tain art ou une certaine fcience.- Il eft clair que chacun
doit rechercher & apprendre non-feulement ce
qui eft néceflaire à tous les hommes, mais encore à
fon métier ou à fa profeflion.
Les devoirs de l’homme par rapport aux foins du
corps, font d’entretenir & d’augmenter les forcés
naturelles du corps, par des alimens & des travaux
convenables ; d’oÜ l’on voit clairement les excès &
les vices qu’il faut éviter à cet égard. Le foin de fe
conferver renferme les juftes bornes de la légitimé
défenfe de foi-même, de fon honneur & de les biens.
V^oye^ D é f e n s e ' d e s o i - m ê m e , H o n n e u r .
Je paffe aux devoirs de l’homme par rapport à- autrui,
& je les déduirai plus au long. Ils fe réduifent
en général à deux'clafles> : l’une de ceux qui font
uniquement fondés fur les obligations mutuelles , où
font refpeûivement tous les hommes confideres
comme tels : l’autre de ceux qui fuppofent quelque
établiffement humain, foit que les hommes 1 ayent
eux-mêmes formé , ou qu’ils l’ayent adopte ou
bien un certain état acceffoire , c’eft-à-dire un état
oit l’on eft mis en conféquence quelque aûe humain
, foit en naiffant, ou après être ne : tel eft ,
par exemple, celui oit eft un pere & Ion enfant, 1 un
par rapport à l’autre ; un mari & fa femme ; un maître
& fon ferviteur ; un fouverain & fon fujet.
Les premiers devoirs font tels que chacun doit les
-pratiquer envers tout autre, au lieu que les derniers
n’obligent que par rapport à certaines perfonnes, &C
pofé une certaine condition , ou une certaine fitüâ-
tion. Ainfi on peut appeller ceux-ci des devoirs conditionnels
, & les autres des devoirs abfolus.
Le premier devoir abfolu , qu de chacun envers
tout autre, „cf eft de ne faire de mal àperfonne. Ç eft-
là le devoir le plus general : car chacun peut 1 exiger
de fon femblable en tant qu’homme , & doit le pratiquer
; c’eft aufli le plus facile , car il confifte Amplement
à s’empêcher d’agir, ce qui ne coûte guere,
à moins qu’on ne fe foit livré fans retenue à des paf-
fions violentes qui réliftent aux plus vives lumières
4e la.raifon : c’eft enfin le plus néceflaire ; car fans
la pratique d’un tel devoir , il ne fauroit y avoir de
fociété entre les hommes.. De ce devoir fuit la ne-
ceflité de réparer le mal, le préjudice,.le dommage
que.l’on auroit fait à autrui. Voye^ D o M -
M A. GÆ, . . .
Ce fécond devoir général abfolu des hommes , eft
que chacun doit eftimer & traiter les autres comme
autant d’êtres qui lui font naturellement égaux,, c’eft-
à-dire qui font auflî-bien hommes que lui, car il s’agit
ici d’une égalité naturelle ou morale. Voye^ É G A L
IT É . • ' :rr:.-.r r r.i . . .. ., e;;
Le troifieme devoir général refpectif des hommes
çonfidérèsj'comme membre de la fociété , eft que
chacun, doit contribuer autant qu’il le peut commodément
à l’utilité d’autrui. On peut procurer l’avantage
d’autrui d’une infinité de maniérés differentes,
dont plufieurs font indilpenfables. On doit meme
aux autres des devoirs, qui fans être néceffaires
pour la confervation du.genre humain , fervent cependant
à la r e n d r e plus, belle 6c plus heureufe.Tels
font les devoirs de là* eompaflion , de la libéralité ,
de la bénéficence ,.de la reeonnoiffance, de l’hofpi-
talité , en un mot, tout ce. que l’on comprend d’orr,
dinaire fous le nom d’humanité ou de charité , par.
oppofition à la juftice rigoureufe, proprement ainfi
nommée j:'dont les devoirs font le plus fouvent fondés
fur:quelque convention. Mais il faut bien remarquer
que dans une nçceflité extrême , le droit imparfait
que donnent les lois de la charité, fe change en
droit parfait ; de forte qu’on peut alors fe faire rendre
par force, ce qui, hors un tel cas , devroit être
laiffé à la confcience 6c à l’honneur de chacun,
ybyeiC ompassion , Lib é r a l it é ,R econnchs**
sance , Ho sp it a l ité , Human ité.
Les devoirs conditionnels de l’homme envers fes
fembfàbles, font tous ceux où l’on entre de formé- ■
me avec les autres par des engagemens volontaires
, exprès, ou tacites. Le devoir général que la loi
naturelle prefcrit ic i , c’eft que chacun tienne in--’
violablement la parole , ou qu’il effe&ue ce à quoi
il s’eft engagé par uriè promeffeou par une convention.
Voye^ Promesse. , C onven tion.I
Il y a plulieurs établiffemens humains fur lefquels
font fondés les devoirs conditionnels de l’homme par-
rapport à-autrui. Les principaux de cés établiffemens
font l’ufage de la parole 5 la propriété des
biens , & le prix dès choies.
Afin que. l’admirable infiniment de la parole foit
rapporté à fon légitime lilage , 6c au deffein du
Créateur , on doit tenir polir une maxime inviolable
de devoir , de ne tromper perfonne par des paroles,
ni par aucun autre figne établi pour exprimer
nos penfées. On voit par-là combien la véracité
eft néceflaire , le menfonge blâmable , 6c les
reftri&ions mentales;, criminelles.Voye^ V é r a c i t
é ., M e n s o n g e , R e s t r i c t i o n m e n t a l e .
Les devoirs qui réfultent de la propriété des biens
confidérée en elle-même, & de ce à quoi eft tenu un
poffeffeuf de bonne f o i , font ceux-ci, i° . chacun
eft indifpenfablement tenu envers tout autre, excepté
le cas de la guerre , de le laiffer jouir paifîble-'
ment de fes biens,& de ne point les endommager,faire
périr , prendre , ou attirer à fo i, ni par. violence
ni par fraude, ni directement,ni indireClement.Par-là.
font défendus le larcin, le v o l, les rapines, les extor-
fioris, & autres crimes femblables qui donnent quelque
àtteinte aux droits que chacun a fur fon bien.
Foye^ L a rcin , &c. Si le bien d’autrui eft tombé
entre nos mains ,• fans qu’il y ait de la mauvaife
foi , 011 .aucun crime de notre part, 6c que la chofe.
foit encore en nature , il faut faire enforte , autant
qu’en, nous e ft , qu’elle retourne à fon légitime maître.
Voyt^ Pro priété , Possesseur.
Les "devoirs qui concernent le prix des chofes, fe
déduifent aifément delà nature & du but des engagemens
litres où l’on entre , il eft donc inutile de
nous y arrêter. Voyeç E n g a g e m e n t .
.Parcôurohs maintenant en peu de mots les devoirs
des états acceffoires, 6c commençons par ceux du'
mariage qui eft la première' ébauche dé là fociété ,
& la pépinière du genre humain.“ Le but de cette
étroite union demandé que les conjoints partagent
lés mêmes fentimens'd’àffeÇtion , lés'biens 6c les
maux qui leur arrivent, l’éducation de' leurs en-
fans , & le foin des affairés dômèftiqu'e'S’; qu’ils fe
confolent 6c fe foulagent dans leurs malheurs ; qu’ils
ayent une condescendance 6c une déférence mutuelle
;• en un mot, qu’ils mettent en oeuvre tout ee
qui peut perpétuer d’héuréufés chaînes ,• ou :adbttcir
l’ame.rtume; d’un hymen mal afforti., Voye^ Mariage
, Mari , Femme.
Du mariage viennent dès ènfans ; de -là naiffent
des devoirs ré ci prôqûés “entre les peres 6c meres 6c
leurs è.nfans.. Un perê 6c une' mère, doivent nourrir
& entretenir leurs énfans egalement 6c aufli commodément
qu’il leur eft pombl'e , former'lé corps'
& l’eiprit dès uns & des autres fâns auèunèpréfé-’
rençe, par une bonné édücatiôn Squï les rende, .utiles!
à leur patrie, gens de bien & dé bonnes moeurs.' ïis*
doivent leur faire embraffer de bonne heure ùneJ
profeflibh honnête & convenable ,"établir. & pouffer
leur fortune fuivantieursmoyens ,' & 'c . roy^P-ERE
îyljER^,.. ... ■ ; • ,, . ;■ ' ^ ;
Lès ènfans de leur ,côfé lônt tenus'drè chérir,
d’honorèr, de refpéftér dè'S perés & irières âtix-:-
quels ils ont de fi grandes obligations ; leur obéir,
leur rendre avec zele tous les fervices dont ils font
capables, lesaflifter lorfqu’ils fe trouvent dans le be-
foin ou dans la vieilleffe ; prendre leurs avis & leurs
confeils dans les affaires importantes fur lefquelles
ils ont des lumières & de l’expérience ; enfin , de
fupporter patiemment leur mauvaife humeur, & les
defauts qu’ils peuvent avo ir, &c,
■ Les devoirs acceffoires réciproques de ceux qui
fervent & de ceux qui fe font fervir, font de la part
des premiers le refpedl, la fidélité, l ’obéiffance aux
commandegiens qui n’ont rien de mauvais ni d’in-
jufte , ce qui fe fous-entend toujours en parlant de
l ’obéiffance que les inférieurs doivent à leurs Supérieurs
, &c. Le maître doit les nourrir, leur fournir
le néceflaire , tant en fanté qu’en maladie, avoir
égard à leurs forces & à leur adreffe naturelle pour
ne pas exiger les travaux qu’ils ne fauroient fupporter
, &c. Voye{ M a î t r e , S e r v i t e u r . Pour ce qui
eft des efclaves , Vbyeç E s c l a v e .
. Il me femble qu’il n’y a point d’avantages ni d’a-
grémens que l’on ne puiffe trouver dans la pratiqué
des devoirs dont nous avons traité jufqu’ic i , & dans
les trois acceffoires dont nous venons d’expliquer
la nature & les engagemens réciproques ; mais comme
les hommes ont formé des corps politiques, ou
d.es fociétés civiles, qui eft le quatrième des états ac-
c.effoires , ces fociétés civiles reconnoiffent un fouverain
& des fujets qui ont refpe&ivement des devoirs
à remplir.
La réglé générale qui renferme tous les devoirs du
fouverain, eft le bien du peuple. Lés devoirs particuliers
font , i ° . former les fujets aux bonnes moeurs :
a°. établir de bonnes lois : 30. veiller à leur exécution
: 40. garder un jufte tempérament dans la détermination
& dans la mefure des peines : 50. confier
les emplois publics à des gens de probité & capables
de les gérer ; 6°. exiger les impôts & les fub-
lides d’une maniéré convenable, & enfuite les employer
utilement : y°. procurer l’entretien & l’augmentation
des biens des fujets : 8°. empêcher les
faftions & les cabales : 90. fe précautionner contre
les invafions des ennemis. Voyt{ S o u v e r a i n .
Les devoirs des fujets font ou généraux , ou particuliers
: les premiers naiffent de l’obligation commune
où font tous les .fujets en tant que foûmis à un
même gouvernement, & membres;d’un même état.
Les devoirs particuliers réfultent des divers emplois
dont chacun eft chargé par .le fouverain.
Lcs devoirs généraux desafujets ont pour objet,
ou les conducteurs de l’état, ou tout le corps de l’état
, ou les particuliers d’entre leurs concitoyens.
, A l’égard des conducteurs de l’état, tout fujet leur
doit le refpeCt, la fidélité , & l’obéiffancè que demande
leur caraétere : par rapport à tout le corps
de l’état, un bon citoyen doit préférer le bien pu-;
biic à toute autre choie, y facrifier fes richeffes, &
fa vie même s’il eft befoin. Le devoir d’un fujet en-!
vers fes concitoyens , confifte à vivre, avec eux au-,
tant qu’il lui eft poflible en paix & en bonne union.
Voye^Sv j e t .
. Les devoirs particuliers des fujets. fôntlencore attachés
à certains: emplois , dont les fondions influentj
ou lur tout le gouvernement dè l’é ta t, bu
fur une partie feulement : il y a une maxime générale
pour les uns & les autres , c’eft de n’afpirer à
aucun emploi public , même de ne point l’accepter
lorfqu’on ne fe fent point capable de le remplir dignement.
Mais voici les principaux devoirs qui font
propres aux perlonnes revêtues des émplois les plus
confidérablep,
Uruniniftre d’état doit s’attacher à connoître les
affaires, lesnntérêts du gouvernement, & en particulier
de fon diftrift, fe propoler dans tous fes confeils
le bien public, & non pas fon intérêt partieu*
lier , ne rien diflimuler de ce qu’il faut découvrir,
& ne rien découvrir de ce qu’il faut cacher , 6*c..
Les miniftres de la religion doivent fe borner aux
fondions de leur charge ; ne rien enfeigner qui 11e
leur paroiffe vrai, inftruire le peuple de fes devoirs,
ne point déshonorer leur caradere , ou perdre le
fruit de leur miniftere par des moeurs vicieufes, &c.
Les magiftrats & autres officiers de juftice, doivent
la rendre aux petits & aux pauvres aufli exadement
qu’aux grands & aux riches ; protéger le peuple contre
l’oppreflion, ne fe laiffer corrompre ni par des
préfens , ni par des follicitations ; juger avec mefure
& connoiffance, fans paflion ni préjugé ; empêcher
les procès , ou du moins les terminer aufli
promptement qu’il leur eft poflible , &ç. Les généraux
& autres .officiers de guerre doivent maintenir
la difcipline militaire , conferver les troupes
qu’ils commandent,leurinfpirer des lentimens conformes
au bien public, ne chercher jamais à gagner
leur affedion au préjudice de l’état de qui ils dépendent
, &c. Les foldats doivent fe. contenter, de leur
p a y e , défendre leur pofte , préférer dans l ’occa-
fion une mort honorable à une fuite honteufe. Les
ambaffadeurs & miniftres auprès des piiiffances
étrangères doivent être prudens , circonlpeds , fidèles
à leur fecret & à l’intérêt de leur fouverain ,
inacceflibles à toutes fortes de corruptions, &c.
Tous ces devoirs particuliers des fujets que je viens
de nommer, finiffent avec les charges publiques,
d’où ils découlent : mais pour les devoirs généraux
ils fubfiftent toujours envers t e l , ou tel é ta t , tant
qu’on en eft membre.
L’on , voit par ce détail qu’il n’eft point d’adion
dans la fociété civile qui n’ait fes obligations & fes
devoirs, & l’on eft plus ou moins honnête homme,
difoit Cicéronà.proportion de leur.bbfgrvation ou
de le.ur négligence. Mais comme ces obligations ont
paru trop gênantes à notre fiecle, il a jugé à-propos
d’en alléger le poids & d’en changer la nature. Dans
cette vue , nous avons infenfiblement altéré la figni-
fication du mot de devoir.pour l ’appliquer à des
moeurs, des maniérés, ou des ufages frivoles:, dont
la pratique aifée nous tient lieu de morale. Nous
fommes convenus de fubftituer des oboles aux' pièces
d’or qui devroient avoir cours,
s II eft arrivé de-là que les devoirs ainfinommés chez
les; grands , Ôc qui font chez eux-la partie -la plusA
importante de l’éducation , ne confiftent guere que
dans des foins futiles, des apparences d’égard & de
refp’eft pour les fupérieurs , des réglés de contenance
ou de politefle , des complimens de bouche
ou p.ar écrit, des modes vaines , des formalités pué-,
riles , & autres fottifes de cette efpece que l’on inculque
tant aux jeunes gens , qu’ils les regardent à
la -fin comme les feules a&ions recommandables , à
l’obfervatiori defquelles ils foient réellement tenus.
Les devoirs du beau fexe en particulier font ‘aufli fa-,
cilesqu’agréables àfuivre. «Tous .ceux qu’on nous
» impofe ( écrivoit-il n’y a pas long-tems l’ingénieu-
» fe Zilia , dans, fes Lett. Péruv. ) fe réduifent à en-
» trer en :ùn jour dans le plus grand nombre de mai-
» fons qu’il èft poiîible\ pour y rendre & y rece-
», voir un tribut de louanges réciproques fur labeau-
» té du vifage , de la coëffure , & de la taille, fur.
».•Inexécution du goût ’& du choix des parures.
Il falloir bien que les devoirs de ce genre fiffent
fortune ; parce qu’outre qu’ils tirent leur origine de
l’oifiveté & du luxe , ils n’ont rien de pénible ; &
font extrêmement loués : mais les vrais ^«voir5 qui
procèdent de la loi. naturelle &: du Çhriftianifme
coûtent à remplir, combattent fans ceffe nos paflions
& nos vices ; 6c pour furcroît de dégoût, leur pratique
n’eft pas fuivie de grands éloges. Article de M,
le: Chevalier DE Ja UCO U R T ,