«3* D E N Tier d’après l’auteur '& s’attendrir avec le peuple J
être dans d’illufion •& n’y être pas : les nouveautés
■ fur-tout ont ce delavantage , qu’on y va moins en
fpeftateur qu’en critique. Là chacun -des connoif-
deurs eft: comme double’, & fon coeur a dans fon ef-
prit un incommode voilin. Ainli le -poète qui n’avoit
-autrefois que l’imagination à déduire, a de plus aujourd’hui
la réflexion à furprendre. Si le fil qui conduit
au dcnoiumint échappe à la v ite, on lé -plaint
qu’il eft trop foible ; s’il té laîffe appercevoir, on le
.plaint qu’il eft trop: grolfler. Quel parti doit prendre
fauteur ? celui de travailler pour- l’ame, & de compter
pour très - peu de choie la froide analyie de
l ’elprit. ; ;
De toutes lés péripétiesla reconnoiflatieè eft la
plus favorable à l'intrigue & au dénouement à ^intrigue,
en ce qu’elle eft précédée par firiceftitude
& le trouble qui ])roduifentl’intérêt : au dénouement,
en ce qü’ellé y répand tout-à-coup Biluihiere, &
renverfe en un mitant là fituation des perfonnages &
l’attente.des fpeâatebrs. Aufli a-t-elle été pour les
-anciens, une fource féconde de fituations intéreffan-
tes & de tableaux pathétiques. La reuonnoiflance
eft d’autant plus' belle, que les fituations dont elle
produit le changement font plus extrêmes, plus oppofées,
& que le palfage en eft plus prompt : par-là
celle d’OEdipe eft fublime. f'oycj R e c o n n O is -
SANCE.
A ces moyens naturels d’amener le dénouement,
fe joint la machine ou le merveilleux, refl’ource dont
il ne faut pas abuler, mais qu’on ne doit pas s’inter-
dire. Le merveilleux .a fa vraiflemblance dans les
moeurs de là pie.ee & dans ia- difpofition des efprits.
Il eft deux efpeces de vraisemblance, Lune de réflexion
& de. raifonnement; l ’autre: dè fentiment &
d’illufion. Un événement naturel eft füfceptible de
l ’une & de l’autre : il n’en eft pas toujours ainli d’un
événement merveilleux. Mais quoique ce dernier ne
foit le plus fouvent aux yeux de la raifon qu’une fable
ridicule & bifarre , il n’eft pas moins une vérité
pour l ’imagination féduite par l’illufion & échauffée
par l’intérêt. Toutefois pour produire cette efpece
d’enivrement qui exalté les: efprits & fubjdgué l’o-
.pinion, il ne faut pas moins que la chaleur de l’en-
;thouliafme> Une .aétion oit doit entrer le merveilleux
demande plus d’élévation dans le ftyle & dans
les moeurs, qu’une aftion toute naturelle. Il faut que
le fpeâateur emporté hors de l’ordre des chofes humaines
par la grandeur du fujet, attende & fouhaite
Tentremife des dieux dans des périls ou des malheurs
dignes de leur alfiftar.ee.
Nec deus interjit, niji dignus vindi'cc nodus , &c.
din^ ^Ue ^orne^ e a préparé la converfion
de Pauline, & il n’eft perfonne qui ne dife avec Po-
L-ucrc :
Elle a trop de vertus, pour n’Sire pas chrétienne.
On ne s’intéreffe pas de même à la converfion de
HKySj Corneille, de fon aveu I ne favoit que faire
de ce perfonnage ; il en a fait un chrétien. Ainfi tout
fujet tragique n eft pas’ lùfceptible de merveilleux :
il n’y a que ceux dont la religion eft la bafe, & dont
1 intérêt tient pour ainfi dire au ciel & à la terre qui
comportent ce moyen ; tel eft celui de Polieufte que
nous venons de citer; tel eft celui d’Athalie,,oiiles
prophéties de Joad font dans la vraiflemblance quoi-
que peut-être hors d’oeuvre ; tel eft celui d’OEdipe, qiii
ne porteque fur un oracle. Dans ceux-là, Tentremife *
des dieux n’eft point étrangère à l’aaion,& les Poètes
n ont eu garde d’y obferver ce faux principe d’Arifto-
te : Si L onftftrtd une machine, il faut que cefoit toujours
hors de l'aBiondi la tragédie; (il ajoute) ou pour
expliquer les chofes qui font arrivées auparavant, & qu i l
D E N n'cft paspoffible que l'homme fâche, ou pour avertir de
-celles qui arriveront dans la fuite, & dont il eft néceffaire
qu'on fou inftriût. On voit qu’Ariftote n’admet le mer-
'veuleux, que dans les fujets dont la conftitution eft
telle qu’ils ne peuvent s ’en paffer, en quoi l’auteur
de Semiramis eft d’un avis .précifément contraire : Je
youdroisfur-tout, ^dit-il, que l'intervention de ces êtres
fur naturels ne parut pas abfolument nécejfaïre ; & fUr ce
principe 1 ombre de Ninus vient empêcher le mariage
înçeftueux de Semiramis avec Ninias, tandis que
la feule lettre de Ninus, dépofée dans les mains dii
grand-prêtre, auroit fuffi pour empêcher cet incefte.
Quel eft de ces deux fentimens le mieux fondé ea
railons & en exemples ? Voye^ Merveilleux.
Le dénouement doit-il être affligeant 0« confolant)
nouvelle difliculté, nouvelles contradictions. Arif-
tote exclut de la tragédie les caraCteres abfolument
vertueux & abfolument coupables. Le dénouement,
- * f° n a v is , ne peut donc être ni heureux pour les
bons, ni malheureux pour les méchans. Il n’admet
que des perfonnages coupables & vertueux à demi,
qui font punis à la fin de quelque crime involontaire
j d ou il conclut que le dénouement doit être malheureux.
Socrate & Platon vouloient au contraire
^llf *a ^f^ d ie fe conformât aux lois, c’eft-à-dire
qu on vît fur le théâtre l’innocence en. oppofition
avec le crime ; que l’une fût vengée, & que l’autre
fut puni. Si l’on prouve que c’eft là le genre de tragedie
, non-feulement le plus utile, mais le plus in-
tereflant, le plus capable d’infpirer la terreur & la
pitié, ce qu Àriftote lui refiife, on aura prouvé que
le dénouement le plus parfait à cet égard eft celui où
fuccombe le crime & oii l’innocence triomphe, fans
prétendre exclure le genre oppofé. V. T ragédie.
Le dénouement de la comédie n’eft pour l’ordinaire
qu un eclairciflement qui dévoile une rufe, qui fait
cefler une meprife, qui détrompe les dupes, qui dé-
mafque les fripons , & qui achevé de mettre le ridicule
en evidence. Comme l’amour eft introduit dans
prefcjue toutes les intrigues comiques, & que la comédie
doit finir gaiement,. on eft convenu de la terminer
par le mariage ; mais dans les comédies de ca-
raéfere, le mariage eft plutôt l’achevement que le dénouement
de l’aâion. Voye? le Mifantrope 6* l'Ecole
des Marisy &c.
Le dénouement de la Comédie a cela de commuix
avec celui de la Tragedie, qu’il doit être préparé de
meme, naître du fond du fujet & de l’enchaînement
des fituations. Il a cela de particulier, qu’il exige à
Ia r,gu®“ r Ia Plus exafte vraiflemblance , & qu’il n’a
pas befoin d’être imprévu ; fouvent même il n’eft
comique, qu’autant qu’il eft annoncé. Dans la T ra-
gedie, c eft le fpedateur qu’il faut féduire : dans la
Comedie , c eft le perfonnage qu’il faut tromper; &
1 un ne rit des méprifes de l’autre , qu’autant qu’il
n en eft pas de moitié. Ainfi lorfque Moliere fait tendre
a Georges Dandin le piège qui amene le dénouement,
il nous met de la confidence. Dans le Comique
attendriflant, le dénouaient doit être imprévu
comme celui de la Tragédie, & pour la même rai-
lon’ emPÏoye aufli la reconnoiflance ; avec
cette différence que le changement qu’elle caufe eft
toujours heureux dans ce genre de Comédie, & que
dans . Tnigédie il eft fouvent malheureux. La re-
connoiffance a cet avantage, foit dans le comique de
rarattere, foit dans le comique de fituation, qu’elle
laifle un champ libre aux méprifes, fources de la
bonne plaifanterie, comme l’incertitude eft la fource
de l’intérêt. Voye^ C omédie, C omique Intrigue
, &c.
Après que tous les noeuds de l’intrigue comiqufe
ou tragique font rompus, il refte quelquefois des
eclairciffemens à donner fur le fort des perfonnages,
c eft ce qu’on appelle achèvement; les fujets bien con-
ftitués g
ftitués n’en ont pas befoin. Tous les obftacles font
dans le noeud , toutes les folutions dans le dénouement.
Dans la Comédie l’aftiôn finit heureufement
par un trait de cara&ere. Et m oi, dit l’Avare, je vais
revoir ma chere caflette. J’aurois mieux fait, je crois,
de prendre Célimene, dit l’Irréfolu. La tragédie qui
n’eft qu’un apologue devroit finir par un trait frappant
& lumineux, qui en feroit la moralité ; & nous
ne craignons point d’en donner pour exemple cette
conclufion d’une tragédie moderne, où Hécube expirante
dit ces beaux vers :
Je me meurs : rois , tremble{ , ma peine eß légitime ;
J'ai chéri la vertu, mais f ai fouffert le crime. n
Article de M. M a r m o n t e l .
DENRÉE, (Hift. mod. & Jùrifprud.) eft une certaine
mefure ou étendue de terre, ufitée dans quelques
pays , comme en Champagne. Ce terme vient
du latin denarium, denier ; d’où on a fait denariata,
denrées ; nom que l’on a donné à certaines marchan-
difes , parce qu’on les achetoit au prix de quelques
deniers. On a aufli donné ce nom, en quelques endroits
, à une certaine quantité de terre , qui n’eft
ordinairement chargée que d’un ou deux deniers de
cens ou redevance. La denrée de terre eft une portion
d’une plus grande mefure, qui contient plus ou
moins de denrées félon l’ufage du pays. Dans la pre^
vote de Vitry-le-François le journal ou journel de
terre ne contient que fix denrées : en d’autres endroits,
comme dans le comté de Brienne, dans celui de Rof-
n a y, & ailleurs, il en contient huit. La denrée eft de
8o perches. Voye,ç le gloftaire de Ducange , au mot
Denariata. (A )
D e n r é e s , efculenta, f. f. pl. ( Comm. ) eft le nom
qu’on donne aux plantes propres à notre nourriture,
comme artichaux, carotes, navets, panets, choux.
On peut diftinguer de großes & de menues denrées
: les grofles, comme le blé, le vin , le foin, le
bois ; les menues, comme les fruits, les légumes,
&c. Ce font ordinairement les Regrattiers qui vendent
les menues denrées. Les grofles ont des marchands
confidérables qui en font le négoce. Voye^ le
diclionn. du Comm. & Chambers. (G j
DENSE, adj. (Phyf') ce mot eft relatif. On dit
en Phyfique qu’un corps eft plus denfe qu’un autre ,
lorfqu’il contient plus de matière fous un même volume.
Le mot denfe s’employe pourtant quelquefois
abfolument, lorfqu’il s’agit des corps qui ont beaucoup
plus de matière que la plûpart des autres. Ainfi
on dit que l’or, le mercure, le plomb, font des corps
denfes : mais tout cela bien entendu, n’a qu’im fens
relatif. Voye{ D e n s i t é . ( O ) .
DENSITÉ, f. f. (Phyftque.)eû. cette propriété des
corps, par laquelle ils contiennent plus ou moins de
matière fous un certain volume, c’eft-à-dire dans un
certain efpace. Ainfi on dit qu’un corps eft plus denfe
qu’un autre, lorfqu’il contient plus de matière fous
un même volume. La denfité eft oppofée à la rareté,
Voye{ R a r e t é & C o n d e n s a t i o n .
Par conféquent, comme la maffe eft proportionnelle
au poids, un corps plus denfe eft d’une pefan-
teur fpécifique plus grande qu’un corps plus rare ; &
un corps eft d’autant plus denfe , qu’il a une plus
grande pefanteur fpécifique. Là denfité & le volume
des corps font deux des points principaux fur lef-
quels font appuyées les lois de la méchanique : c’eft
un axiome, que les corps d’une même denfité contiennent
une. quantité de mafle égale fous un même
volume. Si les volumes de deux corps font égaux,
lc,urs denfttés font comme leurs mafîes ; par confé-
quent les denfttés de deux corps d’un égal volume,
font entr’elles comme leur poids. Si deux corps ont la
même denfité, leurs mafles font comme leurs yoIu-
Tome 1 V.
mes ; & par conféquent les poids des corps de même
denfité, font entr’eux comme leurs volumes. Les
mafles de deux corps font entr’elles en raifon com-
pofée de leurs denfttés & de leurs volumes : par côn-
féquent leurs poids font aufli entr’eux dans ce même
rapport ; & fi leurs mafîes ou leurs poids font
les mêmes, leurs denfttés font en raifon inverfe de
leurs volumes. Les denfitès de deux corps font entr’elles
en raifon compofée de la direfte de leurs maf-
fes & de l’inverfe de leurs volumes. Toutes ces pro-
pofitions font aifées à démontrer par les équations
fuivantes. La denfité d’un corps eft le rapport de fa
mafle ( c ’eft à-dire de l’efpace qu’il occuperoit, s’il
étoit abfolument fans pores) à fon volume, c’eft-à-
dire à l’efpace qu’il occupe réellement. Donc nommant
D la denfité, M la maffe, V le volume, on a
D — y ; donc pour un autre corps on a d = - ; donc
D : d : ! “ , & D V m — d uM j d’où l’on tire
toutes les propofitions précédentes. V o y e^ M a s s e .
Les Péripatéticiens définiffent la denfité une qualité
fecondaire, par laquelle un corps eft plein de lui-
même, fes parties étant adhérentes les unes aux autres
fans aucun interftice. Ainfi la forme de la den-
Jité confifte, félon ces philofophes, dans l’adhérence
immédiate que les parties ont entr’elles : c’eft pour
cela que Porphyre dans fes prédicamens définit un
corps denfe, celui dont les parties font fi près l’une
de l’autre, qu’on ne peut interpoler aucun corps
entr’elles: mais il n’y a Joint de tel corps.
Ces philofophes attribuent ordinairement la caufe
de fe denfité au froid ; Scaliger & quelques autres l’attribuent
à l’humidité. Ne fèroit-il pas plus fage d’a-
voiier fon ignorance? Plusieurs d’entre les pbilofo-
phes modernes prétendent que la petiteffe des parties
des corps contribue beaucoup à leur denfité, parce
que les pores deviennent par ce moyen plus petits.
Cependant ces philofophes ajoutent que la den-
jitè des corps ne dépend pas feulement de la peti-
tefîe des pores, mais aufli de leur petit nombre, &ci
En effet, on eft fi éloigné aujourd’hui d’admettre
des corps abfolument denfes dans le fens des anciens,
que l’or même, qui eft le plus denfe & le plus
pefant de tous les corps, contient, félon l’obferva-
tion de M. Newton, beaucoup plus de vuides & de
pores, que de fubftance. Voye^ P o r e , O r , &c.
Quand les preflions de deux liquides contenus
dans des vafes cylindriques font égales, les quantités
de matière font égales : par conféquent fi les
colonnes ont desbafes égales, les volumes dés fluides
, c’eft-à-dire les hauteurs des colonnes font en
raifon réciproque des denfttés. On peut déduire de ce
principe une méthode pour comparer enfemble des
liqueurs différentes ; car fi On verfe différens fluides
dans des tuyaux qui communiquent entr’eux, & que
ces fluides s’y mettent en équilibre, leurs preflions
font égales ; & on trouve par conféquent le rapport
des denfttés, en mefurant les hauteurs.
On peut Comparer aufli lès'denfttés des fluides, en
y plongeant un corps folide; car fi on plonge fuc-
ceflivement dans lès liquides qu’on veut comparer
un corps folide qui foit plus leger qu’aucun de ces
liquides, les parties de ce fqlide s’enfonceront entr’elles
en raifon inverfe des denfitès des liquides.
En effet il eft évident par les principes de THydrof-
tatique,que la .partie déplacée dans chaque fluide
fera toujours d’un poids égal au folide qui y eft plongé
; ainfi cette partie déplacée, qui eft égale à la partie
enfoncée du corps, fera du même poids dans
tous ces fluides, & fera par conléquent en raifon inverfe
de la denfité. Voye[ F l u i d e , A r é o m è t r e ,
B a l a n c e h y d r o s t a t i q u e .
La denfité de l’air a été l’objet des recherches
des Philofophes depuis rexpcriêhcè de ToriccUi &
N N n n n