement; & fûrement on perdroit
plus par cette augmentation du tortillement, qu’on
ne gagneroit par la multiplication des torons ; ces
cordes deviendroient fi roides qu’on ne pourroit les
manier, fur-tout quand, elles; feroient mouillées.
D ’ailleurs, elles feroient très-difficiles à fabriquer ,
& par conféquent très-fujettes à avoir des défauts.
Mais tous les grelins qu’on fait dans les ports font à
trois cordons, chaque cordon étant compofé de trois
torons, ce qui fait en tout neuf torons. On en fait
auffi, dans l’intention de les rendre plus propres à
rouler dans les poulies, qui ont quatre cordons ,
compofés chacun de trois torons ; ce qui fait en tout
douze torons. Il eft naturel qu’on faffe beaucoup de
grelins à neuf torons, puifque ce font les plus fimples
de tous & les plus faciles à travailler ; c’eft la
feule raifon de préférence qu’on puiffe appercevoir.
Mais fi l’on veut faire des grelins à douze torons ,
lequel vaut mieux de les faire avec trois cordons qui
feroient compofés chacun de quatre torons, ou bieil
de les faire avec quatre cordons qui feroient chacun
compofés feulement de trois torons ? On apperçoit
dans chacune de ces pratiques des avantages qui fe
compenfent : le grelin qui lera fait avec quatre cordons
fera plus uni, les hélices que chaque cordon
décrira feront moins courbes ; il reftera un vuide
dans l’axe de la corde, ou bien les torons fe rouleront
fur une meche qui empêchera qu’ils ne faffent
des plis fi aigus ; enfin ces grelins feront plus flexibles.
Mais les grelins à trois torons auront auffi des
avantages : ils n’auront point de meche ; les torons
qui compoferont les cordons feront affez fins,.à
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