ne effet quod nos pce ni ter et • il n’y auroit rien qui nous
affedlât de repentir. Cic. ad Quint. Fratr.l. I. ep.ij.
Souvent, dit Faber dans fon thréfor au mot poe-
nitet, les anciens ont donné un nominatif à ce verbe
: veteres & citm nominativo copularunt.
Pourfuivons notre analogie. Cicéron a dit, confcientia
peccatorum timoré nocentes ajficit (Parad. V .) ;
& Parad. II. tua libines torquent te , confcientia malefi-
ciorum tuorum fiimidantte ; vos remords vous tourmentent
: & ailleurs on trouve, confcientia fcelerum
improbos in morte vexât ; à l’article de la mort les médians
font tourmentés par leur propre confidence.
Je dirai donc par analogie, par imitation, confcientia
peccati pcenitet me, c’eft-à-dire ajfcit me pana ;
comme Cicéron a dit, ajficit timoré ,fiimulat, vexât,
torquet, mordet ÿ le remords, le fouvenir, la penfee
de ma faute m’affe&e de peine, m’afflige, me tourmente
; je m’en afflige, je m’en peine , je m’en re-
pens. Notre verbe repentir eft formé de la prépofi-
tion inféparable, re, rétro, & dé peine, je peiner du
pafjé : Nicot écrit fe pènerde; ainli fe repentir, c’eft
s’affliger, fepunir foi-même de • quem pcenitet, is , dolen-
do, à fe ,quafipanam fuce temeritatis exigit. Martinius jgjj Pcenitet.
Le fens de la période entière fait fouvent entendre
le mot qui eft foufentendu par exemple, Félix qui
potuit rerum cognofcere caufas (Virg. Gtorg. I. II. verj.
420 .), l’antécédent de qui n’eft point exprimé ; cependant
le fens nous fait voir que l’ordre de la conj-
truclion eft Me qui potuit cognofcere caufas rerum ejl
/dix.
Il y a une forte d’ellipfe qu’on appelle çeugma,
mot grec qui lignifie connexion, affemblage. Cette figure
fera facilement entendue par les exemples. Sal-
lufte a dit, non de. tyranno ,fed de cive : non de domino
,fed de parente loquimur ; oii vous voyez que ce
mot loquimur lie tous ces* divers fens particuliers, &
qu’il eft foufentendu en chacun. Voilà l’ellipfe qu’on
appelle [eugma. Ainfi le \eugma fe fait lorfqu’un mot
exprimé dans quelque membre d’une période, eft
foufentendu dans un autre membre de la même; période.
Souvent le mot eft bien le même, eu égard à
la lignification ; mais il eft différent par rapport au
nombre ou au genre. Aquilce volarunt, hcec ob oriente
, ilia ab occidente : la confiruclion pleine eft hcec volavit
ab oriente, ilia volavit ab occidente ; où vous voyez
que volavit qui eft foufentendu, diffère de volarunt
par le nombre : & de même dans Virgile (Æn. I. /.)
hic illius arma * hic currus fuit j oii vous voyez qu’il
faut foufentendre fuerunt dans le premier membre.
Voici une différence par rapport au genre : utinam
aut hicfurdus, aut hoec muta faclafit (Te r. And. acl.
l l l . f c . j . ) ; dans le premier fens on foufentend fac-
tus Jit, & il y a facta dans le fécond. L ’ufage de cette
forte de [eugma eft fouffert en latin ; mais la langue
Françoife eft plus délicate & plus difficile à cet égard.
Comme elle eft plus affujettie à l’ordre fignificatif,
on n’y doit foufentendre un mot déjà exprimé, que
quand ce mot peut convenir également au membre
de phrafe où il eft foufentendu. Voici un exemple qui
fera entendre ma penfée : Un auteur moderne a dit,
cette hifloire achèvera de defabufer ceux qui méritent de
Vêtre ; on foufentend defabufés dans ce dernier membre
ou incife, & c’eft dejabufer qui eft exprimé dans
le premier. C ’eft une négligence dans laquelle de
bons auteurs font tombés.
II. La fécondé forte de figure eft le contraire de
l’ellipfe ; c’eft lorfiqu’il y a dans la phrafe quelque
mot fiiperflu qui pourroit en être retranché fans rien
faire perdre du fens ; iorfque ces mots ajoutés donnent
au difcours ou plus de grâce ou plus de netteté,
ou enfin plus de force ou d’énergie, ils font une
figure approuvée. Par ex. quand en certaines occa-
fions on dit, je l'ai vude mes yeux, je lai entendu
de mes propres oreilles, ècc.je me meurs ; ce me n’eft-là
que par énergie*, C’eft peut-être cette raifort de l ’énergie
qui a confacré le pléonafme en certaines façons
de parler : comme quand on dit, c'efi une affaire
où il y va du falut de l'état ; ce qui eft mieux que fl
l’on difbit, c'efi une affaire où i l va, &c. en fup-
primanty qui eft inutile à caufe de où. C a r , comme
on l’a obfervé dans les remarques & dédiions de l’académie
Françoife, 1698, p. 39. i l y va, i l y a , il
en efi, font des formules autorifées dont on ne peut
rien ôter.
La figure dont nous parlons eft appellée pléonafme
, mot grec qui lignifie furabondance. Au refte la
furabondance qui n’eft pas confacrée par l’ufage, Sc
qui n’apporte ni plus de netteté, ni plus de grâce ,
ni plus d’énergie, eft un v ice, ou du moins une négligence
qu’on doit éviter : ainfi on ne doit pas
joindre à un fubftantif une épithete qui n’ajoûte
rien au fens, & qui n’excite que la même idée fpar
ex. une tempête orageufe. Il en eft de même de cette
façon de parler, il ejl vrai de dire que ; de dire eft entièrement
inutile. Un de nos auteurs a dit que Cicéron
avoit étendu les bornes & les limites de l’éloquence.
Défenfe de Voiture, pag. z. Limites n’ajoûte rien
à l’idée de bornes ; c’eft un pléonafme.
III. La troifiéme forte de figure eft celle qu’on appelle
fyllepfe ou Jynthefe : c’eft Iorfque les mots font
conftruits félon le fens & la penfée ,. plûtôt que félon
l’ufage de la confiruclion ordinaire ; par exemple
, monfirum étant du genre neutre, le relatif qui
fuit ce mot doit auffi être mis au genre neutre, monf-
trum quod. Cependant Horace, lib. I. od. g j . a dit,
fatale monfirum , qute generofius perire qucerens : mais
ce prodige, ce monftre fatal, c’eft Cléopâtre ; ainfi
Horace a dit quce au féminin, parce qu’il avoit Cléopâtre
dans l’efprit. Il a donc fait la confiruclion félon
la penfée, & non félon les mots. Ce font des hommes
qui ont, &c. font eft au pluriel auffi-bien que
ont, parce que l’objet de la penfée' défi des hommes
plutôt que ce, qui eft ici pris collectivement.
On peut auffi réfoudre ces façons de parler par
l’ellipfe j car ce font des hommes qui ont , &c. ce,
c’eft-à-dire les perfonnes qui ont, ôcc.font du nombre
des hommes qui , & c. Quand on dit lafoibleffe des hommes
éfi grande, le verbe efi étant au fingtilier , s’accorde
avec fon nominatif la fbibleffe j mais quand
on dit la plupart des hommes s'imaginent, &c. ce mot
la plupart préfente une pluralité à l’efprit ; ainfi le
verbe répond à cette pluralité, qui eft fon corrélatif.
C’eft encore ici une fyllepfe ou fynthefe, c’eft-
à-dire une figure, félon laquelle les mots font conftruits
félon la penfée & la chofe, plutôt que félon la
lettre &: la forme grammaticale : c’eft par la même
figure que le mot de perfonne , qui grammaticalement
eft du genre féminin, fe trouve fouvent fuivi
de il ou ils au mafculin ; parce qu’alors on a dans
l’efprit l’homme ou les hommes dont on parle qui
font phyfiquement du genre mafculin. C ’eft par cette
figure que l’on peut rendre raifon de certaines phra-
fes où l’on exprime la particule ne , quoiqu’il femblc
qu’elle dût être fupprimée, comme lorfqu’on dit,
je crains qu'il ne vienne, j'empêcherai qu'il ne vienne ,
j'ai peur qu'il n'oublie , &c. En ces occafions on eft
occupé du defir que la chofe n’arrive pas ; on a la volonté
de faire tout ce qu’on pourra, afin que rien
n’apporte d’obftacle à ce qu’on fouhaite: voilà ce
qui fait énoncer la négation.
IV. La quatrième forte de figure, c’eft Yhyperbate,
c’eft-à-dire confufion, mélange de mots : c’eft lorf-
que l’on s’écarte de l’ordre fucceffif de la confiruc-
tion fimple ; S axa vocant Itali , mediis , quce in fiuc-
tibus, aras (Virg; Æneid. I. I. v. ngd) ; la confiruc-
tioneû Itali vocant aras ilia fax a quce funt in fiucti-
bus mediis. Cette figure, étoit, pour, ainfi dire, naturellé
au latin ; comme il n’y avoit qùe les termi-
naifons des mots , qui dans l’ufage ordinaire fuf-
fent les fignes de la relation que les mots avoient
entre eu x, les Latins n’a voient égard qu’à ces ter-
minaifons, & ils plaçoient les mots félon .qu’ils
étoient préfentés à l’imagination, ou félon que cet
arrangement leur paroifloit produire une cadence
& une harmonie plus agréable ; mais parce qu’en
françois les noms ne changent point de terminai-
fon, nous fommes obligés communément de fui-
vre l’ordre de la relation que les mots ont entre
eux. Ainfi nous ne faurions faire ufage de cette figure
, que Iorfque le rapport des corrélatifs n’eft pas
difficile à appercevoir ; nous nè pourrions pas dire
comme Virgile :
Frigidus , ôpuerijfugite hinc , latet anguis in lierbâ.
'Eccl. III. v. 93.
L’adjeûif frigidus commence le vers, & le fubftant
if anguis en. eft féparé par plufieurs mots, fans que
' cette féparation apporte la moindre confufion. Les
terminaifons font aifément rapprocher l’un de l’autre
à ceux qui favent la langue : mais nous ne ferions
pas entendus en françois, fi nous mettions un
fi grand intervalle entre le fubftantif & l’adjeftif ; il
faut que nous difions fuye[ , un froid Jerpent efi caché
J'ous l'herbe.
Nous ne pouvons donc faire ufage des inverfions,
que lorfqu’elles font aifées à ramener à l’ordre fignificatif
de la confiruclion fimple ; ce n’eft que relativement
à cet ordre, que lorfqu’il n’eft pas fuivi, on dit
en toute langue qu’ily a inverfion,& non par rapport
à un prétendu ordre d’intérêt ou de pallions qui ne
fauroit jamais être un ordre certain, auquel on peut
oppofer le terme d’inverfiôn: incerta hcec f i tupofiules
ratione certa facere, nihilo plus agas , quant f i des operam
ut cum ratione infanias. Ter. Eun. ait. I. f c . j . v. iC,
En effet on trouve dans Cicéron & dans chacun
des auteurs qui ont beaucoup écrit ; on trouve, dis-
je , en différens endroits, le même fond de penfée
énoncé avec les mêmes mots, mais toûjours difpo-
fés dans un ordre différent. Quel eft celui de ces divers
arrangemens par rapport auquel on doit -dire
qu’il y a inverfion ? Ce ne peut jamais être que relativement
à l’ordre de la confiruclion fimple. Il n’y a
inverfion que Iorfque cet ordre n’eft pas fuivi. Toute
autre idée èftfans fondement, & n’oppofe inverfion
qu’au caprice ou à un goût particulier & momentanée.
Mais revenons à nos inverfions frariçoifes. Madame
Deshoulieres dit :
Que lesfoügiteux aquilons ,
Sous f à 'rtef, ouvrent de l'ondè
Les gouffres les plus profonds. D'èshoul.O</c.
La confiruclionfimple eft, que les aquilons fougueux ouvrent
fous fa nef les gouffres lés plus profonds de l'onde.
M. Fléchier, dans une de fes oràifons funèbres, a
dit,Jacrifice ou câuta U fang de mille viclimes ; la cônf-
truclion eft r facrifice où le fang de mille viclimes coula.
Il faut prendre garde que les trànlpofitions & le
rènvérfement d’ôrdrè rie donnent pas lieu à des phra-
fes louches , équivoques, & où l’efprit rie puiffe pas
aiférhént rétâbîir Fordre fignificatif ; car on ne doit
jamais perdré dé vu e , qu’on né parle que pour être
entendu: âirifi fôrfque les tranfpofitions même fervent
à la clarté ,‘ori q'ôîf, dans le difcours ordinaire,
lés préférer k la. confiruclion fimple. Madame Deshou-
lierës a dit : -
Dans leS trafffports qu'infpirO
Cette agféable fàifon ,
Où le coeur $ fi fon empire
Ajfujettit la raifon.
k ’éfprit faifit plus aif ément la penfée 7 que fi cette illuftre
dame avoit dit : dans les trànjports ÿ que cette
agréable faifon , où le coeur ajfujettit la raifon à fon empire,
infpire. Cependant en ces occafions-là mêmes
l’efprit apperçoit les rapports des mots, félon l’ordre
de la confiruction fignificative.
V. La cinquième forte de figure, c’eft l’imitation
de quelque façon de parler d’une langue étrangère
, ou même de la langue qu’on parle. Le commerce
& les relations qu’une nation a avec les autres
peuples , font fouvent pâffer dans une langue non-
feulement des mots , mais encore des façons dé
parler, qui ne font pas conformes à la confiruclion.
ordinaire de cette langue. C ’eft ainfi que dans les
meilleurs auteurs Latins on obferve des phrafes gre-
ques , qu’on appelle des hellenifmes : c’eft par une
telle imitation qu’Horaee a dit (/. III. ode go. v. iz .j
Daunus agrefiiumregnavit populorum.Lcs Grecs difent 6/2a.<rl\tvtn tuv Xam. Il y en a plufieurs autres exemples ;
mais dans ces façons de parler greques, il y a ou un
nom fubftantif foufentendu, ou quelqu’une de ces
prépofitions greques qui fe conftruifent avec le génitif
: ici on foufentend , comme M. Dacier l’a
remarqué, regnavit regnum populorum : Horace a dit
ailleurs* regnata rura. (/. II. od. vj. v. / /.) Ainfi quand
on dit que telle façon dé parler eft une phrafe gre-
que, cela veut dire que l’ellipfe d’un certain mot eft
en ufage en grec dans ces oeCafions, & que cette el-
lipfe n’eft pas en ufage en latin dans la confiruclion
ufuelle ; qu’ainfi cin ne l’y trouve que par imitation!
des Grecs. Les Grecs ont plufieurs prépofitions qu’ils
conftruifent avec le génitif ; & dans l’ufage ordinaire
ils fuppriment les prépofitions, enforte qu’il ne refte
que le génitif. C ’eft ce que les Latins ont fouvent
imité. ( Voye[ Sanftius, & la méthode de P. R. de l'hel-
lenifme, page Sôÿj) Mais foit en latin, foit en grec
on doit toûjours tout réduire à la confiruclion pleine
& à l ’analogie ordinaire. Cette figure eft auffi ufitée
dans la même làngue, fur-tout quand on paffe du
fens propre au fens figtiré. On dit au fehs propre,
qu'un homme a de P argent, une montre , un livre ; &
l’on dit par imitation, qu'il a envie, qu'il a peur, qu'il
a befoin, qu'il a fdim , &c.
L’imitation a dofiné lieu à plufieurs façÔhs de parler
, qui ne font que des formules que l’ufage a con-
facrées. On fe fert fi fouvent du pronom il pour rap-
peller dans l’ efprit la perforine déjà nommée, que
ee pronom a paffé enfuite par imitation dans plufieurs
façons de parler, où il rie rappelle l’idée d’aucun
individu particulier. U eft plûtôt une forte de
nom métaphyfiqUe idéal ou d’imitation ; c’eft ainfi
que l’on dit, il pleut, il tonne, il faut, il y a des gens
qui s'imaginent, &C. Ce il * illud, eft un mot qu’on:
employé par analogie, à l’imitation de la confirucà
non ufrielle qui donne un nominatif à tout verbe àù
mode fini. Airifi il pleut, c’eft le ciel ou le tems qui
eft tel, qu’il fait tomber la pluie ; il faut, c’eft-à-dire
celai illud, telle chofe eft néceffaire, favoir, &c.
VI. Oh rapporte à l’hellenifiné une figure remarquable
, qii’ort appelle attraction : en effet cette figure
eft fort ordinaire aux Grecs ; mais parce qu’on en
trouve auffi des exemples dans les autres langues ÿ
j’en fais ici une figure particulière.
Pour bien comprendre cette figure, il faut obier-
ver que fouvent le méchanifme des organes de la
parole apporte des changemens dans les lettres des
mots qui précèdent, ou qui fuivent d’autres mots ;
ainfi au lieu de dire régulièrement acLloqui aliquem ,
parler à quelqu’u n , on change le d de la prépofition
ad en /, a caufe de 17 qu’on va prononcer, & l’on
dit al-loqüi aliquem plûtôt que acLloqui ; & de même
ir-ruere au lieu de ifi-ruere, col-loqui au lieu de cum
ôu con-loqui, & c . ainfi 17 attiré une autre l , & c . ' •
Ce que le méchanifme de la parole fait faire à
l’égard dés lettres, la vûe de l’efprit tournée yers