celui que Ton rend à Dieu ; ce qui eft défendu dans
le premier précepte du Décalogue: de ne fe repréfenter
jamais Dieu comme femblable aux hommes, moins
encore à d’autres animaux, ou comme ayant une
forme corporelle dans laquelle il foit renfermé ; ce
qui eft défendu dans le fécond précepte : de ne s’attirer
point le courroux & la vengeance de Dieu par
quelque parjure ; ce qui fait la matière du troifumt
précepte : de deftiner au culte divin une portion convenable
de notre tems ; ce que le quatrième & dernier
précepte de la première table infinue par l ’exemple
du fabbat, dont il recommande l’obfervation.
La fécondé table peut être de même déduite de
cette partie de la jujlice univerfelle, par laquelle la
loi naturelle ordonne, comme une chofe neceffaire
pour le bien commun, d’établir & de maintenir in-
violablement entre les hommes des domaines dif-
tinds, certains droits de propriété fur les chofes,
fur les perfonnes & fur les adions de celles.ci ; c’eft-
à-dire qu’il s’en faffe une diftribution fagement accommodée
à la plus excellente fin, & que l’on garde
celle que l’on trouve ainfi établie ; de forte que chacun
ait en propre du moins ce qui lui eft néceffaire
pour fe conferver & pour être utile aux autres ;
deux effets qui l’un & l’autre contribuent au bonheur
public.
Si nous cherchons plus diftindement ce qu’il faut
de toute néceflité regarder comme appartenant en
propre à chacun, pour le bien de tous, nous trouverons
que tout fe réduit aux chefs fuivans.
i° . Le droit que chacun a de conferver fa vie &
fes membres en leur entier, pourvu qu’il ne commette
rien de contraire à quelqu’utilité publique ,
qui foit plus confidérable que la vie d’un feul homme.
C ’eft à un tel droit que le fixieme précepte du
Décalogue défend de donner aucune atteinte ; & par-
là il permet non-feulement, mais encore il ordonne
un amour de foi-même reftraint dans certaines bornes.
De plus, chacun a droit d’exiger la bonne foi
& la fidélité dans les conventions qui n’ont rien de
contraire au bien public. Entre ces conventions,
une des plus utiles au genre humain , c’eft celle du
mariage, d’où dépend toute l’efpérance de laiffer
des fucceffeurs de famille, & d’avoir des aides dans
la vieilleffe ; c’eft pourquoi le feptieme précepte ordonne
à chacun de refpeder inviolablement la fidélité
des engagemens de ce contrat ; c’eft le moyen d’être
plus affûré que le mari de la mere eft le vrai pe-
re ; & en même tems ce précepte fraye le chemin à
cette tendreffe toute particulière que chacun a pour
fes enfans.
2°. Chacun a befoin abfolument de quelque portion
des chofes extérieures & du fervice des autres
hommes , pour conferver fa vie & pour entretenir
fa famille ; comme auffi pour être en état de fe rendre
utile aux autres. Ainfi le bien public demande que
dans le premier partage qu’on doit faire, on affigne
à chacun de tels biens, & que chacun conferve la
propriété de ceux qui lui font échûs ; enforte que
perfonne ne le trouble dans la joüiffance de Ion
droit : c’eft ce que preferit le huitième précepte.
3 ° . Il eft bon encore pour l’utilité publique, que
chacun, à l’égard de tous les droits dont nous venons
de parler, comme lui étant acquis, foit à l’abri
non-feulement des attentats réels , mais encore
des atteintes que les autres pourroient y donner par
des paroles nuifibles ou par des defirs illégitimes.
Tout cela eft défendu dans le neuvième & dixième
précepte du Décalogue. Au refte, de l’obéiffance rendue
à tous ces préceptes négatifs, il réfulte ce que
l’on appelle innocence.
Il ne fuffit pourtant pas de s’abftenir de faire du
mal à qui que ce foit; le bien commun demande encore
manifeftement que l’on foit difpofé par des
fentimens d’affedion à rendre fervice aux autres,
& qu’on le faffe dans l’occafion, par des paroles tk
par des adions, en tout ce que les préceptes du Décalogue
indiqués ci-deffus, infinuent être néceffaire
pour la fin que l’on doit fe propofer. De plus, la
bienveillance univerfelle acquiert de nouvelles forces
par les fecours de la reconnoiffance, ou même
par la feule vue de ceux qu’elle en peut tirer. Cette
vertu eft preferite dans le cinquième précepte du Décalogue
, dont j’ai renvoyé exprès à parler dans cet
endroit ; & quoique dans ce cinquième précepte il
ne foit fait mention expreffe que de la reconnoiffance
envers nos parens , qui font nos premiers
bienfaiteurs après D ieu , le pere commun de tous,
c’eft un exemple d’où nous pouvons apprendre, à
caufe de la parité de raifon, qu’il faut montrer les
effets de ce fentiment à tous ceux qui nous ont fait
du bien, de quelque maniéré que ce foit.
On ne peut étendre plus loin l’idée de l’humanité,
car on travaille fuffifamment au bien public , en
éloignant d’un côté les obftacles qui s’y oppofent,
& prenant d’autre côté des fentimens de bienveillance
qui fe répandent fur toutes les parties du fyftè-
me des êtres raifonnables, & procurent à chacun, autant
qu’il dépend de nous , ce qui lui eft néceffaire.
Enfin, comme les hommes ont en partage une
raifon qui leur enfeigne l’exiftence d’un être fouve-
rain, auteur de tous les biens dont ils joiiiffent, cet
être fouverain veut par conféquent qu’ils lui rendent
l’honneur qu’ils lui doivent, non parce qu’il en
a befoin pour lui-même, mais parce qu’il ne peut
point fe contredire, ni autorifer rien de contraire
à ce qui fuit néceffairement de la relation qu’il y a
entre le Créateur & les créatures : toutes les lois qu’il
leur a preferites tendent à les rendre heureufes ; or
pourroient-elles obferver ces lois, fi elles n’en véné-
roientpas l’auteur ? notre propre avantage ne demande
t-il pas encore que nous obfervions avant toutes
chofes ce premier devoir, puifqu’il eft le fondement
des autres, &que fans l’obfervation de ceux-là,on ne
fauroit pratiquer ceux-ci comme il faut ? Ces idées
font donc très-conformes à l’ordre des deux grands
préceptes du Décalogue, qui font le fommaire de toute
la lo i , d’aimer Dieu par-deffus toutes chofes , &
notre prochain comme nous-mêmes ; c’eft-à-dire de
reconnoître le Créateur comme notre fouverain
feigneur tout-puiffant, tout bon, tout fage, tout
parfait, & de procurer à nos femblables leur bonheur
, autant que cela dépend de nous.
Voilà un commentaire également judicieux &
philofophique du Décalogue ; je l’ài extrait du beau
traité des fois naturelles du dodeur Cumberland,
& je n’ai rien vu de fi bon dans aucun ouvrage de
Morale ou de Théologie fur cette matière. Je n’ ajouterai
qu’une feule remarque.
Quoiqu’il foit vrai que les préceptes du Décalogue
fe rapportent par eux-mêmes au droit naturel, ainfi
que le démontre l’illuftre évêque de Péterborough,
il me paroît néanmoins qu’en tant qu’on confidere
ces préceptes comme gravés fur deux tables & donnés
aux Ifraëlites par Moyfe , on peut les appeller
les loix civiles de ce peuple , ou plûtôt les principaux
chefs de fon droit civil, auxquels le légiflateur ajoûte
enfuite divers commandemens particuliers, accompagnés
d’une détermination précife des peines dont
il menaçoit les contrevenans. En effet, le Décalogue
ne parle point de tous les crimes, pas même de tous
ceux qui étoient puniffables devant le tribunal civil ;
il ne parle que des plus énormes de chaque efpece.
Il n’y eft point fait mention, par exemple, des coups
que l’on porte fans aller au-delà d’une bleffure, mais
feulement de l’homicide ; ni de tout profit illicite qui
tourne au détriment d’autrui, mais feulement du
larcin ; ni de toute perfidie, mais du feul faux tér
moignao'e. Le Décalogue ne contient donc que les
principaux chefs, ou les fondemens du gouvernement
politique des Juifs ; mais néanmoins ces fondemens
(mettant à part ce qui regardoit en particulier
la nation judaïque ) renferment des lois qui font
naturellement impofées à tous les hommes, & à
l’obfervation defquelles ils font tenus dans l’indépendance
de l’état de la nature, comme dans toute
fociété civile. Art. de M. le Chevalier de Ja u COUR T.
DÉCA LQUER, voye^ Calquer.
DÉCAMERIDE, f. f. eft, en Mufîque, le nom
des élémens du fyftème de M. Sauveur, qu’on peut
voir dans les Mémoires de L'académie des Sciences, année
tyoï.
Pour former un fyftème général qui fourniffe le
meilleur tempérament, & qui fe puiffe accommoder
à tous les fyftèmes ; cet auteur, après avoir di-
vifé l’odave en 43 parties qu’il appelle mérides, &
fubdivifé chaque méride en 7 parties qu’il appelle
eptamérides, divife encore chaque eptaméride en 10
autres parties, auxquelles il donne le nom de déca-
mérides. L’odave fe trouve ainfi divifée en 3010 parties
aliquotes, par lefquelles on peut exprimer fans
erreur fenfible les rapports de tous les intervalles
de la Mufique. Ce mot eft formé de S'Ua., dix, & de
ptpiç, partie. (S)
DÉCAMERON, f. m. ( Littérat. ) ouvrage contenant
des adions qui font paffées , ou des conver-
fations tenues' pendant l’efpace de dix jours. Le dé-
caméron de Bocace eft compofé de cent nouvelles,
qu’on fuppofe racontées en dix journées. Ce mot eft
compofé des deux termes grecs, S'îr.a, dix , &c wpi-
pa,9jour. ((r)
DÉCAMPER, v. n. c’eft, dans tArt milit. quitter
un camp pour en aller occuper un autre. Ainfi lorf-
qu’une armée quitte fon camp ou qu’elle leve le fié-
ge d’une place, on dit qu'elle décampe. On fe fervoit
autrefois du terme de déloger pour dire décamper.
Il eft dangereux de décamper devant l’ennemi,
parce qu’il peut tomber fur l’arriere - garde , & la
mettre en defordre. Lorfqu’on eft obligé de le faire,
on met toutes les troupes en bataille, & l’on fait
marcher la première ligne par les intervalles de la
fécondé : on fait enforte de lui faire paffer diligemment
les défilés & les ponts, & de la mettre en fi-
tuation de protéger & de foûtenir la marche de la
fécondé ligne qui paffe par les intervalles de la première.
Comme il eft difficile d’exécuter sûrement
cette manoeuvre lorfqu’on eft à portée de l’ennemi,
& qu’il en eft inftruit, on décampe ordinairement la
nuit & fans bruit, pour lui en dérober la connoif-
fance.
Quand on veut décamper de jour &■ dérober ce
mouvement aux ennemis, on envoyé fur leur camp
un gros corps de cavalerie avec les étendards, comme
fi l’on avoit deffein d’en attaquer quelque par- .
tie ; & pendant le tems que l’armée ennemie employé
à fe préparer pour s’oppofer aux attaques de
ce corps, & qu’elle cherche à pénétrer fon deffein,
l ’armée qui décampe fait fon mouvement tranquillement
en arriéré ; elle fait occuper les différens
poftes qui fe trouvent fur fa route les plus propres
à arrêter l’ennemi. Lorfqu’il y a des défilés, on en
fait garder l’entrée par dés corps de troupes , capables
de foûtenir l’arriere-garde en cas qu’elle foit
pourfuivie par l’ennemi.
M. le marquis de Feuquieres prétend que la bataille
de Senef ne fut occafionnée que par l’oubli de
cette attention de la part du prince d’Orange. « Il
» voulut, dit ce célébré officier, décamper de Senéf
» & marcher à Binche, en prêtant le flanc à l’armée
» du Roi dans le commencement de fa marche. Il
» avoit à paffer 2 ou 3 petits défilés, féparés les uns
» des autres par de petites plaines, capables pour-
» tant de contenir un corps affez puiffant pour rece-
» voir fon arriere-garde, en cas qu’elle fût chargée
» & renverfée. Si ce Prince avoit eu la précaution
» de laiffer des troupes dans la première petite plai-
» ne, pour y recevoir fon arriere-garde qui étoit de*
» dans &c derrière le village de Senef, il eft certain
» que M. le prince de Condé n’auroit pû entrepren-
» dre que fur cette arriere-garde, dans le tems qu’*
» elle le feroit mife en mouvement pour quitter ce
» village & la petite plaine qui étoit derrière, &
» qu’il n’auroit pû pouffer les troupes que jufqu’au-
» premier défile. Mais l’ennemi préfomptueux, dit
» toûjours M. de Feuquieres, à qui M. le prince, à
» la faveur d’une petite hauteur qui étoit au-deffus
» du village de Senef, cachoit toute fa difpofition
» pour l’attaquer, méprifant les attentions particu-
» lieres & judicieufes fur cette conftitution de pays,
» continua fa marche comme fi la colonne n’avoit
» pas été occupée p|r ces défilés, & qu’elle n’eût
» pas à craindre un ennemi voifin de qui on' ne pou-
» voit pas voir les mouvemens : faute dont M. le
» prince profita fur le champ par le fuccès que tout
» le monde a sû qu’avoit eu la bataille de Senef ».
Mem. du marq. de Feuquieres.
M. le maréchal de Puyfegur prétend , dans fon
livre de Y Art de la guerre , que c’eft une opinion vulgaire
de croire que toute armée qui fe retire étant
campée très-proche d’une autre, foit toûjours en rif-
que d’être attaquée dans fa retraite avec defavanta-
ge pour e lle, & qu’il y a fort peu d’occafions où l’on
lé trouve expofé au danger lorfqu’on a étudié cette
matière, & qu’on s’y eft formé lur le terrein. Voye^
M a r c h e & R e t r a i t e . ( Q )
D É C A M Y R O N , f. m. ( Pharm.) c ’eft le nom
d’un cataplafme dont il eft parlé dans Oribafe, à qui
on a donné ce nom, parce qu’il eft compofé de différens
aromats. Chambers & James.
DÉC AN, ( Géog. mod.) royaume des Indes dans
la prefque île en deçà du Gange, au midi du Mogol
dont il eft une province confidérable. Hamenadagor
en eft la capitale.
D ÉCANAT, f. m. (Jurifp. & HiftY) eft la qualité
& la fondion de doyen d’une compagnie ; dans un
chapitre on dit le doyenné ; dans les compagnies laïques
on dit le décanat. Dans les chapitres, le doyenné
eft ordinairement une dignité ; dans les compagnies
laïques, le décanat n’eft communément attaché
qu’à la qualité de plus ancien. On parvient à fon tour
au décanat ; & quoiqu’il n’y ait point d’autre mérite
à être plus ancien que les autres, & qu’en ce fens la
qualité de doyen ne foit point du tout flatteufe ni honorable
, fi ce n’eft parce qu’elle peut faire préfumer
plus d’expérience que dans ceux qui font moins anciens,
cependant comme l’homme tire vanité de tout,
celui qui eft le plus ancien d’une compagnie ne manque
point de prendre la qualité de doyen. Voye^ ci-
après D o y e n # D o y e n n é . (A)
DÉCANISER > v. n. ( Jurijpr.) fignifie remplir la
place de doyen, en faire les fondions. Il n’y a que
le doyen d’une compagnie qui ait droit de décanifer;
mais en fon abfence le fous-doyen-, ou à défaut de
celui-ci, le plus ancien fuivant l’ordre du tableau,
décanife. Voye{ D É C A N A T & D o y e n , D OYENN É.
(A)D
ÉCANTER, v. ad. & DÉCANTATION, f. f.
( Chimie & Pharmacie. ) on fe fert de ce terme pour
exprimer l’adion de verfer doucement & fans troubler
, une liqueur qui s’eft clarifiée d’elle-même par
le dépôt qui s’eft formé au fond du vafe où elle eft
contenue ; c’eft ce qu’on nomme auffi verfer par inclination.
La décantation eft employée , foit pour féparer
une liqueur dont on a befoin de deflùs des feces
que l’on-veut rejetter ; foit qu’on ait le dépôt en