
* Crocodile , B H U I Egyptièris ontJHH cet animal diverfement : il étoit adore clans quelques
contrées, 9 on l’apptivoifoii : on l’attachoit par les
pattes de’devant ; On lui mettoit aux oreilles des pierres
préeieufes, & on le nourriffôit de viandes con-
ftcréës jufqu’à ce qu’il mourut. Alors on l'cæbau-
rhoit; On renfermoit fa cendre dans des urnes, 8c
on la portoit dans la fépulture des rois. Il y ta avoit
d’affez fous pour fe féliciter de leur bonheur , s il
arrivoit qu’un crocodile eût dévoré quelques-uns de
leurs enfatts. Ailleurs on les abhorrait, oni les chaf-
foit , & or. les tuoit, 8c cela aulïi par un lentiment
de religion : ici on croÿoit que Typhon le meurtrier
d’Ofiris 8t l'ennemi de tous les dieux, s’étoit transformé
en Crocodile : d’autres en faifoient le fymbole
de la. divinité, 8c tiraient des préiages ùlu bon ou
mauvais accueil des vieux crocodiles. Si l’animai re-
cevoit des alimens de la main qui les lui prefontoit,
cette bonté s’interpfétoit favorablement; le refus
au contraire étoit de mauvais augure. Il ne s agit que
de mettre l’imagination des hommes en mouvement,
bien-rôt ils croiront lés extravagances les-plus outrées.
Le crocodile n’aura point de langue ; ■ aura autant
de dents qu’il y a dé jours dans l’an ; il y aura
des tems 8c des lieux o!i il ceffera d’etre malfaifant ;
certains Egyptiens en étQÎent là , 8r fonffroient très-
impatiemment qu’on leur reprochât leur lotte crédulité.
Celui qui ofoit foûtenir qu’un crocodile avait attaqué
un Egyptien ; quoiqu’ il fut fur le Nil 8t dans
une harime de papyrus, étoit un impie. I
C r o co d ile ’, (Belles leu.) en termes de Rkctort-
oue, lignifie une forte d’argumentation captieufe 8c
fophiftique, dont on fe fert pour mettre en defaut un
àdveffaire peu précautionné, 8c le faire tomber dans
tin piège. Foye%_ Sophisme.
On a appelle cette maniéré de raifonner crocodile,
à caiife de l’hiftoire fuivante Imaginée par les Poètes
ou par les Rhéteurs. Un crocodile; difent-ils, avoit
enlevé le fils d’une pauvre femme, lequel fe prome-
noit fur lés bords du Nil ; cette mere délolée fupplioit
l’animal de lui rendre fon fils; le crocodile répliqua
qu’il îè i ï ï î rendrait fain 8c fauf, pourvu qu’elle même
répondît jufte à la queftionfqu’il lui propoferoit.
Veu^-j't te rendre ion fils ou non,- lui demanda le crocodile:
la femme foupçonnant que l’animal vouloit
la tromper , répondit avec douleur : tu ni veux pas
me le rendre -, 8c demanda que fon fils lin fût rendu ,
comme ayant pénétré la véritable intention du crocodile.
Point du tout, repartit lémonftre, car f i j e te
lerendàïs.tu ti duraispoifit dit vrai; ainfi je ne puis te
le donner fans que ta première réponfe ne foit fauf-
f é , ce qui eft Contre notre .convention. Roye^ D l-
1 On peut rapporter à cette efpece de fophifme,les
prppofitioris appeliètsmentientes ou infolul-us, qui-fe
détruifent èlte-mêmes ; teltequ’eft cellede cè poète
Cretois ' omnes ad union Creccnfes femptr menliuntur;
tous les Cretois , fans en excepter un feul, mentent
toûjours. En effet, ou le poète ment quand il affine
que tous les Cretois mentent, ou il dit vrai. Or dans
run ou l’àutre cas il y a quelques Cretois qui ne men-,
tent pas. La propofition générale eft-donc néeeffai-
rcmint l'anffii. (U ) ' I , .
»CROCiOTE, f.lfiHiJI. une.) habillement léger,
de foie, 8c couleur de falran, à l’ufage des corné*
diennésV des prêtres dèCÿbele, 8c dssfèmmes galantes.
Ceux qui teignoient les emeotes s’appcüoicnt
crocotaires, crocotdni, du mot crocota, crocote,
CROCUS, Foye% Safran.
Crocus Ma r t is . Foye^ Safran de Mars.
Crocus Metallorum. Foye{ Safran des
Mé t au x . il ' , . V'."'
* CRODON, f.m. (Hifi.anc.) une des principales
idoles des anciens Germains. C ’étoit un Vieillard
à longue barbe, vêtit d’une robe longue, fanglé d’une
bande de toile, tenant dans la main gauche une roue,
ayant à fa main droite un panier plein de fruits & de
fleurs , & placé débout fur un poiffon hériffé de pi-
cjuans & d’écailles, qu’on prend pour une perche,
loutenu horifontalement par une colonne : on l’adora
particulièrement à Hartesbourg près de Goflar*
jufque fous le régné de Charlemagne, qui fît abbat-
tre là ftatue de Crodo, & beaucoup d’autres. Il y en
a qui font venir crodo de cronos, & qui croyent que
ce Crodo des Germains eft le Saturne des Grecs fe
des Romains ; mais cette conjefture n’eft autorifée
par aucun des attributs de la ftatue de Crodon.
CROIA , ( Géog.) ville forte de la Turquie , en
Europe, dans l’Albanie, proche du golfe de Venife,
fur l’Hifino. Long. 3 j . 18. lat. 4/. 46.
* CROIRE, v. a£t. & neut. (Métaphyfique.') c’eft
être perfuadé de la vérité d’un fait ou d’une prOpO-
fition, ou parce qu’on ne s’eft pa£? donné la peine de
l’examen, ou parce qu’on a mal examiné, ou parce
qu’on a bien examine. Il n’y a guere que le dernier
cas dans lequel l’affentiment puiffe être ferme & fa-
tisfaifant. Il eft auffi rare que difficile d’être content
de foi, lorfqu’on n’a fait aucun ufage de fa raifon ,
Ou lorfque Fufage qu’on en a fait eft mauvais. Celui
qui croit, fans avoir aucune raifon de croire, eût-il
rencontré la vérité, fe fent toujours coupable d’avoir
négligé la prérogative la plus importante de fa
nature, & il n’eft pas poffible qu’il imagine qu’un
heureux hafard pallie l ’irrégularité de fa conduite.
Celui qui fe trompe, après avoir employé les facultés
de fon ame dans .toute leur étendue, fe rend à
lui-même le témoignage d’avoir rempli fon devoir
de créature raifonnable ; fe il feroit aüfti condamnable
de croire fans exhmen, qu’il le feroit de ne pas
croire une vérité évidente ou clairement prouvée.'
On aura donc bien réglé fon affentiment, & on l’aura
placé comme on doit, lorfqu’en quelque cas & fur
quelque matière que ce foit, on aura écouté la voix
de fa çonfcience & de fa raifon. Si on eût agi autrement
, on eût péché contre fes propres lumières, &
abuféde facultés qui ne nous été données pour aucune
autre fin, que pour fuivre la plus grande évidence
& la plus grande probabilité : on rie peut contefter
ces principes, fans détruire la raifon fejetter l’homme
dans des perplexités fâcheufes. F .C rédulité,F o i.
* CROISADES, f. f. (Hift. mod. 6- eccléf.) guerres
entreprifes par les chrétiens, foit pour le recouvrement
des lieux faints, foit pour l’extirpation de l’hé-
réfie & du paganifme.
• Croifades entreprifes pour la conquête des lieux faints
Les fréquens pèlerinages que les chrétiens firent à la
Terre-fai nte, après qu’on eut retrouvé la croix fur
laquelle le fils de l'homme étoit mort, donnèrent lieu
à ces guerres fanglantes. Les pèlerins, témoins de la
dure lervitude fous laquelle gémifloient leurs freres
d’Orient, ne manquoient pas d’en faire à leur retour
de triftes peintures , & de reprocher aux peuples
d’Occident la lâcheté avec laquelle ils laiffoient les
lieux arrofés du fang de Jefus-Chrift, en la puiflance
des ennemis de fon culte & de fon nom.
On traita long tems les déclamations de ces bonnes
gens avec l’indifférence qu’elles méritoient, &
l’on étoit bien éloigné de croire qu’il viendroit jamais
des tems de ténèbres affez profondes, & d’un
étourdiffement affez grand dans les peuples & dans
les fouverains fur leurs vrais interets, pour entraîner
une partie du monde dans une malheureufe petite
contrée , afin d’en égorger les habitans, & de
s’emparer d’une pointe de rocher qui ne valoit pas
une goutte de fang, qu’ils pouvoient vénérer en ef-
prit de loin comme de près , & dont la poffeffion
étoit fi étrangère à l’honneur de la religion.
: Cependant ce tems arriva, & le vertige paffa de
la tête échauffée d’un pèlerin, dans celle d’un pontife
ambitieux & politique, & de celle-ci dans foutes
les autres. Il eft vrai que cet événement extraordinaire
fut préparé par plufieurs circonftances, entre
lefquelles on peut compter l’intérêt des papes &
de plufieurs fouverains-de l’Europe.; la haine des
chrétiens pour les mufulmans ; l’ignorance des laïcs,
l’autorité des eccléfiaftiques,' l’a vidité des moines ;
une paffion defordonnée pour les armes, & fur-tout
la néceffité d’une diverfion qui fufpendît des troubles
inteftins qui duroient depuis long tems. Les laïcs
chargés de crimes crûrent qu’ils s’en laveroient en
fe baignant dans le fang infidèle ; ceux que leur état
obligeoit par devoir à les defabufer de cette erreur,
les y confirmoient, les uns par imbécillité-& faux
zele, les autres par une politique intéreffée;-ferons
confpirerent à venger un hermite Picard des avanies
qu’il avoit effuyées en Afie, & dont il rapportoit en
Europe le reffentiriient lé plus vif.
L’hermite Pierre s’adreffe au pape Urbain II ; il
court les provinces & les remplit de fon enthoufiaf-
me. La guerre contre les infidèles eft propofée dans le
concile de Plaifance, & prêchée dans celui de Clermont.
Les feigneurs fe défont de leurs terres ; les moines
s’en emparent ; l’indulgence tient lieu de folde :
on s’arme ; on fe croife, fe l ’on part pour la Terre-
fainte.
La crofade, dit M. Fleury, fervoit de prétexte aux
gens obérés pour ne point payer leurs dettes ; aux
malfaiteurs pour éviter la punition de leurs crimes ;
aux eccléfiaftiques indisciplinés pour fecoiier le joug
de leur état ; aux moines indociles pour quitter leurs
cloîtres ; aux femmes perdues pour continuer plus
librement leurs defordres.’ Qn’on eflime par-là quelle
devoit être la multitude des croifés ?
Le rendez-vous .eft à Gonftantinople. L’hermite
Pierre, .en fandales & ceint d’une corde, marche
à la tête de quatre-vingts mille brigands ; car comment
leur donner un autre nom , quâncLon fe rappelle
les horreürs auxquelles ils s’abandonnèrent fur
leur route? Ils volent, maîTacrent, pillent , .& brûlent.
Les peuples feSoulèvent contr’eux. Cette croix
rouge qu’ils avoient prife comme la marque de leur
piété , devient pour les nations qu’ils traverfent le
fignal de s’armer fe de coürir fur eux. Ils font exterminés
; & de cette foule, il ne refte que vingt mille
hommes au plus qui arrivent devant Conftantinople
à la fuite de l’hermite.
Une autre troupe qu’un prédicateur Allemand ap-
pellé Godefcal tramoit après lui, coupable des mêmes
excès, fubit le même fort. Une troifieme horde
compofée de plus de deux cents mille perfonnes,
tant femmes que prêtres, payfans, écoliers,s’avance
fur les pas de Pierre & de Godefcal ; mais la fureur
de ces derniers tomba particulièrement fur les
Juifs. Ils en maffacrerent tout autant qu’ils en rencontrèrent;
ils croyoient, ces infenfés & ces impies,,
venger dignement la mort de Jefus-Chrift, en égorgeant
les petits-fils de ceux qui l’avoient crucifié. La
Hongrie fut le tombeau commun de tous ces affaf-
fins. Pierre renforça fes croifés de quelques autres
vagabonds Italiens & Allemands, qu’il trouva
devant Conftantinople. Alexis Comnene fe hâta de
tranfporter ces enthoufiaftes dangereux au-delà du
Bofphore. Soliman foudan de Nicée tomba fur eux,
& le fer extermina en Afie, ce qui étoit échappé à
l’indignation des Bulgares & des Hongrois, & à l’artifice
des Grecs.
Les croifés que Godefroi de Bouillon commandoit
furent plus heureux ; ils étoient au nombre de foi-
xante & dix mille hommes-de pié , & de dix mille
hommes de cheval. Ils traverferent la Hongrie.. Cependant
Hugues' frere de Philippe I. roi de France,
marche par l’Italie avec d’autres croifés; Robert duc
de Normandie, fils aîné de Guillaume le Conquérant
eft parti ; le vieux Raimond comte de Touloufe paffe
les Alpes à la tête de dix-mille hommes, & le Normand
Boemond, mécontent de fa fortune en Europe
, en va chercher en Afie une plus digne dé fon cou-
,Lorfque cette multitude.fut arrivée dans I’Afie mineure
, on en fit la revûe près de Nicée ; & il fe trouva
Cent mille cavaliers & fxx cents Un prit Nicée. Soliman fut battu deuxmi flolies .f aUnnta cffoirnpss.
de vingt mille hommes de pié fe de quinze mille cavaliers
affiégea Jérufalem , & s ’en empara d’affaut.
Tout ce qui n’étoit pas chrétien fut impitoyablement
égorgé ; & dans un affez court intervalle de tems, les
chrétiens eurent quatre établiffemens aii-miliqu des
infidèles, à Jérufalemà Antioche, à Eddie, fe à Tripoli..-'.u.f.o Ji Km ,
Boemond poffeda le pays.-d’Antioche. Baudouin frère de Godefroi alla jufqu’en Méfopotàmie s’emparer
de la ville d’Edeffe; Godefroi commanda dans
lJoéurfuef sa’léetmab, l&it ldea jnesu TnreiBpeorlit.r a;nd fils du comte de'Toû-
Hugues frere de Philippe I , de retour en France
avant la prife de Jérufalem, repafia en Afie avec une
nouvelle multitude mêlée d’AlIemans & d’Italiens ;
elle, étoit de trois cents mille hommes.. Soliman en
défit une partie ; l’autre périt aux environs de Conftantinople
, avant que d’entrer en Afie ; Hugues y
mourut prefqu’abandonné.
Baudôiiin régna dans Jéiufalem'après Godefroi ;
mais Edeffe qu’il avoit quittée, ne tarda pas à être
reprife, & Jérufalem où il commandoit à êtfe me?
nacée;,.
Tel. etoit l’etat foihlë & divifé des chrétiens en
Orient , lorfque le pape Eugene III. .propofa une autre
crofade. S. Bernard fon maître la prêcha à Veze-
lai en Bourgogne, où l’on vit fur le même échafaud
un moine & un fouverain exhortant alternativemënt
les peuples à cette expédition.. Soixante & dix mille
François fe croiferent fous Loriis le Jeune. Soixante
& dix mille Allemans fe croiferent peu de tems après
fous l’empereur Conrad 111, & les hiftoriens évaluent
cette émigration à trois cents mille hommes*
Le fameux Frédéric Barberouffe fuivoit fon oncle
Conrad. Ils arrivent : ils font défaits. L’empereur
retourna prefque feul, en Allemagne; & le roi de
France revint avec fa femme, qu’il répudia bientôt
après pour fa conduite pendant le voyage.
La principauté .d’Ajitioche fubfiftoit toûjours.’
Amauri avoit fuccédé dans Jérufalem à Baudôiiin
& Gui de Lufignan à ce dernier. Lufignan marche
contre Saladin, qui s’avançoit vers Jérufalem dans
le deffein de l’affiéger. Il eft vaincu & fait prifonnier.
Saladin entra dans Jérufalem ; mais il en ufa avec les
habitans de cette ville de la maniéré la plus honteu-
fe pour les chrétiens, à qui il fçut bien reprocher la
barbarie de leurs peres. Lufignan ne fortit de fes fers
qu’au bout d’un an.
Outre la principauté d’Antioche, les chrétiens
d’Orient avoient confervé au milieu de ces defaftres
Joppé , Tyr, & Tripoli. Ce fut alors que le pape Clément
III. remua la France, l’Angleterre, & l’Allemagne
en leur faveur. Philippe Augufte régnoit en
France, Henri II. en Angleterre, fe Frédéric Barbe-:
rouffe en Allemagne. Les rois de France & d’Angleterre
cefferent de tourner leurs armes l’un contre
l’autre pour les porter en Afie ; & l ’empereur partit
à la tête de cent cinquante mille hommes. Il vainquit
les Grecs & les Mululmans. Des commencemens fi
heureux préfageoient pour la fuite les plus grands
fuccès, lorfque Barberouffe mourut. Son année réduite
à fept à huit mille hommes, alla vers Antioche
fous la conduite du duc de Soiiabe fon fils, fe joindre